Les Etats-Unis sont le deuxième pays d'accueil des expatriés français, juste derrière la Suisse.
Si les salaires et les perspectives d'évolution sont attractifs, les Frenchies installés sur place, doivent aussi composer, avec certaines différences culturelles.
Ils nous racontent l'envers du décor.
Par Barbara Azais
« J'ai été prisonnier de mon job, pendant 5 ans et demi », explique David, responsable de projets dans le secteur bancaire à Chicago.
Ce trentenaire fait partie des quelque 150.000 Français expatriés aux Etats-Unis, et comme nombre d'entre eux, il a débarqué outre-Atlantique, avec un visa L-1. C'est-à-dire un document lui permettant de travailler pour la filiale américaine de son entreprise.
Sur le papier, sa situation faisait rêver.
« Au début, j'étais excité !
Travailler dans la finance aux Etats-Unis, pour un salaire de 130.000 dollars, à 28 ans, me procurait un sentiment de réussite assez grisant…
Je n'étais pas loin de l'euphorie ! »
Puis très vite, l'Amérique s'est transformée en prison dorée.
« Sous ce visa, on n'est pas libre, car notre présence [sur le sol américain] est liée à notre job ».
Impossible donc de le quitter, sans perdre ce précieux sésame, et être contraint de rentrer en France… et d'abandonner ce que l'on a parfois mis plusieurs années à construire.
Autant dire que même lorsque leur job n'est pas satisfaisant, les options des Français sous visa sont limitées.
« Ton employeur a un impact sur ta vie privée, et il le sait.
Je n'ai pas été augmenté d'un centime, les trois premières années, et on m'a déjà dit 'si tu n'es pas content, la porte est ouverte, et la frontière est là-bas'. »
Bien sûr, travailler aux Etats-Unis offre de nombreux avantages.
Mais les Français qui s'y installent, doivent tout de même composer avec des différences culturelles, qu'ils n'avaient pas forcément anticipées.
Et qui peuvent parfois rendre l'aventure sous visa, éprouvante.
Car qui aspire à travailler outre-Atlantique doit naturellement renoncer à tous les avantages sociaux, auxquels il était habitué en France : la semaine de 35 heures, cinq semaines de congés payés minimum, la sécurité de l'emploi, la Sécurité sociale, la retraite, ou encore les prud'hommes, dont il n'existe ici, aucun équivalent.
Aux Etats-Unis, le temps de travail hebdomadaire est d'en moyenne 40 heures (voire plus) et les congés payés dépassent rarement deux semaines par an.
« Et encore, il leur arrive de reporter leurs vacances, explique Isabelle, 35 ans, manager dans le marketing. Je suis la seule à en avoir posé pendant la crise sanitaire.
Ça a tellement surpris mes collègues, qu'ils m'ont demandé de leur expliquer comment je m'étais organisée pour me libérer dix jours ».
Même lorsque l'entreprise propose les fameux Unlimited Paid Time Off (congés illimités), les salariés savent qu'ils peuvent difficilement poser plus de trois semaines par an, sous peine d'être mal vus.
Pour Margaux, qui travaille dans la tech à New York, depuis plus de dix ans, « il vaudrait mieux être moins obsédé par le boulot et prendre des vacances, ne serait-ce que pour se poser, réfléchir à soi et à la société, se remettre en question, souffler ».
Mais selon Pamela Strawgate, consultante interculturelle chez Akteos, le rapport au travail des Américains s'est forgé il y a plusieurs siècles.
« En France, on travaille pour vivre, avoir une belle qualité de vie. Aux Etats-Unis, on vit pour travailler.
Le pays a été fondé sur l'éthique protestante, qui accordait une grande importance à la méritocratie.
On considérait comme normal de travailler dur, pour honorer la gloire de Dieu, et montrer les grâces que l'on avait en échange (argent, biens, propriétés, etc.) ». Ce qui explique d'ailleurs pourquoi il n'est pas tabou de parler d'argent aux Etats-Unis, et que les salaires sont quasiment toujours affichés sur les offres d'emploi.
A cela s'ajoute le contexte social.
En France, l'Etat prend en charge le chômage, la maternité, la maladie, ou encore la retraite.
Ce qui offre une certaine sérénité aux travailleurs. Aux Etats-Unis, ce n'est pas le cas.
La plupart du temps, les Américains ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
« Dès l'enfance, tu dois être le meilleur, car les études et la santé sont chères, et tu ne peux pas compter sur le gouvernement, explique Antoine Faugeres, directeur chez Global Business Culture, une agence qui coache les expatriés et professionnels, souhaitant travailler avec les Américains. Il faut se battre, être un peu agressif dans son approche pro pour avoir des résultats et suffisamment d'argent pour s'en sortir. Ils ne perdent pas de temps, sont très efficaces, pragmatiques et se prennent très au sérieux dans le cadre pro. »
Tout ceci crée une société plus compétitive et individualiste, qui contraste avec ce que connaissent les Français.
« Cela manque parfois de collaboration, c'est un peu 'chacun pour sa gueule' », estime Margaux.
« Il y a moins de solidarité », confirme David.