
La Une du Soir aujourd’hui : Les tambours bien synchronisés de la propagande de guerre tapent à rythme soutenu. Le pire est qu’il a raison : l’OTAN place de fait ‘Bruxelles’ en première ligne
La Russie est face à un dilemme sécuritaire mais c’est l’Europe qui prétend en avoir un
Mark Rutte : « J’ai arrêté depuis longtemps d’essayer de comprendre ce que les Russes disent »
Ne vous inquiétez pas, soyez heureux. Tous ceux qui craignaient un avenir dystopique se sont trompés (Jonathan Cook)
La petite phrase de Rutte est à elle seule extrêmement significative : c’est effectivement la meilleure façon de courir au conflit que de ne pas vouloir entendre « l’ennemi » (ou de faire semblant de ne pas le comprendre). Au moins Mark Rutte le dit ‘honnêtement’ !
Pas pour rien qu’on cherche à faire taire et à criminaliser toutes les sources d’information autres que les multiples voix de l’OTAN.
La Russie est face à un dilemme sécuritaire mais c’est l’Europe qui prétend en avoir un
Moon of Alabama – Le 18 décembre 2025
Hier, le président de la Fédération de Russie participait à une réunion élargie du conseil d’administration du ministère de la Défense.
Il s’agit d’un événement annuel destiné à récapituler les développements dans le domaine militaire au cours de l’année écoulée et à donner une perspective d’avenir de haut niveau. Cela va de la vue d’ensemble stratégique aux détails des opérations. On y discute fournitures d’armes, développement technique, problèmes médicaux, sociaux et logement des militaires. Le destinataire est principalement l’armée russe mais aussi le public national et international.
Le président Vladimir Poutine a pris la parole en premier, suivi d’une présentation détaillée du ministre de la Défense Andrey Belousov, suivie d’un autre discours de Poutine. Les deux parties de Poutine sont disponibles en anglais sur le site du Kremlin. La présentation de Belousov n’est disponible que dans la transcription en russe de l’événement. Karlof1 a mis en place une traduction automatique en anglais de toutes les discours sur son site Web. Il y a aussi une vidéo de l’événement disponible avec traduction en direct en anglais.
Le tout est bien long.
Le point le plus important, à mon avis, est que Poutine et Belausov ont déclaré qu’ils se sentaient concernés par le conflit potentiel avec l’OTAN. La Russie se sent menacée !
Ceci de la première partie de Poutine [emphase ajoutée]:
Nous sommes conscients que le régime de Kiev est soutenu par le potentiel des pays composant le plus grand bloc militaro-politique du monde, l’OTAN. Une assistance militaire à grande échelle est continuellement fournie, avec des conseillers, des instructeurs et des mercenaires envoyés, et des données de renseignement partagées.
…
Aujourd’hui, on constate que la situation géopolitique reste tendue partout dans le monde, et même critique dans certaines régions. Les pays de l’OTAN renforcent et modernisent activement leurs forces offensives, créent et déploient de nouveaux types d’armes, y compris dans l’espace.
Pendant ce temps, les Européens sont endoctrinés par la crainte d’une confrontation inévitable avec la Russie, avec des affirmations selon lesquelles des préparatifs doivent être faits pour une guerre majeure. Diverses personnalités qui ont occupé ou continuent d’occuper des postes de responsabilité semblent avoir tout simplement oublié ce que cette responsabilité implique.
Ils attisent l’hystérie, guidés par des intérêts politiques immédiats, personnels ou de groupe plutôt que par les intérêts de leur peuple. J’ai dit à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’un mensonge et d’un récit irrationnel que celui d’une menace russe imaginaire contre les pays européens. Mais ils le font délibérément.
La vérité est que la Russie a toujours, jusqu’au dernier moment possible, essayé, même dans les circonstances les plus compliquées, de trouver des solutions diplomatiques aux différends et aux conflits. La responsabilité de l’échec à utiliser ces chances incombe carrément à ceux qui croient qu’ils peuvent utiliser le langage de la force contre nous.
