L’étude des normales climatiques de Poitiers à deux siècles d’intervalle réserve des surprises. Le climat est notamment beaucoup plus pluvieux.
Ces trois petits carnets dégotés dans un vide-greniers mettent à mal un certain nombre d'idées reçues en matière de changement climatique. Un vrai petit trésor pour les climatologues. En quittant Poitiers, il y a deux ans, l'ancien directeur départemental de Météo France a confié à son successeur les relevés météorologiques consignés quotidiennement par le docteur de La Mazière, entre 1775 et 1818.
Il restait toutefois à les décoder pour pouvoir les interpréter. « Le système métrique n'avait pas encore été adopté ; la pluviométrie, par exemple, était exprimée en pouces du Roy », raconte Rémy Fruchard, l'actuel responsable du centre météorologique de Poitiers qui a demandé à un ingénieur à la retraite de transcrire ces chiffres.
Des saisons plus marquées
C'est à présent chose faite. Aussi, en comparant les normales calculées sur trente ans entre 1781 et 1810 à celles de 1981 à 2010, Rémy Fruchard a-t-il dégagé une tendance très nette pour le moins étonnante : « Il pleut beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a deux cents ans. » Et la différence est assez significative : 577,8 mm par an en moyenne pour la première période contre 685,6 mm deux siècles plus tard. « Les précipitations étaient inférieures ; elles étaient surtout plus lissées sur toute l'année », ajoute le spécialiste. « Alors quand on nous parle de sécheresse liée au réchauffement… »
Autre enseignement remarquable : les saisons étaient nettement plus marquées à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que dernièrement. « Les hivers étaient plus froids et les étés étaient plus chauds », précise Rémy Fruchard. « Ce n'est pas tout à fait la même chose même si, au final, les températures annuelles moyennes sont stables puisqu'on est passé de 11,63 à 11,7°C entre les deux périodes. »
En consultant les archives de Météo France à Poitiers, le responsable a également pu établir les normales climatiques de 1881 à 1910 afin de les comparer à celles des siècles précédent et suivant. Surprise : il pleuvait encore moins durant ces trente années qu'à l'époque de la Révolution française !
" Le Sahara, ce n'est pas pour demain ! "
Reste un paramètre que le docteur de La Mazière ne pouvait pas prendre en compte. Les climatologues modernes s'intéressent en effet au facteur d'évapotranspiration. « Quand on prend en compte l'énergie consommée par les plantes et l'évaporation au niveau du sol, on est en déficit hydrique chronique », estime le responsable de Météo France dans le Poitou. « Le potentiel de l'agriculture reste néanmoins plus important qu'au temps de la Révolution. »
Rien d'inquiétant localement, donc, dans l'évolution du climat : « Même le scénario le plus pessimiste pour l'horizon 2080 avec des étés plus chauds et plus secs n'est pas catastrophique. Le Sahara dans le Poitou, ce n'est pas pour demain ! »
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De nouvelles normales
Depuis le début de cette année, les normales climatiques de référence de Météo France ne sont plus calculées sur la période 1971-2000 mais sur les trente années de 1981 à 2010. « Ce simple décalage de dix ans a des conséquences », explique Rémy Fruchard, le responsable du centre météorologique de Poitiers. « Le climat du Poitou, mais aussi de la Touraine et du Berry avec un mois de mai très pluvieux qui était caractéristique du climat océanique dégradé devient de plus en plus océanique ; c'est-à-dire qu'il pleut autant qu'avant au total mais de manière plus lissée sur l'année. »