AIME CESAIRE+++++++++++++ ...... ET LES CHIENS SE TAISAIENT ( drame en trois actes ) ++++++++++++++++++ ACTE I (La scène est à Saint Domingue . ) ) à l’epoque de la Révolution française) La récitante. Je dis que ce pays est un ulcère. Le récitant. Je dis que cette terre brûle. La récitante. J’avertis : malheur à celui qui frôle de la main la résine de ce pays. Le récitant. Je dis que ce pays, monstrueusement, dévore. La récitante. Ce pays est maudit. Ce pays bâ l i lle, ayant craché l’ankylostome Cuba, une bouche de clameursvides. Le récitant. Ce pays mord : bouche ouverte d’une gorge de feu, convergence de crocs defeu sur la croupe de l’Amérique mauvaise. Le récitant. En marge des marées sautillantes, je marche sur l’eau des printempstournants ; j’aperçois très haut mes yeux de sentinelle. L’insomnie àtoute épreuve grandit comme une désobéissance le long des tempes libresde la femme à l’emphore, verseau, verseau tempête de germes, bouilloire. Toussaint. Je démèle avec mes mains mes pensées qui sont des lianes sans contractures et je salue ma fraternité totale. Saint-Domingue, tes fleuves enfoncent dans ma chair leur museau de sagouin, des forêts poussent aux mangles de mes muscles, les vagues de mon sang chantent aux cayes, je ferme les yeux, toutes mes richesses sous ma main, tous mes marécages, tous mes volcans, mes rivières pendent à mon cou comme des serpents et des chaines précieuses. Le choeur. Hurrah. Les Anglais sont perdus... Nos batteries d’approche balayentleurs remparts; nos batteries de brèche sont intallées... Saint-Marccraque... comme un vaisseau pourri... Le récitant. Toussaint est debout dans le grondement du fleuve... de la rive d’orcent guerriers lui lancent une cent sagaies... La poitrine de Toussaintest lunée de cicatrices... Le choeur. Saint-Marc cède... la fière... ses murailles s’écroulent ... noschevaux hument l’air mêlé de poudre et de tambour. La récitante. Toussaint, Toussaint c’est le jour de l’épreuve... Il vient... lemessager du roi ... il glisse ... sa bouche pleine de promesses ... leserpent siffle ... siffle ... Il tient Toussaint au bout de sa langue... Le choeur. Toussaint a pris tout seul le sentier de la guerre. Tout s’est tu.Fusils et canons se sont tus. Toussaint est nu... Le bouclier de pailletressée est à sa main gauche... Il s’arrête ... Il rampe ... Il s’immo­bilise un genou en terre ... Le torse est renversé comme une muraille...La sagaie est levée... ( A ce moment un cortège magnifique envahit la scène : pèlerins, che­vaux, chiens. Senteurs de musc et benjoin.) 1ère Une voix tentatrice. Ma voix froisse des mots de soie, ma voix souffle en ombelles des panaches, ma voix sans saison d’entre les vasques creuse mille songes harmonieux ma voix de cils aiguise justes mille insectes triomphants ma voix est un bel oiseau flamboyant d’or de mousseline de ciel, de désirs sans parade, mes voix humides roulent des ruisseaux de colombes sans effroi sur des galets de jaspe et d’ecbatane... Toussaint. Quelle est la cachée qui me traverse d’or et d’argent et m’assiègede dangers, de caresses inconnues? Le récitant. J’ai interrogé les dés sacrés. Je dis qu’il habite en toi un êtreroyal sommeillant sur un lit étroit. Toussaint. Je dis que la République a cloché un branle nouveau au monde en heur­tant trois mots d’or... 2 e Ière voix tentatrice. Ha, ha, ha. des mots, rien que des mots: pas trois; mille mots Tous­saint... O mon ami, naïf ami, veux-tu de l’argent? des titres? de laterre? Veux-tu être maréchal de camp? Grand d’Espagne? comme Liasson? Roi... c’est ça... tu seras Roi... je jure que tu seras Roi. Toussaint. Je tire un pied Oh. Je tire l’autre  pied laissez-moi sans m’insulter de promesses, me dégluer de la charogne et de la boue. 3 ème 2e voix tentatrice. ... Un roi. Quelle aventure. Et c’est vrai qu’il y a quelque choseen toi qui n’a jamais pu se soumettre, une colère, un désir, une tris­tesse, une impatience, un mépris enfin, une violence... Et voilà tesveines charrient de l’or, non de la boue, de l’orgueil, non de la ser­vitude. Roi, tu as été roi jadis... Toussaint. Fête de nuit carne cane , cave les maisons fendues filent leur coupe abstraite de serpent fer de lance et de rosace les villes sautent comme les moutons du vomito négro l’Artibonite grossie fait le paon; sur la digue rompue les fenêtres s’ouvrent sur toujours__ cessez la torture croisière des paradis barrés de tentations: au bord de la mer une campagne de rhum et de contrebande dédouble de soleils nichés la fièvre lisse des jours. Maudit, serais-je, maudit. Surpris un demi-mot sur la langue. Complice. îles, Toussaint. J’ai été esclave pendant 50 ans et j’ai coupé des cannes et j’ai ciré des chaussures et le moindre enfant (c’était le petit du maitre) conduisait le vieil esclave chenu dans l’obéïssance, et le respect; et je vous le dis, ce qui éclaire la vieille nuit de mon crane, ce ne sont point des images d’ambition, non, mais rire des feux, rire des fleurs et des fleuves ton image plus violente qu’un coeur, plus brutale qu’un pur sang ô Liberté. Le choeur. Bornou  Sokoto, Bénin et Dahomey Sikasso Sikasso je sonne le rassemblement: ciels et seins, bruines et perles, semailles, clefs d’or. Toussaint. Martinique, Jamaïque, tous les mirages et tous les lampomis lampornis ne peuvent faire sonner d’oubli dormant le coup de feu, le sang gaché, le chant d’acier abîmes fraternels des roses de Jéricho... Le choeur. Tu n’echapperas pas à ta loi qui est une loi de domination. Toussaint. Ma loi est que je courre d’une chaine sans cassure : , jusqu’au confluentde feu qui me volatilise, qui m’épure et m’incendie de mon prisme d'amal propre don d'or amalgamé. Le choeur. Goût des ruines; baisers; funèbres la lune décroit, le roi se cache. Toussaint. Je ne veux pas être le grain de parfum où se résume et se fète l’in­nombrable sacrifice des roses désarmées. Le récitant. Tu périras. La récitante. Hélas. Tu périras. Toussaint. Hé bien, je périrai. Mais nu. Intact. Ma main dans ma main, mon pied sur le sol, quel est en passe de noyés et de nasses ce sombre écroulement vers lecouchant? Le monde assassiné d’ambages, pris dans le filet de sespropres parenthèses, coule. Nu comme l’eau, nu comme le regard unicorne de midi, comme le cri et la morsure, j’éclaircis de basses buées le monde sans reconnaissance et sans ingratitude, où la pensée est sans équivoque, une fleur au coeur de papillon. Je veux un monde nu d’ unions univers non timbré. The word 'unions' is underlined in dark pencil, calling attention to the correction. Combined with the fact that the addition is made using the typewriter, it is hard to determine whether it was made at a later date, in which case the underline was a note to self. une petite fille du Fouta ronge un os en forme de candélabre Crép (Crépitement de tam-tam. Une petite fille du Fouta ronge un os enforme de candélabre.) Two shades of lead pencil can be identified here. The darker shade erases the first sentence and the closing parenthesis. The lighter one is used to loosely scrawl over the rest. Toussaint. Et je suis jeune, je suis opulent de jeunesse, d’une enfance d’avantles portes et les fenêtres, d’une enfance de libation et d’holocaustesau fil des yeux, au fil des heures. Un lac de sécheresse pend sur ma joue joie , mais il pleure des yeux aux arbres de Judée baignés de crocus et d’anemones. Je suis nu. Je suis nu dans les pierres. Je veux mourir. La récitante. Patience, je regarde, j’ai regardé. Ma tête polaire engloutit les lueurs de cadavres, les casques brisés,les débris inconsolables, les soleils gavés du vent charnel des venaisons Toussaint. Je ne suis pas un poulpe. Je ne cracherai pas de la nuit et de l’encreau visage de la nuit. Tu vois encore ?... La récitante. Une belle fille terrible brise sa coquille de désastres. Des tireursde contes coyotes se réveillent dans une hutte d’absinthe heureuse. Toussaint. Approchez donc, flammes effilées, paquet de frissons. Que la senteurdes feux jette son javelot autour de ma tête. La récitante. Et il n’y a plus maintenant qu’un homme perdu, tragique comme un moignon de palmier dans l’émeute banale et le champde la foudre. Ses yeux poussièreux s’élancent dans une steppe sansombre et sans eau --et il mâche, ombre et eau- une prière qu’il nevendra pas. Toussaint. Merci, ma soeur... une prière qu’il ne vendra pas... ma prière decobra... ma prière de murène dans les forêts de la mer... ma prièrede lait de cactus dans les halliers du ciel... La récitante. ... J’ai regardé et les ponts sont coupés... Les étoiles ont débridé leurs cicatrices de sable. The rest of the page is crossed-out with a large x written in pencil. Toussaint. Ha/ ha/ Nous ne voyons plus Ha/ ha/ Nous sommes aveugles Aveugles par la grâce de dieu et de la peur. Et tu ne vois rien par-mi l’herbe nouvelle? Rien parmi le barrattement de la terre et le Convulsif chahut végétal? Rien dans la mer, n’est-ce pas? Je vois...... j’entends...... je parlerai...... O succion nouvelle de mon sang par le soleil Vampire, O assaut de mon roc par la nuit corsaire et mon aube a pété sous leur gueule ses fracas de midi et de goelands/ Ligotez-moi. piétinez-moi. Assassinez-moi. Trop tard. Les heures débusquées sonnent sur les accalmies et les fanaux de mouillage; les heures sonnent Renifleuses et s’allongent aux caresses de mes mains, les flammes s’allongent Moi aussi je suis une flamme. Je m’allonge. je suis l’heure. J’attends ce que dit le vent la langue de brandon dans ma gorge desséchée Le choeur. Mon oeil se dore de visions souveraines..... Toussaintfait son entrée solennelle à Santo Domingo.....Le cavido cabido lui remet les clefs de la ville Le Récitant. Il pleut..... Le choeur. Les désirs de Toussaint sont des ordres... Il commande etlégi g f ère The 'f' is written again on the side after an original attempt to correct the word directly left the character unclear. Le Récitant. Il n’y a pas de roses : seuls les piments agra p f ent leurslarmes rouges The 'f' is repeated on the right margin in pencil. Le choeur. Toussaint est roi... Il n’en a pas le titre, maisbien ŝur qu’il est roi... un vrai la mi do lamido ... voici sa The correct form of the word is written in parenthesis on the margin. Small underscore pencil lines also join the disconnected syllables inline.garde.... les casques d’argent s’enflamment au crépuscule Le Récitant. Le roi a froid... le roi grelotte... Le roi tousse La récitante. Hélas. Hélas. L’Europe arachnéenne bouge ses doigts et ses phalan­ges de navires...Hélas. Hélas. Le choeur. Mes souvenirs délirent d''encens et de cloches... Le Niger bleu... LeCongo d’or... Le Logne Logone sablonneux... un galop de bubales... et les pi­leuses de millet dans le soir de cobalt. Le récitant. Mes souvenirs brâment le rapt... le carcan... la peste piste dans la In this correction, the first 'e' in the original 'peste' has been substituted by the letter 'i' in what seems to be dark pencil. The rest of the word was left untouched.forêt... le barracoun... le négrier... Le choeur. Hélas. Hélas. La récitante. J’ai été réveillé de mon grand rêve de mer violette et de terre cho­colat et jé j’ai vu venir du côté des girofliers un homme,petit . Ilnoircissait le ciel d’une face de tourbière coupée de libellules... Le récitant. Vous avez entendu ... Vous avez entendu... Toussaint arrive. Toussaintmet pied à terre... Toussaint monte l’escalier. Toussaint franchit lapremière marche. Il en est à la 2e . Toussaint est sur le perron. Pasaprès pas, Toussaint a mis le pied dans la fosse x camouflée de souriresglissants... Toussaint. Vous ne m’empècherez pas de parler à mes amis sans éclipse lune grasse, mauvaise herbe, sycomore, sycomore... Voici mes amours, voici mes haines et ma voix très sage enfant au bord de votre alcôve. Choeur (lointain) Ô roi debout. Toussaint. Le fleuve sans idiome s’exaspère des manouvres de la cendre; le cap et la limaille les oiseaux et les jours tousent tournent avec leur bruit de serrures; à l’horizon enfantin les animaux fantastiques brouteurs de cervelles ont remisé leurs yeux enjoués de toute la nuit bue. Choeur (lointain) Ô roi debout. Toussaint. Je veux peupler la nuit d’adieux méticuleux. Choeur (au loin) Ô roi debout. Toussaint. des violettes, des anémones se lèvent à chaque pas de mon sang. Choeur (plus lointain) Ô roi debout. Toussaint. ... à chaque pas de ma voix, à chaque goutte de mon nom. Choeur (plus lointain encore) ... Ô roi debout. Toussaint. ... des pommes d’ara n u caria, des bouquets de cerises. The 'n' is untouched in the typescript. We know to substitute it because of the pencil addition of the letter 'u' above it. Choeur (presque perdu dans la distance) Ô roi debout. Toussaint (d’une voix tonnante) ... des arcs, des signes, des empreintes, des feux. Choeur (gémissant) Ô roi debout. Toussaint. J’avais amené j’amenerai ce pays à la connaissance de lui-même, There is an earlier addition in pencil above 'J'avais' which has been scrawled over beyond recognition. je familiaris é erai cette terre avec ses démons secrets allumé j’allumerai aux cratères d’hélodermes et de cymbales les symphonies d’un enfer inconnu, splendide parasité de nostalgies hautaines... Choeur. Ô roi debout. Toussaint. Et maintenant seul. Tout est seul j’ai beau aiguiser ma voix tout déserte tout ma voix peine, ma voix tangue dans le cornet des brumes sans carrefour et je n’ai pas de mère et je n’ai pas de fils. Choeur. Ô roi debout. Toussaint. Désir désir envol d’in memoriam de vêtements liturgiques premier visage du monde sédition de longs siècles désir le ciel baise des cerises par toutes ses bouches d’étoiles. The rest of the page is crossed-out with a large x written in pencil. Toussaint. Non, non, tu je mens, j’ai peur, je suis seul mes forêts sont sans oreille, mes fleuves sans chair des caravelles inconnues rôdent dans la nuit. Est-ce toi , Colomb ? Capitaine de négrier ? Est-ce toi vieux pirate, vieux corsaire ? Rien ne répond. La nuit s’augmente d’éboulis. Colomb. Colomb. Réponds-moi, réponds-moi donc. Beau comme la matrice d’ombre de deux pitons à midi midi l’archipel turbulence d’orgues couchées sacrifice de verres de lampes croisées sur la bouche des tempêtes branle-le-bas virulent pris tout absurdedans dans le mouvement des palmes et des scolopendres c’est moi ce soir jurant toute la forêt ramassée en anneaux de cris violents Colomb. Colomb. A ce moment le populace nègre envahit les esclaves nègres envahissent la scène, déchainée et menaçante,brandissant un mannequin. Des voix. Mort à Toussaint. Mort à Toussaint. Voix de femmes. Bourreau, à mort. Voix. Il a tué Il tuera nos enfants. Voix. Il a attiré attirera sur nous la colère des Blancs. Des voix. Mort à Toussaint. Mort à Toussaint. Au feu, Toussaint, au feu. (un groupe prépare frénétiquement un brasier.) La foule. Au feu Toussaint. Au feu. au feu. Au feu, Toussaint. Un orateur. Camarades, c’est pour vous dire que Toussaint est un ennemi du peupleet un emmerdeur. Comme si on n’en avait pas assez d’emmerdements. Biensur qu’on n’ était est pas heureux? E t h maintenant, camarades, est-ce qu’on sera est heureux avec la liberté et la guerre et lave la vengeance des Blancssur les bras . ? Alors je dis que =Toussaint nous a trahi s t . A mort. Des voix. Il a raison; il a raison; Mort à Toussaint. La foule. Au feu. Au feu Toussaint. ( Le feu jaillit; le mannequin brûle. Rondo.Toussaint parait enchainé, apparait alors entre deux gardes en haut de la citadelle.) Toussaint. Je suis un spectre; les hommes me chassent de leur cauchemar. La foule. A mort. Toussaint. Cuve de scorpions. La foule. A mort. Toussaint. Lâches, j’entends dans vos voix le frottement de la bricole. La foule. 