Nous continuons d’appeler au développement d’une coopération mutuellement bénéfique et égale avec les États-Unis et les pays européens, et à la création d’un système de sécurité commun dans la région eurasienne. Nous nous félicitons des progrès naissants dans notre dialogue avec la nouvelle administration américaine, ce qui n’est pas le cas des dirigeants actuels de la majorité des pays européens.
Dans le même temps, nous réalisons que nos forces armées restent le principal garant de la souveraineté et de l’indépendance de la Russie dans toute situation internationale. Comme je l’ai dit, nous devons travailler de manière cohérente pour les renforcer.
Belousov en fait l’écho (traduction automatique, emphase ajoutées):
L’analyse de la situation politico-militaire montre que les menaces à la sécurité militaire ont considérablement évolué au cours des trois dernières années. L’Alliance de l’Atlantique Nord continue de renforcer ses forces de coalition, préparant activement le déploiement de missiles à portée intermédiaire, mettant à jour la gamme d’armes nucléaires, modernisant la défense aérienne et antimissile et modifiant le système de déploiement de la mobilisation. L’efficacité du transfert des troupes de l’alliance sur le flanc oriental augmente, pour lequel il est prévu d’introduire un soi-disant “Schengen” militaire.
Les dépenses militaires augmentent considérablement. Aujourd’hui, l’alliance dispose d’un budget annuel de 1.600 milliards de dollars. Compte tenu de son augmentation progressive à cinq pour cent du PIB national, le budget de l’OTAN augmentera de plus d’une fois et demie – jusqu’à 2.700 milliards de dollars.
Tout cela indique que l’OTAN se prépare à un affrontement militaire contre la Russie. L’alliance prévoit de se préparer à de telles actions d’ici le tournant des années 2030, ce qui a été déclaré ouvertement à plusieurs reprises par les représentants officiels du bloc de l’OTAN. Nous ne menaçons pas – nous sommes menacés.
Conformément aux menaces importantes pour la sécurité militaire, la construction de forces armées modernes et de haute technologie est en cours. Je vais me concentrer sur les points les plus importants. …
Suivi par Poutine dans sa deuxième partie en ce qui concerne l’Ukraine:
Ils ont organisé un coup d’État, lancé des opérations militaires et délibérément – j’en suis convaincu, délibérément – précipité une guerre.
Le président Trump a déclaré que s’il avait été au pouvoir à l’époque, rien de tout cela ne se serait produit. Il a peut-être raison. Parce que l’administration précédente a délibérément amené les choses à un conflit armé. Et je pense que la raison est claire : ils pensaient que la Russie pouvait être rapidement démantelée et démembrée. Les “sous-fifres porcinets” européens se sont immédiatement joints aux efforts de cette précédente administration américaine, espérant profiter de l’effondrement de notre pays: récupérer ce qui avait été perdu dans les périodes historiques antérieures et exiger une forme de revanche. Comme il est maintenant devenu évident pour tous, chacune de ces tentatives, chaque conception destructrice contre la Russie, s’est soldée par un échec complet et total.
La Russie a démontré sa résilience dans l’économie, la finance, la politique intérieure, l’état de la société et, en fin de compte, dans sa capacité de défense.
…
Et nos forces armées sont à la hausse. Je le répète, beaucoup reste à faire, mais tout sera fait. Nous avons toujours déclaré – et je tiens à le réaffirmer – que nous restons prêts à négocier et prêts à résoudre tous les problèmes qui se sont posés ces dernières années par des moyens pacifiques. L’administration des États-Unis a fait preuve d’une telle volonté et nous sommes engagés dans un dialogue avec elle. J’espère que la même chose finira par se produire en Europe. C’est peu probable avec les élites politiques actuelles, mais ce sera inévitable à mesure que nous continuerons à nous renforcer, sinon avec les politiciens actuels, avec un changement des élites politiques en Europe.
« sous-fifres porcinets » est une traduction verbale du russe [под-свинки] ‘sous-porcs’. Cela signifie des petits porcelets qui dépendent entièrement de la truie mère.
