(p.729) COUP D'OIL GÉNÉRAL SUR L'ENSEMBLE DE L'OUVRAGE
1
Dans les temps reculés, les hommes n'avaient pas, à proprement parler, de
noms. L'individu était désigné, dans son entourage, suivant l'inspiration de
chacun et, éventuellement, par un ou plusieurs sobriquets issus de
l'imagination populaire.
Lorsque l'emploi de véritables noms devint nécessaire, tous les peuples,
chacun suivant ses croyances, ont imaginé des noms destinés soit à rendre
hommage à la divinité ou à une puissance surnaturelle, soit à lui demander
aide et protection. Dès l'Antiquité, les Sumériens, les Egyptiens, les
Phéniciens, les Hindous, les Juifs ont créé des noms théophores : les
personnes se disaient les fils, les serviteurs, les protégés de la divinité,
en l'invoquant sous des aspects et des titres divers. Plus tard, les
Chrétiens, les Musulmans, les Nordiques (Germains, Scandinaves, Gaéliques)
ont formé des noms analogues.
Quand le sentiment religieux est devenu moins intense, l'anthroponymie est
devenue profane, tout en conservant des traces importantes du système
originaire. Les Juifs, les Hindous, les Musulmans, récalcitrants à
l'abandon de leurs noms religieux, n'ont admis les noms profanes, au contact
des étrangers, que lorsque la loi ou les circonstances les y ont contraints.
Une fois que les relations sociales et économiques se furent étendues, il a
fallu créer un système anthroponymique assez développé pour permettre
d'identifier ceux qui avaient des droits ou des obligations vis-à-vis de
l'autorité ou de leurs semblables.
II
Ce sont les peuples indo-européens, les Italiens en premier lieu, qui ont
adopté le système « descriptif », celui du nom approprié à la personne.
C'est à la suite de la question: « Quel est cet homme? », que le nom est
suggéré par la réponse : « C'est le fils de Pierre » ou « C'est le
Français » ou « C'est le boulanger ».
(p.730) Le nom qui, à l'origine, est approprié, cesse évidemment de l'être
une fois qu'il devient héréditaire.
Outre les Indo-européens, d'autres peuples ont adopté le procédé, en ordre
principal ou en ordre complémentaire (à côté de leur système religieux) : la
Hongrie notamment, qui a fait partie d'un Empire imprégné d'usages
indo-européens; la Turquie, lorsqu'elle a adopté l'écriture latine (1928) et
une législation inspirée des principes anthroponymiques de l'Occident
(1934); les peuples asiatiques et africains influencés par la culture
latine ou anglo-saxonne. Mais, si tous ces peuples ont adopté le même
système, le choix des noms a été influencé par le tempérament et le
caractère de chaque population, ainsi que par le milieu dans lequel les
appellations ont vu le jour et par l'époque où les noms ont été créés.
Les peuples demeurés foncièrement religieux ont une anthroponymie qui s'en
ressent. Les noms donnés à l'époque de Rabelais ont pu être plus crus et
plus indiscrets que les patronymes plus récents. Ceux qui ont été formés au
siècle dernier dans les montagnes de Calabre peuvent être moins distingués
que ceux du Piémont. Les noms peuvent être plus ou moins discrets, selon les
conceptions : des noms qui révèlent des infirmités pénibles, des déceptions
conjugales, des professions peu louables peuvent paraître admissibles sous
tel ciel et malséants ailleurs.
Est-ce par une discrétion poussée à l'extrême que les Scandinaves n'ont pas
créé des noms appropriés à la personne, sauf ceux de la simple filiation
telle qu'elle résultait autrefois de l'acte de baptême, aux termes duquel
tels et tels étaient les fils de Carl, de Hans, de Lars, de Pehr, de Sven,
de Tortsten? C'est possible, car il peut être constaté que même des
peuplades africaines ne donnent aux hommes des noms de métier ou de
caractéristiques personnelles que si ceux-si les ont personnellement
choisis.
Au cours des siècles derniers, les Scandinaves avaient une anthroponymie
vraiment pauvre. Elle l'est restée, sauf en Suède où fut créé un nombre
considérable de patronymes.
III
Les noms artificiels ont vu le jour lorsque des Etats ont estimé que, sur
leur territoire, chacun devait avoir un nom fixe et héréditaire. Il a fallu
souvent donner des patronymes à des groupes nombreux (p.730)de personnes
établies sur le territoire et aussi à des immigrés qui provenaient de pays
où le nom de famille n'existait pas et qui arrivaient dans un Etat où il en
fallait un.
Des noms ont dû être attribués aussi, dans ces mêmes Etats, à des enfants
privés d'un nom de famille paternel ou maternel.