'La foule' is irregularly underlined. Amort, à mort. Toussaint. dans vos voix de chacal, la nostalgie le bien-être des muselières. La foule. A mort, Toussaint, à mort. Toussaint. raz de marée de ravets, d’accordéons empoisonnés. La foule. Mort. Mort. Toussaint. Ah. Je vous plains âmes gachées. Toute la vieillesse du monde survotre jeunesse cannibale, sans espoir ni désespoir... La foule. Tue, tue. A mort. Toussaint. Malheur sur vos têtes. La foule. Malédiction ; malédiction. Toussaint. Adieu mes amis. A moi ô Mort, milicien aux mains froides. La foule. A bas Toussaint. Vivent les blancs. Toussaint. Vive la vengeance. Vive la liberté. Les montagnes trembleront comme un dent prise au davier,les étoiles écraseront contre terre leur front de femme enceinte... La foule. Ecoutez-le... Ecoutez-le... Toussaint. ... les soleils arrê tés arrêtés, feront de nuit, d’immenses cocotierscatastrophiques... La foule. Malheur. Malheur. Toussaint. Ah! vous ne partirez pas, que vous n’ayez senti la morsure de mesmots sur vos âmes imbéciles. Car sachez-le, je vous épie comme ma proie... et je vous regarde et je vous dévêts au milieu de vos mensonges et de vos lachetés; larbins fiers petits hypocrites filant doux esclaves et fils d’esclaves, et vous n’avez plus la force de protester, de vous indigner, de gémir ; condamnés à vivre en tête à tête avec la stupidité empuantie sans autre chose qui vous tienne chaud au coeur sang que de regarder glouter jusqu’à mi-verre, votre rhum antillais... Âmes de morue. La foule. Vive Toussaint. Toussaint. Mes amis, j’ai rêvé de lumière, d’enseigne d’or, de sommeils pourprés, de réveils d’étincelles et de peaux de lynx. La foule. Mort aux blancs. Toussaint. Mes amis, j’ai hissé mon pavillon de mains coupées, j’ai lancé mes fusées de fièvre jaune... La foule. Mort aux blancs. Mort aux blancs. Mort aux blancs. Toussaint. ...Et en effet, des catacombes essouflées de la Fin et du Commencement la Mort s’élance vers eux, comme un torrent de chevaux fous, comme un vol de moustiques... Colomb, Colomb toi si tranquille quand tu fis le premier pas dans cette île close comme une ratière, parmi les signes nouveaux, parmi les D d ieux que ta fierté ne consentaitpas à avouer, je le sais, je le sens, tu ne te sentis pas envahi detriomphe non, mais d’angoisse, mais d’inquiétude fière fine , toi l’inex­pugnable, pris poreux etligoté ligoté des grandes lianes silencieusesde la peur, des grandes lianes silencieuses du Repentir. La foule. Mort aux blancs. Mort aux blancs. Vive Toussaint. Vive Toussaint.Mort aux blancs... Toussaint. Mort aux blancs. (La scène s’efface progressivement, lentement.) La récitante. La cendre... le songe ... eau noire ... affamés, affamés ...deux mains brûlantes dans l’assiette du soleil... Le récitant (très calme.) ... La Grande Révolution de Saint Domingue continue a commencé a commencé .vient de commencer The rest of the page is crossed-out with a large x written in blue ink. A Saint-Domingue devant une riche maison coloniale style 18esiècle, des jeunes filles blanches en train de jouer. Entrent lechoeur, le récitant, la récitante. La récitante. Rentrez chez-vous jeunes filles, il n’est plus temps de jouer,les orbites de la mort poussent des yeux fulgurants à travers lemica blême. Ière jeune fille (sérieuse) C’est une devinette? Le récitant. C’est la saison des étoiles brûlântes qui commence. 2ème jeune fille (riant) Ah. C’est un conte Le choeur (menaçant) Saint-Domingue raidit ses pattes d’araignée venimeuse sous surla gadoue des banacones. barracouns. Before the whole word was striken out, an attempt was made to change three of the letters by writing over them with blue ink. The resulting word would have been 'baracoons.' 3ème jeune fille. Hou; hou. 4ème jeune fille. Hou. Hou. (La mèreparait sur le pas de la porte, très pâle.) Mes enfants...rentrez... rentrez vite... j’ai peur. The stage direction in this case is written inline with the speech, in this case suggesting a change in speaker. Le récitant. Jeunes filles, respectez les étrangers qui passent pèlerins qui gaspillent leur pain quotidien sur les ri­ches ornières du crépuscule. (Les jeunes filles s’enfuient.) (Le récitant et la récitante feignent de poser par terre une civ­vière; le choeur de creuser une fosse. Le Un cadavre imaginaire estdéposé au fond de la fosse. C’est une scène de magie imitative.) Le récitant (recueilli). Adieu, Saint- Domingue. La récitante.     Adieu Saint-Domingue. Le choeur (haineux) ...Saint-Domingue la noire, où le sadisme du maitre, et le rale­ment de l’esclave par force coprophage parachèvent en traits de vo­mi le happement du squale et le rampement du scolopendre. (A ce moment l’obscurité envahit la scène; des coups de feu; descris discordants; puis le tapage s’apaise peu à peu;quand la lumiè­re revient, le décor a changé: le camp des nègres au milieu d’uneforêt. Chefs nègres et députés blancs en conférence.) Ier député. Notre seule présence ici suffit à montrer combien grand est no­tre désir de conciliation. Nous avons fait taire en nos coeurs lanaturelle indignation qu i ' y suscite le souvenir de tant d’actes decruauté. Et nous avonsfait table rase de toutes nos répugnances etrépulsions, de toutes les habitudes que nos vieux esprits philoso­phes appellent prévention ou préjugés et qui n’en sont pas moinsdes forces contraignantes dans nos société coloniales... 2e député. A tout péché miséricorde... Une amnistie, voilà ce que nous so sommes venus vous offrir. Miséricorde pour tous, et pour les chefs tous la liberté. Toussaint (l'arrêtant.) C’est bien Arrière Dessalines. Je suis seul chef ici, et ces hommes m’ap­partiennent . Vous, messieurs, vous exposerez à mes troupes les propositions que vous nous avez faites. (Rassemblement. Bruit de tam-tam.) Récitant. Un écroulement hostile de tour, de montagne, de phare achève d’hé­siter aux confins du déclic Un collier de perles favorables n’engourdit plus l’inquiétude Des apostrophes tentaculaires s’animent au loin comme des cata­clysmes Déja le silence empoisonne chaque fibre Des gestes hiéroglyphes avalés à moitié signalent Les jachères et les semis de cadavres. La récitante. Les beaux yeux aveugles de la terres chantent d’eux-mêmes l’école buissonnière, les sourcils joints des hauts labours les ruses savantes des colloques sans rime ni raison aux sablesmouvants. La vache des naufrageurs, la pluie des calvaires et des vagues ensorcellent  de serpents, de palabres, de varechs le phare disjoint de sang d’aiglon. (La scène est envahie par la foule des insurgés: masse d’hommes et de femmes ar­més de coutelas.) Toussaint. Mes amis, les blancs nous envoient des embassadeurs. Voulez-vousles entendre? Des voix Oui, oui, qu’ils parlent. Ier député. Mes chers amis... Je sais que vous en avez assez de cette guerre,vos enfants ont faim. Des voix. Oui, oui, c’est vrai. Ier député. Vos femmes sont lasses d’une vie incertaine et vagabonde. Des voix féminines. Oui, oui; après? Ier député. Revenez sur les habitations. Reprenez le travail. Nous sommes pre prêts à reconnaitre la liberté aux meilleurs d’entre vous et nous vo vous garantissons à tous notre bienveillance paternelle. (Des cris contradictoires dans la foule.) Another example of a change in speaker announced by the stage directions. In this case the new speaker is evidently the rabble. Ecoutez les blancs. Ne les écoutez pas. Paix. Paix. AAmort mort ...à mort.... Toussaint. Camarades, vous les avez entendus; de vos propres oreilles, enten­dus. Comme ils sont bien gentils et bien conciliants, alors ils sontvenus proposer à vos chefs de vous lâcher; ils sont venus proposerà vos chefs de se vendre... Ils sont venus nous demander de voustrahir. La foule. Mort aux blancs. Mort aux blancs. Toussaint. Et les écoutant, vous avez compris, camarades, que l'homme les blancsn’ont pas encore renoncés à leurs odieux privilèges; que l’hommeblanc n’a pas encore renoncé à s’engraisser du sang et des larmes del’homme noir. La foule. A mort. Tue. Tue. (La foule se resserre comme une machoire.) Le récitant. Ici commence le baptème du sang. La récitante. Ici commence le repas de vengeance. Ici se noue la solidarité dusang. Ici s’opère la grande communion guerrière. Le choeur. Baiser de gemmes, oubliettes du sang, belle comme la mémoiredé s ss aisie d’oublie frais, la vengeance s’est dressée avec l’oreille dujour, et toutes les poussières de vanille qui tissent la chair desnuits, toutes les guêpes qui salivent la cassave des nuits, toutesles sphyrènes qui signent les dos des nuits, ont forcé jusqu’à voirleur oeil de serrure. ( Les guerriers défilent devant les cadavres en brandissant des cou­telas.) Toussaint. Tout n’est pas fini Camarades... Qui portera aux blancs notre ré­ponse flamboyante . ? .. Oui... Aveugles et sourds, leurs ambassadeursnaviguent du côté de l’enfer. Qui ira, et par quelles paroles noueren d’autres viscères la peur terreuse? Des voix. Nous-mêmes, nous tous. La foule. Nous-mêmes, nous tous. Toussaint. C’est bien camarades...Tout de suite... Nous tous en avant et pasde quartier. (Les bandes s’ébranlent en poussant des cris frénétiques.) The rest of the page is crossed-out with a large x written in pencil. Le récitant. Un coup de sifflet... Les nègres sortent des broussailles avecu une grande clameur. Les coutelas s’abattent et se relèvent et s’abat­tent dans le moulinet de l’exaspération. La récitante. Le coutelas s’abat. Quelle moisson. Ce ne sont pas des cannesqui tombent. Ce ne sont pas des trones de bananiers. Le sang a faitsauter sa bonde. Le sang ruisselle; des crânes bâillent, tels desnoix de coco. Voici le soleil. Voici le sang. Voici les mouches. Le récitant. Le morne bourgeonne de cris. Des cadavres roulent jusqu’au pieddes arbres à pain /. La récitante. Le ravin bourgeonne de cadavres Demi-choeur. Iles nous coupaient les jarrets. Demi-choeur. Iles nous marquaient de au fer rouge. In the above lines the orginal read 'Ils nouscoupaient...' and 'Ils nousmarquaient...'. The corrections were marked with vertical lines drawn in pencil across the words where the whitespaces belong. Le choeur. Et l’on nous vendait comme des bêtes et l’on nous comptait lesdents... et l’on nous tâtait les bourses et l’on examinait le catiou le décati de notre peau et l’on nous palpait et pesait et soupe­sait et l’on passait à notre cou de bête domptée, le collier de laservitude et du sobriquet. Le récitant. Le vent s’est levé, les savanes se fendent d' dans une gloire de pana­ches folles... J’entends des cris d’enfants...dans la maison du mai­tre. Le choeur. J’entends des cris d’enfants dans la case noire... et le petitsventres pierreux pommés en leur mitan d u du nombril énorme se gon­flent de famine et du noir migan de la terre et des larmes et de lamorve et de l’urine. Le récitant. Au nom de tous les désirs effrités en la mare de vos âmes, La récitante. Au nom de tous les rêves paresseux en vos coeurs , je chante legeste d’acier du matador. Le récitant. Je chante le geste salé du harponneur et la baleine a soufflépour la dernière fois... Le choeur. Un oiseau et son sourire... un navire et ses racines... l’horizonet ses cheveux de pierres précieuses... une jeune fille au sourired’herbe déchire en fines alouettes le vin des jours, la presse pierre desnuits... The rest of the page is crossed-out with a large x written in pencil. (Au Cap. A l’assemblée des planteurs présidée par le gouverneur.) Ier député. Vous êtes un indépendant, Monsieur. 2e député. Et vous un pompon blanc. Ier député. Permettez-moi Monsieur, de vous rappeler quelle fin attend lestraitres. 2e député. Et moi, Monsieur, celle qui attend les suppôts de la tyrannie. Le gouverneur. Hé, Messieurs, un peu de bon sens, que diable. Vous savez où nousen sommes: en pleine révolte servile; la moitié de la province duNord est en feu. Avec les nègres des habitations Turpin, Flaville, Trêmes, Noé, Toussaint et Boukmann ont a constitués une armée. Et que quelle armée. J’en frémis. Les femmes subissent les derniers outrages, les enfants sont empalés; les planteurs sont sciés vivants entre deux planches. Une voix. Mort aux philantropes. Une voix. A bas les négroph ob il es. Une voix. Mort à l’abbé Grégoire. Le gouverneur. Silence, messieurs. Ce n’est pas tout malheureusement. Pendant quela révolte entoure le c C ap promenant partout l’incendie et les cris This line, and the following one to some extent, show plenty of interventions meant to compensate for extremely faint type. These clarifications have been made in blue ink and pencil. du Vaudou, ici dans la ville, la voix de la sagesse a peine à se fai­re entendre. On s’en prend aux esclaves restés fidèles. On s’enprend aux hommes de couleur. Plusieurs d’entre eux ont été massa­ crés... Une voix. Une voix. Pas d’armes pour les complices des nègres. Une voix. Pas de quartier pour les espions. Une voix. Laissez parler monsieur le Gouverneur. 