Message transféré de Pierre Tripier <
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Date : Tue, 30 Jun 2009 09:37:29 +0200
Bonjour,
Après presque dix ans de retraite je me mêle de choses que beaucoup estimeront
ne me regarde pas. Cela vient de la coincidence entre l'article paru il y a
quelques jours dans Libération et la lecture que je faisais des Discours sur la
première décade de Tite Live de Machiavel (un superbe sociologue dont je ne
comprends pas pourquoi je ne l'ai pas plus enseigné) et une motion de
l'ASES-AFS. Les Discorsi de Machiavel analysent les dégats causés par la
corruption et nous met en garde : pour lui "une république corrompue n'est pas
réformable, il faut lui substituer la monarchie". La mention ASES-AFS s'en
prend aux seuls nommés, au Président et au vice-président A, or il est évident
que la perte de repères est plus générale et qu'elle a conduit certains élus à
se faire les complices ou bénéficiaires de la corruption.
Pardon à tous ceux qui ont déjà reçu cette lettre, et mes excuses aux
brillantissimes collègues promus, le hasard veut que mon ordinateur n'ait pas
leur adresse.
Pierre Tripier
Professeur de Sociologie de classe exceptionnelle à la retraite
Ancien membre du CNU de Sociologie
Syndiqué au SNESUP
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Le CNU de Sociologie, rang A , est majoritairement corrompu, il doit être
dissous.
Les trois seules promotions les plus prestigieuses de professeur de classe
exceptionnelle viennent d’être attribuées par les membres de rang A de
Sociologie du CNU, à des membres de rang A de Sociologie du CNU, c’est-à-dire à
ceux qui doivent, par la loi, juger des mérites de tous les professeurs de
sociologie en activité.
Il s’agit d’un cas flagrant de corruption, si l’on entend par là le fait de
faire passer, dans une position de responsabilité collective, ses propres
intérêts avant les intérêts généraux que la loi les fait charge de défendre.
Interrogé par le journal Libération, le président du CNU de sociologie a déclaré
que la majorité en avait décidé ainsi, donc il se pliait à cette décision.
Cette réponse mérite deux commentaires :
• Le premier est, que dans une position de responsabilité d’ordre rationnel
légal comme celle qu’il occupe, le rôle du président est d’indiquer à ses
collègues les normes de fonctionnement de l’institution. Or, dans des
situations où la corruption est un danger constant, la plupart des CNU refusent
que l’on soit juge et partie, en d’autres termes, ils obligent les membres du
CNU à attendre de ne plus en faire partie pour être candidats à une promotion.
Répondre que la majorité en avait ainsi décidé, donc confondre une institution
avec un marché, fut-il politique, relève de l’analphabétisme sociologique ou
d’un grand angélisme dans ses déclarations au journaliste qui l’a interrogé. On
sait en effet que les journalistes cherchent la petite phrase choc, et l’on ne
saurait croire qu’un éminent professeur d’une université prestigieuse du centre
de Paris montre à cette occasion une si complète méconnaissance de son rôle et
de ses devoirs au point de se plier à la loi de la majorité alors que sa tâche
est de rappeler les règles du jeu de l’institution qu’il préside. Sinon, il
faudrait plaindre ses étudiants et les collègues qui l’ont élu.
• Mais, par ailleurs, si cette promotion de membres du CNU aux seuls promotions
prestigieuses a eu lieu, c’est, comme le dit son président, qu’il y avait une
majorité favorable à cet acte de corruption.
Ceci veut dire que, dans ce collège A du CNU de Sociologie, il y a un
consensus majoritaire à se réserver les ressources les plus rares que la loi
suppose de distribuer équitablement. Nous les voyons déjà, prenant chacun son
tour pour être récompensés de leur contribution à cette première scélératesse,
comme dirait Machiavel (Discorsi, 2, 2). Un communiqué (AFS/ASES) s’en prend
aux nommés, mais y aurait-il eu majorité sans la complicité d’un certain nombre
d’élus ? Un des avantagés par l’acte de corruption n’est-il pas lui-même un élu
? N’y en a-t-il pas dans la file d’attente, à attendre le susucre promis ?
J’ai participé à des recherches sur des actes de corruption, il s’agissait de
détournements de fonds dans des organismes financiers. Une des parades me
disait-on, est la décentralisation. Une autre est le rappel des règles et une
organisation qui en contrôle l’application stricte. Car la corruption est
dangereuse. Comme l’indique son origine sémantique, elle est source de
dégradation de la « civilta » (Machiavel, Discorsi, 1,2), en d’autres termes,
de socialité. Si la corruption règne dans un organisme centralisé, il contamine
tout le corps. Il faut donc, vite, l’éradiquer.
Le Ministre des Universités et de la recherche doit donc dissoudre le CNU de
Sociologie et procéder à sa reconstitution. Cela suppose que les nouveaux
nommés soient différents des précédents. Et que les syndicats à leur tour
refusent de présenter la candidature des complices de la corruption. Mieux,
que les candidats aux élections s’engagent à ne pas demander de promotion
pendant qu’ils siègent au CNU.
Une autre solution, mais elle est rejetée par le milieu, serait de décentraliser
la décision de recrutement et de promotion.
Pierre Tripier
29 VI. 09