Au commencement du XIXe siècle, de nombreux pays européens ont décidé que
tous les citoyens devaient porter un nom de famille. C'est de cette époque
que datent la plupart des noms juifs allemands, qui ont l'aspect de noms de
provenance, mais qui, en réalité, lorsqu'ils ont été choisis librement, dans
un ensemble systématique inspiré manifestement par la Communauté,
correspondent à des appellations que les initiés comprennent.
Il y eut d'autres créations artificielles, lorsque des Etats ont cru devoir
donner aux populations coloniales des noms de famille, souvent choisis par
les intéressés, parfois imposés par l'autorité.
En Suède, à plusieurs reprises, au cours du XXe siècle, des spécialistes
ont dressé des listes de noms, parmi lesquels les milliers d'Andersen, de
Carlsen, de Johansen, de Larsen, de Pehrsen purent choisir un nouveau nom
plus distinctif. Ces noms qui, apparemment dérivent de noms de baptême
(complétés par des dizaines de terminaisons fantaisistes) ou de noms de
lieux (analogues aux anciens noms de domaines et d'armes) n'ont aucune
signification réelle.
Des milliers de patronymes artificiels ont été créés chez les Basques, les
Finlandais, les Japonais. Ces peuples ont adopté tous trois un système
anthroponymique identique, chacun d'eux ayant eu, par hasard, la même idée
de généraliser, pour les besoins pratiques, l'emploi des noms de provenance
courants, en unissant chaque nom commun à chacun des autres, tantôt dans un
sens, tantôt dans l'autre, ou en leur adjoignant l'un ou l'autre
qualificatif, de façon à former des milliers de patronymes.
IV
Il y a des pays où les noms de famille sont en nombre limité. En Chine, la
liste en comprend six-cent-vingt-deux, parmi lespuels deux à trois cents
seulement sont répandus. Il est sans doute difficile de dire en Chine que
la personne se confond avec le nom, à moins de prendre ce terme dans un sens
large, le nom de famille (p.731) formant un tout avec le nom de génération
et les noms individuels qui le complètent et le suivent. Les Vietnamiens du
Delta tonkinois ont environ deux-cents noms de famille, complétés par un nom
intermédiaire et par un nom individuel. En Corée, le nom de famille, coréen
ou chinois, est complété comme en Chine.
Les noms de famille chinois avaient, à l'origine, une signification; mais, à
présent, ils figurent dans les dictionnaires de la langue comme nous de
famille et sont considérés comme n'ayant plus aucun sens; jamais il n'est
dit que tel nom signifie ceci ou cela; mais, tout au plus, qu'il correspond
au même idéogramme que telle notion ou tel objet.
V
Il existe des domaines où tous les peuples, du moins à un moment de leur
histoire, ont puisé leurs noms de personnes. Mais ces noms, s'ils
appartiennent à la même catégorie, s'interprètent, suivant les mentalités et
les civilisations, de manières très différentes.
1° Les critères auxquels tous les peuples ont nécessairement pensé sont
celui de la filiation et celui du rang des enfants dans la famille. Pour
celui qui est étranger à la famille, l'enfant sera naturellement appelé «
fils de ... » ou « fille de ... »; mais il est arrivé souvent (chez les
Chinois, chez les Juifs, chez les Arabes, dans certaines peuplades
primitives) que, lorsqu'un fils s'était fait un nom, ses parents ont été
appelés « père ou mère de ... ».
Au sein même de la famille, des parents ont toujours songé à donner à leurs
enfants (particulièrement aux fils) des noms correspondant à l'ordre de
leurs naissances. Après les Romains (Primus, Secundus, Tertius; Maximus,
Major, Minor, Minimus), les peuples latins ont adopté ce système (Primo,
Secondo, Terzio; l'aîné, le cadet). Les Japonais se sont servi couramment
des numéros d'ordre en guise de prénoms; des peuplades primitives emploient
le même système.
Parmi les enfants, le cas des jumeaux est particulier. Il est naturel que
des noms « jumelés» leur soient attribués (Jean et Jeanne, Paul et Paula) :
Jacob, frère jumeau d'Esaü, a été appelé « celui qui a tenu son talon ». Les
parents ont souvent été appelés « père et mère de jumeaux »; les autres
enfants ont été désignés par des (p.732) noms tels que « frère ou sour de
jumeaux » et « celui qui précède et celui qui suit les jumeaux ».