4è voix. Mettons à prix la tête de Toussaint et de Boukmann. I député. Monsieur le Gouverneur, avant d’aller plus outre, je propose deflétrir solennellement l’assemblée Constituante qui, par ses décretsinsensés, nous a menés où nous en sommes: à la ruine. I député. Je propose que sur l’une des places du Cap, on tienne en permanen­ce, cinq potences et deux échafauds pour le supplice de la roue. Le gouverneur. Je vois, Messieurs, que vous ne m’avez guère compris. Il n’estplus temps de délibérer. Ma décision est prise. L’essentiel étantd’empêcher les nègres de la province de l’ouest de communiquer avecles insurgés du Nord, je fais établir des camps au Trou, à Vallières, au Morne, à Dondon, à la Ma rmel ade et à Fort_Dauphin. Quant à vous,Messieurs, aux armes, et vive la colonie française de Saint-Domingue. ( Vivats prolongés. Les députés sortent.) (Quelques attardés discutent encore.) une rue. la nuit. de groupes passent 1er groupe : Une voix. Vous avez raison, mon ami, vous avez raison, C’est avec de la mau­vaise politique que l’on perd les colonies. Des combats, des plansde bataille. Trêve de balivernes. Avec les nègres, je ne connaisqu’un moyen: la terreur. Moi qui vous parle, aube premier jour del’insurrection, j’ai fait planter 50 têtes des deux côtés de l’ave­nue de mon habitation en guise de palmiers, et je vous garantis quele troupeau n’a pas bougé. Voyez-vous...(la voix se perd dans lanuit.) 2e group : 2e une voix. Hum! alors tout va rentrer dans l’ordre. Moi, j’ai confiance dansce gouverneur; un type ce Blanchelande. Et puis, j’ai l’expérience deces pays là. Les Antilles, voyez-vous, un pays très doux, très doux.... tout doux... des îles à doudoux, vous comprenez. Alors, la Révo­lution, bonsoir. (La voix fredonne : A la Matinique, Matinique, Matinique c’est çà qui chic...) (Depuis quelques secondes des cris ont éclatés; un chant monotone etsauvage nait, grossit, approche. Des huées. Des ricanements. Un pié­tinement confus. Une troupe frénétique de nègres envahit la salle dedélibération, poussant avec des bourrades et des clameurs quelquesdéputés blancs. Un negre grotesque gesticule à l’estrade officielle.Nous l’appellerons le speaker. Les nègres s’asseyent dans une confu­sion indescriptible. Alors commence une séance sinistre et bouffonnepleine d’emphase et de cruauté.) Le speaker Silence, Messieurs, silence. 1er énergumène. Pas de silence qui tiennent. Nous sommes libres et égaux en droit . s. N’oubliez pas cela. 2e énergumène. Et moi je dis: malheur à ceux qui n'ont pas vu inscrit sur lem mur de nos honorables faces délicotées, le Mane Thecel Pharès de latyrannie. Le speaker. La séance est ouverte , Messieurs. 3e énergumène. De quel droit, dites-moi, Monsieur, ouvrez-vous une séance quepersonne n'a jamais fermée? J'ai l'honneur de repousser toute mo­tion de en ce sens. (Nouveaux cris au dehors. Une nouvelle bande arrive sous la conduitedu porte-drapeau. Le drapeau est figuré par une pique. Au bout unetête coupée; la tête du gouverneur.) Porte-drapeau. Debout, camarades, voilà le gouverneur. La foule. Mort aux blancs, mort aux blancs. Le speaker (soufletant la tête coupée) La parole est à Monsieur le Gouverneur. Le porte-drapeau (d'une voix nasillarde) Parfaitement. Parfaitement. Je parlerai. Voilà, Messieurs, il n'e n’est plus temps de délibérer. Ma décision est prise. Avec les nè­gres, je ne connais qu’un moyen, la terreur. La terreur est à l’or­dre du jour, Messieurs... (Applaudissements. Des rires.) La foule. A mort; à mort. (Une hystérie collective. Une odeur de sang monte.)Le speaker danse la bamboula sur l’estrade. La foule. A la Matinique, Matinique, Matinique C’est çà qui chic, C’est çà qui chic A la Matinique, Matinique, Matinique Le speaker: A la Matinique, Matinique, Matinique... (Le silence tombe raide, funèbre.) Le récitant. Il monte...Il monte des profondeurs de la terre... Le flot noirmonte... des vagues de hurlements... des marais de senteurs animales... l’orage écumant des pieds nus... et il en grouille toujours d’au­tres dévalant les sentiers des mornes, gravissant l’escarpement desravins, torrents obscènes et sauvages grossisseurs de fleuves chaoti­ques, de mers pourries, d’océans convulsifs dans le rire charbonneuxdu coutelas et de l’alcool mauvais... Le choeur. En ma main noire et rouge s’époumonne une aurore de sureau blanc Le récitant. Au commencement, il n’y avait rien... La récitante. Pardon, camarade, au commencement il y avait la nuit. Le récitant (docile) Camarade, au commencement il y avait la nuit... La récitante. La nuit et la misère, Camarade, la misère et l’acceptation uni­verselles animales; la nuit bruissante de souffles d’esclaves dila­tant sur les pas du christophore, la grande mer de misères et de dividendes la gran­de mer de sang noir, la grande houle de cannes à sucre et de dividendes et le grandocéan d’horreurs et de désolations. Al A la fin, il y a, à la fin... (Elle se bouche les yeux.) Le récitant. (d’une voix cinglante.) A la fin, je m’en vais vous dire, moi, ce que je voisà la fin:à la fin... la culbute de l'Europe ,ah oui, à l’extrème fin, la cul­ bute This line begins to close to the previous one. The correction resets the line in the proper place. Light pencil was used originally and was then reinforced with the darker pencil. bute de l’Europe, la posée sur cette merde hystérique des goulesmasticatrices, son avachissement visitée d’épouvantes, son   insolen­ce triturée de prières, et, sur se blessures, la pimentade de monrire et le sel de mes pleurs. (Entre un groupe de trois femmes; lasses, inquiètes. Ce sont des blan­ches... Elles tournent de temps en temps la tête pour regarder si onles suit... A demi rassurées, elles déposent leur baluchon.) Iere jeune fille. Mes dents claquent. 2e jeune fille. Ah. quelle fatigue... Nous sommes trempées... Il y a de la brumesur la montagne... Mes os suintent de froid et de peur. La mère. Courage mes pauvres enfants... Courage... C’est dur tout de même.... Courir...courir... et se cacher dans les cannes en flèches... etpuis courir encore... Aîe. mes jambes... (Les femmes ont disparu; même décor. Une houe écorne la scène. Deshoues, puis des mains... Ce sont des esclave e s qui labourent au crépus­cule.) Ier esclave (chantant) Hé, mes amis, ho. 2e esclave (chantant) Hé, mes amis, ho. Ier esclave (chantant) La terre est une fatigue; ma fatigue va la fatiguer. 2e esclave (chantant) Le soleil est une fatigue; ma fatigue va l e a fatiguer. 3e esclave (chantant) La pluie est une fatigue; ma fatigue va la fatiguer. Ier esclave. Hé, mes amis, ho. 2è esclave. Ma fatigue est un gouffre; aucun sommeil ne saurait le combler. 3e esclave. Ma fatigue est une soif, ho, aucune boisson ne saurait l’apaiser. Choeur des esclaves. Hé, ho. Ho, mes amis, ho Ma fatigue est un tombereau de sable insonore aux quatre coins des moissons pétrifiées. Le récitant. (lugubre.) Saint-Domingue fond comme un noyé dans l’acide des gorges de laRévolution. La récitante. La mort pleure tout doucement dans le cou de la nuit... Le récitant. 3000 flamboyants s’effrènent au néant de la nuit, à l’oubli de l la nuit.la nuit. Just as above, the line begins to close to the previous one. The correction resets the line in the proper place. Light pencil was used originally and was then reinforced with the darker pencil. (Coups de feu...) Le récitant. (fébrile) Sonthonax ouvre les prisons... Sonthonax arme les esclaves... Sonthonax ouvre les portes du Cap à Pienot Pierrot et à Macaya... La récitante. (dolente) 300.000 hommes, tribart brisé, se précipitent dans la ville etpoussent des hurlements clabauds... Le port est couvert de blancsqui cherchent à gagner les bâtiments en râde... Ah, les chaloupeschavirent... ( A mesure qu’elle parle, tout cela se dessine sur l’écran.) Le récitant (féroce) ... Les têtes roulent comme des cabosses de cacao. La récitante. Le tam-tam halète; le tam-tam éructe... le tam-tam de feu crachedes sauterelles de de feu et de sang. Le récitant. Le feu défonce la nuit de ses épis canaques... La récitante. ... le feu accroche ses fanes rapaces aux toits fascinés des mai­sons... Le récitant. ... La ville s’effondre sur ses jarrets... Dans le vertige lentdu viol...parmi les chatouilles d’un lit de fumées et de cris... Le choeur. Mort aux blancs. Mort aux blancs. (Cris discordants... Le silence tombe tout à coup lourd et humide,le silence de la Caraïbe. Subitement un navire envahit tout le cham champ de vision, en perdition; et dans la chair de la mer phospho­rescente, une inscription explose, sanglante, reflétée par les é­cueils.): République d’Haïti. Le choeur (enthousiaste) Haiti. Hâïti. (Le récitant et la récitante se rapprochentà tatons sur le devant de la scène.) This stage direction starts at the center of the page as if it were a speaker. Le récitant. (pleurant) Froid coeur de la mort, la lagune a dégainé son rire de poignard. The lines which lead to the addition seem to erase an unascertained character as well. The missing character is difficult to discern because the lines are so thick. Acte III. Acte II Récitante. Il fait beau, monstrueusement beau. Déferlez semaines, scrupules des mondesmourants, déferlez filles grosses; contre- écumez contre mon attente scabreuse Récitant. Me voici, l'homme-marchand aux mains vides, oeil nu suscitant le spectacle,gorge brassant vivants les mots éclos contre mes dents. Récitante. Me voici, moi, moi: la fmme-pbsédée femme obsédée des grandes paroles et je nagnage parmi les glaieuls et les roses de Jéricho vers l'odeur simple des cada­vres? Récitant. Ce n'est pas vrai...Il n'y a plus de combats. Il n'y a plus de meutres meurtres n'est‐ce pas? Plus de crimes flamboyants? L'orgue de Barbarie ronronne aveugle desminutes de silence et de silence et de silence, sciure du temps sans poussièreHo. Ho. une odeur de cadavres... du sang pétillant comme une grande cuve devvin. Récitante. Il n'est que de cogner à la vitre du soleil. Il n'y a qu'à casser la glace dusoleil. Il n'y a qu'à découvrir dans la boite à poudre du soleil la houppe rouge des fourmis venimeuses éclatés à tous vents. Ha ha on ne maquille pas leDestin. Récitant. Il fait beau une gerbera plus nue qu'une femme du soleil dans le soleil joueThe deletion was first striken out with the typewriter before being striken out in ink.vers le soleil et le soleil crépite dans les ceveaux cerveaux fermés diadèmeminé arbre du voyageur coeur tressé belles-eáux-souflées-haut-gelées. Récitant. île j'aime ce mot frais guetté de Karibs et de requins. J'attends. Récitante. Recitante Ô j'attends passionément : je suis cernée ACTE II (A Saint Domingue, une ville haitienne, place publique : troupes, foules, drapeauxSubitement acclamations et fanfares.entrent Toussaint et sa suite. Toussaint s'installe sous un dais : lesdélégations avancent, succesives.) The 'x' in 'drapeaux' is written on the line below next to the edge of the page (1ère délégation, , ) 1er orateur. Gloire à Toussaint Louverture : il a purgé la colonie des hordestyraniques des Anglais. La foule ; Hurra ! (2è délégation , ) 2è orateur. Gloire à Toussaint Louverture, le Spartacus noir, le nègre prédit parRaynal pour venger les injures faites à sa race. La foule . Hurrah ! (3è délégation , ) 3è orateur. Reconnaissance éternelle à Toussaint Louverture, pacificateur, restaura­teur... La foule. Hurrah! Le Prévot des marchands. Reconnaissance éternelle à Toussaint Louverture, restaurateur éclairéde l'ordre, des finances, du commerce et de l'industrie. La foule. Hurrah ! Hurrah ! Le grand Maitre de l'Université. Gloire et reconnaissance à Toussaint Louverture éducateur du peuple !Libre à un Villaret- Joyeuse de fermer les écoles dans la Martiniquevoisine et de déclarer cyniquement : "L'ignorance est un lien nécessaire pour des hommes enchainés par laviolence ou flétris par les préjugés ". Ici, dans notre libre Haïti, ago­nise, gràce à l'impétueux génie de Toussaint Louverture, le système impiequi voulait que l'ignorance fût une politique, une police, un dogme. La foule. Hurrah ! Le représentant français. Au nom de la France, je confirme le général Toussaint Louverture dansses titres de gouverneur et de capitaine général de la colonie françaisede Saint Domingue. La foule. Vive Toussaint ! Vive Toussaint ! (Délégation du clergé. . ) Les chantres. Salvum fac imperatorem. L'archevèque. Dieu nous l'a donné ! Dieu nous le conservera . ( Il bénit la foule). Les chantres braillant. Salvum fac gubernatorem Toussaint. Îles heureuses jardins de la reine je me laisse dériver dans la nuit d'épices de tornade et de saintes images The 's' in the last word is repeated below next to the edge of the page. et le varech agrippe de ses petits doigts d'enfant mon barissement d'enfant futur d'épave ! Chantres braillant. Salvum fac civitatis fundatorem. Toussaint. Une tour il y a des lézard e es dans le mur ; je vois une comète dessus une forêt pleine de loups et ils se promènent la-dedans mitre en tête un plat de champignons venéneux et ils se jettent dessus goulûment. Chantres ( braillant plus fort ) Salvum fac Spartacum! Toussaint. Allez vous-en allez rats que je plains rats qui n'apercevez pas que le vaisseau est pourri allez, allez en paix enlevez d'ici vos carcasses pieuses vos carcasses peintes. Chantres. Salvum fac libertatis aedificatorem !The sequence '-rem' is written in pencil on the side to reinforce the correction. Toussaint. Un singe, je singe suis un singe qui par ses grimaces attroupe les escales de flaques d'eau de poudrières,de desespérance, de famine de vengeances rentrées, de détresses nucléaires, de dévotions inavouables et c'est toi que j'interroge ô vent calme face peinte de guano de contorsions vent des déserts debout de cactus et de sphynx calamiteusement as-tu entendu quelque chose ? Récitant. Toulon, Brest, Lorient, Cadix une flotte! des flottes ! l'armade du destin. Récitante. Oh! la levée des bâtardeaux ! une agonie sur les eaux une grosse voix dans la citerne une grosse voix de guépards pluvieux dans la citerne dans la forêt de l'océan. Toussaint. Connaissez-vous Samarra . Samana ? Ici est  ma querencia: malheur à qui m'y traque. Chantres (braillant.) Salvum fac... Récitant. Sur une branche de vague fleurie une file de hérons blancs avant-garde .... Récitantes .... une houle de marsouins de frégates de connivances avant-garde de voratrices voceratrices et de fossoyeurs. ( La scène est envahie par des prêtres de tous ordres qui bénissent frénéti­ quementº) Les chantres. Te Deum Toussaint. Nom de Dieu ! mais foutez le camp, espèce de nom de Dieu! est-ce que les bourreaux n'essaient pas leur hache sur le billot ? est-ce que les oiseaux de proie ne violentent pas le cerne de leurs yeux ? A correction underneath the word 'proie' has been blotted out beyond recognition. est-ce pour vous voir que les est-ce pour vous voir que les Pyramides se sont cette nuit haussées sur la pointe de pieds ? ( à ce moment une pluie de caillous lancés par d'invisibles mains s'abatsur les délégations; désarroi.) Toussaint. Ha ! ha ! ils n'aiment pas ça . C'est curieux. Rampez, rampez fleuve d'immondices jusqu'à l'oubli. ( sauve qui peut; le clergé sort en bénissant fébrilement peureusement ) Les chantres ( à recoulons) Salvum fac imperatorem salvum fac gubernatorem. ( la scène reste vide quelques instants.)   ( entre la nourrice, une vieille négresse chargée de médaillesº) le choeur Nourrice. C'est moi la nourrice . Toussaint Louverture, bien sûr qu'il n'avait pas denourrice; et qu'il ne m'est jamais sauté tombé des bras ; et qu'on sait qu'il abu le lait de la terre et qu'il a machonné le sein de la terre et qu'il amangé le pain de la terre, mais une nourrice, imaginez que je suis la terre. Alors je suis venu vous demander de lui pardonner. Il est bizarre mon enfant, il est violent mon enfant; il réclame mon enfant;des droits. Toutes sortes de droits. Des droits qui ne sont pas faits pournous. Mais je dis que c'est pas de sa faute. Ho u n ! je dis que c'est son sang qui estplus fort que lui; et qui le bat, et qui lui joue de mauvais tours. Ho u n .Et je vois qu'il a passé sa maladie à une foule de jeunes gens. Et c'est trèsmalheureux. Une foule de jeunes réclameurs. Des nègres : ils ont tort de tantréclamer. Et forcément ça attire le malheur. De mon temps on était plus doux,plus acceptant, plus consentant. Hou. Hon. Toussaint. ailes et branches cassées à tour de rôle les victimes se succédent aux chutes holà dans la hune feu continu commencez le feu dans l'ombre et le fossé mille excuses, c'est ce que nous avons de mieux à vous offrir un incendie clignoté saluant de ses souffles l'obscurité armée d'ombres bleues qu'y-a-t-il? qu'y-a-t-il? à travers ma main j'aperçois des étoiles des libertés désuèttes ;;; une face révulsée prise prise dans le gele gel et le surplomb et le filet du pian. Récitant. ... l'esclavage. Toussaint. Masse sans comunauté- communauté ni communion une église brûle dans l'écrin de la fôret tordue des débris de fusée disent hourra la chair vole en copeaux d'Afrique sombre. Récitante. il y aura encore des yeux comme des tournesols ou de grands sojas amoureux ban­dés d'oiseaux aussi beaux qu'une sonnerie de pomme d'adam dans l'éclair des colè­res brèves. Récitant. Cp Coupeurs de choux-palmistes, charmeurs de serpnnts serpents vous ne charmerez pas mes mains de sablier inexorable et j'arrive dans ce pays où rien n'arrive présser - de peur qu'elles ne s'endorment- les choses. le choeu. ACTE II Une rue du Cap. Ier groupe de passants.Ier passant. Tu as vu la gueule du pêlerin : une vraie gueule de macaque. 2e passant. Une tête de macaque où se caricature un bicorne de général. 3e passant. N'empêche que ça m'emmerde de voir un bicorne de général français sur unetête de macaque. Ier passant . M'est avis qu'on se fout de lui. Dame! Les anglais et les Espagnols nouspressaient : la néc i é ssité, tu comprends. 2e passant. Encore comme ça! Les Anglais et les Espagnols mis à la raison, on renvoieMaitre Gilles. N'empêche que ça m'emmerde qu'on dise "mon général" à unvieux cul et qu'on se mette devant lui au garde à vous. 2e groupe de passants.Ier passant. Un nègre, capitaine général de Saint Domingue! C'est à la fois ridicule,humiliant, dangereux ! Qu'est-ce qu'un nègre, mes amis? Un singe à peine dégrossi; un chimpanzé, un orang-outang, un ouistiti, unsapajou, que sais-je? Tous les savants vous disent cela. 2e passant. Vous vous égarez mon cher congénère... Vous vous égarez parce que vousvous emporte r z et l'emportement ne vaut rien en politique. Un nègre capitainegénéral de Saint Domingue ridicule, je vous le concède, humiliant, je ne le nie pas, Mais voyez-vous jeune homme....dangereux par dessous tout. et je m'en vaisvous dire pourquoi.... Vous connaissez la version blanche (notre version) de l'histoire du né­grier : le nègre Cinquez donne le signal de la révolte. La révolte triomphe.Mais voilà le nègre Cinquez ne sait pas conduire un bateau...Ha, ha! Voyezvous cela d'ici.... Quelle revanche pour les Blancs!.... La mer indocilele grimoire des étoiles... la famine.... le désespoir... Mais imaginez ceciun instant, mes amis : le nègre Cinquez sait conduire un bateau! Le nègreCinquez sait lire dans les étoiles ! Le nègre Cinquez met le cap sur uneterre qu'il a calculée juste. Et voilà : un beau jour, le nègre Cinquez débarque avec sa bande, sonpeuple, dirais-je dans un pays magnifique, plein de soleil, de perroquets,de fruits, d'eau douce, d'arbres à pain.... Hein! Q'en dites vous? Quel soufflet pour nous ! (palais de Toussaint une terrasse. ) Toussaint. Je ne puis chasser de mes yeux cette image : des mangeuses de terre dansun champ d'argile. Choeur. Je ne vois rien qu'un mur de splendeur et de gloire. Toussaint. Toutes les mordorures et tout l'espoir au dos des mains, au creux desmains des feuilles de caïmitiers ne me consoleront pas. Le Choeur. Tes palais sont magnifiques, ton peuple libre. L'île d' est une embarcation de porpre pourpre , d'indigo, de cérat; fait une fleur aphrodisiaque aux seins de safran. Toussaint. Mes palais , je les hais. Mon île-limite, est une prison, et je suis pri­sonnier. Le choeur. J'entends de tout un peuple monter vers toi des hymnes. Ta gloire chante aux pieds des murailles. Toussaint. J'ai capté dans l'espace d'extraordinaires messages....pleins de poignards, de nuits, de gémissements ; j'entends plus haut que les louangesune vaste improvisation de tornades, de coupas de soleil,de maléfices, depierres qui cuisent,de petits jours étranges,l'engourdissement bu à petitesgorgées,le sexe rouge, le sexe jaune, dévorateur, dévorateur.... Le choeur. Saint Domingue est heureuse : un oiseau sans peur jette son cri de flammejeune dans le ventre chaud de la nuit. Toussaint. .... un grand brasier de prunelles rouges et de crabes...., un ensemencement pour voir- de mouches, de palabres, de mauvais souvenirs de pistes, de termites, de fièvres-à-guérir, de torts à redresser, un baillement d'alligator une immense injustice. Le choeur. Je sens des astres s' attendrir dans ma chair,des laitances, des lunes, des nénuphars. J'ai muselé On muselerait la mer en écoutant peiner les maraichers vers la croupe fabuleuse des matins, dans une douceur de scandales et d'écume. Toussaint. Assez de bonheur!les étranges mendiants aux faces de millésimes qui tantôt menacent tantotsaluent les autres aubes c'est moi une faim chaque nuit les réveille parmi le madrépore une faim de soleil plus large et de pièces de monnaie très anciennes. Je me tourne à nouveau vers le vent inconnu sailli de poursuites Je m'en vais ne parlez pas, ne riez pas L'Afrique dort- ne parlez pas, ne riez pas. L'Afrique saigne ma mère l'Afrique s'ouvre fracassée à une rigole de vermines, à l'envahissement stérile des spermatozoïdes du viol! Le choeur. Quel fil tendu par dessus les forêts, les fleuves, les marais, les langueset les fauves!' Je n'ai pas le don du vol. Je n'ai pas de mère- je n'ai pas de passé. J'ai comblée jusqu'à l'oubli,de poussières et d'insultes, le puits marâtre de mon nombril. Toussaint. Je ne renoncerai pas... je ne renoncerai pas à moi-même. Afrique, mon innocence... Afrique, ma nudité.... Faites tomber les villes. Faites des lois ou violez les. Tuez ou Adorez. Je suis hors Innocent,les mains nettes. Je suis hors. Les hippopotames soufflent leurs mauvais rêves les Rhinocéros chargent dans le vent trop vite grandi rond de pisé mûr mon innocence rit son grand rire de terre fraiche... Le Récitant. Attention!' Je crie attention du haut de ma guette. Plus près! Par ici! d'une voix douce et lente de mauvaise récolte et de pluie inattendue la nue noire dessine dessine u un noeud coulant! La récitante. Attention! Je crie attention du haut de ma guette. Plus près! Par ici! Le canot des flibustiers pille sur champ d'azur : pour se distraire. Ivresse et débauche. Une immense étendue se dore; dans les profondeurs du lac lessive un aigle de vermeil ; des champs de maïs, d'indigo, de cannes à sucre, à quelques brasses deprofondeur; des clameurs au creux se ruent au creux et bouchent le ciel... (Vision de panique . Des hommes courent en tous sens.) Des voix. Les Blancs débarquent, les blancs débarquent. Des voix. Les blancs débarquent ... les blancs débarquent. Voix. les blancs débarquent. Voix. les blancs débarquent. ( La foule grossit devant le palais de Toussaint. Toussaint parait au bal­con.) Des cris. Les blancs débarquent, les blancs débarquent. (Coups de canon dans le lointain, puis un silence... Un drapeau blanc jail­lit du sol.) Une voix. Les blancs envoient des parlementaires. La foule. Des parlementaires? ... Les blancs envoient des parlementaires? ( Parait une troupe en armes accompagnant un parlementaire blance.) Des cris. Vive la Liberté! Vive la liberté! Vive Toussaint Louverture! Toussaint. Une aube juste battait sourire une aube juste battait espoirs une aube battait de simples paroles plus claires que des socs de charrue... et c'est toujours pour nous la saison des pluies et des bêtes venimeuses et de l'hallali par terre et des femmes qui s'écroulent enceintes d'avoir espéré..... Soldat. Mon général, les blancs envoient des parlementaires. La foule. Les blancs envoient des parlementaires! Le récitant. Eaux surveillées de griffons Au seuil de lan nuit pour la 50 e fois dans le grand chateau et le maquis les I4 dagues moulent montent l'escalier ombrageux fouetté de branches. La récitante. Eaux surveillées de griffons sommeil au chant des incendies occultation des sables, magnificat jardin suspendu et turbulences toutes les flèches du carbet dans mon cœur de papayersombre âge de bronze âge de la pierre à ras de terre. In this case the main scheme corresponds with the #late_b Parlementaire. Général, il est encore temps: la République vous donne à choisir entre la paixet la guerre. Toussaint. Est-ce à moi de choisir? Attaqué, je me défends. Parlementaire. La Répblique République espérait trouver en vous un fils soumis et dévoué. Toussaint. Alors, pourquoi cette flotte? ces troupes? ces canons? Parlementaire. Je serais franc, la République entend faire rentrer,sous domination sa dominationla plus belle de ses colonies: Saint Domingue. Toussaint. J'ignorais que Saint Domingue eut proclamé son indépendance. Récitant. manioc des brûlis feu des campements hela écoutez-moi j'ai soif de vos flèche incendiaires de vos fumées asphyxiantes rouges de piments de vos coups de sifflet ppquant piquant le jarret des aubes de votre curare de votre génipa. Parlementaire. Abrégeons, le temps presse: quelles sont vos intentions, général? Toussaint. Je vous l'ai déjà dit; résister à toute agression . Parlementaire. C'est votre dernier mot.. Toussaint. Mon dernier mot... Parlementaire. Eh bien nous- nous débarquerons. Tirez sur nous si vous osez. Toussaint. Nous oserons. Nous avons pour nous le droit, l'honeur l'honneur la liberté. Parlementaire. C'est la guerre. C'est bien. Adieu général. Toussaint. C'est la guerre, adieu. Récitant. Nous sommes au moment où 9 scorpions se frappett frappent- formés par la malédic­tion des âmes. A ce moment des tams-tams éclatent frénétiques, couvrent les voix. Parlementaire. Qu'est ce que c'est?... Toussaint (extatique) Accoudé à la rampe de feu, les cris des nuages ne me suffisaient plus pas. Aboyez tams-tams aboyez chiens gardiens du haut portail chiens du néant aboyez de guerre lasse aboyez coeur de serpent aboyez scandale d'étuve et de gris-gris aboyez furie des lymphes concile des peurs vieilles aboyez épaves dématées jusqu'a la démission des siècles et des étoiles Parlementaire. Général, le 1er consul a à se plaindre de votre administration. Toussaint. Et moi, j'ai à me plaindre de l'ingratitude de la République. L'Industrie renait, l'ordre règne, le pays prospère. Parlementaire. Laissons là des considérations économiques et policières... Ce que vous rzproche reproche le consul... le choeur. Dites au Vaudou d'éteindre le jaune solaire de ses minitsminuig minuits dites aux bothrops que les jeux snt faits sont faits nous sommes la race tombée nous sommes la race sans jour et sans lendemain Récitante. Arpège de guitares sinistres il se lève sous mes paupières   une aube saignée à blanc je suis attente toute attente je marche sur les oeufs des instants précieux ô les chemins fragiles têtus et certains de mon royaume qui est et qui n'est pas encore. Récitante. Nous sommes au moment où un volcan se saborde dans la soute à corail. Récitant Nous sommes au moment où l'impératrice décrète dans les grottes de l'empirel'inutilité des caisses de compensation et se tatoue les cuisses d'une pluiede datûras où râle une lance flammée. Toussaint (à la foule) Mes amis, cries avec moi : Vive la liberté. La foule. Vive la liberté. Vive Toussaint. Toussaint. Ils débarquent ... les blancs débarquent... Ils viennent nous remettreau joug... Ils viennent rétablir l'esclavage, ici, dans notre libre Haïti. La foule. Vive la liberté. Vive la liberté. Toussaint. S'il est encore parmi vous quelques naïfs gonflés