Arielle Dombasle, le nu, le vêtu et la négation de l'âge

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thibaut

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21 févr. 2007, 12:12:2921/02/2007
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Mis en ligne le 14/02/2007

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Arielle Dombasle ressuscite le spectacle de "nu artistique" (DR)
On aurait cru le strip-tease bourgeois disparu ou voué aux (mâles)
fins de salons professionnels réussis, au contentement des touristes
venus en cars et des bataillons de grossistes en machines-outils
obsolètes. Mais Arielle Dombasle (Paris-Match, 8 février) ressuscite
le spectacle de "nu artistique" (Barthes) et le requalifie en univers
signifiant. En voici les codes investis d'une nouvelle promesse : la
transgression de l'âge accompagnée de la négation de ses atteintes.

De la même façon que l'abbé Pierre, cape comprise, signifiait
l'altruisme, la charité faite à l'autre, la prêtrise sans le
cléricalisme, comme le remarquait le sémiologue Roland Barthes
("Mythologies", Le Seuil), de la même façon, la prestation d'Arielle
Dombasle (Paris-Match, 8 février) est le signe du strip-tease à
l'ancienne en ce sens qu'il masque plus qu'il ne montre et qu'il
codifie plus qu'il ne libère. Autre observation de Barthes dans ses
"Mythologies".

La transgression de l'âge accompagnée de la négation de ses atteintes
Mais Dombasle y ajoute une triple dimension transgressive : celle de
l'âge, de la célébrité et du déshabillé auto-commenté. Car au moment
où Arielle effeuillait son âme devant le très attentif académicien-
confesseur, Jean-Marie Rouart, pour Paris-Match, son mari Bernard-
Henry Lévy mettait Ségolène (les intentions de) à nu dans les pages du
Point (08 février). On aurait cru le strip-tease bourgeois disparu, ou
voué aux (mâles) excursions de fins de salons professionnels
fructueux, au contentement de touristes venus en cars, et de
bataillons de grossistes en machines-outils obsolètes.
Mais, les six pages de Match le font apparaître comme un univers
signifiant, requalifié aux codes investis d'une nouvelle promesse : la
transgression de l'âge accompagnée de la négation de ses atteintes.
Dombasle, l'icône, transgressive, pose en pied, uniquement vêtue de
probité professionnelle et d'un léger pagne de perles. (DR)
"Arielle Dombasle nue. Elle chante au Crazy Horse et pose pour Match.
L'audace d'une femme qui défie le temps", annonce le titre de
couverture.
La titraille "habille" le portrait en plan américain de l'actrice-
cantatrice-épouse de philosophe branché et marque la primauté de
l'image sur le texte.
Dombasle, l'icône, transgressive, pose en pied, uniquement vêtue de
probité professionnelle et d'un léger pagne de perles. Les mains sont
calées sur les hanches, doigts écartés. Elles ne démentent pas
l'assurance du regard que traduit aussi la pose frontale, sans détour.
Car les longs cheveux blonds tombent sur ses épaules sans masquer les
détails du torse.

Provoquer à la fois l'idée de sexe et sa conjuration
"Le strip tease - du moins le strip tease parisien - est fondé sur une
contradiction : désexualiser la femme dans le moment même où on la
dénude (...) comme si l'érotisme restait ici une sorte de terreur
délicieuse, dont il suffit d'annoncer les signes rituels pour
provoquer à la fois l'idée de sexe et sa conjuration", précisait
Roland Barthes.
La prestation de l'artiste senior Arielle Dombasle répond-elle à la
même convention ? Pas exactement. Car cette fois, c'est le texte, la
glose de l'académicien Rouart, ses questions et les réponses de Mlle
Dombasle qui exorcisent l'audace du regard de la Une de Match, son
effronterie. L'ensemble lui confère l'alibi artistique qui distanciait
déjà le spectacle de son public. "L'exotisme est la première de ces
distances, car il s'agit toujours d'un exotisme figé qui éloigne le
corps dans le fabuleux ou le romanesque."
Six des sept photos accompagnant l'interview de l'actrice répondent à
cette règle, sans pour autant que la belle Arielle ait été rhabillée.
Mais c'est l'image (en médaillon) du déjeuner-entretien avec Rouart
qui paraît triviale.
Rideau de scène, humour d'un regard complice, pas de danse, perruque
fantaisie, longs gants blancs, corps cambré, figuration lascive en
ingénue libertine au regard baissé avec tiare et cache-sexe
géométrique de maroquinerie bijoutière... Toutes ces images rappellent
les codes observés par Barthes en des temps où la strip-teaseuse
parisienne anonyme avait l'âge de la fille qu'aurait pu engendrer
l'emblématique effeuillée de Match.

