Le Grand Soir (27 septembre 2025)
Modélisation de l’architecture de l’écosystème économique et social gangstérisé haïtien
Par Erno Renoncourt
L'arrestation récente de Dimitri Vorbe, un puissant membre du réseau des affaires économiques en Haïti, aux États-Unis, après celui de Réginald Boulos, puissant chef de file des amis de Clinton qui ont accéléré la ''shitholisation'' d'Haïti entre 2011 et 2025, et intouchable faiseur et tombeur de rois dans le shithole durant ces 39 dernières années, nous oblige à proposer à nos lecteurs et lectrices, en marge de notre tribune sur la fabrication de l'ignorance collective, cet article qui modélise l'architecture de l'écosystème économique et social haïtien gangstérisé.
A la recherche d’un modèle pour expliquer l’errance
L’absence de modèle systémique pour analyser les faits qui surviennent dans le shithole haïtien empêche les observateurs, de bonne foi, de comprendre le fonctionnement de cet écosystème. Lequel, parce que flouté, évolue selon des paradoxes qui lui donnent sa singularité d’écosystème ingouvernable, chaotique et échappant à toute rationalité. Pourtant, c’est un écosystème dimensionné pour fonctionner dans une ignorance collective, laquelle est le ferment propice à l’atteinte de la finalité de paupérisation et de déshumanisation poursuivie par les géostratèges qui le pilotent. C’est cette finalité qui exige sa segmentation en gangs polymorphes stratifiés. Ce n’est donc pas un hasard, si l’administration Trump cherche à faire tomber les oligarques économiques haïtiens qui sont les anciens protégés des démocrates, en mettant l’accent sur leurs liaisons criminelles. Il va de soi que ce n’est pas pour défendre Haïti que Trump règle ses comptes avec les gangsters économiques haïtiens (d’origine étrangère et binationaux) qui avaient les coudées franches, du temps des démocrates, pour shitholiser Haïti. Cependant comprendre l’architecture gangstérisée de l’écosystème économique et social haïtien peut rigoureusement permettre de saisir pourquoi ceux qui ont les titres académiques et les diplômes les plus reluisants, une fois au service de cette économie cartellisée, deviennent futiles et insignifiants.
Le secteur économique haïtien, dans sa globalité fonctionnelle, n’est qu’un consortium hétérogène de cartels d’affaires dont les représentants, majoritairement d’origine étrangère, sont en lutte permanente, les uns contre les autres, pour le contrôle des domaines stratégiques de l’État haïtien. Tous ces cartels ont de puissants lobbies à l’étranger œuvrant dans les couloirs du pouvoir mondial et ont leurs connexions diplomatiques dans le pays. D’ailleurs, de nombreux membres du secteur privé des affaires en Haïti sont aussi des représentants consulaires et diplomatiques d’autres pays. Ce qui leur confère autorité, protection et immunité totale, dans un pays fortement dépendant de l’assistance internationale.
Cette dépendance asphyxiante et cette cartellisation de l’économie précarisent Haïti doublement : d’une part, en le transformant en un pays dépossédé dont la souveraineté est liquéfiée dans des intérêts transnationaux ; et d’autre part, en lui conférant le statut shitholien d’une arène sanglante qui expérimente invariablement la déshumanisation, avec pour finalité de privatiser les institutions étatiques, d’asservir les gouvernants et d’abrutir la population aux profits d’intérêts géostratégiques et aussi particuliers. L’enjeu est éminemment stratégique et économique : en contrôlant les institutions étatiques et en vassalisant ceux et celles qui les gouvernent, l’acteur économique privé, évoluant en Haïti, non seulement, monopolise les domaines stratégiques et les secteurs d’affaires porteurs (port, énergie, sécurité, internet et communication, commerce, matières premières) qui donnent accès rapidement à la richesse économique, mais, en outre, détient toutes les latitudes pour se livrer à la contrebande et à des trafics de tous ordres : drogue, armes, organes, personnes, qui peuvent augmenter sa fortune et agrandir sa cour.
