Brice Pedroletti:https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/10/23/l-asie-du-sud-est-a-l-epreuve-de-l-affrontement-entre-la-chine-et-les-etats-unis_6648946_3232.html
Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est
Face aux guerres commerciales de Donald Trump, les membres de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est, créée en 1967, ont dû, faute de disposer d’institutions supranationales, négocier en ordre dispersé.
Article réservé aux abonnés
Quand les chefs de gouvernement de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) se réuniront en sommet annuel à Kuala Lumpur, en Malaisie, du 26 au 28 octobre, deux dossiers devraient retenir toute leur attention : le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge, et le projet d’élections de la junte birmane. Tous deux mettent à l’épreuve la crédibilité de ce groupe de pays créé en 1967, en pleine guerre froide, et qui, à l’instar de l’Europe, s’est élargi après la chute de l’URSS, en 1991, à plusieurs pays communistes.
La comparaison s’arrête là : l’Asean, qui accueille en 2025 un onzième membre, le Timor oriental, ne s’est jamais dotée d’institutions supranationales. En l’absence d’une « OTAN asiatique », certains Etats conservent des alliances de sécurité formelles avec les Etats-Unis (Philippines, Thaïlande), d’autres sont rattachés à la sphère d’influence chinoise (Cambodge et Laos), tandis que le reste se revendique neutre, non aligné, ou simplement ouvert à toute offre de coopération (Vietnam, Indonésie…).
Face aux guerres commerciales trumpiennes, les membres de l’Asean ont dû, contrairement à l’Union européenne (UE), négocier en ordre dispersé. « Près de six décennies après sa fondation, l’Asean se retrouve ramenée à son point de départ : fragmentée, hésitante et exposée aux jeux d’influence des grandes puissances », juge le politologue thaïlandais Thitinan Pongsudhirak dans une tribune du média birman Irrawaddy.
La venue attendue de Donald Trump au sommet de Kuala Lumpur pour « présider » un accord de cessez-le-feu formel entre Thaïlande et Cambodge en est le symbole : le président américain estime avoir eu un rôle décisif, le 28 juillet, quand il a menacé les deux pays de retarder avec chacun d’eux un accord sur les droits de douane. Le cessez-le-feu initial a été obtenu par le premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, dont le pays préside l’Asean. Quelques jours plus tard, Trump « accordait » 19 % de droits de douane aux deux