Faut-il applaudir
les médias qui ont publié les caricatures de Mahomet ? Pas sûr. Ils seraient
plus crédibles s’ils avaient le courage de s’en prendre avec
virulence à toutes les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse :
censure, autocensure, peur d’une vérité dérangeante pour les thèses
américaines après le 11 septembre 2001.
Par Paul Lannoye, Docteur en
Sciences, Député européen honoraire
Et Sarah Fautré, Licenciée
en arts et sciences de la communication
Au nom de la presse libre?
L'affaire des caricatures de Mahomet publiées à l'origine dans un journal
danois mais reprises ensuite par plusieurs organes de presse européens n'a
pas fini de susciter réactions et prises de position. La liberté de la presse
a été invoquée unanimement pour expliquer qu'il était politiquement
irrecevable de condamner une telle publication même si elle est jugée
offensante dans le monde musulman. Les débordements de violence et les
manifestations d'hostilité qui ont eu lieu dans certains pays ont été à juste
titre considérés en Europe comme inacceptables; ils ont aussi renforcé l'idée
que l'intégrisme musulman était une menace de plus en plus claire pour les
pays occidentaux. Les médias, dans leur ensemble, ont largement reflété ce
sentiment. Bien sûr, la liberté de la presse ne peut être mise en question.
Toutefois, nous pensons que les défenseurs les plus virulents de cette
liberté devraient au minimum s'interroger sur le contexte national et
géopolitique dans lequel l'évènement et la polémique qu'il suscite se
situent. Certains observateurs et quelques rares journalistes n'ont pas
manqué de faire remarquer que le gouvernement danois dépendait pour sa survie
du soutien d'une formation d'extrême droite xénophobe, ce qui expliquerait
largement l'attitude pour le moins maladroite et méprisante de son premier
ministre à l'égard des ambassadeurs de certains pays arabes qui lui
demandaient audience.
Au plan géopolitique, il est assurément flagrant que la publication
incriminée s'inscrit dans la logique de "choc des civilisations"
voulue à la fois par les milieux islamistes radicaux d'une part, les faucons
de l'administration Bush et ses complices européens les plus zélés d'autre
part.
Les caricatures de Mahomet ne sont donc en aucune manière l'expression d'une
pensée anti-conformiste ou contestataire d'un quelconque ordre établi. Elles
expriment au contraire la pensée dominante des esprits les plus
réactionnaires et les plus belliqueux en se garantissant habilement le
soutien inévitable des vertueux défenseurs de la liberté de la presse.
Le 11 septembre : un cas d'école d'autocensure
Ce n'est pas notre propos de cautionner en quoi que ce soit les actes de
violence et le fanatisme islamiste. Mais nous pensons que la presse
européenne serait plus crédible si elle avait le courage de s'en prendre avec
virulence à toutes les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse. Peut-être
n'est-il pas inutile de rappeler que la censure et, pire encore,
l'autocensure, sont à cet égard des menaces permanentes. Ces menaces se
concrétisent toujours en temps de guerre, comme l'histoire l'a montré à
maintes reprises. Or, nous sommes en guerre depuis le 11 septembre 2001. C'est du moins ce
que répète avec constance le gouvernement des Etats-Unis depuis cette même
date avec l'assentiment explicite ou à tout le moins implicite des
responsables européens . L'ennemi est depuis cette date identifié et reconnu
comme tel : c'est le terrorisme islamiste et tous ceux qui le soutiennent. Si
le 11 septembre 2001 avait été un jour comme un autre, si 3000 personnes innocentes
n'avaient pas perdu la vie, du fait d'attentats unanimement considérés comme
odieux et imputés au groupe islamiste Al Qaeda, le monde ne serait pas celui
que nous connaissons aujourd'hui. Il est cependant capital de se rendre
compte que c'est la version officielle des évènements, c'est-à-dire celle du
gouvernement des Etats-Unis, plus que les faits eux-mêmes, qui constitue la
pierre angulaire de l'édifice politico-militaire mis en place dès le
lendemain du 11 septembre 2001.