Une architecture d’enfumage parfaitement hiérarchisée
L’efficacité de l’architecture de cet écosystème d’affaires gangstérisées repose sur la stratégie d’enfumage qui floute la dimension criminelle de l’économie haïtienne et enjolive as finalité déshumanisante. Cette stratégie d’enfumage passe évidemment par l’anoblissement des réseaux académiques et médiatiques. En effet, tous ces secteurs d’affaires criminelles nécessitent :
1. Une infrastructure technologique, une logistique administrative pour assurer, par le recrutement de ressources académiques et d’universitaires anoblis, le service minimal et rendre plus performant le système financier, en dissimulant la nature criminelle de ses affaires par des statistiques exploitant des données parcellaires et décontextualisées. C’est à ce niveau qu’on retrouve les acteurs socio-professionnels, universitaires qui vont déployer leur talent et leurs compétences : économistes, statisticiens, informaticiens, etc...
2. Une base politique pour recycler les vassaux qui prennent les décisions que leur dictent leurs tuteurs internationaux ;
3. Une base médiatique pour répandre l’évangile de cet écosystème et convaincre, par des émissions bruyantes et des analyses insignifiantes, le plus grand nombre de sa performance.
4. Une base de militants des droits humains pour donner l’illusion d’un système fondé sur les droits de la personne ;
5. Une base d’experts affairistes, tous dépendants des agences internationales et des ONG, qui excelleront à apporter des solutions universelles de renforcement institutionnel pour corriger les défaillances et les errances de la gouvernance asservissante. C’est dans ce vivrier qu’évolue une grande partie des socio-professionnels, des universitaires haïtiens. D’où leur neutralité, leur indifférence, leur silence et leur indigence notoire en regard du contexte problématique de cet écosystème flouté et gangstérisé.
Le fonctionnement opaque et paradoxal de l’économie cartellisée
Toute l’intelligence de cette architecture gangstérisée et floutée, mais parfaitement hiérarchisée, repose sur sa segmentation stratifiée et son fonctionnement paradoxal. Les acteurs sociaux haïtiens, qu’ils soient sur le domaine politique, académique, médiatique, travaillent en synergie au profit des mêmes stratèges internationaux qui veillent à la perduration de cette économie cartellisée. Pourtant, ils évoluent sur des strates sociales qui sont idéologiquement, culturellement et économiquement en opposition. Et pour cause ! L’économie cartellisée en gangs d’affaires a besoin du chaos pour perdurer indéfiniment son cycle de paupérisation. Donc, elle conditionne, à travers des boucles de précarités sociales, les acteurs sociaux haïtiens pour qu’ils soient, dans leur course effrénée pour se prémunir contre la paupérisation, dédiés servilement aux activités de différents cartels économiques rivaux (par exemple : Boulos contre Bigio, Vorbe et Rouzier contre Shériff Abdallah, Accra et Coles contre Baussan, Brandt contre Moscoso, etc...). Ainsi, elle programme l’ensemble des activités économiques du pays pour qu’elles donnent lieu à une défaillance continue et à une errance anthropologique invariante. Tout cela, en s’assurant que la société haïtienne vit dans une permanente et stérile opposition qui compromet toute cohésion, toute adhésion à des valeurs collectives partagées, toute solidarité envers la pensée critique et le courage éthique.
En outre, cette économie cartellisée repose sur des processus opaques qui fonctionnent selon des boites noires, dans lesquelles, chaque donnée entrée est exploitée par un sous-processus opaque qui, parce que segmenté des autres sous-processus, transforme ses intrants en donnée de sortie pour un autre sous-processus inconnu. Lequel à son tour exploitera cette donnée de sortie comme donnée d’entrée pour produire une nouvelle donnée finale pour un autre sous-processus inconnu. Cette segmentation des processus a pour fonction d’empêcher aux acteurs sociaux qui interviennent sur leur pilotage de comprendre la valeur finale des données qu’ils manipulent et de donner du sens à leurs activités, en trouvant les bonnes postures de corps et d’esprit pour rétroagir responsablement et éthiquement.