2° Les noms empruntés aux animaux, fréquents parmi les peuples les plus
civilisés comme parmi les plus arriérés, sont susceptibles d'interprétations
bien différentes. Plusieurs tribus d'Israël avaient comme emblèmes des
animaux, dont les noms ont laissé des traces dans l'anthroponymie juive; les
noms individuels des Germains sont souvent ceux des animaux qui
représentaient leurs anciennes tribus; dans le monde, des clans se
distinguent entre eux par des figures allégoriques, souvent animales; des
familles, influencées par la féodalité, ont choisi des armes héraldiques et
des noms de même inspiration.
Il ne faut pas confondre ces noms, qui révèlent que la personne appartient à
une tribu, à un clan, à une classe sociale, avec ceux qui constituent des
métaphores ou des métonymies relatives à une personne déterminée.
3° Il existe une autre catégorie de noms très répandus dans le monde : ceux
qui révèlent la classe sociale de la famille ou de l'individu.
Parfois le nom est assez vague et général. L'homme peut être appelé « le
noble », « le suzerain », « le seigneur », ou « le chef », ou encore « le
riche », « le puissant ». A l'opposé, d'autres noms révèlent une origine
modeste, un état de soumission ou de subordination.
Mais souvent les termes du classement social sont plus précis.
Dans les Etats qui ont connu le régime féodal, en Europe, il y eut des
hommes portant des titres de noblesse correspondant aux domaines où ils
exerçaient un certain pouvoir (principautés, duchés, comtés). Là où la
noblesse est encore reconnue, les appellations nobiliaires font partie du
nom. Mais il ne faut généralement pas interpréter à la lettre les noms de
famille qui correspondent à des titres de noblesse ni confondre les noms
évoquant des domaines nobles avec ceux qui indiquent simplement une origine
ou une provenance (De Flandre, De Brabant).
Sous l'ancien régime, les Japonais connaissaient cinq titres de noblesse :
prince, marquis, comte, vicomte et baron. En Thaïlande, il y a cinq degrés
nobiliaires qui, dans la famille, se perdent, graduellement, à chaque
génération. Ailleurs, les familles sont dividées en castes (Indes, Ceylan,
Bali). Chez les Touaregs, il y a la caste (p.733) des nobles, celle des
vassaux et celle des « sang-mêlé ). Au Burundi, chacune des races présentes
sur la territoire (Batutsi, Bahutu, Batwa) a ses castes: dans chaque groupe,
des listes (admises par tous) citent, suivant leur ordre de dignité, les
familles qualifiées très bonnes, bonnes, ni bonnes, ni mauvaises, mauvaises.
Il en est de même des populations hamites de l'lturi. Dans la plupart des
pays de l'Asie orientale et de l'Océanie, il y a eu (et il y a souvent
encore) un roi, des princes ou des sultans, des nobles et des seigneurs.
Dans l'île de Pâques, le nom indique s'il s'agit d'un descendant d'un «
Longues-Oreilles ) (de l'ancienne race dominante) ou, au contraire, d'un «
Courtes-Oreilles » (de celle des envahisseurs). Un système tout particulier
est celui des Malgaches: le nom indique que celui qui porte le nom est le
fils de tel père ou le descendant de tel aïeul (parfois jusqu'à la septième
génération) et contient le titre de gloire ou de renommée de l'ascendant
(notamment s'il était parmi les « Mille fondateurs de la ville de
Tananarive ». Une terminologie très appropriée et technique précise que la
famille est noble, que l'ancêtre était de haute ou de bonne lignée, que le
père était exceptionnel, très renommé, éminent, respecté etc.
A propos des noms qui déterminent une classe sociale, il faut, dans chaque
pays, connaître l'organisation sociale et le système de l'attribution des
noms: déterminer la valeur de l'appellation elle-même et la foi qu'elle peut
inspirer, celle qui est choisie par l'intéressé lui-même ou par sa famille
étant évidemment sujette à caution.
VI
Aucun pouvoir officiel ne limite généralement, en matière de noms, la
liberté des peuples primitifs livrés à eux-mêmes. Les personnes peuvent, à
leur gré, donner à leurs enfants et prendre pour euxmêmes, les noms que la
fantaisie leur suggère. Il y a toutefois des usages, plus ou moins
impératifs, fondés souvent sur des croyances (notamment quant à l'origine et
au pouvoir du nom) et sur la tradition.
Les usages déterminent les règles relatives à l'attribution, au changement
et à la perte des noms; à leur choix et à leur remplacement; à leur durée
(noms simultanés ou successifs, noms permanents, provisioires ou
occassionnels); à leur importance relative (noms principal, secondaire ou
accessoire); à leur caractère public, intime (p.734) ou secret (la
connaissance du nom pouvant permettre à un ennemi d'exercer sur la personne
un pouvoir redoutable); au droit de porter certains noms (noms interdits -
tabou - ou réservés à certains hauts personnages, aux ascendants, aux
maîtres).
