Interview non-publiee par Le Nouvelliste: Solidarite Afrique-Congo-Haiti apres le seisme du 12 janvier 2010

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Jean-Junior JOSEPH

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Jan 12, 2012, 5:01:59 PM1/12/12
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Solidarite Afrique-Congo-Haiti apres le seisme du 12 janvier 2010

 

Interview non-publiee par Le Nouvelliste en mars 2010


( Par Dieudonne JOACHIN)

 

Le Nouvelliste : Comment la presse congolaise a-t’elle relayé les premières nouvelles du cataclysme du 12 janvier?

 

Jean-Junior JOSEPH : Pour répondre à cette question, il m’a fallu consulter un collaborateur de la Cellule Presse et Communication, Monsieur Floribert LUBOTO qui m’a fait un tri des différents quotidiens de Kinshasa du 15 au 18 janvier 2010. Dans ce tri, j’ai pu trouver différents titres des journaux suivants : UHRU, Le Palmarès, La Prospérité, La République, Le Potentiel, La Référence Plus, tous focalisant sur Haïti, parfois relayant des nouvelles de l’AFP, RFI, Réveil FM, etc. Celui qui a attiré mon attention, entre autres, c’est une analyse faite par Monsieur Freddy Monsa IYAKA DUKU de Le Potentiel s’intitulant « Haïti peut cacher d’autres « Haïti » », dans le numéro du 15 janvier 2010. En voici quelques extraits : « Même de nombreux vaudous qui font partie de ce peuple haïtien, avec leurs dons surnaturels n’ont pas arrêté le désastre, incapable « d’envouter et de neutraliser » la nature. Il poursuit pour dire que « Ce pays est quelque sorte le carrefour des civilisations.. » « Le cas haïtien doit interpeller tout le monde… » Par autres « Haïti », il entend la face cachée de nombreux pays africains dont Haïti exprime la grandeur mais tout en étant un cas d’échec.

 

LN : Comment avez-vous appris personnellement appris la nouvelle?

 

 

JJJ - En ce 12 janvier, il était 16h 55 min, j’étais chez moi à New York, USA au téléphone avec un ami en Floride. L’ami m’a dit « va te brancher sur CNN », puis il m’a informé que c’est un séisme de magnitude 7.3 sur l’échelle de Richter.  7.3 !, alors  je me suis dit tout de suite : « Mon Dieu, c’est fini ! » Tout de suite, j’ai pu obtenir les premières photos d’un cousin en Floride et je les ai distribuées su mon Face Book où j’ai partagé la nouvelle dans un blog avec les amis du PNUD-Kinshasa, les Haïtiens de la MONUC (Mission onusienne au Congo), les Collègues de la Primature. Dans ce blog, j’ai bien attiré l’attention sur les constructions anarchiques a Port-au-Prince et la question, combien essentielle moralement, de la gestion des dons de secours, car selon un journaliste de Radio Commerce des années 1950, un vieux du métier, il m’a dit que lors de l’ouragan Azel, beaucoup de proches du Gouvernement d’alors sont devenus  riches suite à ce cyclone dévastateur. En rentrant à Kinshasa, un collègue haïtien au PNUD-Kinshasa m’a appris qu’un collègue de la MONUC pleurait comme un bébé pour dire que « Mon Dieu, Haïti est fini » et un autre ami m’a dit, qu’il n’a pas même pas voulu allumer son telephone car 18 heures, heure de Port-au-Prince, c’est 0 heure à Kinshasa. Pendant que les gens pleurent, le séisme tue, brise, mange, consomme les êtres humains, rase tout sur son passage, d’autres dormaient ici à KIN et la pire des sensations ce fut le manque de communication.

 

LN: Quelle était ta première réaction?

 

 

JJJ – Un mélange de trouble complet et de sentiment indéfinissable, ceci d’autant plus que je savais animer des émissions à caractère scientifique sur une station de radio à New York avec deux Géologues Haïtiens connus pour leurs travaux sur le terrain, le Prof. Maurasse FLORENTIN, Chairman du Département de Géologie à Florida International University (FIU) et le Prof. Jocelyn DAVID qui peut citer par cœur les failles sismiques. Dans ces émissions, on savait interpeller l’Etat sur les questions des constructions anarchiques, mais culturellement chez nous, la parole des scientifiques c’est une prédication dans le désert : d’ordinaire  le scientifique propose alors que le politicien dispose. On demande à tout le monde comment changer Haïti, mais rarement cette question est adressée  aux Ingénieurs et aux Scientifiques tandis que rien qu’à regarder les immeubles des grandes villes du monde, les ponts, les routes en bretelle, les métros, les tunnels, les ports… on sent une organisation, une structure, un plan d’urbanisation. C’est le résultat des Hommes et Femmes de Science. La mentalité de chez nous en Haïti, les paroles des scientifiques sont considérées comme « pawòl van ». « Politiciens, oui … scientifiques non! » Or voici les résultats pour avoir construit sur les failles telluriques.

