Fwd: [prec] Un revenu de base nécessaire mais pas suffisant / Jean Zin

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Angelika GROSS

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Aug 28, 2014, 1:18:42 PM8/28/14
to Carole Edelman, RDB Paris
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Angelika


-------- Message original --------
Sujet: [prec] Un revenu de base nécessaire mais pas suffisant / Jean Zin
Date : Thu, 28 Aug 2014 17:20:44 +0200
De : Gérard Régnier <gerard....@free.fr>
Répondre à : pr...@list.attac.org
Pour : ecologie...@list.attac.org, altern...@list.attac.org, "[Attac-PREC]" <pr...@list.attac.org>, "[ATTAC-local]" <lo...@list.attac.org>, "[Attac_Crise-du-travail]" <crise-du...@list.attac.org>, attac06-...@list.attac.org


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Un revenu de base nécessaire mais pas suffisant
Par Jean Zin

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Bonjour,

J'ai participé, à l'U.E. d'Attac, aux ateliers sur le "revenu de base", 
qui était animé par le "réseau revenu de base Allemagne".

Pour ce que j'ai cru comprendre, j'ai pu mesurer la distance de ce "revenu de base",
avec la revendication d'un "revenu garanti pour tous et toutes, avec ou sans emploi",
issue, entre autres, des mouvements de chômeurs et précaires et intermittents,
et que je m'efforce de porter dans Attac depuis plus de 10 ans.

L'intitulé même de l'un de ces ateliers : "protection sociale sans travail"
est même une véritable caricature pour nos contradicteurs les plus obtus.
En effet, il ne s'agit pas d'une "fin du travail", ou de la débilité d'une "société de loisirs",
mais bien d'avoir les moyens de se ré-approprier le travail,
en plaçant le développement humain au centre de l'économie,
afin de créer autrement, autres choses, que ce que le capitalisme global nous contraint,
par le chantage à la misère, le chômage, la précarité de l'emploi, le "marché du travail".

Il ne s'agit pas de refaire un monde hors sol, mais bien plutôt de traiter une urgence sociale et écologique :
Il y a, en France, à peu près 10 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté !
prêts à prendre n'importe quelles miettes d ' "emplois",  et,
par le chantage à la misère et le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail salarié contraint,
produire pour des entreprises qui décident à notre place quoi produire et comment !
Tous discours sur la transition écologique serait que vain tricotage de nouille
s'il n'intégrait pas cette nécessité d'un revenu de résistance !
Il serait temps de donner un sens et un contenu
à la justice sociale qui est revendiquée pour l'urgence climatique !


Quasiment en même temps que l'U.E. d'Attac, avait lieu, près de Périgueux,
l'université d'été du Revenu de base.
N'y étant pas, je ne sais pas ce qu'il en ressort.
Mais Jean Zin y nous livre ici ses réflexions à ce propos,
qui développent ce que j'ai pu dire à l'U.E. d'Attac.
Je partage, dans les grandes lignes, son point de vue.

Amicalement
Gérard Régnier


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Un revenu de base nécessaire mais pas suffisant
Par Jean Zin

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http://jeanzin.fr/2014/08/18/un-revenu-de-base-necessaire-mais-pas-suffisant/

revenu de
          baseCela fait plusieurs années que je n'interviens plus en public mais la situation est on ne peut plus mauvaise. Bien que les prévisions économiques restent toujours hasardeuses, le risque d'une nouvelle crise systémique pire que la précédente est loin d'être écarté (cela fait même un moment qu'elle aurait dû se produire). En dépit de l'indifférence générale et malgré les incertitudes du climat, il est encore plus certain hélas qu'on assiste, en Arctique notamment, à un emballement des dégagements de méthane qui s'annonce ingérable. A plus court terme, sans parler des guerres qui se rallument à nos portes, les perspectives politiques sont dramatiques, avec la montée de l'extrême-droite et du nationalisme. Sur tous ces fronts, il n'est certes plus temps de rêver...