L'artiste frondeuse, la boomeuse incandescente
"Le nu qui suit reste lui-même irréel, lisse et fermé comme un bel
objet glissant, retiré par son extravagance même de l'usage humain :
c'est la signification profonde du sexe de diamant ou d'écailles, qui
est la fin même du strip-tease : ce triangle ultime par sa forme pure
et géométrique, par sa matière brillante et dure, barre le sexe comme
une épée de pureté et repousse définitivement la femme dans un univers
minéralogique".
Le demi-siècle écoulé depuis la publication de "Mythologies" souligne
le curieux lyrisme d'une écriture qui avait, alors, pour objet de
formuler "d'une part, une critique idéologique portant sur le langage
de la culture dite de masse ; d'autre part un premier démontage
sémiologique de ce langage."
Barthes émoustillé ? Barthes subjugué par son sujet ? Depuis, l'épopée
langagière du structuralisme a souvent fait glisser la sémiologie
balbutiante des années cinquante vers une froide abstraction
techniciste et absconse et parallèlement vers des subjectivités
parfois érigées en oracle.
En revanche, le choix de Dombasle élève la nudité donnée en spectacle
à l'affirmation de soi, à l'exploration des limites enfreintes par
l'artiste frondeuse, la boomeuse incandescente. Elle même se compare à
d'autres égéries "incendiaires".
La mise à distance iconique ne résulte pas seulement des
caractéristiques de la photographie qui prime le texte (25% de la
surface contre 75% à la photo), mais des paradoxes enveloppant le
statut de la star "la plus claire des obscures, la plus transparente
des mystérieuses", "une énigme", "une paradoxale simplicité et le
maximum de sophistication", "une impression d'irréalité aussi grande
que si l'ange Gabriel apparaissait à l'improviste dans un restaurant
thaïlandais du VII° arrondissement".

BHL, l'"intellectuel ascète à la belle intelligence et au ventre
plat" !
On imagine mal le romancier-académicien en peine pour exprimer la
métaphore de l'extase. Et BHL profite lui aussi de cette manne
lexicale puisque le voici requalifié en "intellectuel ascète à la
belle intelligence et au ventre plat" !
Mais, la glose de Rouart à l'unisson des réponses d'Arielle Dombasle
la présente davantage en icône transgressive qu'en valeur projective
pour la lectrice de la presse féminine de la maturité. De
même, l'expression de son rapport à l'écoulement des jours demeure
nié.
Son "audace défie le temps". "Arielle parmi les danseuses du Crazy qui
ont à peine 20 ans : le même sex-appeal, la même fraîcheur juvénile"...
Elle a "toujours l'impression d'avoir le même âge". "Je crois que ce
sont seulement les gens qui décident de vieillir qui vieillissement".
Un aussi beau truisme mériterait un commentaire analytique de BHL.
Mais le lecteur devra se contenter des explications fournies hors
récit par la rédaction de Match. La belle Arielle a déclaré à
Catherine Schwaab qu'elle puisait l'éternelle jeunesse de sa plastique
dans "un don de la nature" qui confirme son ascendance olympienne.
Mais aussi dans sa diététique : thé chinois (de chez Mariage), régime
végétarien, gommage de peau, huile Nuxe produits Clarins... Des recettes
codifiées, labellisées, valorisantes mais souvent partagées par les
boomeuses soucieuses de leur capital-séduction.
JM Rouart et A Dombasle associent la chanteuse-danseuse-actrice à des
valeurs mythiques. Lauren Bacall, Marlène Dietrich, Marilyn
Monroe, Gene Tierney, sont ainsi convoquées pour enrichir le blason
intemporel de l'interviewée, la statufier hors du temps et de son
"irréparable outrage".

"J'ai l'âge de Madonna ou de Sharon Stone"
Elle éprouve pourtant le besoin de réaffirmer qu'elle lui échappe.
"J'ai les mêmes forces depuis toujours, depuis mon enfance. J'ai le
sentiment d'être la même. C'est vrai que maintenant, j'ai l'âge de
Madonna ou de Sharon Stone pour prendre deux exemples de femmes
incendiaires : 48 ans". Et c'est là où le naturel générationnel
reprend l'avantage.
L'anthropologue Bernadette Puijalon explique savamment les
tiraillements des boomers, les injonctions paradoxales qui les
hantent, la tension cornélienne qu'ils vivent entre leur état-
civil, leur âge biologique et celui qu'ils se donnent, leur âge
subjectif. Et Arielle ne déroge pas au phénomène que les chercheurs
(Denis Guiot, Interdeco Expert) ont observé : l'écart croît à mesure
que l'on vieillit entre l'âge réel et l'âge perçu. Cet écart est en
moyenne de huit ans entre 35 et 49 ans. Puis il augmente. L'édition du
"Who's who" de 1991-1992 [1] suggère qu'il y a plusieurs années déjà
qu'Arielle Dombasle (née le 27 avril 1953 à Hartford, USA) a passé le
cap des 48 ans qu'elle partagerait avec Sharon Stone et Madonna.
Sa cachotterie friserait le délicieux abus de confiance si l'âge
révélé ne confirmait l'ampleur de l'exploit : apparaître nue sur scène
à la veille de son 54° anniversaire. Et l'on ne se montrera donc pas
mesquin puisque selon Rouart, Dombasle "semble la chaste et froide
prêtresse d'un culte de son corps qui la dépasse". A moins que la
lectrice ne s'approprie l'expérience, concevant la sublimation de cet
érotisme partagé "comme une propriété ménagère", selon le cruel mot de
Barthes.

Jean-Yves Ruaux

[1] De même que L'International Movie Data Base, la base de données du
cinéma et son article biographique de Wikipedia.

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