La Russie est beaucoup plus petite qu’une OTAN unie. Il y a beaucoup moins de gens et d’argent. Les pays de l’OTAN s’arment. Leurs populations sont activement manipulées pour qu’elles voient la Russie comme étant l’ennemi. La Russie est dans un dilemme sécuritaire:
[Un] dilemme sécuritaire est lorsque l’augmentation de la sécurité d’un État conduit d’autres États à craindre pour leur propre sécurité. Par conséquent, les mesures de renforcement de la sécurité peuvent entraîner des tensions, une escalade ou un conflit avec une ou plusieurs autres parties, produisant un résultat qu’aucune partie ne souhaite vraiment ; un exemple politique du dilemme du prisonnier.
L’Europe fait semblant d’être dans un dilemme sécuritaire. Il est impossible que la Russie, avec la moitié de la population de l’Union soviétique et sans les alliés du Pacte de Varsovie, puisse marcher vers Berlin. Il est totalement irréaliste de dire que la Russie est un danger pour le reste de l’Europe.
Mais quand Belousov dit « nous sommes menacés« , il énonce un fait.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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« J’ai arrêté depuis longtemps d’essayer de comprendre ce que les Russes disent »
Philippe Regnier, Le Soir, 19 décembre
La guerre totale menée par la Russie contre l’Ukraine dure depuis bientôt quatre ans. Quelles perspectives de paix ? Peut-on encore compter sur l’Amérique de Trump ? La Russie s’en prendra-t-elle ensuite à d’autres pays ? Ex-Premier ministre néerlandais (pendant près de quatorze ans), secrétaire général de l’Otan depuis octobre 2024, Mark Rutte a reçu en amont du sommet européen Le Soir, Arte et Telex (Hongrie) au QG de l’Otan, dans le cadre d’un partenariat qui inclut aussi l’hebdomadaire italien Internazionale, El País (Espagne), Gazeta Wyborcza (Pologne), Ir (Lettonie), Kathimerini (Grèce) et Balkan Insight (Balkans occidentaux).
Le sujet brûlant du moment en Europe concerne le financement de l’Ukraine pour les prochaines années. Devons-nous utiliser ces avoirs russes immobilisés en Europe pour ce faire ? Pour montrer à Poutine – et même au président Trump – que nous ne sommes pas « faibles » ?
C’est bien sûr à l’Union européenne de prendre une décision à ce sujet. Ce qui m’importe, c’est le besoin d’argent. L’Ukraine aura besoin de 60 milliards de dollars l’année prochaine de notre part. Et cela concerne des matériels clés et cruciaux dont ils ont besoin pour poursuivre leur combat contre les Russes, y compris la livraison d’armes l’an prochain, pour un montant d’environ 15 milliards de dollars, voire plus, provenant du ministère de la Guerre américain et destinées à l’Ukraine, financées par les Canadiens et les alliés européens. Tout cela doit donc être fait. Cet argent doit être là. S’il ne provient pas des actifs, il doit provenir d’ailleurs. J’ai bien sûr mon opinion personnelle sur la question, mais je pense que je ne devrais pas l’exprimer, car en fin de compte, c’est une question qui relève de l’Union européenne, sous la direction d’Ursula von der Leyen, d’Antonio Costa et des 27 chefs d’Etat et de gouvernement.
Quel serait le message si ces actifs russes étaient mis à profit ?
Le message doit être clair : nous voulons soutenir l’Ukraine, et l’argent sera là d’une manière ou d’une autre. Si cela n’est pas avec les avoirs russes, il y a une autre voie. Et si c’est avec les avoirs, alors, c’est la solution. En fin de compte, Poutine doit savoir que nous ne lâcherons pas l’Ukraine. Comme vous le savez, nous nous sommes engagés à porter nos dépenses de défense à 5 %, 3,5 % pour la défense de base. Mais ce serait beaucoup plus élevé si Poutine venait à contrôler l’ensemble de l’Ukraine. Nos valeurs sont donc en jeu ici. Mais il s’agit également de notre propre intérêt. Cela coûterait beaucoup d’argent. Et cela impliquerait de sérieuses discussions sur vos budgets nationaux, la sécurité sociale, les pensions, etc., si vous deviez dépenser encore plus que ces 3,5 % ou 5 % pour faire face à la situation. Car Poutine aurait pris le contrôle de l’ensemble de l’Ukraine. Cela signifierait une Russie enhardie à nos frontières. [Inversion involontairement comique : c’est l’OTAN, en décidant contre l’avis de sa population qu’elle s’installerait en Ukraine, qui a voulu de fait avoir une OTAN clairement enhardie aux frontières de la Russie]
Etes-vous au courant de menaces spécifiques contre la Belgique en raison de ces discussions sur l’utilisation de l’argent, l’argent russe bloqué chez Euroclear ?