C'est le caractère insolite des noms adoptés par les populations primitives
qui surprend souvent les observateurs non avertis.
Un nom peut leur paraître incongru parce qu'ils ont de la pudeur une
conception autre que celle de certaines peuplades simples, pour lesquelles
le sexe n'est que le moyen de perpétuer la race. Le Tahitien n'est pas
offusqué lorsqu'on lui parle de deux femmes appelées Petit Vagin et Grand
Vagin.
Mais ce qui frappe surtout, ce sont les contradictions que les noms semblent
impliquer. Un nouveau-né peut être appelé Le Vieillard ou Le père d'un tel,
parce qu'il est censé remplacer, en naissant, telle personne qui vient de
disparaître (l'idée du remplacement étant très répandue dans le monde). Un
autre portera un nom qui paraît lui attribuer une caractéristique qui n'a
pas encore pu être discernée en lui; et ce, parce que, dans le milieu où il
est né, il est d'usage de donner à un petit être qui est vraiment un
inconnu, une qualité ou un défaut de l'un de ses père ou mère. Il est
fréquent aussi qu'un enfant porte le nom d'une personnalité, Monseigneur ou
Capitaine, par exemple, parce qu'il est né le jour où eut lieu dans le
village la visite du personnage, et qu'un garçon soit appelé La Religieuse,
si sa naissance a coincidé avec l'arrivée des Sours missionnaires. Les
Musulmans arabes ont aussi des noms qui apparemment ne correspondent pas à
la réalité: ils appelleront un Yacoub Fils d'Isaac, alors que le père porte
un autre nom, uniquement en souvenir du Jacob de la Bible qui, lui, était
le fils d'Isaac; ils ont aussi des noms qui paraissent attribuer une qualité
à l'homme alors qu'il s'agit d'un nom théophore musulman, qui sousentend
le mot « Dieu ».
Il y a des noms incompréhensibles pour ceux qui ignorent qu'ils sont
destinés à conjurer le sort ou à éloigner les Esprits malveillants. Après le
décès d'un enfant, le suivant s'appellera Attendu par la terre; après un
double décès, il recevra le nom de Deux morts ou Fleur de tombe (qui est
quand même plus clair que Jour des fleurs). Il faut savoir aussi que des
noms tels que L'Oncle enfoui et Plantê sans fleur évoquent simplement des
disparus. Un nom répugnant peut être donné à un joli bébé pour tromper les
Esprits qui voudraient (p.735) s'emparer de lui ou exercer sur sa personne
des pouvoirs néfastes.
Parmi les noms de personne empruntés aux animaux, il est parfois aisé d'y
découvrir des désignations de tribu ou de clan; mais, lorsque le nom évoque
une particularité de l'animal (Il laisse des traces sur le sable, Il remue
la queue, Yeux étincelants), un non-initié ne découvrira pas, dans
l'appellation l'origine de la personne. Il sera sans doute plus aisé de
comprendre que Tête de saumon et Queue de saumon sont les noms de deux
jumeaux.
Les noms diffèrent d'une région à l'autre, suivant les croyances, suivant
l'idée que l'on se fait du nom, suivant les nécessités sociales et
économiques, suivant le degré de civilisation et de culture, suivant
l'imagination, la tournure d'espret, le caractère et les préoccupations de
chaque peuple.
Leur interprétation nécessite des connaissances tellement diverses et
tellement étendues du milieu, des idées et des mours, des langues et
dialectes de chaque groupe que les erreurs sont inévitables.
(p.100)
LIVRE TROIS
NOMS CELTIQUES
LANGUE ET DIALECTES CELTIQUES
Le terme « celtique » s'applique à plusieurs idiomes issus d'un rameau de
l'indo-européen proche de l'italique. Le celtique, comme l'italique, possède
un génitif singulier en -i (dans les thèmes en -o), un déponant passif en -r
et un futur en b.
Le vieux celtique se distingue des autres rameaux de la même famille
linguistique par différents caractères :
1. la chute générale du p :
porcus (latin) - orc (irl.), och (breton)
plenus (latin) - llawn (gallois), leun (breton)
platon (grec : accus.) - llydan (gall.), ledan (breton)
2. le passage de e à i :
verus (latin - gwir (gallois et breton)
rex (latin) - rix (gallois)
3. le passage de v en b :
vivus (latin) - byw (gallois), beo (breton)
(le latin vivus correspond à gyvas du lithuanien)
CHAPITRE PREMIER
NOMS DES CELTIQUES CONTINENTAUX DE
L'ÉPOQUE ROMAINE
§ Ier. La population celtique continentale
Les Romains appelaient Galli ceux des peuples de race celtique qui
habitaient l'Italie du Nord, la vallée du Danube et le pays situé entre le
Rhin et les Pyrénées. Les Germains les appelaient Walh, mot qui en leur
langue signifiait « étranger ». Ces nations se désignaient elles-mêmes par
l'appellation de Celtes. Les grecs appelaient Galates les Celtes du Danube
et de l'Asie Mineure. Le nom Gaulois, en français, n'apparaît pas avant le
XVe siècle.