Chaque cartel possède sa clientèle politique (Lavalas pro Aristide, Lavalas pro Préval, Macoute- PHTK), ses médias, ses organismes de droits humains, ses acteurs non étatiques de la société civile, ses experts socio-professionnels, ses militants abolotcho, ses gangs et ses commanditaires internationaux blancs. Les différents qui les opposent ne sont pas d’ordre idéologique, mais concernent qui aura le monopole sur tel domaine. Les partis politiques et les acteurs sociaux qui gravitent autour de ces cartels, qu’ils se revendiquent de droite ou de gauche, ne sont en opposition que verbalement. Au vrai, les divergences politiques et idéologiques qui traversent la société haïtienne ne sont qu’une diversion pour créer l’illusion de la disponibilité d’un réservoir d’acteurs qui s’opposent au fonctionnement du système économique cartellisé. Or, à la vérité, celui-ci ne fait que renouveler ses structures, à travers une nouvelle clientèle politique, faisant vivre de nouvelles impostures de changement qui laisseront le modèle économique invariant, puisque personne n’osera toucher aux structures et aux processus.
Dans la réalité, l’écosystème économique et social haïtien gangstérisé, dans sa hiérarchisation floutée, fonctionne ainsi : au sommet de la hiérarchie sociale haïtienne se trouvent les gangs du secteur privé des affaires, qui sont majoritairement d’origine étrangère. De ce fait, ils sont protégés par les syndicats de gangs des réseaux diplomatiques internationaux dont le fameux Core Groups. Gangs diplomatiques et gangs économiques choisissent, parmi les gangs politiques locaux, les crapules qui, en vassaux accrédités, doivent siéger au gouvernement. Ceux-ci, une fois propulsés au sommet du leadership politique, recrutent, pour les besoins de leur gouvernance et de leur performance (perduration de l’ordre gangstérisé), des couillons assumés dans les rangs des gangs des réseaux académiques. Ce sont eux qui vont exécuter techniquement les directives de la gouvernance. Mais ils recrutent aussi dans les rangs des gangs médiatiques, des droits humains, ceux qui doivent promouvoir et vendre auprès de la population, la performance de la gouvernance criminelle. Et tout autour de cet écosystème économique et politique cartellisé, gravitent les gangs de la société civile, de la militance politique, des ONG affairistes. Tous, comme des engrenages d’un système complexe à réglage différentié, s’activeront à maintenir la population haïtienne dans cet état d’impuissance et d’ignorance qui la condamne à devenir, à son tour, un réseau de gangs de désespérés où chacun est prêt à tout, jusqu’à se déshumaniser, pour assurer sa survie.
Cette modélisation aidera forcément à mieux comprendre pourquoi de 1986 à 2025, toutes les réformes politiques, constitutionnelles et judiciaires ont conduit à cette putréfaction et gangrène sociale. Et cela en dépit du fait qu’elles aient été conduites, pour la plupart, de 1994 à 2003 et de 2007 à 2010 par des régimes politiques qui se sont réclamés de gauche, et pour le reste par des régimes assurant la continuité du duvaliérisme, sous l’expertise d’une pléiade de technocrates et d’universitaires anoblis par l’Occident.
L’écosystème des liaisons crapules et couillonnes
Pour bien comprendre le réglage de la mécanique de cette architecture économique et sociale gangstérisée, au service de l’impuissance collective et de l’errance anthropologique de la population haïtienne, il faut d’abord comprendre que les seules liaisons qui fonctionnent efficacement et durablement en Haïti, sont les liaisons mafieuses entre crapules et couillons. En effet, la déshumanisation d’Haïti est un processus complexe co-géré par le global et le local :
En amont, des malfrats sont anoblis en lettrés indignes pour cultiver l’errance. Par inconscience, ils vont développer des interactions en perte de sens avec les devoirs et responsabilités envers leur pays et leur collectif. Le rayonnement qu’ils ont reçu sera mis à contribution, comme gage de leur asservissement et de leur loyauté à la crapulerie internationale, pour apporter les adjuvants à la réussite des monstres politiques. C’est la phase de la sacralisation instrumentalisée.