Je ne peux jamais parler de choses précises que je connais.
Pensez-vous qu’il soit possible d’arriver à un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine d’ici… la fin de l’année ?
C’est difficile à prédire, car pour y parvenir, il faut également l’accord des Russes, et ceux-ci sont toujours un peu imprévisibles. Ce que je sais, c’est que les Américains, les Européens et les Ukrainiens travaillent jour et nuit pour y parvenir, qu’ils font des progrès, qu’ils travaillent beaucoup actuellement sur les garanties de sécurité, afin de s’assurer qu’après un éventuel accord de paix ou un cessez-le-feu à long terme, l’Ukraine restera forte. Et que les Russes ne tenteront plus jamais d’attaquer l’Ukraine. Tout cela est donc en cours. Mais je ne vais pas faire de prédictions. Je pense que c’est très difficile.
Les Russes refusent d’ailleurs tout déploiement de troupes européennes en Ukraine au titre de garantie de sécurité.
Eh bien, j’ai arrêté depuis longtemps d’essayer de comprendre ce que les Russes disent, ne disent pas, etc. Je pense que c’est une bonne chose que nous nous concentrions désormais vraiment sur l’élaboration d’un accord solide sur le papier. Et bien sûr, il y aura des compromis à faire. On ne peut pas mettre fin à une guerre sans compromis. Mais sur la question importante des garanties de sécurité, de la reconstruction de l’Ukraine, je pense vraiment que de grands progrès ont été réalisés au cours des deux dernières semaines sous la direction du président Trump. C’est lui qui a débloqué la situation avec les Russes. Il était le seul à pouvoir le faire. Je pense donc que nous pouvons saluer son leadership pour cela. [‘compromis’, mais présence de troupes de pays de l’OTAN en Ukraine – autrement dit pas de compromis du tout]
Les Européens tentent depuis le début de participer aux négociations, mais sont-ils réellement pris au sérieux par Washington et peuvent-ils influencer les négociations de manière significative ?
Oui. Bien sûr, pendant plus de 17 ans, il y avait cette grande frustration (à Washington) que les Européens ne dépensaient pas autant que les Américains pour notre défense collective. Mais depuis le sommet de La Haye (en juin dernier) en particulier, l’Europe a vraiment intensifié ses efforts. Puis, après le sommet, l’Europe a décidé avec le Canada d’acheter des armes américaines livrées à l’Ukraine. Autre exemple d’implication : la coalition des volontaires, dirigée par l’Europe, par les Français, les Britanniques et les Allemands. Elle fera partie des garanties de sécurité pour l’Ukraine si la paix arrive ou s’il y a un cessez-le-feu à long terme. Et nous avons vu les Européens intensifier leurs efforts en matière de défense collective du flanc est. Tout cela donne donc de la crédibilité à la voix européenne au sein de l’Otan, y compris vis-à-vis des Américains. [l’Union Européenne (appelée abusivement ‘l’Europe’) ressemble de façon de plus en plus limpide au bras politique de l’OTAN, à l’autre face de l’OTAN. On se demande même si les membres de l’administration étatsunienne précédente ne s’y sont pas installés, attendant leur retour aux affaires ?]
Les Européens discutent de cette force de maintien de la paix en Ukraine, à défaut d’une adhésion à l’Otan. Concrètement, comment cela se passerait-il ?
La nature exacte de cette coalition européenne des volontaires est en cours de définition, je ne peux donc pas vous donner tous les détails à ce sujet, mais il est clair qu’en combinaison avec les forces armées ukrainiennes et la participation des Etats-Unis, puisqu’ils ont décidé de s’impliquer, nous faisons vraiment des progrès, même d’énormes progrès au cours des dix derniers jours. Mais tous les détails seront bien sûr révélés lorsqu’ils seront prêts.