Cela ne doit pas empêcher de porter la revendication d'un revenu de base dont le besoin se fait de plus en plus sentir mais devrait empêcher du moins tout optimisme excessif et de s'égarer sur son caractère supposé miraculeux. Qu'on ne puisse vivre sans revenu est une évidence qui tarde à s'imposer et dont c'est tout le mérite du revenu de base de la mettre au premier plan. Reste qu'il ne suffit pas de revendiquer un droit, fut-il vital, ni d'exiger des montants déraisonnables. On est bien obligé de tenir compte de sa faisabilité et de son acceptabilité. Surtout, un "revenu garanti" dans l'esprit du régime des intermittents (mieux qu'un simple revenu de base) ne peut éviter de s'inscrire dans un projet plus global, tenant compte des évolutions du travail et de la production, tout comme des enjeux écologiques et de la nécessité d'une relocalisation de l'économie.

Est-ce qu'un revenu de base est nécessaire depuis les débuts de l'économie monétaire et de la division du travail ? La réponse est à l'évidence, oui, appliqué peu ou prou dans l'espace domestique et principe de la simple humanité - ce qui n'empêche pas qu'il manque toujours. Est-ce qu'un revenu de base s'impose encore plus à l'ère du numérique ? La réponse est encore une fois oui et plutôt deux fois qu'une pour des raisons qui tiennent au caractère non linéaire du travail créatif ou complexe ainsi qu'à la gratuité numérique (reproduction à coût marginal nul). Est-ce que c'est une raison suffisante pour obtenir un revenu de base qui ne soit pas trop indigne ? Pour l'instant, du moins, la réponse est hélas négative. On verra ce qui se passe en Suisse mais il ne faut pas croire que ce serait simplement une question de rapport de force ou de démocratie, comme si une grève générale ou un référendum populaire allaient permettre de conquérir ce nouveau droit à l'existence sans se soucier un peu plus de ses conséquences, de sa soutenabilité, sa capacité à s'auto-entretenir.

Il ne faut pas se leurrer, il s'agit pas du tout de rêver d'une société idéale, comme si on était en position de refaire le monde, mais bien plutôt de traiter une urgence sociale. On ne peut se contenter d'incantations ou de raisonnements théoriques audacieux pour financer un revenu de base décent supposé sans contreparties productives, en s'imaginant par exemple qu'on pourrait créer l'argent ex nihilo. Pourquoi pas ? C'est d'ailleurs ce que font les banques centrales en ce moment et ce que devraient faire des monnaies locales quand il y a des capacités humaines inemployées mais ce n'est absolument pas une source durable de financement. Dans le contexte actuel, si quelque chose comme un revenu de base a des chances d'être adopté, il sera loin de pouvoir nous sortir de la précarité et plutôt de l'ordre du RSA actuel avec le risque d'aggraver la situation d'un certain nombre - si ce n'est l'occasion de baisser toutes les autres prestations sociales...

Si on peut se réjouir que l'idée de revenu de base gagne du terrain, ce dont témoignent ces journées, il faut être conscient que cela ne pourra déboucher en l'état que sur un revenu largement insuffisant, un nouveau droit de l'homme sans doute mais un droit à la misère tout au plus et qui servira d'abord à faire baisser les salaires - ce dont on ne peut d'ailleurs trop s'offusquer par rapport à la concurrence déloyale de pays pratiquant le dumping social, ou dépourvus de protections sociales, puisque que ce serait sans doute un moyen de faire baisser le chômage des moins qualifiés - mais on ne peut nier que cette conception libérale n'a pas grand chose de progressiste sauf à offrir par ailleurs une alternative au salariat et aux petits boulots sous-payés.

Il ne suffit pas en tout cas de prétendre que ce revenu de base devrait être "suffisant" comme le réclamait très justement André Gorz, ou même au niveau du SMIC comme le revendiquent d'autres avec d'excellentes raisons, il faudrait avoir une chance d'y arriver, ce qui n'est absolument pas le cas si on ne s'arrange pas pour en faire un "revenu productif" capable de s'auto-financer en grande partie au lieu de dépendre entièrement des impôts. En effet, ce qui est consommé doit être produit, d'une façon ou d'une autre et si le revenu de base est une charge trop lourde, il sera diminué à la première occasion. De toutes façons, le revenu de base ne peut être simplement destiné à la consommation de marchandises mais à encourager une production autonome et la sortie du productivisme. Au-delà de son montant, le point important qui n'est pas assez pris en compte, c'est qu'il serait illusoire d'attendre que les effets supposés positifs d'un revenu garanti se produisent spontanément et qu'on pourrait négliger, au nom de son inconditionnalité, de se préoccuper de donner les moyens qu'il soit assez productif pour être soutenable. C'est là qu'on aurait bien besoin de revenir à un matérialisme conséquent et faire preuve du plus grand réalisme en s'attachant à des dispositifs concrets au lieu de se contenter de défendre des valeurs morales, aussi estimables soient-elles.

