Google Groups no longer supports new Usenet posts or subscriptions. Historical content remains viewable.
Dismiss

HAITI -- EDUCATION -- 500 000 enfants non scolarisés, c’est beaucoup trop, selon Elizabeth Préval

36 views
Skip to first unread message

Annette

unread,
Mar 24, 2010, 9:17:55 AM3/24/10
to
Message reçu :
---------------------

23 mars 2010


SOCIÉTÉ
Haïti-USA-Présidence: 500 000 enfants non scolarisés, c’est beaucoup
trop, selon Elizabeth Préval

Posté le 23 mars 2010
HPN

À l’occasion d’une conférence sur l’éducation, le 10 mars, à
l’Université George Washington, la Première Dame, Elisabeth Préval, a
prononcé un discours sur le thème : les défis pour l’éducation en
Haïti après le tremblement de terre. L’intégralité.

Cher Dr Knapp,

Merci de votre aimable présentation. Et merci encore de m’offrir
l’occasion de me trouver ici aujourd’hui, dans mon Alma Mater, et
d'ajouter ma vibration personnelle à cette grande démonstration
d’amour et de solidarité des étudiants et du personnel enseignant de
l’université à l’égard d’Haïti.

Mesdames et Messieurs,

Chers condisciples,

C’est pour moi un grand honneur d’avoir été conviée à m’exprimer
devant vous, en qualité d'intervenante invitée, à l’occasion de cette
conférence consacrée aux défis pour l'éducation en Haïti après le
tremblement de terre.

Cet événement suscite en moi des émotions partagées. La première,
c’est celle qui m’étreint en revenant, 20 ans après l’avoir quittée, à
GWU, un lieu pour moi chargé de souvenirs. Souvenirs de travail
acharné et de défis, de beaux rêves et d’une réalité à multiples
facettes, faite de succès considérables, mais aussi, parfois,
d’insatisfactions. Comment pourrais-je jamais oublier ce lieu où tant
de personnes extraordinaires, étudiants et enseignants, étaient si
désireux d'aider les étudiants étrangers, et accordaient une attention
particulière à tous les aspects de leurs études et de leur vie sur le
campus, leur donnant le sentiment d’être chez eux !

Mais la joie d'être ici aujourd’hui pour y parler de l’éducation en
Haïti est ternie par l’épouvantable catastrophe du tremblement de
terre du 12 janvier. Une catastrophe qu'aucun de ceux qui en ont été
les témoins directs n'oublieront jamais. La plupart d’entre nous sont
parfois enclins à croire, ou préfèrent croire, que nous sommes en
plein cauchemar ; que les images horribles d’enfants ensevelis sous le
béton ou les empilements de corps dans les rues disparaîtront lorsque
nous nous réveillerons. Mais il s’agit d’un cauchemar qui n'en finit
pas, qui s'éternise...

Quelques jours après le tremblement de terre, je me trouvais en
République dominicaine pour rendre visite à des haïtiens transportés
de l’autre côté de la frontière pour y bénéficier d'interventions
chirurgicales que les hôpitaux de notre pays n’étaient pas en mesure
de pratiquer en raison de l’énorme afflux de blessés nécessitant des
soins. Peter Stevenson Jean Baptiste, un jeune garçon de 13 ans qui
avait déjà perdu une jambe allait subir une nouvelle opération, et une
amputation de l'autre jambe était extrêmement probable. Il le savait.
Lorsque je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour lui, sa réponse
m’a frappée comme une onde de choc :

« S’il vous plait, Madame, promettez-moi que vous m’aiderez à
retourner à l’école ! »

À mon avis, Peter Stevenson parle pour tous les élèves et les
étudiants haïtiens.

La demande d’éducation est tellement grande dans le pays ! Pour la
plupart des haïtiens, aller à l’école est un tel privilège que nous
sommes prêts à accepter n’importe quel sacrifice pour cette noble
cause.

Lorsque je me suis retrouvée seule avec mon mari, un peu plus tard, je
lui ai demandé :

- Combien d’enfants haïtiens ne sont pas scolarisés ?

- Environ 500 000, m’a-t-il répondu. C’est-à-dire, environ 25 % des
enfants âgés de 6 à 11 ans.

C’est énorme ! C’est beaucoup trop !

J’ai alors téléphoné au Ministre de l’Education qui m’a expliqué que
80 % des établissements scolaires situés dans les trois départements
affectés par le tremblement de terre (Ouest, Sud-ouest et Les Nippes)
avaient subi des dommages. Plus de 4.000 établissements
d’enseignement !

Cela signifie qu’un million et demi d'enfants en plus ne sont pas en
mesure de retourner à l'école. Pour moi, ce fut comme un second
tremblement de terre.