Vous étiez présent en début de semaine lors des dernières discussions avec l’Ukraine, les Américains et les Européens, à Berlin. Avez-vous plus de détails sur ce que pourrait être ce filet de sécurité offert par les Etats-Unis afin de soutenir ces garanties de sécurité ?
Oui, mais encore une fois, je ne me sens pas libre d’entrer trop dans les détails. Car, premièrement, les détails sont en cours d’élaboration. Et, deuxièmement, il n’y a d’accord de paix que si l’ensemble de l’accord est en place, et cela implique les Russes. Mais je peux vous assurer que les Ukrainiens, les Européens, le Canada et les Américains sont tout à fait d’accord sur la question. Et leur raisonnement est le suivant : si ce n’est pas l’Otan (comme garantie de sécurité pour l’Ukraine, NDLR), nous devons nous assurer que Poutine comprenne qu’il ne peut pas recommencer. Cela ne peut pas être une répétition de Minsk 2. Et c’est pourquoi nous agissons ainsi. [« les Ukrainiens, les Européens, le Canada et les Américains sont tout à fait d’accord », ben oui, ils sont l’un des belligérents contre la Russie...]
Quand le président Zelensky semble mettre au frigo son aspiration à rejoindre l’Otan, cela ne nourrit-il pas le narratif de Vladimir Poutine, qui affirme avoir lancé son « Opération militaire spéciale » en Ukraine pour contrer la perspective d’une Otan « agressive » à ses portes ?
Non ! Je veux dire, c’était une déclaration complètement folle (de Poutine), car l’Otan est une alliance défensive [sic : cf par ex. la confession de l’ancienne conseillère spéciale de Biden, Amanda Sloat]. Nous savons tous que tout pays de la zone euro-atlantique peut demander à devenir membre. Cela ne signifie pas que cela se fait automatiquement. Il y a toujours eu un débat au sein de l’Otan sur une éventuelle adhésion de l’Ukraine, de la part de la Hongrie et d’autres pays, des Etats-Unis, l’Allemagne a quelques hésitations à ce sujet. Mais Poutine a maintenant perdu 1,1 million de ses propres concitoyens. Morts ou sérieusement blessés en Ukraine. Il en perd maintenant 25.000 par mois. Si c’était parce qu’il craignait que l’Ukraine devienne, un jour, peut-être, membre de l’Otan, sachant que cette discussion n’était pas terminée, ce serait une décision très étrange de sa part ! Mais cela prouve également qu’il est prêt à faire cela, à sacrifier 1,1 million de ses propres concitoyens. Ne soyons donc pas naïfs à propos de la Russie, avec un dictateur prêt à sacrifier autant de ses propres concitoyens.
L’Ukraine a aussi un énorme problème de main-d’œuvre sur le front…
Je dois dire que je suis vraiment impressionné par la capacité des Ukrainiens à constamment renouveler leurs effectifs militaires [mais il y a des dizaines de telles vidéos. Et oui, la personne qui les publie est sous sanction de l’UE]. Bien sûr, les Russes perdent actuellement 25.000 hommes par mois dans le Donbass, où ils mènent cette guerre insensée, et ils ont également du mal à maintenir les effectifs dont ils ont besoin. C’est donc un problème qui touche les deux camps, mais les Ukrainiens font preuve d’une grande créativité pour y parvenir. Ce que font les Européens, ce que nous faisons avec le Canada et les Etats-Unis, c’est nous assurer qu’ils disposent de tout l’équipement, des armes et des renseignements dont ils ont besoin pour mener cette guerre. [...c‘est bien la guerre de l’OTAN]
Mais pas de Tomahawks américains ou de Taurus allemands…
Evidemment, il y a toujours un débat sur tel ou tel système d’armement. Mais pour être honnête, aucun chef militaire ne vous dira qu’un seul système d’armement va changer le cours de la guerre.
Lors d‘un discours à Berlin, vous avez déclaré que « nous sommes la prochaine cible de la Russie, nous sommes déjà en danger ». Les citoyens européens doivent-ils se préparer à la guerre bientôt, voire très bientôt ?