 

Les failles d’Haïti avec schémas, descriptions sont toutes localisées, et étudiées au Bureau des Mines à Port-au-Prince par les experts nationaux et internationaux de l’Université d’Etat d’Haïti. Les interpellations de Patrick Charles et de Claude Prépetit n’étaient guère des fruits de l’imagination. Les géologues haïtiens savent exactement le péril auquel nous expose la relation entre  constructions anarchiques et lignes de faille,  mais les pouvoir a-t-il su les écouter? En plus, je savais que la population n’était pas éduquée pour savoir que lors d’un séisme, sa survie tient à quelques fractions de secondes de bons reflexes. Lors d’un séisme, 35 secondes sont vécus comme une année, et cela est à coup sûr mortel, sauf au cas où l’immeuble s’est cassé comme un verre à glace réduit en miettes en dessous ou dessous de soi, c’est-á-dire quand on ne risque de se faire écraser par aucune grosse poutre ou par un bloc en dur : ce qui est tout de même exceptionnel ! Si l’on réfléchit sérieusement, l’on comprendra que la plupart des décès sont consécutifs aux  multiples chocs secondaires. J’ai appris d’un ami haïtien à Kinshasa la mort d’un Ingénieur Informatique déjà hors  de son bureau à la  banque, et qui y est retourné pour récupérer un CD. Et c’est á ce moment que l’immeuble s’est effondré. Il a laissé sa peau.

 

LN - Quel type d’aide comptent donner le gouvernement et peuple congolais?

 

 

JJJ - Jusqu'à aujourd’hui, la RDC, parmi les 49 pays du Continent africain, caracole en tête des pays donateurs. Le gouvernement Congolais a remis un chèque de 2.5 millions dollars américains à Allan DOSS.  Adama GUINDO, un grand ami d’Haïti, le même jour, a fait un email au Premier Ministre Jean-Max BELLERIVE. Comme je l’ai dit dans mon blog sur Face Book, chaque centime de ce montant doit être considéré comme un dollar qui sort du Budget de la RDC vu les énormes problèmes que ce pays en post-conflit affronte après une longue période de dictature et d’instabilité sociopolitique. Personnellement, j’étais stupéfié par le geste du Président Joseph KABILA qui a passé des instructions précises à l’équipe gouvernementale.    Le Premier Ministre Adolphe MUZITO  a heureusement pour nous une riche expérience positive avec les Haïtiens. En maintes occasions il me parle de M. Hérold DEZIL qui fut son professeur à Kinshasa à l’école secondaire. DEZIL ferait partie des premières vagues d’Haïtiens qui sont venus au Congo. A cette génération appartiennent Marcelyn JOCELYN, propriétaire de deux écoles, Michel GUILLAUME qui entretient des relations quasi familiales  avec l’Assistant du Premier Ministre par le biais de  son épouse en Belgique. Monsieur Muzito n’est pas trop loin des Haïtiens.

 

 

Premier Ministre Adolphe MUZITO (a gauche) & JJJ ( a droite)

 

Le peuple congolais a bien fait sentir sa solidarité avec Haïti à travers Jean François David, fils de l’Haïtien, Jean DAVID qui fut le Secrétaire Adjoint des Forces Onusiennes dans les années 1960. Jean-François DAVID, le Consul Honoraire de la République d’Haïti en RDC et en d’autres points des pays des régions du Lac a pu mobiliser la ville de Kinshasa, de part ses contacts comme homme d’affaires et citoyen haïtiano-congolais très impliqué dans la politique congolaise depuis l’époque Mobutu. Les communautés d’églises ont collecté des fonds qui seront remis à OXFAM. Jean-François DAVID s’active, avec la collaboration de la sœur du Président de la RDC, Mme. Janette KABILA, pour collecter des fonds plus importants. D’autres activités sont en cours.