Il faut être bien clair, ce n'est pas parce qu'un revenu de base est insuffisant qu'il ne serait pas indispensable pour autant et qu'on devrait se contenter des revendications salariales traditionnelles plus ou moins archaïques et vouées à l'échec, ceci dans l'illusion persistante du retour au plein emploi salarial au nom duquel on laisse honteusement des millions de gens dans la misère. Devant la montée de la précarité et la destruction de nos protections sociales, on aurait bien besoin d'une gauche plus audacieuse et alternative, tournée vers l'avenir plus que son glorieux passé, mais certainement pas non plus d'une gauche rêveuse ou utopique, encore moins bien sûr des conceptions fantasmées ou totalitaires d'une révolution supposée apporter le bonheur sur terre, voire d'une insurrection sans perspective appelant inévitablement le retour à un ordre musclé.

Même si le plein emploi salarial ne reviendra pas de sitôt, il est tout aussi stupide de prétendre que le travail disparaîtrait à cause des machines ou des robots, fantasme tellement loin de la réalité alors que le chômage de masse est un phénomène largement cyclique et dû à l'évidence à un défaut de la demande, à l'accaparation de la richesse par les plus riches, à une rigueur budgétaire imbécile, à la surévaluation de l'Euro et à la concurrence des pays les plus peuplés. On a incontestablement des chômeurs par millions, mais vous les avez vu où les robots jusqu'ici ? Ils arrivent, certes et remplaceront à l'avenir beaucoup d'emplois actuels mais prétendre comme Sismondi ou Dubouin lors des crises précédentes que le travail disparaîtrait à cause de "la grande relève par les machines" est une absurdité que la suite a largement réfutée à chaque fois, alors même que le travail agricole passait de 90% de la population à moins de 5% ! Il se passera sans doute de même pour l'emploi industriel grâce aux robots et l'automation mais ce n'est jamais le travail qui manque, seulement l'argent pour le rémunérer, qui lui ne disparaît pas, simplement confisqué par les fameux 1%, ce qui ne fait que nourrir la spéculation alors qu'il faudrait plus justement le redistribuer au profit de tous (le creusement des inégalités n'étant favorable à personne et sûrement pas à l'économie), ce à quoi un revenu de base participerait et non pas à cause des robots qui feraient tout le boulot à notre place.

C'est une pareille méprise de prétendre qu'on pourrait réduire encore le temps de travail (des intermittents?) et surtout que cela permettrait de travailler tous, comme si le travail était une quantité fixe depuis toujours et limité, tel que les tâches domestiques, à quelques besoins facilement identifiables (se nourrir, se loger, s’éduquer, s’habiller) qu'on peut se partager plus ou moins équitablement, alors que le travail est devenu de plus en plus immatériel et créatif, ne pouvant justement plus du tout se mesurer par le temps ni se séparer de la vie ! Loin de se réduire à un moyen de subsistance, le travail relève plus généralement d'une "inversion de l'entropie", tâche infinie, mais il sert surtout à la valorisation de nos compétences qui trouveront toujours à s'exercer. Réduire le temps de travail, en travaillant à mi-temps notamment, est certes encore possible dans un certain nombre de branches (pas toutes) mais cela ne peut se faire sans réduire d'autant les revenus. Il est certain qu'un revenu de base pourrait favoriser ces temps partiels choisis, qu'il faut encourager, ce n'est pas ce qui permettra pour autant de résoudre la crise de l'emploi salarié ni de s'adapter aux bouleversements de l'appareil productif.

En effet, en se limitant à la question du revenu, le problème essentiel n'est pas traité : celui des transformations du travail et de notre entrée dans l'ère du numérique, de l'écologie et du développement humain. Si on ne se contente pas de se faire plaisir en défendant de beaux principes ou des idées généreuses n'ayant aucune chance d'aboutir, ni d'un résultat symbolique n'améliorant pas significativement la situation par rapport au revenu minimum actuel, il faut prendre le problème par l'autre bout, non pas seulement le revenu mais bien la production elle-même, non pas la fin du travail mais travailler autrement. La question n'est pas simplement d'un droit à l'existence et à la simple survie, elle ne se réduit pas à celle d'un montant arbitraire, ni au choix entre universel ou suffisant, quand il s'agit de donner les moyens à tous d'un travail autonome, d'un travail choisi plus épanouissant et de pouvoir valoriser ses compétences personnelles, seule façon de ne pas se limiter à une somme dérisoire mais d'avoir un peu plus que le minimum, un revenu satisfaisant qui soit finançable en autre chose qu'en monnaie de singe.