C'est en effet le refus du gouvernement afghan
d'obtempérer aux exigences de l'administration Bush qui a, dès le mois
d'octobre 2001, coalisé les forces de l'OTAN pour attaquer les Talibans,
considérés comme les complices de "l'introuvable" Ben Laden. C'est
l'accusation ridicule et non étayée, selon laquelle Saddam Hussein aurait
aidé Ben Laden dans son entreprise de destruction visant à frapper au
cœur les Etats-Unis, qui a permis de conditionner l'opinion publique
américaine au déclenchement d'une guerre en Irak, au mépris de l'ONU et d'une
opinion internationale qui y était très largement hostile. C'est cette même
version officielle des évènements du 11 septembre 2001 qui a entraîné une
politique de plus en plus générale de réduction des libertés civiles et de
contrôle des citoyens ordinaires aux Etats-Unis mais aussi en Europe, au nom
de la guerre au terrorisme. Or, cette version officielle a été et est encore
mise en question par un certain nombre d'experts et d'analystes divers sur
base d'une argumentation solidement étayée et qui, c'est en tout cas notre
opinion, mérite d'être examinée sérieusement, étant donné l'importance de
l'enjeu.
Des analyses qui dérangent
Nous citerons en premier un ouvrage publié dès 2002 en langue anglaise (et
traduit en français) de Michel Chossudovsky, professeur d'économie politique
à l'université d'Ottawa (titre original:"War and Globalization. The
truth behind September 11th, Ed. Ecosociété, Montréal 2002).
L'auteur met en doute la thèse selon laquelle la CIA et l'entourage du
président américain auraient été totalement surpris par les attaques du 11
septembre 2001.
En 2003, Andreas Von Bülow, ancien ministre SPD du gouvernement Schmidt en
Allemagne, publiait "Die CIA und Der 11 September – Internationale
Terror und Die Rolle Der Geheindienste "(ed. Piper Verlag Gmbh,
München). Il considère que, parmi les scénarios possibles des évènements, le
plus incroyable est celui présenté par l'administration Bush, truffé
d'invraisemblances et de contradictions.
En 2004, nous avons invité ces deux personnalités au Parlement européen.
Elles ont pu s'exprimer lors de séances ouvertes non seulement aux
parlementaires et à leurs collaborateurs mais aussi aux représentants de la presse. L'écho de
ces conférences a été plus que limité et nul dans la presse à grand tirage.
Notre sentiment fut à l'époque que l'énormité de la remise en cause de ce qui
était considéré comme politiquement correct, c'est-à-dire la version
officielle des évènements, tétanisait tous les interlocuteurs, personne
n'ayant cependant pu produire le moindre élément concret invalidant les
analyses présentées. Depuis lors, aucun organe de presse n'a jugé utile de
confronter les contestataires aux tenants de la vérité officielle.
Des initiatives nombreuses occultées
Aux Etats-Unis, des voix se sont élevées à la même époque et des comités de
citoyens se sont formés pour réclamer une enquête approfondie et la réponse à
des questions troublantes concernant les évènements du 11 septembre. Une
commission officielle a été chargée de faire la lumière sur ce qui s'est
passé; elle a publié son rapport le 22 juillet 2004. Six initiatives
citoyennes ont eu lieu pour analyser le contenu de ce rapport (enquêtes,
auditions, grands jurys); toutes ont conclu à sa non validité, la plupart des
questions troublantes (pour ne pas dire la totalité de celles-ci) n'ayant
reçu aucune réponse sérieuse ou n'ayant même pas été examinées. Aux
Etats-Unis, des personnalités de premier plan, connues pour leur esprit
critique ont, dès le mois d'octobre 2004, pris une nouvelle initiative avec
l'appui de parents proches de victimes des attentats dans le but d'obtenir
une nouvelle enquête. Parmi les cent signataires, citons notamment Ralph
Nader, Frances Moore Lappé, Michael Parenti ou encore Howard Zinn; une seule
parlementaire les a rejoints : Cinthya Mac Kinney, élue démocrate de l'état
de Géorgie. Les questions les plus dérangeantes posées par cette requête,
suggéraient manifestement que certains responsables, au sein de
l'administration américaine auraient pu laisser les attaques du 11 septembre
avoir lieu pour servir de prétexte à la guerre.
Cette initiative a échoué, sans pour autant décourager ses auteurs.
Le 30 janvier 2006, un groupe d'universitaires et d'experts publiait une
déclaration à la presse intitulée de manière provocante "Des experts
affirment que l'histoire officielle du 11 septembre est un canular". Ce
groupe comprend notamment Morgan Reynolds, Steven E. Johnes, Robert M.