Seulement si nous ne mettons pas en œuvre les décisions que nous avons prises à La Haye, avec un calendrier crédible. Premièrement. Deuxièmement : si nous décidons, tous, de faire en sorte que l’Ukraine ne perde pas cette guerre et que la Russie ne puisse s’emparer de toute l’Ukraine, car, sinon, les 5 % ne suffiront pas, alors, si nous faisons ces deux choses, nous n’aurons pas à nous inquiéter outre mesure. Car nous serons non seulement plus forts aujourd’hui, mais aussi plus forts à l’avenir.
Mais le ton de votre discours, la semaine dernière, était vraiment alarmant.
Parce que j’ai besoin que les citoyens et les responsables politiques européens réalisent que nous avons pris ces décisions par nécessité. Et cette nécessité est la suivante : j’ai déjà mentionné le 1,1 million de personnes que Poutine, ce dictateur, est prêt à sacrifier dans une guerre avec seulement de maigres gains (territoriaux) cette année. Il consacre 40 % de son budget à la défense. Toute l’économie russe est désormais axée sur la défense. Il ne s’agit pas seulement d’une menace sur terre, c’est une menace dans les airs, en mer. Nous assistons de plus en plus à des attaques hybrides contre le territoire de l’Otan. Et nous savons qu’il a investi dans certaines des technologies d’armement les plus récentes. Les derniers missiles qu’il a développés atteindront le sol européen en cinq à dix minutes. Nos systèmes de défense aérienne conventionnels ne peuvent pas les détruire. Il est donc erroné de penser que Bruxelles, Londres ou Valence, par exemple, ne se trouvent pas en première ligne. Nous sommes tous sur le flanc est. Encore une fois, nous sommes plus forts aujourd’hui. Il n’essaiera pas de nous attaquer aujourd’hui. Il ne le peut pas, et il ne le fera pas, car il sait que nous le combattrons et qu’il perdra. Mais en 2027, 2029, 2031, écoutez les différents services de renseignement de toute l’Europe… 2031, c’est demain, 2029, c’est cet après-midi, 2027, c’est maintenant. Nous devons donc rester fermes, nous ne pouvons pas être naïfs. Respectez vos engagements, tant en Ukraine qu’en matière de dépenses de défense. Alors nous pourrons vivre en paix. Si nous ne le faisons pas, nous risquons d’être confrontés à la guerre.
Certains diront que c’est trop alarmiste, que l’Otan est déjà en effet surpuissante comparée à la Russie, que tout cela ne fait que les affaires de l’industrie…
Eh bien, oui, assurez-vous donc de dépenser cet argent de manière à ce que, comme le fait d’ailleurs la Belgique et d’autres pays dotés d’une base industrielle de défense, vous tiriez un petit dividende de défense de tous ces investissements. Rien ne s’y oppose. Mais si vous craignez que votre industrie de défense se développe à cause de cela, alors ne dépensez pas cet argent, mais acceptez le fait que vous devrez peut-être parler russe dans cinq ou dix ans ! C’est la réalité, et je ne peux pas l’embellir. [....et on se laisse diriger par de pareils idiots]
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Ne vous inquiétez pas, soyez heureux. Tous ceux qui craignaient un avenir dystopique se sont trompés
Jonathan Cook, 13
décembre 2025
https://www.jonathan-cook.net/blog/2025-12-13/fear-dystopian-future-wrong/
Un monde où les entreprises dirigent les politiciens, promeuvent une guerre sans fin et manipulent secrètement l'opinion publique par le biais des médias. Heureusement, ces sombres visions n'ont jamais vu le jour
Essayez d'imaginer ce futur dystopique totalement intolérable :
1. Nous atteignons un point où les entreprises deviennent si grandes et si fabuleusement riches que les hommes politiques ne peuvent plus se permettre de les contrarier en légiférant pour limiter leur pouvoir. Les entreprises sont tout simplement trop grandes pour faire faillite.
2. Les hommes politiques ne font que feindre être en charge de la politique. Comme d'autres secteurs de la société, leurs services ont en fait été achetés par les entreprises. Secrètement, les politiciens donnent la priorité aux intérêts de ces entreprises et des milliardaires qui les soutiennent, au détriment des intérêts des citoyens qu'ils sont censés représenter. La démocratie sert de façade derrière laquelle règne une classe kleptocratique.