J’ai ensuite commencé à m’entretenir avec divers spécialistes de
l'éducation. J’ai parlé au Ministre et à un certain nombre de
personnes de son administration. Ce que j’ai appris est inacceptable !
C’était déjà inacceptable avant le 12 janvier. Cela l’est encore plus
depuis ce jour fatidique.

Je ne voudrais pas vous perdre dans les statistiques, mais quelques
chiffres simples me permettront d'illustrer pour vous l'ampleur des
défis auxquels nous sommes confrontés :

Sur les 2,1 millions d'enfants scolarisés dans l'enseignement primaire
(école fondamentale : 9 ans), 82 % le sont dans un établissement
privé. Ce qui signifie que leurs frais de scolarité sont payés par
leurs parents. Mais il m’a également été dit que 76 % des Haïtiens
vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire, avec moins de
2 dollars par jour. Les pauvres paient donc l’éducation de leurs
enfants. Ils paient, en proportion, bien plus que n’importe quelle
autre partie de la population.

Comment notre société peut-elle mettre un tel fardeau à la charge des
segments les plus pauvres de notre population ?

Je sais qu’avec l’aide de la communauté internationale, les pouvoirs
publics tentent d’identifier les options les plus efficaces pour
renvoyer les enfants à l’école. Selon moi, il est indispensable, ce
faisant, de prendre en compte deux aspects essentiels :

Tout d’abord, il est indispensable d’intégrer TOUS les enfants d’âge
scolaire, y compris les 500 000 qui, avant le 12 janvier, n'étaient
pas scolarisés.

Ensuite, je ne vois pas comment les familles, qui ont été ruinées par
le tremblement de terre, peuvent supporter une part des frais de
scolarité. Il est de la responsabilité de la société, par le biais de
l’État, de garantir une éducation GRATUITE pour tous les enfants
inscrits à l’école fondamentale. C'est ainsi que nous témoignerons le
plus de notre respect pour la dignité du peuple haïtien et la
souffrance qu'il a endurée depuis le 12 janvier.

Je sais qu’énormément d’écoles ont été endommagées par le tremblement
de terre, mais j’exhorte les pouvoirs publics à faire le nécessaire
pour remettre les enfants à l'école le plus vite possible. Le fait de
se trouver en milieu scolaire, que ce soit sous une tente ou dans un
espace ouvert, donne aux enfants une meilleure chance de
socialisation, de bénéficier d'une attention psychosociale, de
recevoir de l’alimentation et des soins de santé, et de reprendre une
vie normale, pour compenser un peu la vie difficile qu'ils mènent dans
les camps de réfugiés.

Nombre d’organisations du secteur privé de l'éducation sont prêtes à
ouvrir des écoles. Il nous revient de les y encourager et de favoriser
les initiatives de ce type, tout en mettant à disposition les
ressources nécessaires pour aider les parents. La plupart des chefs
d’établissement demandent que les décombres soient enlevés des sites
scolaires et que des tentes ou d’autres structures légères soient
installées rapidement, afin qu’ils soient à même de recevoir des
enfants. Nous devons accompagner ce vœu de rouvrir les écoles, et de
mettre à disposition des solutions temporaires, tout en réfléchissant
à des stratégies à long terme avec de nouvelles normes de
construction. Dans le même temps, il nous incombe de concevoir un
dispositif dans le cadre duquel l’État aidera les parents et exemptera
tous les enfants de frais de scolarité, tout en leur offrant au moins
un repas par jour.

Donner à chaque enfant la possibilité d’aller à l’école est un
objectif essentiel.

Mais cela est loin d’être suffisant. Le souci de la qualité n’est pas
un luxe.

Il m’a été dit que 77 % des établissements d’enseignement existants
(publics et privés confondus) n’étaient pas reliés au réseau
électrique. Dans les régions rurales, cette proportion atteint 91 %.

65 % de nos écoles n’ont pas l’eau (et je ne parle pas ici d’eau
potable). 74 % d’entre elles n’ont pas de bibliothèque ; 31 % sont
situées dans une église, 16 % dans une maison privée et 19 % dans des
locaux précaires.

Seuls 29 % des enfants inscrits en première année atteindront la 7ème
année. Quel gâchis !

Telles sont les raisons de notre souci de la qualité.

Lorsqu’un enfant doit passer 6, 7 ou 8 années à l’école sans être en
mesure de lire d’écrire, de calculer, de résoudre des problèmes et de
commencer à apprendre par lui-même, c'est un gâchis pour l'enfant lui-
même, sa famille et la société dans son ensemble.