Certes, le revenu "de base" est bien supposé pouvoir être complété par un revenu d'activité supplémentaire mais ce que je conteste, c'est que ce soit si facile, que l'autonomie soit une donnée de base. Il faut y aider. Ce n'est pas remettre en cause l'inconditionnalité d'un revenu de base que d'admettre, pour ceux qui sont dépourvus de capital, qu'il y a besoin de supports sociaux des individus, d'institutions leur donnant accès aux ressources dont ils ont besoin. Pas plus que les salariés ne peuvent se passer d'entreprises pour valoriser leur force de travail, les travailleurs autonomes ne peuvent se passer d'un soutien collectif et local. Il est absurde de s'imaginer qu'on puisse être une entreprise à soi tout seul. Les expériences positives de revenu de base dans les pays pauvres se sont appuyées presque toujours sur une vie communautaire préservée. Ce n'est pas une question marginale puisque c'est à la fois la condition de la viabilité d'un revenu garanti, d'une alternative au salariat et aux petits boulots de merde mais surtout l'indispensable adaptation aux évolutions du travail qui se généraliseront encore plus à l'avenir.

Notre monde a changé et c'est à cela qu'il faut répondre en s'adaptant à la nouvelle organisation productive, en se focalisant sur nos existences concrètes et sur l'aide dont nous avons tous besoin. La condition d'un revenu garanti suffisant, ce sont donc les institutions du travail autonome, l'assistance mutuelle et la formation permanente à l'ère du numérique. Il faut pour cela des institutions de proximité, locales, avec un soutien public et non pas livré au marché. C'est ce que j'appelle des coopératives municipales auxquelles il faut joindre des monnaies locales qui sont les instruments principaux d'une relocalisation de l'économie, assurant un débouché local et pouvant compléter un revenu de base trop faible. L'objectif, c'est de rendre le revenu de base assez productif pour être financé à un niveau convenable et surtout de donner accès à un véritable droit au travail tout aussi indispensable ("premier besoin de l'homme") à condition bien sûr que ce ne soit plus un travail forcé mais au contraire un travail choisi, travail passion si possible, en tout cas valorisant et donnant l'impression d'être utile à ses concitoyens d'une façon ou d'une autre.

Il faut s'entendre bien sûr sur cette notion de travail si controversée et qui avait déjà changé complètement de sens en passant du travail agricole ou artisanal au salariat industriel comme il change encore du tout au tout dans l'économie post-industrielle en devenant travail autonome, immatériel, engageant toute notre personnalité, où le plaisir lui-même est devenu facteur de production, travail devenu désirable (pour le chômeur notamment) bien plus que contraint. La palette des nouveaux métiers déborde aussi largement celle des métiers traditionnels puisqu'on doit y inclure désormais aussi bien les métiers artistiques que les jeux vidéos (avec lesquels on peut gagner de l'argent, négocier ses compétences, etc.) sans oublier l'action politique ou associative, mais ces nouveaux métiers ne peuvent apporter la (relative) sécurité d'un salariat à vie et du déroulement d'une carrière prévisible, exposant à une bien plus grande précarité et diversité des parcours. C'est ce qui rend indispensable une garantie de revenu pour assurer un minimum de continuité et les conditions de reproduction des travailleurs, de la préservation et du développement de leurs compétences.

Cependant, et tout comme l'abolition de l'esclavage, cette véritable libération du travail de la subordination salariale ne se fera pas tant au nom d'un progrès moral et de nos valeurs humanistes que sous la pression matérielle de l'évolution technologique et de la nouvelle logique productive dans laquelle il faut inscrire la fonction d'un revenu de base. On l'a dit, il y a urgence, mais, tant qu'on restera dans l'abstraction d'un argent gratuit et d'une économie auto-organisée purement imaginaire - qui s'arrangerait toute seule à la perfection, et sans plus s'inquiéter des bouleversements en cours de notre système de production - on ne poursuivra que des chimères, avec une situation qui ne fera sans cesse qu'empirer...

Journées d'été du revenu de base le vendredi 22 août à 16h30




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