(p.107) NOMS BRETONS (ARMORICAINS)
§ Ier. Noms de famille empruntés aux noms de baptême
Certains noms de baptême sont précédés de Ab- ou Ap- (anciennement Mab-).
Au Moyen âge, il était fait usage de la formule Mab Edern, « fils de ... »,
comme dans les noms gallois.
Ab- -arnou, -eozen, -(h)éré ou Apéré Ab- -ivain, -olivier, -o(n)
Ab- -grall, -hervé, -idon, -iyon
II y a des noms bretons qui dérivent de qualificatifs :
Bri- -and, -ant, « haute dignité » Guimaree, « digne
d'avoir un bon
Cad- -oret, -oudal, Caval (cat, « com- cheval »
bat ») Gour-, «
homme » (suivi d'un qualifi-
Caradec, « aimable » catif)
Glémarec, « brave chevalier » Guéguon, « haut et
blanc »
Laguénan, « joyeux » Prigent, « de race valeureuse »
Les noms de baptême sont souvent devenus noms de famille sans suffixe;
d'autres ont pris un suffixe ou un diminutif (-ec, -ic, -ou) :
Abo Jaouën, Even,
« Jean »
Allan, « Alain » Joa, Joe, Choas,
« Joyce » (irland.)
Héré (Ab-h-éré) Jourdren, «
Jourdain »
Audren (Altroen), « rivageois » Lancelot
Bri- -ac, -eue (saint irlandais) Laouenan
Caradec Magloire (saint
breton, d'orig. gall.)
Clodic, « Claude » Mah- -eo, -u, Mazé,
Méhu, Matisse,
Coll- -e(u)c, -eu, « (Ni)collet » « Mathieu »
Conan (rois et saints bretons) Malo, Maclou
Corentin (saint breton) Mazéas, « Mathias »
Der- -gen, -rien Merlin
Doumic, « Dominique » Perce-,
Perse- -val, -vau(x)
Dré- -an, Dri- -an(d), -ard Pe(z)-, Ped- -ton, «
Pierre »
Fil- -ius, -y, Phily Prigent (saint)
Gauv-, Gauw- -ain Quid- -eau, -ou
(saint)
Gégo(u), Jégo(u), « Judoc » Raulic, « Raoul »
Gou- -zien, -yen, « Guédian » (saint) Ronan (saint, ermite), Renan
Guég- -an, -uen, -uin Riou, Rion (saint)
Guénolé Stephan, «
Etienne »
Guill- -elme, -erme, -ou Yves (saint Yves
Hélory), Iv(a)in, Yv-
Herv- -é, -o -en, -inec,
-onou
Les filles sont souvent appelées Guendel- -ine, -yn et Yvonne. Gloaguen
signifie « à la peau brillante, satinée ».
§ II Noms de provenance
I. NOMS DE FAMILLE EMPRUNTÉS AUX NOMS PROPRES DE LIEUX
Le pays d'origine est évoqué par les noms suivants : (Le) Gall(e), Galle,
(Le) Gallic, Galliou, « (le) Français »; Le Saux, Le Sauz, « Le Saxon »
(l'Anglo-saxon); Spagnol.
(p.108)
Les patronymes Botcazou, Boqueho, Domalain, Guéhenno, Loh(é)ac sont
empruntés à des noms de communes. Fail était un nom de domaine. Du Guesclin,
celui d'une ancienne forteresse; Crelo, celui d'un hameau.
II. NOMS DE FAMILLE EMPRUNTÉS AUX NOMS COMMUNS A VALEUR TOPONYMIQUE
A. ÉLÉMENTS FRÉQUEMMENT UTILISÉS EN COMPOSITION
Des noms communs sont déterminés soit par un qualificatif, soit par le nom
propre du possesseur d'un bien profane ou du saint
patron d'un lieu consacré.