En aval, cette médiocrité politique triomphante va s’appuyer sur l’expertise de l’insignifiance culturelle anoblie pour shitholiser Haïti. Par leur anoblissement éthiquement contraignant, ces deux groupes sociaux (acteurs politiques médiocres et acteurs culturels insignifiants) vont former une puissante tenaille, dont la finalité sera de dépecer la population haïtienne. Dépourvus de légitimité, de dignité, d’intelligence et de conscience, ces malfrats anoblis, détenteurs de pouvoir et de savoir, vont devenir les portefaix des groupes économiques transnationaux, et se soumettront indignement, intelligence et conscience effondrées, aux injonctions les plus viles et les plus ignobles que leur dicteront leurs tuteurs et protecteurs de la communauté internationale.
Pour assurer la perduration de cette médiocrité politique, des alliances malsaines et immondes vont sans cesse se tisser, en faisant miroiter, à chaque nouveau cycle de crise, de nouvelles impostures démocratiques et sociales pour recycler le système sur ses mêmes bases gangstérisées. On peut citer notamment les alliances de :
1. 2004 : Les bannières du Groupe des 184 pour le nouveau contrat social) entre les forces paramilitaires et criminelles néo duvaliéristes et les forces dites progressistes (Convergence Démocratique), dont la finalité était de renverser le gouvernement Lavalas de Jean Bertrand Aristide ;
2. 2019 : La Passerelle du départ ordonné des Petrochallengers entre les forces de l’opposition petite bourgeoise non violente et le pouvoir criminel, et corrompu de Jovenel Moïse, dont la finalité était de faire échec à la contestation populaire (violente) qui voulait renverser le gouvernement de l’époque ;
3. 2022 : Accord du 21 décembre de la stabilisation de la criminalité entre le secteur démocratique populaire (ancienne opposition violente au gouvernement de Jovenel Moïse) et le gouvernement d’Ariel Henry, dont la finalité était d’assurer la continuité du pouvoir criminel néo duvaliériste installé depuis 2011. Accord promu et défendu par des universitaires comme Mirlande Manigat.
4. 2024 : Accord du 4 avril pour recycler et pérenniser la criminalité entre le groupe Montana (formé des rescapés du groupe des 184) et la communauté de la crapulerie internationale pour maintenir en vie l’ordre criminel qui shitholise Haïti par le biais d’un pouvoir inconstitutionnel, illégitime et antinational. Pouvoir tricéphale formé par :
a. Un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) de 9 membres, regroupant tous les secteurs politiques (Duvaliéristes, Putschistes, Lavalas pro Aristide et pro Préval, GNBistes, PHTKistes de Martelly et de Jovenel Moïse) et les affairistes de la société civile qui, de 1957 à 2025, ont exercé le pouvoir et ont conduit Haïti à sa déchéance actuelle. Cette alliance ressemble à s’y méprendre à la conjonction de toutes les forces médiocres de la société pour sauver le système gangstérisé. Tous pour le système et le système pour tous.
b. Un gouvernement dirigé par un représentant du secteur privé des affaires, et dont les ministres sont presque tous au service de ce secteur et non de la population. Secteur, faut-il le rappeler, dont les plus éminents membres sont sanctionnés par leurs anciens parrains de la communauté internationale comme étant les principaux financiers et sponsors des gangs armés.
c. L’ombre des gangs armés agissant comme groupes de pression qui génèrent le chaos par la terreur, et facilitent ainsi les solutions d’urgence qui, en faisant errer la gouvernance stratégique dans l’intérêt d’Haïti, créent les conditions objectives de la paupérisation de la population et de sa déshumanisation.
Voilà la modélisation de l’architecture économique, sociale et politique qui donne à Haïti ses senteurs shitholiques. Puisque, c’est l’économie qui est déterminante, celle modélisation permettra de comprendre pourquoi dans cette architecture gangstérisée, la culture, le rayonnement universitaire ne peuvent être qu’insignifiance et futilité, car au service d’un ordre déshumanisant qui promeut l’errance comme mode de gouvernance.
EX CINERVBVS NASCITVR.
Je renais de mes cendres.