 

LN - Quel écho a provoqué la situation haïtienne actuellement (dans les médias)?

 

 

JJJ - L’écho du début fait encore une onde de choc, c’est le trouble post-traumatique en continuum. Quand nous Haïtiens, on se rencontre, les derniers arrivés via la MONUC,  un FitzGérald JEAN, un Anton ADONIS, un Smith LAFONTANT, un Jerry CADET, un Eric BLAISE que j’appelle vice-doyen par  rapport à Hubert PIERRE  arrivé avec la mission au Congo en 2000, c’est toujours l’émoi. Au PNUD ici, une Josiane RIGAUD, un Rolhi SALOMON, un Dr. Yves ALEXANDRE, un Eric TIDA et surtout, Adama GUiNDO, Directeur-Pays en RDC, dans un long entretien consacré à Haïti, a évoqué la mémoire des cadres disparus lors du séisme. On est encore sous le choc ! Partout où l’on se retrouve en présence de l’ Haïtien, les mêmes questions reviennent. Encore avant-hier, le Ministre de l’Information M. Lambert MENDELE, sur la chaine d’Etat a parlé d’Haïti dans une interview pour dire que le Congo a répondu en faveur d’un peuple frère qui nous a aidés dans le passé. Sur les chaines de télévisions congolaises, dans les stations de radio, dans les journaux, les commentaires abondent et varient sur le sort d’Haïti. La  nouvelle des enfants « kidnappés » a été largement commentée car la chaine France24 est très répandue ici, soit en câble ou relayée par des  chaines locales.

 

LN - Avez-vous des parents et/ou des proches victimes du séisme du 12 janvier 2010?

 

 

JJJ - Dieu est grand ! Mon père et ma mère sont des survivants ! Je me demande quel Haïtien n’a pas été touché de près ou de loin. De 2004 à 2008, j’ai fait beaucoup de rencontres à Port-au-Prince, notamment à partir de la Primature, au Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF), dans le Secteur privé des Affaires, au niveau de la  Société Civile, dans la Classe politique et surtout parmi les journalistes. Il y a encore de l’angoisse à demander les nouvelles de telle ou telle connaissance ou relation par peur d’apprendre que l’irréversible est arrivé. Sur Internet, les listes des disparus choquent et troublent. Les images sur Face Book des disparus de l’hôtel Montana, j’ai reconnu beaucoup de gens comme ce canadien qui était au bureau de la Primature, Serge MERCIL, un journaliste comme Riquet MICHEL ( Radio MINUSTAH FM) qui a été le maitre de Cérémonie quand j’ai reçu le prix de Leadership scientifique de TOYP, Fred Mompoint, Chef de Sécurité de Montana, Ingénieur Luthès LOUIDOR de l’Auditorium de la Bible, des gens avec qui on a voyagé dans le cadre de missions de  l’ONU, l’OEA, pour la tenue d’ assises internationales . C’est dur d’apprendre que nombre de ces gens sont morts. Il m’est pénible de penser à la mort de Myrna THEODORE dont l’appel et les cris n’ont pas été perçus à temps ou pas du tout. Certainement Haïti se remettra debout. Permettez-moi de conclure ainsi avec la pensée écrite au verso  d’une photo-archive que Mme. Wilmine JONASSAINT m’a permis de lire dans sa résidence, photo que lui a laissée son père, ancien président: «Une nouvelle fois dans son Histoire la République d’Haïti contribue de ses ressources à la libération des peoples asservis, en accord avec la glorieuse pensée d’Alexandre PETION… Son Excellence le Président Lescot remettant à M. Randolph BURGESS, Président du Comité Financier de Guerre de  l’Etat de New York, un chèque de $1, 000,000 pour l’achat, au nom de la Banque Nationale de la République d’Haïti, des bons de guerre américaine. Ce geste qui témoigne, une fois de plus, du vigoureux esprit de solidarité interaméricaine qui anime le Chef de la Nation Haïtienne, eut lieu, au cours d’une impressionnante cérémonie dans l’après-midi du 1er  octobre 1943 à l’hôtel Waldorf Astoria de New York. »

 

La richesse historique de notre pays peut encore servir d’engrais pour bâtir la nouvelle Haïti. Regardons plus prêt le RWANDA et commençons dès maintenant à construire l’AN UN d’Haïti. 


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