1° Ker ou car, « localité », puis « demeure »
AVEC UN QUALIFICATIF : AVEC NOM DE PERSONNE :
Ker- -goat, « maison de bois » Car- -avas
(Havas), -michaël
Ker- -ber(e)n(n)ès, « maison des poi-
Ker- -bor, -bol, -david, -gomard,
riers » -guelen, -g
uillerm, -guinou
Cos- -quer, « vieille maison »
Ker- -Jean, -mabon, -maria, -raoul,
-tanguy, Ke(r)- -richard, -robert
2° Lan, « oratoire, lieu consacré »
AVEC UN QUALIFICATIF : AVEC UN NOM DE SAINT :
Lan -moer, -nevez, « oratoire- -grand, Lan- -derneau (Ternoc), -vennec
(Gué--neuf »
noc), -divisiou
(Thivisiau)
Lan- -guidou (Quidou)
Lam- -balle (Paul)
3° Loc (locus), « lieu consacré, oratoire, ermitage »
AVEC UN QUALIFICATIF : AVEC UN NOM DE SAINT :
Loc- -miné, -mariaquer, « lieu- -des Loc- -malo, -maria moines, -de
l'église. Notre-Dame » Loc- -ronan
4° Pen, « tête, hauteur » (dans les noms de domaines)
AVEC UN QUALIFICATIF : AVEC NOM DE PERSONNE :
Pen(an)- -hoat ou -houet, -ros, -ster, Pem- -Jean, -pennic, «
colline- -de Jean,
« colline- -des canards, -du tertre, -de -du têtu »
la source » (-an, « le ») Pen- -guern, « domaine des aulnes »
5° Plou, « peuple, population, territoire, paroisse »
AVEC UN QUALIFICATIF : AVEC NOM DE PERSONNE :
Plou- -gastel, -guer (feer), « territoire- Pie- -lan, Plo- -ërmel,
« bien- -d'Alain,
-du château, -de la demeure » d'Arthmel »
Plou- -meur, -nevez, « territoire- -grand,
-nouveau »
6° -illis, « de l'église »
Brenn-, Korr- -illis, « colline-, demeure- -de l'église »
7° lis (gallois : llys), « cour», puis « château» : Les- -couet, -neven
(p.109) B. AUTRES ÉLÉMENTS DE NOMS A VALEUR TOPONYMIQUE i° Château,
résidences, douaires
Chatelaudren, « château d'Audren » Trédern, « douaire » Goavec, « résidence
d'hiver »
Plou-, Tre-meur, « paroisse-, village--de la muraille »
2° Rues, places, barrières, ponts, bourgs
Marc'hallac'h, « place du marché » Lehec, « la barrière »
3° Montagnes, vallées, terrains
Menez, « montagne »
Mené- -guen, -meur, « m.- -blanche,
-grande »
Créac'h, « hauteur » (Le) Men, « (la) pierre » Men- -bihan, -hir, «
p.- -petite, -longue »
4° Végétation
Coédic (diminutif)
Kergoat, « bois du village »
Liscouët, « bois du château »
Trégou- -at, -et, « au-delà du bois »
Co- -at, -et, « bois »
Guezennec, « bosquet, lieu couvert d'arbres »
Bezou, « bouleau ». Bezouet, « boulaie »
Le Faou, « le hêtre », Faouet, « hêtraie »
(Le) Guerne, « (l')aulne », Guerniou, « aulnaie »
5° Mer, lac, étang, île
Larvor, « la mer »
(Le) Loc'h, « (!') étang »
Pouliguen, « mare blanche »
Hennebont, « vieux pont » Guichen (giutfe), « vieux bourg »
Carn, « rocher, pierre » Guérande, « région blanche » Conquet, « petite
cavité, petit coin > Priel, « terre argileuse » Sabrou, « sable »
Guernehué. Guerncoz ou Vergoz,
« vieille aulnaie » Livinec, « lieu planté d'ifs » Avalée, « pommeraie »
Balance, « genêtraie » Bouzit, « buis » Bodiou (bod), « buisson » Cohen, «
lichen » Quélen(n)ec, « houssaie » Roz, « rosé », Rozec, « roseraie »
Quelv- -é, -en, « coudrier »
I(ni)zan, Izanic, « originaire d'une île » Poher (Pou Caër), « mare de la
maison »
§ III. Noms de dignités ou de fonctions et de professions
I. DIGNITÉS, TITRES, FONCTIONS
A. FONCTIONS ET TITRES RELIGIEUX
Lescop, « l'évêque » Labbat, « l'abbé » Person, « curé de paroisse » Bellec,
«prêtre»
(Le) Manac'h. « (le) moine » Goasdoué, « homme de Dieu » Quinio(u) (kiniad),
« chantre »
B. FONCTIONS ET TITRES CIVILS OU MILITAIRES