d'illusion, je leur disque les blancs ne font plus mystère de leur dessein dessein . Mes amis, écoutez bienLes blancs ont rétablis l'esclavage à la Martinique, à la Guadeloupe. Marti­nique esclavage, Guadeloupe esclavage : entendez-vous ? Alors je dis qu'iln'y a plus de doute : ce qu'ils nous apportent : c'est la déchéance, c'est la servitude sans espoir , pour nous et nos en­fants . La foule. Aux armes . Aux armes . Mort aux blancs. Toussaint. "Aux armes." Ça á été le cri de vos frères guadeloupéens quand ils ontappris le sort que leur réservaient les tyrans. " Aux armes " .Et le mûlatre Delgrès s'est fait sauter plutôt que de se rendre... La foule. Vive la liberté . Vive Toussaint. Toussaint. L'Europe elle-même nous a appris qu'un peuple qui se bat pour sa liber­té est invincible... La foule. Mort aux blancs. Toussaint. Mes ordres, je vous les communiquerai plus tard. Mais sachez dès mainte­nant que les blancs ne doivent avancer ici que parmi des ruines et des dé­combres : trois coups de canon vous donneront le signal de la d'une démolitionsytémati sée que et, implacable . Feu et cendre . Puisse Perisse Saint Domingue plutôtque la honte notre liberté : la liberté ou la mort. La foule. Vive Haïti. Vive Toussaint. La liberté ou la mort. Vive Toussaint. Vive Toussaint. Toussaint. Aux armes . Aux armes. La foule. Aux armes . (La foule se disperse en courant.) Des voix. Les blancs débarquent . Les blancs débarquent. Voix Les blancs débarquent. Voix Les blancs débarquent. Des cris frénétiques. Vive Toussaint Louverture . Vive Toussaint Louverture. Toussaint . Faites sauter la ville ; j'assassinerai, je dépècerai fièvre, peste toutes mes idées transformées en brûlots toutes mes pensées en feu grégeois hachoirs mes deux cantiques sang répandu ma tiède fourrure mes oreilles mes artères battent une charge auprès de laquelle le rut d'une femme en chaleur m'est qu'un geste d'enfant inachevé ; Ô chère tête de la lumière j'ai combattu dix ans pour un sourire ton sourire mûri de pleine connivence je me reculerais pas... ( 3 coups de canon espacés retentissent. Des hommes avec des torches courentdes explosions... de la fumée... une panique...) Des voix. Les blancs débarquent . Les blancs débarquent. des voix. Les blancs débarquent. des voix. Vive la Liberté. des voix. Mort aux blanc . A mort les blancs. des voix. Vive le liberté . Vive Toussaint. ( des troupes défilent ... une foule forêt la nuit ; lueurs d'incendie au.loin...des cavaliers.) Toussaint. défaite . ils avancent les massacres, mes massacres, les fumées, mes fumées font une route peulimpide de jets d'eau lancés par les évents de l'incendie mais ils avancent... les yeux crevés ? les mains coupées comme un maroon? marron? esclave? ils ne m'auront pas. à cheval ma haine et mon espoir. il me reste des ravins il me reste des montagnes.... au fond d'un trou fermé aux vents, je guetterais encore les marées secrètes les révoltes du linsoin limon et des terres noires. en avant mes amis. 1er cavalier. Fougères bègues guidez nous. 2è cavalier. Paroles séchées des herbes guidez nous 3è cavalier. Couleuvres endolories guidez nous. 4è cavalier. Lucioles, cris du silex, guidez nous. Toussaint. Guidez nous ô guidez nous aloès aveugle vengeance tonnante armée pour un siècle. ( la troupe s'ébranle). Récitant. Vers le soir de grandes îles de crachat s'élargirent en annonces somptuaires– sur le pavé. et bientôt les jararacas prirent position au haut du paysage Alors la route s'étonna d'étranges désastres les foules mordues cherchaient l'issue les foules mordues mordaient les carrefours invisiblement barrés et les foules s'essouflèrent sur place. Les foules piétinaient et les aigles rouges faisaient des signaux à mi ciel les signaux de la mort. ( une lande désolée : leurs d'incendie) Toussaint. Encore . Encore des labyrinthes du vin et de la mer l'orage incontestable boucané boucane l'isthme les angles le diamant le jour je ne désavoue rien sa vaisselle d'argent : Mon rire ses oriflammes de fruits d'eau de mer de coquillage : Ma tristesse, ma jun­gle, mes malédictions stimulées... hélas. Tout s'efface, tout s'écroule. il ne m'importe plus que les ciels mémorés The word 'mémorés' is written above the original in blue ink. In this case, though, the clarification was completely unnecessary since the original is quite legible.il ne me reste plus qu'un escalier à descendre marche par marche il ne me reste plus qu'une petite rose de tison volé qu'un fumet de femmes nues qu'un pays d'explosions fabuleuses qu'un éclat de rire de banquise qu'un collier de perles désespérées qu'un calendrier désuet que le goût le vertige le luxe du sacrilège capiteux. Rois mages Yeux protégés par 3 rangs de paupières gonflées gauffrées sol des midis gris distillant ronce par ronce un maigre chemin une piste sauvage gisement des regrets et des attentes fantômes pris dans les cercles mornes et fous des rochers de sang noir j'ai soif oh, comme j'ai soif en quête de paix et de lumière verdies j'ai plongé toute la saison des perles aux égouts sans rien voir brûlant... Récitante. des malédictions écrasées sous les pierres palpitent en travers du cheminavec de lourds yeux de crapauds ; un grand bruit démént secoue l'île par leciel, les os tragiques se déroulent contre nature conques, avalanches, coeur une nuit mal drainée et malsaine fait le tour du monde. Le choeur. Je me souviens du matin des îles. Le matin pétrissait de l'amande et du verre. Les grives riaient dans l'arbre-à-graines et le vesou ne sentait pas mauvais non. dans le matin fruité. Toussaint. Je cherche les traces de ma puissance comme un dans la brousse les tracesperdues d'un grand troupeau et j'enfonce à mijambes dans les hautes herbes du sang.pauvres dieux faces débonnaires , bras trop longs, chassés d'un paradis derhum - paumes cendreuses visitées de chauves souris et de meutes somnambules-la décomposition cadévérique allume toutes ses bougies de vers et d'herbes Montez fusées, éclairez le désastre... J'ai saigné dans les couloirs secrets – sur le sol grand'ouvert des batailleset, je m'avance, mouche dédorée grand insecte malicorns malicorne et vorace attiré par les succulences de mon propre squelette en dents de scie, legs demon corps assassiné violent à travers les barreaux du soleil. Récitant. dépecé éparpillé dans les terrains dans les halliers poème éventré émigration de colombes brûlées arrosées d'eau vie... Récitante. Saint Domingue saigne Récitant. Haïti saigne. Récitante. Cul de sac de misères, de solitude, d'herbes puantes Toussaint. le caïman ! les torches ! les drapeaux! et l'Amazone degout d'hévéas et les lunes tombées comme des graines ailées dans l'humus tiède du ciel o main de l'étrangleur, mon âme nage en plein coeur cœur du maelstrom là où germent d'étranges monogrammes : unphallus un phallus de noyé, un tibia, un sternum très haut défi de l'oeil fermenté des nafrages naufrages . 1ère voix suterraine Toussaint Louverture. 2è voix souterraine. Toussaint Louverture. 1er chuchotement. Toussaint Louverture. 2è chuchochement. Toussaint Louverture. Toussaint Louverture. est-ce qu'ils croient m'avoir comme la laie et le marcassin? m'extirper comme une racine sans suite? vaincu, Afrique, Amérique, Europe j'ai de la frénésie cachée sous les feuilles, à ma suffisance ; je tiens à l'abri des coeurs à flanc de furie la clé des perturbations et tout à détruire. le soufre mon frère, le soufre mon sang répandra danse les cités les plus orgueilleuses ses effluves parfumées, les charismes de sa grâce. 3è chuchotement. Toussaint Louverture. Toussaint Inutile de me contredire je n'entends pas rien rien que les catastrophes qui montent à la relève des villes blocs d'injustice monstrueusement agencés villes radieuses je lâcherai sur vous ma meute de vengeance et j'en susciterai par milliers des nègres de toutes les couleurs mes nègres taillés dans du beurre frais taillés dansdu roucou taillés ô joie en pleine blancheur et on ne les reconnaitra pas ceux là, poètes ou antéchrists, bourreaux fameux la plus noire des nuits est à venir courage. 1ère voix céleste. Que l'on me bâtisse sur des montagnes de charniers durcis, une prison : jevois battre les narines des ombres glissantes et du mauvais temps. 2è voix céleste. Que l'on m'invente des tortures je vois d'ennuis exploser les roses trémières des longs silences pacifiques. Choeur. souterrain. Voici ma main . voici ma main . Ma main fraiche, ma main de jet d'eau de sang ma main de varech et d'iode ma main de lumière et de vengeance... Toussaint Louverture . Toussaint Louverture . Toussaint. Dieux d'en bas, dieux bons j'emporte dans ma gueule délabrée le bourdonnement d'une chair vivante, me voici..... ( passent des nègres " enfilés par le cou à une longue chaine de fer, comme lesgrains d'un chapelet, et portant tons des menottes aux bras") ( entrent les évêques dieux noirs et rouges paissants sous la houlette de l'archevêque) 1e évêque dieu quelle époque. Mes enfants vous avez fait là une belle boucherie ( il s'assied sur son trône ) 2e évêque dieu Une époque étonnante mes frères: la morue terre-neuvienne se jette d'elle-même ssur les lignes. ( il s'assied sur son trône ) 3e évêque dieu Je dis que c'est une époque étourdissante ou stupéfiante à votre gré ( il s'assied sur son trône ) 4e évêque dieu Une époque phallique et fertile en miracles ( il rit idiotement et s'assied sur son trône. Les trois premiers évêques dieux setouchent le front du doigt et désignent le quatrième évêque dieu pour indiquer qu'ilest fou.) l'archevêque Allons, j'aime les bêtes de beau pelage: ne tuez pas les chats. ouha. brrouha. ou-ou-ah ( les évêques dieux se touchent le front du doigt et désignent l'archevêque pour in­diquer qu'il a perdu la raison.) l'archevêque Allons, j'entends la flutte perlée des crapauds et le crécellement rugueux des grillons de la nuit. ouah, brrouah. ( les évêques dieux se lèvent, le groupe sort lentement, chacun trainant derrière soiun hareng-saur attaché au bout d'un fil.) Récitante. ô j'attends passionnément: je suis cernée... Récitant. cerné d'yeux, de cauchemars. Récitante. cernée d'enfants et d'yeux et de ruées de rres rires. Récitant. Cataractes voici les cataractes et le chant meurtrier clair des oiseaux. ( Une campagne désertique, aussi peu tropicale que possible. Des paysans. Entrele voyageur la tête recouverte d'un voile). le voyageur. Bonjour bonnes gens, bonjour les bonnes gens. Hein? C'est drôle? Pourquoi bonjour?; This page is stained with blue ink in several places. In the sentence above, the stain covers half of the word 'bonjour?;', perhaps indicating a deletion. le voyageur. Ouf, je viens de loin. les bonnes gens. De combien loin? le voyageur. De bien loin... Dites, j'ai jadis connu par;ici un homme qui s'apelait s'appelait Toussain­saint, et le sobriquet avait curieusement allongé son nom d'une aigrette demains hardies... Toussaint, Toussaint Louverture. les bonnes gens. Hein, c'est drôle nous le conaissons pas. le voyageur. Et pourtant c'est dans cette lande qu'enfant il joua, saharien, avec pourcompagnon votre paysannerie joviale. les bonnes gens.  C'est drôle et bien possible nous le connaissons pas. Nous passons notre vieà planter des pierres. le voyageur. le voyageur. Eh bien, salut planteurs de pierres, et moi je suis un planteur de paroles.Toussaint Louverture, c'était un homme... comment dirais-je? les bonnes gens. Un homme en morsures profondes. le voyageur. Comment? en morsures profondes? Vous le connaissez? les bonnes gens. C'est drôle nous le connaissons pas. le voyageur. Oui toutefois.. un homme étonnant... en morsures profondes..Il parcourut le paysà la vitesse rapide de l'éclair et de la liberté, imprimant sur le sol de cada­vrese détrempés, ses pas fertiles. les bonnes gens. Excusez-nous, nous ne le connaissons pas. le voyageur. Peuple singulier.. et ils ne savent pas reconnaitre parmi les jonquilles une face de tem­pête. ( Le voyageur enlève son voile) Toussaint. Me connaissez-vous maintenant? les bones gens. C'est drôle Non , nous ne vous connaissons pas. ( Toussaint les bat nerveusement. ) Toussaint. Toussaint Louverture c'est moi, votre vengeance, votre liberté, votre colère, votvotre sang levé, votre machete, votre tête laineuse, votre paroxysme. ( les bonnes gens se mettent à planter des pierres, puis brusquement s'arrêtent ) les bonnes gens. C'est drôle, tu nous importunet- importunes éétranger; nous ne croyons à rien..nous plantons des pierres. ( Toussaint s'éloigne ( Toussaint s'éloigne/: les bonnes gens en riant lui lancent des pierres) les bonnes gens Hein, c'est drôle: nous ne le connaissons pas.( Toussaint s'avance seul dans la lande; des hommes déterrent des pierres avecleurs ongles. Toussaint s'arrète) Toussaint. Mes enfants je suis un roi qui ne possède rien, bonjour Les deterreurs de pierres Un roi ? roi? Above the preceding words, hardly legible pencil markings seem to spell out an address of some sort: "2 AVE dr#17" Toussaint. ... Qui ne possède rien Les deterreurs de pierres. Pouvons nous vous aider? Toussaint . Ravaudeurs du désert, baptisez moi.( Toussaint s'incline face contre terre, les bras écartés. Un des hommesluin verse de la terre sur la tête et la nuque) Toussaint. Terre farineuse, lait de ma mère chaud sur ma nuque, ruisseau riche, demi‐ténèbres, exige, dirige...( Il approche l'oreille du sol)Oh, des pas ; des sabots de chevaux ; des rampements de larves grossis dansla vallée de mes oreilles. Confluences. Flaques. Langages. Mains suresd'aveugle. Je suis atteint. Oh Oh, je suis atteint.( Il se lève redresse; à ce moment la lune brille de tout son éclat haut dansle ciel. Toussaint s'enfonce dans la nuit. Il s'arrète, se retourne et criede loin) Toussaint. A la folle enchère, à mes frais, à mes risques et périls...( Toussaint a disparu) Acte III En France. Une prison dans le Jura. Récitant. Salut Toussaint. Récitante. Salut feuille morte. Choeur. Salut prince de l'exil Toussaint. Ténèbres du cachot je vous salue. 1e spectre. Les soirs dégringolent comme un enfant dans l'escalier. 