Nous devons veiller à ce que l’éducation qu’il reçoit soit de qualité.
Je crois savoir que moins de 30 % des enseignants possèdent les
qualifications requises pour enseigner. La disponibilité d’enseignants
qualifiés est un préalable à une éducation de qualité.

Tout en œuvrant pour la reconstruction, nous devons lancer un
programme massif de formation des enseignants. Et nous sommes
impatients de commencer.

Mesdames et Messieurs,

Chers amis d’Haïti,

Si je devais arrêter là mon énumération, la situation ne serait pas si
épouvantable. Une bonne concentration des ressources publiques du pays
et un soutien adéquat de la communauté internationale nous conduirait
à une solution adéquate à un horizon acceptable.

Malheureusement, nombreux sont les autres domaines de préoccupation.

Il m’a été dit que notre industrie, partiellement dynamisée par la loi
HOPE, devait régulièrement faire appel à des expatriés, en particulier
originaires des Philippines et de République dominicaine, pour palier
au manque de travailleurs er de techniciens qualifiés dans le pays.
Dans le même temps, nos établissements d’enseignement professionnel et
technique continuent à former des milliers de jeunes qui ne sont pas
en mesure de trouver un emploi en raison de l’insuffisance de
qualifications adéquates.

Je ne suis pas une spécialiste.

Je crois néanmoins que si l’État acceptait d’inclure le secteur des
entreprises, en tant que partenaire, dans la conception et la gestion
d’un système de formation technique et professionnelle, les résultats
pourraient être différents. Les employeurs connaissent leurs besoins.
Ils sont prêts à payer pour disposer d’un personnel qualifié. Pourquoi
ne pas faire appel à eux, en qualité de partenaire essentiel de l’État
pour la gestion d’un nouveau système de formation professionnelle
initiale orientée vers le marché du travail ?

Ma dernière préoccupation concerne l’université. Lorsque je regarde
d’autres nations qui se sont engagées sur la voie d’un développement
durable, j’observe que toutes disposent d’un système universitaire
solide. C’est là le socle de l’innovation, des transferts de
technologie et de la préparation de l’élite dont a besoin chaque pays
pour s’engager sur la voie du développement durable. J’ai le sentiment
que nous n’avons pas encore fait le premier pas dans cette direction.

Mesdames et Messieurs,

Ainsi que vous pouvez le constater, les défis abondent et le système
national de réponse est très fragile.

Nous ne pouvons nous extraire seuls de cette situation. C’est la
raison pour laquelle l’aide de spécialistes expérimentés, tels que
Paul Vallas, qui a joué un rôle essentiel dans la reconstruction de la
Nouvelle Orléans, après l'ouragan Katrina, peut nous être utile.

L'université George Washington est également un réservoir d’expertise
et de connaissance. Même s’il nous revient de nous frayer notre propre
chemin, nous voulons vraiment apprendre de vous, et souhaitons que
vous soyez proches de nous lors du processus d'identification et de
mise en œuvre de solutions.

Chers amis d’Haïti,

Le Ministre de l’Education haïtien s’adressera à vous dans environ une
heure. Il vous présentera le plan du gouvernement haïtien pour
apporter une solution à la situation complexe et difficile créée par
le tremblement de terre du 12 janvier. J’espère que les préoccupations
dont je viens de vous faire part sont prises en compte dans ce Plan.

Je voudrais également vous inviter à unir vos forces autour de ce
Plan. Il s’agit d’une occasion unique. Mais également d’une urgence.
Je serais extrêmement reconnaissante à tous les partenaires d’Haïti de
travailler de manière coordonnée et efficace autour de ce Plan. Nous
espérons également de tous nos amis un engagement à long terme en
faveur de l’éducation des enfants d’Haïti.

Avant de vous quitter, je voudrais remercier une nouvelle fois
l’université George Washington et son Président, le Dr Knapp, pour le
rôle pionnier qu’ils ont joué dans ce domaine. Je voudrais également
exprimer ma gratitude aux intervenants distingués qui ont bien voulu
consacrer de leur temps à cet événement : Mme Christina Wedekull, de
l’Agence suédoise de développement, qui partage son expérience de la
coordination des bailleurs de fonds acquise après le tsunami en
Indonésie ; M. Paul Vallas, qui a dirigé la remise en état des
établissements scolaires de la Nouvelle Orléans, après l’ouragan
Katrina, et Joël Desrosiers Jean-Pierre, Ministre de l’Education
d’Haïti, qui vous présentera plus en détail le Plan du gouvernement
haïtien.

Je voudrais vous remercier tous de votre présence et de votre soutien.

MERCI À VOUS.


0 new messages