PLFSS 2011: réactions contrastées au projet de création des maisons de naissance
PARIS, 22 octobre 2010 (APM) - L'expérimentation des maisons de naissance prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011 suscite des réactions contrastées de la part des professionnels de santé et des usagers.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (PLFSS) prévoit d'expérimenter les maisons de naissance à partir du 1er septembre 2011 et de réaliser un premier bilan au 31 décembre 2014 (cf dépêche APM CONJD010). Son examen à l'Assemblée nationale doit avoir lieu entre le mardi 26 et le vendredi 29 octobre, puis au Sénat entre le lundi 8 et le samedi 13 novembre, rappelle-t-on.
Toutefois les députés ont adopté mercredi en commission des affaires sociales un amendement visant à supprimer l'article concerné du PLFSS (cf dépêche APM CONJK007).
Interrogé par l'APM vendredi, le Pr Francis Puech, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), a indiqué que le collège "pren[ait] acte de ce projet d'expérimentation" et qu'il demandait des précisions sur les conditions de mise en place ainsi que sur la localisation des maisons de naissance.
Le terme de "proximité" par rapport au plateau technique, évoqué dans l'exposé des motifs de l'article 40 du PLFSS, laisse selon lui "place à une interprétation".
Le collège demande aussi des précisions sur la prise en charge des assurances professionnelles et les contrats passés avec les établissements de recours -ce qui figurera probablement dans le cahier des charges, a-t-il souligné.
Le collège "souhaitait en tout état de cause être intégré à l'élaboration du cahier des charges, la sélection des dossiers et leur évaluation", en tout cas avoir "sinon un contrôle, du moins une participation à la sélection des dossiers et à l'évaluation de ce projet, s'il a lieu", a indiqué le Pr Puech, précisant qu'aucun nouveau projet de cahier des charges ne leur avait été soumis.
Le CNGOF propose également que soit mise en place une évaluation "en intention de traiter", par des unités d'épidémiologie. Il demande en outre "qu'un comité de surveillance soit organisé pendant l'expérimentation, dont le CNGOF serait participant".
Le Pr Puech rappelle que le CNGOF "continue à donner la priorité à la mise en place d'espaces physiologiques au sein des maternités".
LE CNOSF "SATISFAIT"
Le Conseil national de l'Ordre des sages-femmes se dit "satisfait", dans un communiqué, de voir l'expérimentation des maisons de naissance figurer dans le PLFSS 2011. Ces structures "permettront de diversifier l'offre de soins périnatale et de répondre ainsi à la demande des femmes qui souhaitent une alternative à la prise en charge des grossesses et des accouchements actuellement proposée en France".
L'instance rappelle que des maisons de naissance existent dans plusieurs pays et ont "fait leurs preuves en termes de coût, de satisfaction des usagers et de sécurité" et "occupent une place essentielle dans le système de prise en charge des accouchements physiologiques".
L'Ordre souligne que ces structures sont "destinées à être sous la responsabilité médicale des sages-femmes qui y exerceront en toute autonomie et conformément à leurs compétences légales, ce qui représente la principale garantie de sécurité de ces structures, comme le démontrent toutes les études médicales internationales".
"L'équipement médical dont disposeront ces structures et l'intégration dans un réseau périnatal seront autant de garanties supplémentaires permettant d'assurer la sécurité des femmes et des nouveau-nés", insiste-t-il, espérant que ces caractéristiques soient prises en compte dans le cahier des charges en cours d'élaboration.
De leur côté, dans un communiqué commun, l'Association nationale des sages-femmes libérales (ANSFL), le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane) et le Collectif maisons de naissance (Collectif des associations porteuses de projet de maisons de naissance en France, représenté par Sabrina Ben Brahim, présidente de l'Association pour la maison de naissance des Bluets, Calm, à Paris) déplorent le vote de l'amendement visant le retrait de l'article du PLFSS.
Cet amendement "ne prend pas en compte les résultats des études prouvant la sécurité des prises en charge en maison de naissance, ni les choix réalisés en ce sens par de nombreux autres pays", estiment ces organisations.
"Nous rappelons en outre que ces structures s'adressent à des femmes pour qui les antécédents, la grossesse et le déroulement de l'accouchement sont normaux (ou à bas risque) et qu'il est évidemment prévu de transférer à tout moment vers une maternité partenaire une femme qui sortirait de ce cadre physiologique; c'est au coeur de la compétence des sages-femmes de juger de l'utilité d'un transfert. De plus, il s'agit d'une première phase d'expérimentation qui sera évaluée".
Les trois organisations avancent comme arguments la demande des usagers "en constante augmentation", la surcharge des maternités et "le moindre coût pour la sécurité sociale".
LA FHP-MCO OPPOSEE AUX "MAISONS ROSES DE NIVEAU 0"
Le syndicat national des établissements privés en médecine, chirurgie et obstétrique (FHP-MCO) s'oppose quant à lui à ce qu'il considère comme des "maisons roses de niveau 0".
"Après la classification des maternités en niveau 1, 2 et 3, voici les maisons roses de niveau 0! La tendance dans ce pays est-elle de développer une médecine à deux vitesses?", s'interroge Lamine Gharbi, président du syndicat national FHP-MCO, dans le communiqué.
Le syndicat estime qu'il n'existe pas de définition "consensuelle" de la notion de "bas risque" et que ces maisons de naissance, structures "autonomes, pilotées par des sages-femmes" seraient "déconnectées des établissements hospitaliers et non soumises aux règlementations et cahier des charges auxquels sont soumises les maternités classiques".
Il rappelle les résultats d'une étude de 2001 montrant que des transferts vers un plateau technique ont lieu dans environ 30% des cas, selon les pays. "Dans ces nombreux cas de transfert, les gynécologues restent nécessaires, les maternités hospitalières publiques et privées également. De surcroît, les coûts de prise en charge sont doublés, auxquels s'ajoutent des coûts de transport".
"La pénurie des gynécologues ne doit pas être réglée par les maisons de naissance en prenant en otage les mamans mais par des réponses au dossier d'assurance en responsabilité civile qui freine de jeunes internes ou dissuade des gynécologues affirmés d'entrer ou rester dans le métier de l'obstétrique", s'insurge le syndicat.
Le syndicat souligne que parmi les 174 maternités privées, plusieurs développent une approche "plus naturelle", "avec notamment des 'salles nature'", où l'accouchement est cependant assuré par le gynécologue qui a suivi la patiente pendant sa grossesse.
La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a indiqué lors de son audition par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale que ces expérimentations de maisons de naissance ne concerneraient qu'un "faible pourcentage de naissances", rappelle-t-on.
cd/ab/APM polsan
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CDNJM002 22/10/2010 16:43 ACTU GYREP