2e spectre. Je danserai autour de ma victime la danse du scalp. Geolier. ( s'adressant au public) Regardez-le, caricatural à souhait, la mine déconfite et chafouine, la faceblette, les mains frileuses, chef hypocrite d'un peuple de sauvages,triste conducteur d'une race de démons; calculateur sournois égaré parmi desfrénétiques. Mesdames et Messieurs, suivez-moi bien... En 1793 nous apprenions qu'aunom des droits de l'homme, nous apprenions dis-je que la plus vile de toutesles races allait s'asseoir côte à côte avec nous au banquet d'une risible frate­ternité. Ah, le résultat ne se fit guère attendre. Il y eut du comique. Il y eutdu tragique. Il y eut de l'horrible. On vit des cannibales entrer gonflés d'or­gueil dans les villes prises; on en vit aux Te Deum. On en vit rédiger desconstitutions. Voilà ce que l'on vit , bonnes gens qui m'écoutez. Et ce quel'on vit encore, la fumée dans le ciel de midi, le feu dans le ciel de minuitd'innombrables aurores boréales jetant au loin le reflet du crime et de l'ab­surdité. Hé bien, je dis qu'il est une justice suprème, et c'est elle qui refait au­jourd'hui du général Toussaint Louverture, le vieux Toussaint, l'esclave Tous­saint, triste chose oubliée aux latrines de l'histoire, un nègre pouilleux,un nègre dégringolé... Toussaint, Toussaint, la race du Cham ne secouera pas la malédiction desjours sanglotés. Récitante. Saint Domingue... Saint Domingue aux yeux d'antinomie d'antimoine , à, la bouche deKola fraiche. St Domingue la lourden, la dorée, aux biseaux de mangue et defemme mûre. Toussaint. Saint Domingue salve de bu se bouse coupée d'or. Mords moi, mords moi, j'entends j'entend tes chiens dans le tonnerre, j'entends ton amour dans mes veines. Mords moi.Bois mon sang. Choeur. Je ne sais pas ce qu'elles disent, mais ses paroles me font mal Toussaint. Attaché comme une enseigne au haut bout de la France, je ne sanglotte pas... j'appelle. Geolier. Nous avons miné l'écho : tes paroles brûleront comme des excréments. Toussaint. Marron, ton seul drapeau, le mien : de périls et de révolte sans remords. Geolier. Tu te vantes de tes forfaits. Toussaint J'ai acclimaté un arbre de soufre et de laves chez un peuple de vaincus. Geolier. Misérable. Toussaint Toussaint. La race de terre la race par terre s'est cousue connu des pieds. Congo et Mississipi coulez de l'or coulez du sang la race de terre, la race de cendre marche les pieds de la route explosent de chiques de salpêtre. Geolier. Tu expieras prisonnier de la neige, de la solitude, du désespoir. Toussaint. Tout comme moi, ton maitre saignera un jour : naufragé prisonnier de mon Afrique comme moi de son Europe. L'Afrique est désormais liée à son destin... L'Afrique a part avec lui Toussaint a part avec lui qu'il le veuille ou non. Je dis que l'Afrique ne le lâchera pas... ( à ce moment entre à l'autre bout de la scène le Messager) Toussaint. Ah. Voici le digne messager de cette race cupide cupide . L'or et l'argent ont tissé leur teint pâle l'attente de la proie a busqué leur nez fauve l'éclat de l'acier niche en leurs yeux froids ah. C'est une race sans velours. Messager. Toussaint. Toussaint. Ô mes membres de mur bousillé vous n'éteindrez pas de fatigue ou de froid mon cri fumant mon cri intact d'animal pris au piège. Messager. Toussaint! Toussaint. les minutes autour de moi processionnent comme une bande de loups efflanqués comme un troupeau de coups de fouet comme les noeuds d'une échelle de corde et de statuts sujet indocile victime parfaite défi rivé au front des mares je ne converse pas avec les dieux je ne guéris pas les possédés je ne sais pas le secret qui tua Antiochus Epiphane ni Erode lee grand qu'attendez vous pour cracher sur moi les l'épais crachat des siècles mûri en 306 ans trop tard, il est trop tard mes amis je n'y suis pour personne pour personne sauf pour l'inondation trop détrempée pour que les étoiles y éclatent sauf pour la boue aux yeux brulés au sexe brulé des filles courent dans mes yeux cahotés de luzernes en faisant sonner leus sabots de rivières leurs voix d'arbres sans poussières leur long corsage de pain, de plaine et voici j'ai commandé pour mes funérailles un troupeau de buffles sauvages un cent d'eunuques des sacrifices des tumultes un vol de couteaux de jet de sagaies de cuivre rouge mon corps  mon corps brancard je ne jetterai pas le blessé aux chiens de l'aubépine au cri du vin au roulis des  ornières peuplés  de veaux marins. The rest of the page is crossed-out with a large x written in blue ink. Messager. Toussaint. Toussaint. Je me souviens des soirs : le crépuscule était un colibri vert-bleu-vertjouissant dans l'hibiscus rouge. Messager. Toussaint. Toussaint. Le crépuscule hésitait frissonnant et fragile parmi les criquets rapiéçeursde ferraille. Messager. Toussaint Louverture. Toussaint. Qui m'appelle ? J'écoute. Je n'écoute pas. Il y a dans ma tête une riviere de boue boue d'ablettes de choses troubles etvertes d'oiseaux morts,de ventres jaunes, des miaulemants entrecroisés giclés très près du baillon mes années convulsées peintes en feu des plaques tournantes de marécages,de cratères, de fillettes violées il y a dans mes oreilles le peloton d'exécution dans les caponnières du matin . Récitant. Toussaint, une trompette guerrière a passé dans les airs: elle crachaitde la poussière et de la fumée. Récitante. Les chauves-souris vampires volaient autour du cou lisse du soleil. Récitant. des singes gambadaient autour du Lion à face d'homme. Toussaint, Toussaint, c'est le jour de l'épreuve. Toussaint. Je ne crains rien, je ne crains rien mes amis. Aujourd'hui est un jour de connivence.Il est des jours amers à mes lèvres et le mangot qui tombe,tombe lugubrementet les fleurs ressemblent à des ensevelis qui répondent de plus en plus fai­blement, mais aujourd'hui je suis en paix et le filao que ne vois pas, mefait des signes et la mer me sourit sourit de toutes ses fossettes et chaque manceni­llier se double et se suicide de l'olivier propice. Jour de l'épreuve, soyez le bienvenu. Messager. Toussaint Louverture. Toussaint. Hé bien, te voilà digne messager de la race supérieure Pleins de flair, ayant humé l'odeur du trésor proche, nos maitres t'ont icidélégué pour ouïr la révélation de nos petits secrets... C'est très bien...La civette n'accourt pas plus vite sur les pas de la gazelle. Messager. Toussaint, je suis ravi de vous voir revenu à de meilleures dispositions.Le 1er consul m'envoie vous en féliciter et vous assurer que votre complètessoumission ne le laissera pas insensible. En tout cas, permettez-moi de remarquer que vous ne vous sous-estimez pas:vous vous rachetez au prix d'un trésor. Toussaint. ...Considérable...le trésor des anciens flibustiers grossi par ma prévoyance. Messager. Hé bien Toussaint. Toussaint. Ce trésor, vous ne l'aurez pas. Messager. Comment!Et vos promesses? vos remords? votre lettre? Toussaint. Je dis que vou sne vous ne l'aurez pas. Messager. Nous l'aurons, car de lui dépend votre vie. Toussaint. Vous ne l'aurez pas: c'est l'or de la vengeance et de la Liberté. Messager. Insolent, tu braves le 1er Consul. Toussaint. Je ne le brave pas, je le hais. Messager. Assez. Toussaint. Je vous hais. Messager. Insolent. (il le frappe) Toussaint. Merci, ah merci... J'avais encore besoin de cette lâcheté là. ah, commevotre lâcheté me fait du bien. Messager. Voyons Toussaint, vous avez perdu la bataille. Vous êtes vaincu: il n'y a pas de désho­Voyons Toussaint, vous avez perdu la bataillnneur à le reconnaitre. The second line above begins with the next speaker, 'Toussaint,' written on the left margin, continues with the erased line and ends with the second line proper as it stands. Toussaint. Toussaint est vaincu; l'esprit de Toussaint n'est pas vaincu. Il anime encore des milliers de volontés voyez- vou s vous les mornes gonflés d'une menace d'hommes à la peau rude? La révolte... mes fils, ce sont mes fils. Messager. Toussaint, tes puériles imaginations me font sourire de pitié. Tes fils. Naïf vieillard naïf. et ton fils pense comme nous que tu serais impardonnable d'ajouter le vol au crime. Toussaint. Le vol ? Toussaint. Le vol? Moi, le vol, mon fils? Tu mens dhien chien ; hors de ma vue, hors d'ici te dis-je ou je te'étrangle. Dis-tu vrai? Isaac est entre leurs mains. Non traitre, bourreau ... bourreau. Le-nègre-à-lunettes ( sententieux) Je dis : ô que les querelles pourrissent longuement ! Je ne suis pas de ceux qui crachent l'huile sur le feu Mais j'ai choisi de jeter l'eau sur la braise et je dis que je renifle ici un crime : le crime contre l'oubli, le crime contrele fils et je dis que le père n'a pas le droit de pendre le fils dans le filrancunier de ses souvenirs cruels et je dis qu'il faut savoir oublier, que le tort des vaincus est d'être vaincus, mais que leur crime est de ne pas savoir pas oublier et je dis que, bénévole ministre des bienséances, je cravache de la mention"inopportune" l'indécence exposée des questions - qu'on-devrait-taire. «Inopportun», comprenez vous ? Je dis : ô , je veux oublier longuement. Toussaint (debout) .... Et moi je veux crier Et Le-nègre-à-lunettes ( s'enfuyant) Je dis : ô que les querelles pourrissent ! Au secours ! Au secours ! Entrent des prètres. 1er Pretre ( index tendu vers Toussaint) Ladre, je te défends, si tu vas par les chemins et si tu rencontres une person­ne qui te parle de te mettre au dessus du vent avant de répondre . 2 ème prètre. Ladre, je te défends d'aller dans les ruelles étroites, de peur que quelqu'unne te rencontre.n 3ème prêtre Je te défends de manger et boire en compagnie . 4ème prêtre Je te défends de sortir sans t'annoncer afin que l'on puisse s'éloigner. Toussaint Et moi je veux crier crier et on m'entendra jusqu'au bout du monde . (Il crie) Mon fils ! mon fils ! Le Récitant Le fils arrive . La Récitante Le fils arrive ... Toussaint (extatique) Trois enfants noirs jouent dans mon oeil Sollicités de chiens et les galaxies ouvertes dans ma main foudroyent le paysage de plaintes de lèpres d'éléphantiasis de non-lieu de déni de justice de lynchages de morts lentes pikanninies pikanninies ô votre rire indompté rire de larves rire d'oeuf votre rire de paille dans leur acier votre rire de lézarde dans le mur votre rire d'hérésie dans leurs dogmes votre rire qui tatoue leurs monnaies sans qu'ils s'en doutent votre rire irrémédiable votre rire de vertige où s'abîmeront fascinées les villes votre rire de bombe en retard sur leurs pieds de têtes maîtres Toussaint. toucan vent du désastre aspergé de liqueurs fortes pikanninies rongés de soleil pikanninies déchirés attention à la tache de soleil sur votre front attention à la tache maléfique du soleil au cancer du soleil qui rampe vers votre coeur jusqu'à ce que tombe rire de vos pieds nus le monde grand vol fou de poule écrasée( il rit frénétiquement) Récitante. Le fils arrive. Récitant.  Le fils arrive. Choeur. Attention : le fils arrive. Toussaint C'est bien : je demande une torche et mon fils arrive. Récitante. Attention : le fils arrive. Toussaint. Un trésor ! mais c'est moi qui leur réclame mon trésor volé ! Londres ! Paris ! New York ! Amsterdam ! Je les vois toutes réunies autour de moi comme des étoiles, comme des lunes triom­phales et je veux avec mes mauvais yeux, mon haleine pourrie mes doigts d'aveugle dans la serrure supputer ah! supputer sous leur calme et leur dignité et leur équilibre et leur mouvement et leur bruit et leur harmonie et leur mesure ce qu'il a fallu de ma nervosité de ma panique de mes cris d'éternel clochard et de dés de sueur de ma face suante pour fairecela, mon fils ô le fleuve de mes mes muscles fous ô le saut de mon sang ô le flamboiement bégaiement de mon sang dans la forge viscéraleEh bien! libéral trop longtemps, je dénonce le pacte absurdement respecté depère en fils. mon fils, je serai celui-là qui au ra aura commencé. Le fils. Mon père, aidez moi à vous aider. Toussaint. Je ne veux pas être aidé, je veux mourir ici. Le fils. Un mot, un seul mot de vous, mon père et votre sort en est changé. Toussaint. Ce mot, je ne le prononcerai pas. Le fils. Je veux te rendre à lagloire, à la liberté, à ton île : et le vesou ne sentait pas mauvais, non, dans le matin fruité. Toussaint. Ah! le scélérat n'avait pas menti .... Et ils lancent le fils suborné aux trousses mes du père moribond. Mon fils, à toi mes trésors, à toi mes bandes Haïti t'attend, Venge moi. Fils. Saint Domingue attend la paix, l'oubli, les convalescences Saint Domingue attend de dormir. Toussaint. Hélas. comme un papayer tendre sa tête est encore chauve de fruits mais le voici élu par toutes les flèches du carbet son lait s'écoule par mille blessuresson coeur d'arbre n'a plus la force d'envoyer aux extrémités le sang fermequi le défendait contre l'atidité l'aridité du sable. fils. Je ne suis pas un lâche . Je ne suis pas un traitre. Ce que je suis, je ne l'ai point choisi: fixé équitablement entre deux con­tinent, je suis un être de médiation. Toussaint. Je me souviens d'un jour de novembre; tu n'avais pas 6 mois et le maitreest entré dans la case fuligineuse comme une lune rousse, et il tatait tespetits membres musclés, c'était un très bon maitre il promena d'une caresse ses doigts gros sur ton petit visage plein de fosset­tes, ses yeux bleus riaient et sa bouche te taquinait de choses sucrées,ce sera une bonne pièce, dit-il, une bonne pièce comme son père, dit-il enme regardant et la mère disait que le maitre était très bon, trop bon disait-elle, je m'en souviens bien et il disait d'autres choses aimables le maitre,qu'il fallait y penser très tôt, que ce n'était pas trop de 20 ans pour faireun bon commandeur, oeil ferme vif et le bras ferme – et cet homme spécualit spéculait sur le berceau de mon fils– un berceau de garde-chiourme- et je ne dis rien, mais une colère me saisissait et une envie d'étranglercet homme, et une résolution était prises dans mon coeur... Fils. Père. Toussaint. Tué... je l'ai tué ... de mes propres mains. C'était une nuit de novembre. Nous rampâmes parmi les cannes à sucre Les coutelas riaient aux étoiles, mais ons se moquait des étoiles. Les cannes à sucre nous balafraient le visage de ruisseaux de lames vertes Nous rampâmes coutelas au poing Et subitement