Bowman, Lloyd De Manse, James H. Fetzer et Andreas Von Bülow . Leur conclusion,
consécutive à une analyse rigoureuse des faits, est que des responsables au
sommet du gouvernement Bush ont délibérément dissimulé des faits importants à
propos de ce qui s'est réellement passé le 11 septembre. (texte disponible à
l'adresse: http://www.scholarsfor911truth.org/PressRelease30Jan2006.html)
A ce jour, aucun organe de presse francophone n'a fait mention de cette prise
de position, pas plus que des initiatives précédentes. Il est difficile
d'admettre que cette publication, de même que le contenu des analyses du
groupe "Scholars for 9/11 truth" soit sans intérêt journalistique
et surtout sans intérêt politique.
Mensonges et déclaration prémonitoire
L'explication la plus plausible du silence total observé sur un tel sujet ne
peut être qu'un mélange d'autocensure et de peur d'une vérité dérangeante.
Une lecture attentive de documents disponibles depuis septembre 2001 et
notamment du volumineux rapport de la commission d'enquête de juillet 2004 ne
laisse pourtant aucun doute:
- le gouvernement Bush a délibérément trompé
l'opinion publique internationale à plusieurs reprises depuis le 11
septembre 2001 pour justifier sa politique agressive et ses violations
répétées du droit international;
- la commission d'enquête, sous contrôle, n'a pas
cherché à faire toute la lumière sur les évènements du 11 septembre.
A l'intention des plus incrédules, nous livrons en conclusion un dernier
évènement, particulièrement interpellant. Le matin du 11 septembre 2001,
avant même de recevoir la note officielle lui faisant part des attaques,
Donald Rumsfeld faisait une déclaration "prémonitoire": "Il
devrait y avoir un évènement dans le monde suffisamment choquant pour que les
gens se souviennent à nouveau à quel point il est important d'avoir un
département de la défense solide et efficace".
En décembre 2000, un document révélateur était publié par un think tank ultra
conservateur basé à Washington, le PNAC: Project for the New Americain
Century. Le PNAC a comme objectif affiché de promouvoir le leadership global
des Etats-Unis dans le monde. Le document disait que "le processus de
transformation de la guerre, visant à assurer la prééminence des Etats-Unis,
puisqu'il implique de profonds changements, risque d'être long en l'absence
d'un évènement catastrophique catalyseur comme un nouveau Pearl Harbour"
(http://www.newamericancentury.org). Des membres éminents du gouvernement
Bush sont aussi membres du PNAC; il s'agit du Vice-Président Cheney, de
Donald Rumsfeld et de Paul Wolfowitz…
Choc des civilisations ou choc des barbaries?
Il y a quelques jours, nous "fêtions" le triste anniversaire du
déclenchement des "opérations militaires" anglo-américaines en
Irak. Alors que la situation de ce pays est loin d'être stabilisée, une autre
guerre se prépare, celle contre l'Iran. Si l'Irak était soupçonné de posséder
des armes de destruction massive, l'Iran quant à lui, est menacé pour ses
installations nucléaires. Pendant que la timide Union
européenne aligne ses résolutions invitant instamment l'Iran à respecter le
traité de non-prolifération nucléaire (traité qu'Israël refuse de signer et
que les puissances nucléaires ne respectent que partiellement), les
Etats-Unis ne cachent pas leur intention de recourir aux frappes préventives
en Iran.
L'attitude du gouvernement des Etats-Unis ne gêne pas les extrémistes
islamistes puisqu'elle alimente leur haine de l'occident et les crédibilise
dans le monde musulman.
Ainsi, comme l'a dit avec beaucoup de pertinence Gilbert Ashcar, le monde
entier est entraîné dans une guerre permanente qui signifie non pas un choc
des civilisations mais bien celui des barbaries.
1. Reprenons à ce titre, les mots de la
Ministre belge de la justice, Laurette Onkelinx :" La Belgique, comme
tous les États démocratiques, est en guerre contre le terrorisme. Il ne faut
pas baisser la garde.
Quand on est en guerre, il faut des mesures
exceptionnelles" - 9 septembre 2005
2. Morgan Reynolds, professeur émérite
d'économie, ancien économiste en chef du département du travail du président
George W. Bush et ancien directeur du centre de justice criminelle au
National Center for Policy Analysis. Steven E. Jones, professeur de physique
à la
Brigham Young University. Robert M. Bowman, ancien
directeur du programme de défense spatiale "guerre des étoiles" à
la fois dans les administrations républicaine et démocrate. Lloyd De Manse,
directeur de l'Institut de psychohistoire, président de l'association
internationale de psychohistoire et rédacteur en chef du journal de
psychohistoire. James H. Felzer, professeur de philosophie à l'université du
Minnesota.
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