Roué, « roi »
Biscond, « vicomte »
(Le) Mar(r)ec, « (le) chevalier >:
Le Floc'h, « le page »
Coroner, « colonel »
Cabitan, « capitaine »
Goaréguer, « archer » Colleter, « collecteur (d'impôts) » Tensorer,
Tansorier, « trésorier » Cleac'h, (Le) Clé(o)c'h, «(la) cloche» (sonneur)
(p.110)
II. NOMS EMPRUNTÉS AUX DIFFÉRENTES ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES
A. ALIMENTATION
Mill- -er, -our, « meunier » Quiguer, « boucher »
Férec, « chevillard ». (boucher) Quég- -ain, -uiner, «
cuisinier »
Pesquer, « pêcheur »
B. TRAVAIL DU MÉTAL, DU BOIS, DU CUIR, DE L'OSIER. CONSTRUCTION
Le Goff(ic), Go vie, Go(u)ïc, « (le) Pode(u)r, « potier »
forgeron » Harniou, «
harnais »
Coutelier, « coutelier » Quiv- -y, -it, «
tan », Quiviger, « tan-
(Le) Calvez, Calve- -san, -zan, « (le) neur » charpentier »
Cavall- -ec, -at, « fabricant de paniers »
Laour, « cercueil » Carr- -ec, -er,
Garer, « charron »
Ar(r)heur, (L)ar(r)- -eur, -our, (A)nar- Muraour, « maçon »
rour, « le fabricant de coffres » Bourzec, « fabricant de
bourses »
Bolzer, « constructeur de voûtes, d'arcades »
C. VÊTEMENT, CHAUSSURE, COIFFURE
Quémeneur, « tailleur » Baliner, « fabricant de
couvertures »
Quéré, Kéré, « cordonnier » Chauss-, Chos- -ec, «
fabricant de chaus-Brozec, « fabricant de robes »
ses »
Tocq, (Le) To(c)quer, « (le) chapelier »
D. COMMERCE EN GÉNÉRAL, TRANSPORTS, HOTELLERIE, OR ET ARGENT
Marc'hadour, « marchand » Guieysse, « guide »
Char- -ater, -(e)ter, -cour, « charretier » Hostiou, « hôte, hôtelier »
Cariguel, « brouette » Larhantes, «
l'argentier »
(Le) Porz, Le Porn, Porzier, « (le) Le Troquer, « le changeur »
portier » (Le) Naour, «
l'or »
E. EXPLOITATIONS RURALES ET FORESTIÈRES
(Le) Mer(r)er, Mer- -eur, Metear, Chatal(ic), « cheptel »
(gardien ou pro-
« (le) métayer » priétaire)
Mansec, « mansier, tenancier d'une Castr- -ec, -ic, «
châtreur »
manse féodale » Coad-,
Coéd- -er, -our, « forestier » ou
(Le) Gonidec, « (le) cultivateur » « bûcheron »
Gued- -an(t), -on, « lieu de fagot »
§ IV. Noms de caractéristiques physiques et morales
i. L'article défini breton est an; l'a de ce mot tombe souvent : (A)nagard,
(A)naour, (A)noan, (A)nestik. Généralement l'article français le s'y est
substitué : Le Duigo, Le Meur (comme dans les noms de profession).
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2. Les noms de caractéristiques sont souvent composés à l'aide des mots
suivants : Mau- ou Mo-, « homme » (Mau- ou Mo- -bian, «homme petit»); Goas-,
«homme» (Goascaradec, «homme aimable »); Pen, « tête » (Pen- -du, -ven, «
tête- -noire, -blanche ».
I CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES
A. LES CHEVEUX ET LA PEAU
Parmi les caractéristiques physiques, c'est la couleur des cheveux qui a
fourni le plus de noms de personnes : leur quantité, moins souvent.
(Le) Guen(ec), Mauguen, « (le) blanc, (Le) Rouz(ic), « (le) roux »
homme blanc » Blévec, « chevelu »
Pen- -du, -ven, « tête- -noire, -blanche » (Le) Moal, « (le) chauve »
(Le) Glas, Glaziou, « grisonnant »
II y a d'autres noms relatifs au système pileux . Cabell- -ec, -ic, « aux
cheveux huppés » (cabel, « huppe d'oiseau »), Cudenec, « aux cheveux
bouclés », Gourmelon, « aux sourcils bruns », Mouren, « moustache », et
Blo(u)c'h, « glabre ». Il y en a peu qui évoquent la carnation : (Le) Duigo,
« (le) noiraud » : Le Gléo, « le hâve, le pale ».