des clameurs déchirèrent le silence. Nous avions bondi, nous les esclaves, nous le fumier, nous les bêtes auxsabots de patience. Nous courions comme des forcenés. Les coups de feu écla­tèrent... Nous frappions... La sueur et le sang nous faisaient une fraîcheur. Nous frappions parmi les cris et les cris devinrent plus stridents et unegrande flamme s'éleva vers l'est: c'étaient les communs qui brulaient et laflamme tremblota douce sur nos joues. Alors ce fut l'assaut donné à la maison du maitre. On tirait des fenètres. Nous forçâmes les portes. La chambre du maitre était grande ouverte. La chambre du maitre était bril­lamment éclairée, et le maitre était là très calme... et les nôtres s'arrétè­rent... C'était le maitre...J'entrai. C'est toi, Toussaint, me dit-il, trèscalme... C'était moi, c'était bien moi, lui disais-je, le bon Toussaint, lefidèle Toussaint, son esclave Toussaint, Toussaint Toussaint Louverture etsoudain ses yeux furent deux ravets apeurés les jours de pluie... je frappai,le sang gicla; c'est de ce soul seul baptème que je me souviens aujourd'hui. Le fils. Je suis libre et je veux oublier comment et le ravin et la broussaille... Toussaint. Ingrat. Le fils. Ingrat, non: libre, libre de toute haine, libre de tout remords. Toussaint. Non pas libre. Vide. La liberté est une plénitude. Fils. Peut-être alors, mon père, pourrais-je m'en plaindre à mon tour Lorsque la République t'offrit de m'élever en Europe, les cloches de ton coeursonnèrent à toute volée. Mais pour moi, les cris d'exil de la mouette, et le grand rapt salé etla brumesans soleil, l'exil mon père. Et O la pluie de cendres violettes sur ce Paris étranger. Et O   c l e froid incisif jusqu'au sang. Etp puis le temps passa. Une paix se fit en moi,quelque chose comme un délaçagede fibres nouées et le paysage fut doux, maternel comme reflété des eaux,etil avait une mesure, une décen s c e, une retenue en même temps qu'un abandon,lepaysage, une amitié enfin..., mon sang ne jurait plus, c'était quelque chosede défait et de fleuri. Toussaint. et moi, le paysage m'empoisonne des aconits de son alphabet. Moi aussi je saislire et le nuage a la tête du vieux nègre que j'ai vu rouer vif sur une placedu Cap, il avait giflé un blanc, j'avais 10 ans, le ciel bas est un étouffoir,le vent houle des fardeaux et des sanglots de p a e au suante, le vent se contaminede fouets et de futailles et les pendus peuplent le ciel d'acéras et il y a desdogues le poil sanglant et des oreilles... des b oreilles ... des barques faites d'oreilles coupées qui glissent sur le couchant. Va-t-en, fils, je suisseul et la mer est une manille à mon pied de forçat. Fils. Grâce, je demande grâce. Toussaint. Qui a dit pitié ? qui essaie par de ce mot incongru d'effacer le tableau noir et feu ? Qui demande grâce? Est-ce que je demande grâce à mes yeux irrités ? est-ce que je ne subis pas mes visions irréparables ? et je n'ai pas besoin de harpon. Et je n'ai pas besoin de merlin. Pas de pardon. J'ai remonté avec mon coeur l'antique silex, le vieil amado n u déposé par l'Afri­que au fond de moi-même. Je te hais. Je vous hais. Et ma haine ne mourra pas. Aussi longtemps que le soleil obèse chevauchera la vieille rosse de la Terre... Et maintenant le passé se feuille vivant le passé se haillonne comme une feuille de bananier. Isaac, Isaac le cataclysme à la tête de scalp, à la cervelle de rouages de larves et demontres au hasard des fables, au hasard des victimes expiatrices expiatoires attend les yeux chavirés de palabres magnétiques. Isaac, Isaac vénéneuses mes paupières s'entrouvent au coeur de cocotiers... fortement attirantes la parade des buissons vivants; ô végétaux enfants trébuchant sur les pavés inégaux des perturbations Liberté, liberté, j'oserai soutenir seul la lumière de cette ta tête bléssée. ( à ce moment, vision: dans une campagne tropicale, s'agite et se convulse la sil­houette innénarrable du Grand Prohibiteur. Le "héraut", «sa bouche,» est cou­ché sous un arbre? Il ronfle.) Le Grand Prohibiteur. Allons. Allons; réveille toi ^et'e être grossier , stupide et somnonleny somnolent que la des­tinée mauvais m'impose comme bouche. Ma bouche ô ma borche bouche tardigrade ma honte j'ai un flot de parolesn d'ordres, nde de contre-ordres qui se pressent et attendentet se present dans le recès de ma salive allons, viten, vite, l'animal ronfle mais peut-être ne savez vous qui je suis : vete veto , veto veto , ce n'est pas un aboi non, c'est veto, vetoça ne vous dit rien ,je vois que ça ne vous dit rien. Et pourtant à ce cri, lesbouches s'arrêtent de parler, les jambes rentrent leur humeur vagabonde, lemonden se balafre de bornes, se hérisse d'obstacles, veto, veto Je suis le compresseur, le represseur, le régisseur je suis le grand prohibiteur je m'expliqueeh bien, il avait été constaté en haut lieu qu'il se faisait depuis quelquestemps une consommation effroyable absurde, imprévue, insensée de dons, largesseslibéralités, indulgences et permissions, toute chose dérangeant incontestable­ment l'économie fragile, ô fragile, fragile de l'univers borné borné et c'est alors que je fus suscité. Prohibiteur le grand Prohibiteur je suis le grand prohibiteur, saisissez vous ? Celui qui regne, qui restreint, quir qui retient et contraint l'ordre l(ordre négatif, la défense personnifiée, la menotte éloquente, le verrou de pri­son ambulant, le baillon à la langue bien pondue pendue , le mois qui est le contrairedu plus, l'arrêt qui est le contraire vrai du mouvement, non la satation sta­ tion, non la station, le retrait qui est le contraire du progrès, l'être ple plus existant, celui qui se pose en s'opposant, l'être le plus nécessaire, le contraree contraire de l'expansion de la propension de la contagion, croc-en jambe, croc- en jambe celui qui à un certain moment rend caduc caduc, caduc(il jappe) veto, veto; Mais je m'aperçois que mon serviteur enfin réveillé profite de mes explicationsbénévolentes, de mes philantropiques exclamationspour bâiller aux cormeilles. Allons héraut. Ma bouche, ma bouche. Héraut. Héraut. Allons héráut fais ton office. Le choeur Le héraut Mais c'est que je ne vois personne. Rien que des arbres et de la savane Le Grand Prohibiteur Imbécile, Eh bien crie la loi aux arbres, à la savane Le héraut (incrédule) Aux arbres? à la savane? Le Grand Prohibiteur. Je dis: aux arbres à la savane, à la pluie au soleil...Comme si sur ce continentd'Indiens fuyards, ça n'avait pas été d'abord dans les oreilles stables de l'l'arbre et de la savane que s'étaient gravés les accents de la loi. Le Grand-Prohibiteur héraut (émerveillé) Vraiment! aux arbres! à la savane! des lois!! Le Grand Prohibiteur Ignorant qui connait le nom de Don Christobal Colon amiral de l'océan et ignorecelui de Rodrigo de Escovedo notaire royal. Apprends donc mon ami, que les ca­ravelles qui abordaient ici n'étaient pas seulement enceintes d'armes, de vi­vres, de chevaux, de cavaliers... Elles avaient et surtout la pause reboucrie panse rebondie de lois sonores et répressives. Le héraut De lois, la pa u n se pleine de lois ! Le héraut. De lois, pleine-de-lois la pause panse pleine de lois; des lois répressives. Le grand prohibiteur. Et puis que j'ai commencé à l t 'instruire, je ne veux pas te laisser ignorer lenom de mon genial mon genial précurseur ici, à Hispaniola. Il s'appelait Alonzo Hojeda.Retiens bien ce nom de don Alonzo de Hojeda, de même que l'histoire a retenu comme symbole le geste d'Hojeda offrant au cacique Caonabo ce qu'il y aau monde de plus précieux. Et il offrit à Caonabo émerveillé devinez quoi ?un turey, un turey sacré, c'est à dire une jolie paire de menotees menottes . HI HI, tu ascompris allons, héraut, allons. Le héráut (d'une voix forte . ) ( après une sonnerie de trompette)au vent, a la pluie, au soleil, aux arbres du nouveau Monde, salut( sonnerie de trompette) Le grand prohibiteur. ( jappant) veto, veto, veto. ( la visione disparait) Le choeur Hélas, hélas, je crie hélas Le négrier, le licol la tringle de fer la cale puante le mal de mer les saucisses bien liées de morts et de vivants et la révolte un beau soir miteux et les manilles et les menottes et le rotin et la noyade hélas, hélas vers le matin blanchiment vil d'îles de continents d'église et demálédiction Le récitant Un gouffre. Ma vue ne saurait le mesurer La récitante. Récitante. Un gouffre de sanglotes sanglots   un ouré gan un ouragan de rauquements, de vociférations, une forêtd'erreurs, d'interdictions, de rites, de maladressesnde maladresses   mensonged de mensonges, d'exaspérationpas de fruits,pas de fruits, harpies harpies , harpies,buissons d'âmes séchées. Récitant. Un désert de bétons, de camphre, d'acier, de charpies, de marais desinfectés un lieu lourd miné d'yeux de flammes flammes et de champignon, une perversion d'acierde viol, de tortures, de spasmes, d'effondrements, d'égorgements, un lévrier fou, un tonnerre bas, un crachat frénétique dans le soleil chimique, un océan aux dé­tresse de goulet étroit de catéchisme d'éternuement. Récitante. Des torrents dégorgeant d'innombrables cadavres de dogues, de cauchemars, de lémures tourmentés. Toussaint. ...toutes les violences du monde mort frappé de verges exposé aux bêtes trainé en chemise la corde au cou cou arrosé de pétrole et j'ai attendu un en san-benito l'heure de l'auto-da-fé et j'ai bu de l'urine, piétiné, trahi, vendu et j'ai mangé des excréments et j'ai acquis la force de parler plus haut que les fleuves plus fort que les désastres ( à ce moment vision du soleil qui se couche, saignant) Le choeur. Oh oh le soleil se couche. Toussaint. Arrière. arrétez bourreaux ah vous me clignes clignez de l'oeil vous me demandez ma complicité   au secours! au secours! au meurtre!   ils ont tué le soleil! il n'y a plus de soleil! il ne reste plus que les taureaux   de Basan une torche est attaché à leur queue furibonde... Les taureaux piétinent   la savane sans meubles   Il y a aussi les cavaliers.   Ils ont suspendu le soleil comme un bouclier à la porte du ciel   assassins! assassins!   mais ils s'éloignent et je ne puis pas les suivre ils poursuivent le pauvre homme! ils lui donnent la chasse à grands cris et abois de chiens leurs chevaux sont vite ils entourent le pauvre homme de longs cercles fatals ils resserrent le noeud de leur cercle autour du cou pelé ça y est..... ils ont reniflé la viande du négre ils s'arrétent ils rient ils se lissent le moustache ils sifflent les chiens penauds les chiens accourent, la langue pendante Ha! deux yeux dans crime roulent dans la nuit deux yeux roulent de la nuit, de la peur des malédictions de la résignation de la fierté de la haine aïe! ils sifflent, les autres autres sifflent ils ont lancé les chiens taiaut! caillot taiaut! ils poussent des cris terribles à pleine dent de molosse de molosse de molosse les torches sont allumées sous les voûtes de la forêt. C'est fini, tout est fini.  Inutile de réclamer; l'action de la justice dest éteinte. voyez, ils l'ont déchiré en lambeaux. En lambeaux comme un cochon sauvage. Comme un agouti. Comme une mangouste. Qui a fait cela? Vous me demandez qui a fait cela! Non, non ce n'est pas moi je suis innocent Qui? Eux eux les chiens eux les hommes aux babines sourires saignant es s , aux yeux d'acier Mais vous savez je vous dis que l'action de la Justice est etteinte. Eteint, mais le tisonde leurs yeux ne s'éteint jamais. assassins! assassins! assassins! Geolier. Silence! Toussaint. Allons! bonnes gens... c'est vrai que je vous importun.... et vous voudriezm'empécher de parler... Faites moi peur, faites moi bien peur, je suis très lâ­che vous savez : j'ai tremblé de toutes le les speurs depuis la peur première... Geolier. Le gredin! Toussaint. Faites moi peur, faites moi très peur je vous dis. Et vous savez les bons moyens:serrez moi le front avec une corde, pendez moi par les aisselles, chauffez moiles pieds avec une pelle rougie. G eolier Tais toi nom de Dieu! Toussaint. Percez moi la bouche d'un cadenas rougi au feu Geolier. Il me tente! Toussaint. Marquez moi à l'épaule d'une fleur de lys, d'un verrou de prison, ou de vos ini­tiales tout simplement Jean ou Pierre ou Jeanne ou Louise ou Geneviève... c'est ça..... ou d'un drapeau... ou d'un petit canon.... ou d'une croix.... ou d'une trèfle . The words 'd'une' are repeated with the same deletion of the letter 'e' below the original. Geolier. Tous les diables de l'enfer tisonnent dans sa couenne noire Toussaint. .... ou bien de vos chiffres entrelaçés, ou bien d'une formule latine. Geolier. Assez! Toussaint. Ils font les scrupuleux. Ne vous génez pas je vous assure: j'étais absent aubaptème du Christ. Geolier. ça se voit à l'oeil nu. Toussaint. Et je m'accuse d'avoir ri de Noé, mon père nu, mon père ivre. Et je m'accuse de m'être vautré d'amour dans la nuit opaque, dans la nuit lourde. The rest of the page is crossed-out with a large x written in blue ink. Gêôlière. Ligote le Geôlier. On y va ma femme, on y va ( il ligote Toussaint) Geôlière. Misérable voleur. Toussaint. Que me voulez vous, méprisables créatures ? Geôlier. ... Ce trésor... où l'as tu caché ce trésor... le fruit de tes rapines ? Geôlière. Voleur ! Voleur ! ... Nous sommes renseignés... Toussaint. Quelle est cette femme qui m'insulte ? Geôlier. A toi de répondre,gredin noir... il n'est plus temps de biaiser. Geôlière. Frappe le, frappe-le... ça fera du bien à sa vilaine couronne peau ... Toussaint. Qui es-tu femme ? J'en ai connu des femmes; des seins surpris au pâturage, des éléphants enfantsallant à la messe. Geôlière. Aïe !'Le goujat ! il m'insulte le salaud, il m'insulte tu entends ? Geôlier. Insolent, dégoutant, singe libidineux ! ( il le frappe. La femme le frappe également). Toussaint. Le roi Toussaint... Répétez : "le roi Toussaint" Le roi Toussaint vainquitles Anglais. Le roi Toussaint terrassa les Espagnols... Geôlier. Dis-donc, mais il se fout de nous, le moricaud... Bien sûr qu'il fait lefou... Plus fort... encore plus fort (il frappe Toussaint). Toussaint. Frappe... frappe commandeur... frappe jusqu'au sang... il est né du sillon unerace sans gémissement... frappe et lasse toi. Geôlière. Bûche ! Quelle bûche ! C'est une bûche te dis-je... une drôle de race, ces nè­gres... Crois-tu que nos coups lui fassent mal...en tout cas, ça ne marque pas.... (elle frappe) oh! oh! son sang coule! Geôlier (riant) c'est bien connu : battre un nègre d c'est le nourrir... Toussaint. Isaac, Isaac, pourquoi rester sous la pluie... J'avais un fils... j'avais réu­ssin à le préserver des morsures de cette race de scorpions...Isaac, Isaac ! Geôlier. Ah ! il déraille sérieusement ... C'est à mourir de rire... Dis, c'est marrantle sang rouge sur la peau noire. ( ils délient Toussaint) Toussaint (sursautant) des mains coupées... de la cervelle giclante... de la charogne molle... Isaac, Isaac... pourquoi rester sous la pluie des scorpions venimeux ? les tamanoirs égarés dans les époques lapent au pavé des villes des fourmisd'aigue-marine . Les sarigues cherchent entre le joint des équinoxes un arbreroux, un arbre d'argent... une volonté se convulse dans le mastic bourbeux desfatalités et le cache-cache des vers luisants. Isaac ! Isaac !                                             ( il s'écroule en gémissant) La récitante. Quelle nuit ! quelle neige ! C'est comme si la neige et la nuit s'étaient fu­rieusement battues : de grosses masses d'ombre s'écroulent avec tout le panneaudu ciel et la cavalerie des flocons se précipite au vol fouetté de ses cent milleburnous. Le récitant. La neige ! il neige ! première nuit de neige ! la neige première creuse la nuitde ses doigts précieux, creuse la mort de ses doigts de vengeance, creuse lebol des nuits de son llit lait de prière. Le choeur. Amen!'la neige mord ; la neige mord de ses crocs brûlants une nuit solennelle.( A ce moment vision d'une route illimitée blanche : une lanterne cahote; uneforme se précise peu à peu . C'est la Sainte Vierge. Elle s'avance, s'arrêteet se penche sur Toussaint qu'elle contemple longuement). Toussaint. Hum ! qu'y a t-il ? Qui me réveille ? Qui  vient me troubler sur le seuil du repos ? La sainte vierge. ... Mon fils Le choeur chuchotant. C'est la Sainte Vierge ! C'est la Sainte Vierge! ( le vent apporte du lointain des bribes de spiritual) La sainte Vierge. ... Toi aussi tu es mon fils! Toussaint. Et moi aussi je suis ton fils ... regarde... regarde donc... fille de la neige,regarde ce bloc de nuit sculptée, mon visage! La sainte vierge. Mon fils, mon fils. Toussaint. Je ne suis pas ton fils, mas le fils de la Terre, mais le frère du Soleil,mais le frère de la Nuit avec ses millions d'étoiles, je ne suis pas ton fils...j'ai peur... ma gorge me brûle. Mère ! Mère! La sainte Vierge. Ta souffrance mon enfant, m'était indispensable... Toussaint. Ah! il te fallait un fils nu, un fils trahi et vendu, un fils arrosé decrachats... et tu m'as choisi... Merci ! Ainsi donc il te fallait de la su­eur d'homme, du sang d'homme, des gémissements d'homme... des désespoirs d'hom­me et tu m' nous as requis ! Merci.... Et quand nous étions las, rompus, fourbus, brisés, nous n'avions pour julepet baume que le ricanement du fouet, l'aboi du fouet et la morsure sauvage etla coulure acide dans nos chairs animales de l'humiliation.Merci, ma mère.Et il fallait aussi- n'est ce pas ?- à ceux qui t'ont envoyée, il leur fallaitmieux que ma défaite , mieux que ma poitrine qui se rompt, mieux que mon sangqui se décompose, il leur fallait mon acceptation... il leur fallait mon ouiet alors ils t'ont envoyée... Va t'en marâtre.... va t'en car je t'exècre...va t'en les mains vides... ou plutôt prends ce sac de paroles ...les parolesde Toussaint, les dernières peut-être, les dernières... sans doute et porteles à ton engeance fienteuse. O hommes blancs, mes frères nos spectres tordus viendront hanter vos banquets nous dresserons obscènes et nus nuls au milieu de vos réjouissances nos faces descandale, nos cris troubleront vos victoires et les soirs de défaite vous nous verrez debouts à vos carrefours, noirs,terribles, muets... et vous aurez honte... et vous aurez peur....(La vision disparait peu à peu.) Toussaint (hagard) ... Une rumeur de chaine de carcans monte de la mer ... un gargouillement denoyés de la panse verte de la mer... un claquement de feu, un claquement defouet, des cris d'assassinés... .... la mer brûle ou c'est l'étoupe de mon sang qui brûle... Oh, le cri... toujours ce cri fusant des mornes... et le rut du feu et dutambour et vainement se gonfle le vent se gonflé de l'odeur tendre du ravin moisi, d'ar­ bres à pain, de sucreries, de bagasse harcelée de moucherons.... Terre ma mère j'ai compris votre langage de cape et d'épée mes frères les marrons le mors au dent mes frères les pieds hors clôture et dans lev torrent ma soeur l'étoile filante, mon frère le verre pilé mon frère le baiser de sang de la tête coupée au plat d'argent et ma soeur l'épizootie et ma soeur l'épilepsie mon ami le milan, mon ami l'incendie chaque goutte de sang explose dans la tubulure de mes veines et mon frère le volcan aux panses de pistolet et mon frère le précipice sans rampe de balisiers et ma mère la folie aux herbes de fumée et d'hérésie aux pieds de Croisade et de bâton aux mains d'hivernage et de jamais et de jujubier et de perturbation et de soleil bayonnetté. (Toussaint se met à marcher, à ramper, à courir dans d'imaginaires brous­sailles , des guerriers nus bondissent, un tam-tam bat lointainement ) La récitante. O la danse des étoiles sans nom... les savanes s'animent... les pluies fu­ment... des arbres inconnus tombent palmés de foudre. Le récitant. Qu'est ce qu'elle dit? Qu'est-ce qu'elle dit? (à ce moment Toussaint se redresse) Toussaint. les chenilles rampent vers l'auberge des bonnets de coton... La cuve de laTerre s'est éteinte... c'est bon... Mais le ciel mange du bétel... ha ha! le cielsuce des poignards...Roi de Malaisie et de la fièvre pleine d'insectes mâchebien ton kriss et ton bétel... Isaac, Isaac, une balle pourrit entre tes souri­res blancs... Aïe! je marche dans des piquants d'étoiles. Je marche... j'assume...j'embrasse...           ( Toussaint s'affaisse, les bras étendus, poitrine contre terre). Le récitant. Mort, il est mort ! La récitante. Mort dans un taillis de clérodendres clérodendres parfumés. Le récitant. Mort en pleine poussée de sisal. La récitante. Mort en pleine pulpe de calebassier. Le récitant. Mort en plein vol de torches, en pleine fécondation de vanilliers... Le choeur. Saint-Domingue, Saint Domingue. Le récitant. Saint Domingue les secrets enfermés sous un tour de gorge montent dans leclocher du sang. Les femmes possédées dressent leurs mains savonneuses aux 4coins du marais au coeur rouge ; les soifs nouvelles s'écoulent, lunes casséesà même la miche d'eau, une pierre au front. La récitante. Kohol sans langueur l'atmosphère blasée de porte vide tient du miracle unricanement de roucou précieux. Une boussole meurt de convulsion dans une lan­de, jatte de lait à la fin du monde. Le récitant. dans la forêt les meurtrières coulent avec des rires de fontaine et les fleuves sans signaux trament l'aventure charnue des voyages virulents sang nomade en coquetterie de morts et de genèses gaspille du fond des pierres trouées et de la nuit des âges le rire mortel des momies caverneuses Le choeur. Saint Domingue ! Saint Domingue ! (La scène a brusquement changé. Nous sommes à Saint Domingue devant les mursdu Cap assiégé par l'armée noire de Dessalines ... des coups de canon... desfumées... des pans de murs écroulés... Général noir à cheval entouré d'un nom­breux état major... des troupes en armes prêtes à s'ébranler) Au fond les murs de Saint Marc assiégé par l'armée noire de Dessalines; sur lerempart apparait une tête. L'homme se dresse, c'est le «négrophobe.» « le négrophobe.» Bande de salauds! Mort aux voleurs! (Des animaux qui n'ont pas d'âme à sauveret à qui le fouet prête de temps en temps un semblant de conscience.) Voleurs!Voleurs! Les armes à la main, je revendique mon bien, mon troupeau, ma possessionlégitime, mes esclaves!(bruit de mousqueterie; les nègres ont tiré; le négrophobe tombe, il est aus­sitôt remplacé par le «le négrophile».) Le négrophile (haraguant le vide) Ha! mes mais amis , mes chers amis! Et l'Evangile a dit que celui qui hait son frèrevivra dans l'obscurité.O mes anis amis qui vivez dans l'obscurité, dans l'obscuritéde votre peau, dans l'obscurité de vos coeurs, je veux faire descendre, lait,un rayon de lumière... d'amour. Et je ne cesserait de vous appeler "mes amis"mes amis, mes frères.- L'écho .... mes frères, mes frères..... Le négrophile (préchant dans le désert). Mes amis, ô mes amis: je vous accorde que l'esclavage est une grande inicuité,mais par l'esclavage vous avez soufferts. Et la souffrance vous a grandis. Etla souffrance vous a fait hommes. Dela mes amis, mes frères, ne l'oubliez pas. L'écho N'oubliez pas, n'oubliez pas. Le négrophile (donnant des coups d'épée dans l'eau) paix, paix, amour, amour. L'écho amour, amour Le négrophile (désespéré) ô peuple égaré, ô insensés lâchez vos armes homicides le meilleur est en vous et non hors de vous lâchez ces armes, et à force de patience et de soumission vous désarmerez, je le jure, l'arrogance de vos maitres. L'écho Vos maitres, vos maitres. Le négrophile ( bruit de mousqueterie) Mes frères, mes frères ! ( le négrophile tombe) Récitante Je bâtirai de ciel, d'oiseaux, de perroquets, de cloches, de foulards, de tambourde fumées légères, de tendresses furieuses, de ton de cuivre, de nacre, de diman­ches, de bastringues, de mot d'enfants, de mots d'amour, d'amour, de mitaines d'enfant un monde notre monde mon monde aux épaules rondes de vent, de soleil, de lune, de pluie, de pleine lune un monde de petites cuillers de velours d'étoffes d'or de pitons, de vallées, de pétales de cris de faon effarouché un jour autrefois les soeurs égales se donneront la main dans les chambres de otrture torture le monde penchera tout doucement pour mourir sa tête biscornue les jours bien rangés comme un orphelinat allant à lamesse les jours avec leurs airs d'assassin polis se détrousseront de lait, d'herbes, d'heures avec leursmines de cerisiers sauvages avec leurs politesses de galère sur la route des cygnes avec leurs airs de chateau connu mais aux salles aussi belles que le mensonge qui n'est pas autre chose que l'amour du voyage est-ce que je n'ai pas des mains? de la pierre et de la nuit tombée? un jour-autrefois trève de Dieu sans D d ieu des ports inconnus toujours- des soleils inconnus des mains aux créneaux des mains vivantes aux meurtrières le pont-levis s'abaisse sur l'irrémédiable et le bondissement des paroles magiques qui calment la forêt insurgé, insurgé araignée des jours précieux je n'avalerai pas ma salive. Récitant. à l'heure rouge des requins à l'heure rouge des étrivières à l'heure rouge des noyades à l'heure rouges des nostalgies à l'heure dénouée rouge à l'heure rouge des cohues épales épaules de l'eau bouillante nos fesses scarifiées se mirent à crier vengeance; à l'heure rouge des miracles liberté belle de nuit éclose au caillebotis et fumier de jambes coupées les chenilles rugissaient sur le pont et nos jambes criaient victoire et les douves brisées répondaient vengeance par ses ardillons d'étoiles par ses prunelles d'étoiles ses mammes d'étoiles ses cerises d'étoiles qu'elle nous lançait à pleines vannes et la mort n'était pas hargneuse mais douce aux mains de seins de palissandre et de jeune fille nubile aux mains de champs de charpie et de fonio douce nous étions là et une virginité saignait cette nuit là timonnier de la nuit peuplée de soleils et d'arc-en ciel timonnier de lan mer et de mort liberté ô magrande bringue lesh jambes poisseuses du sang neuf ton cri d'oiseau surpris et de fascine et de chabine au fond des eaux et d'aubier et d'épreuve et de letchi triomphant et de sacrilège rampe, rampe ma grande fille peuplée de cheveux et de fouillages et de hasard et de connaissance et d'héritages et de sources sur la pointe de tes amours, sur la pointe de tes retards sur la pointe de tes cantiques de tes lampes sur tes pointes d'insectes et de racines rampe grand frai ivre de dogues de matins et de marcassins de bothrops lancéolés et d'incendies à la déroute de l'exemple scrofuleux des cataplasmes. The rest of the page is crossed-out with a large x written in blue ink. Général.  noir négre En avant Morne Rouge ( charge de fantassins) Général. négre En avant charnier ardent ( nouvelle charge de fantassins) Général. gen  négre En avant Capoux Capoix -la-Mort ! ( charge de cavalerie) ( des cris au loin : Victoire, victoire...) Général. négre C'est bien. Le récitant. Qu'y a-t-il? Qu'est-ce que c'est... Parlez... Je n'y suis plus. Le choeur (allègre) La grande Révolution de Saint-Domingue continue... La récitante. Quel est cet homme? un nuage de sang auréole sa tête de sang sauvage. Demi choeur allègre. Dessalines... Dessalines le boucher, Dessalines le vengeur. Toussaint Toussaint Louverture! Une voix dans les airs. Laboure-moi, laboure-moi, cri armé de mon peuple; laboure phacochère et piétine, piétine moi jusqu'à la brisure de mon coeurde mon coeur, jusqu'à l'éclatement de mes veines, jusqu'au blanchiement flamboiement de mesos dans le minuit de ma chair. R I D E A U Récitante. Tour des veilles, écroulez vous. Récitant. Tour des vonyeance voyance effondrez vous plus bas que la parole The added 'voyance' has scansion marks over the 'y' and the 'a.' Récitant. Plantes parasites, plantes venéneuses, plantes brûlantes, plantes cannibales,plantes incendiaires, vraies plantes, liannes-feu, liannes-sang, filez vos cour­bes imprévues à grosses gouttes. Récitante. lumière décomposée en chaque splendeur avare cargaison de poissons d'or, frutss fruits fourbus fleuve à mes lèvres foudroyées Récitant. Orgie! orgie! eau divine! astres de chair luxueuse, vertige îles anneaux frais aux oreilles de sirènes plongées îles pièces tombées de la bourse aux étoiles Le choeur. grouillement de larves, talismans sans valeur îles terres silencieuses îles tronquées Récitant. Je viens à vous Récitante. Je suis une de vous, îles (le Récitant et la récitante vacillent sur leurs jambes puis s'effondrent.) (Le choeur sort à reculons.) FIN