3. Les entreprises utilisent leur pouvoir pour faire adopter des lois qui leur permet de concentrer encore davantage leurs richesses. Elles monopolisent des pans entiers de l'économie, comme un parasite qui se nourrit du sang de son hôte. Lorsqu'elles gèrent mal ces monopoles, comme c'est le cas par intermittence, elles s'appuient sur la classe politique - leurs serviteurs - pour les renflouer avec de l'argent public.
4. Les plus gros profits sont réalisés grâce à la guerre, qui est omniprésente. Les entreprises utilisent leurs serviteurs politiques pour fabriquer des ennemis dont le public a besoin d'être protégé. C'est un grand succès. Dans une société guidée par la peur, le public est plus enclin à tolérer l'austérité - le démantèlement progressif des services publics, que les entreprises peuvent s'approprier et gérer comme des entreprises lucratives.
Le public est persuadé que le flux d'argent de sa poche vers les coffres des entreprises - pour développer la machine de guerre - est nécessaire à la sécurité nationale. On lui explique que ses libertés les plus chères doivent être sacrifiées pour éviter que la société ne devienne faible et vulnérable. Et les entreprises vilipendent tous ceux qui remettent en cause leur pouvoir, les qualifiant d'ennemis intérieurs, alliés à l'ennemi extérieur.
5. Cette grande tromperie ne fonctionne que parce que les milliardaires contrôlent également les médias, qui servent leurs intérêts. Les médias tolèrent une dissidence limitée pour donner au public le sentiment qu'il existe une pleine pluralité de voix. Mais quiconque exprime une véritable dissidence - qui remet en question le pouvoir des entreprises - est dénoncée par ces mêmes médias comme étant un illuminé, un socialiste, un antisémite ou un terroriste [ou ‘une 5e colonne’]. Rares sont ceux qui entendent leurs arguments, soit parce que ces étiquettes suffisent à justifier qu'on leur refuse une tribune, soit parce que les entreprises médiatiques utilisent leur contrôle sur la base algorithmique des communications modernes pour s'assurer que la dissidence est secrètement enfermée dans les culs-de-sac des médias sociaux.
6. Le rôle des médias s'accroît au fur et à mesure que le règne des entreprises se dégrade de manière de plus en plus catastrophique - les ressources nécessaires à une croissance sans fin s'épuisent ; les coûts externalisés du viol de la planète par les entreprises créent de plus en plus de déchets toxiques et perturbent l'équilibre fragile du climat.
Leur tâche consiste à distraire le public avec un régime sans fin de petites crises qui peuvent être imputées à des « ennemis », à la nature ou au hasard, mais jamais aux entreprises elles-mêmes. L'énergie du public est investie dans l'inquiétude et les débats sur la menace de l'Eurasie et de l'Estasie, les dangers du terrorisme, la menace posée par les immigrants, l'épidémie de stupéfiants, les urgences sanitaires, les événements météorologiques inattendus, l'apocalypse de l'IA, les dangers de la liberté d'expression, et ainsi de suite.
Et pendant que le public se préoccupe de ces questions, les entreprises extraient encore plus d'argent de l'économie, affirmant que cet argent est nécessaire pour protéger tout le monde de l'Estasie d'aujourd'hui, et de l'Eurasie de demain. Que de nouvelles technologies doivent être développées pour éradiquer le terrorisme et stopper l'arrivée des bateaux. Qu'une guerre sophistiquée est menée chez nous et à l'étranger contre les barons de la drogue. Qu'un nouveau monde de percées médicales est en cours d'élaboration. Que l'on investit dans des technologies « vertes » vitales qui sauveront la situation. On imagine des garde-fous pour l'IA. On cherche à concevoir des méthodes plus responsables pour encadrer la parole.
Tout cela n’était qu'une vision sombre d'un avenir possible. Ce scénario ne se réalisera pas. Nos sociétés sont trop solides, nos libertés trop sûres, les entreprises trop contrôlées pour que ce monde sombre puisse voir le jour.