B. BOUCHE, LÈVRES, JOUES ET DENTS
Guez(ou), « lèvre » (Le) Dantec, «
(le) dentu »
Guézec, «lippu» Bouguennec,
«joufflu»
Guéziec, « aux grosses lèvres »
C. TAILLE, VOLUME, AGE ET FORCE, BEAUTÉ ET SANTÉ
Le Bihan, Mau-, Mo- -bian, « le petit, Creff, « fort »
l'homme petit » Post- -ec, -ic,
« robuste »
(Le) Meur, Mau-, Mo- -meur, « (le) (Le) Hen, « (le) vieux »
grand l'homme grand » Co(u)jean, « vieux
Jean »
Le Hir, « le long » Le Coz,
Coz- -année, -ic, Coïc, « (le)
(Le) Ber(re), « (le) court » vieux »
(Le) Corr, Coriou, « le nain » Caër, « beau »
(Le) Braz, Bras, « (le) large », Maubras, Le Gleo, « le pale »
« l'homme large » (Le) Her, « (le)
hagard »
(Le) Moan, « (le) mince » Lesec(q), Lesech
(seac'h), « le sec, le
Meudec, « aux pouces forts » flétri »
Crenn, Creignou, « trapu »
D. ANOMALIES ET INFIRMITÉS
Bozellec, « aux larges paumes » Tallec, « au large
front »
Garrec, « aux grandes jambes » Branellec, « porteur de
béquilles »
Morzedec, « aux fortes cuisses » Cam, « boiteux »
Pennée, « à la forte tête » Goar, « tordu »
Scoazec, « aux larges épaules » Le Moigne, Moing, « le
manchot »
Scouarmec, « aux grandes oreilles » Pogam, «jambes arquées »
Le Troadec, « aux grands pieds »
(p.112)
II CARACTÉRISTIQUES MORALES
A. QUALITÉS DU COUR ET DE L'ESPRIT
Nagard (a-n agard), « le bon » (Le) Fur, « (le) sage »
Madec, « bon » Laënnec, «
l'instruit »
Habasque, Labasque, « (le) débonnaire (Le) Cuff, Gourcuff, « (le)
(très) ai-
l'indolent » mable »
Lamourec, « l'amoureux» (nom hybride) Caradec, Goascaradec,
«(l'homme)
(Go)urcun, « très aimable » aimable »
Cari- -e(t), -ou, « ami »
B. COURAGE ET COMBATIVITÉ
Guého, « combat » Cadoudal, «
valeureux au combat »
Cadec, « combattif » Nerrant (a-n
herrant), « l'impétueux »
Cadiou, « peu combattif » (ou : « petit Brézellec, « guerroyeur »
combattant ») Guezengar, « aimant
le combat »
Cadoret, « qui protège au combat » Thoraval, « qui brise le
vent » Caduff, « combattif »
C. CARACTÉRISTIQUES DIVERSES
Mollesse, lenteur, sauvagerie, entêtement, niaiserie, déboires
conjugaux
Blot, « mou » Corn- -ec, -ic,
« cornu »
Legorrec, « le lent » Dagorn- -e, -o, «
biscornu »
Guez(ou), « sauvage » Daugan, « mari
trompé » Penn- -ec, -ic, « têtu »
D. CARACTÈRE JOYEUX
(Le) Mao signifie « (le) réjoui » (mais aussi : « l'homme »). Gour-laouen a
le sens de « très joyeux ».
§ V. Noms reflétant l'état social
Quelques noms bretons évoquent la dépendance de certains hommes vis-à-vis
d'autres. Il y en a qui font allusion à la richesse ou à la puissance de
quelques privilégiés :
Mau- ou Mo- -bian, -meur, « petit-, Gallouedec, « puissant »
-grand- -serviteur » Pé-,
Pin- -vidic, « riche », Madec,
(Le) Goas, « (le) serviteur (ou : « l'hom- « riche »
me ») Ploué, «
campagnard »
§ VI. Noms de relations familiales
**
Goaziou, « homme, mari » Ledeuff, « le gendre »
Lozac'h, « le mari, le chef de famille » Pan-, Pen- -hard (pennher), «
fils unique,
Gouriou, « homme » (opposé à « femme » héritier »
(Le) Hanaf(fe), « l'aîné »
§ VII. Noms d'animaux
Broc'h, « blaireau » Calloc'h, « entier » (cheval) Caouen, « chat huant »
Car- -o, -of(f), « cerf » Le Louarn, « le renard » Lebeul(e), Le Hibel, « le
poulain > (Le) Maout, « (le) mouton » Noan (a-n oan), « l'agneau »
Cogez, « grondin » (poisson)
Leostic, « rossignol »
Nestik (a-n- estik), « le rossignol »
Dub, Dub- -a, -e, « pigeon pattu »
Goulven, « moineau »
Quéfelec, « bécassine »
Quioc, « bécassine »