Intitulé « Mieux comprendre pour mieux
réagir », un forum consacré au décryptage de la loi « Hôpital,
patients, santé et territoires » (dite loi Bachelot), s’est tenu à Toulouse
le 15 novembre dernier, à l’initiative du comité de défense de l’hôpital public
en Haute-Garonne. Il a été suivi d’un débat, dont voici quelques unes des
interventions.
Discuté
depuis plusieurs mois, le projet de loi « Hôpital, patients, santé et
territoires » (dite loi Bachelot) modifie profondément notre système de
santé. Il affiche l’ambition d’améliorer l’accès de tous à des soins de qualité
et de proposer une organisation territoriale du système de santé.
En
réalité, la loi qui devrait être votée fin janvier se traduit par la poursuite
des restructurations hospitalières, la gestion des hôpitaux comme des
entreprises, le développement des cliniques privées et le renforcement du
pouvoir de l’Etat.
Un forum lui a été consacré le 15 novembre dernier, à la Mgts, à Toulouse, à l’initiative du Comité de défense de l’hôpital public en Haute-Garonne. Ce forum était animé par Michel Lapierre, président du Comité ainsi que des Mutuelles de France du Sud-Ouest (Mfso). Il s’est fondé sur les travaux de Cathy Suarez, une économiste de la santé. Une cinquantaine de personnes y ont assisté au forum : des élus municipaux, des militants syndicaux, associatifs et mutualistes, des directeurs d’établissement de soins et des usagers.
Une culture du productivisme
Un débat s’est tenu à
l’issue de la présentation détaillée de la loi. Alain Radigales, directeur de
l’hôpital Joseph Ducuing, à Toulouse, a exprimé ses craintes sur la disparition,
dans le projet de loi, du secteur sanitaire privé à but non lucratif qui
participe au service public hospitalier (Psph) auquel il appartient.
« Nous assurons pourtant 15 % des capacités d’accueil du secteur
sanitaire et représentons 700 000 emplois en France ! Nous avons interpellé
les parlementaires pour les alerter sur le fait que le texte ne fait nulle par
référence à notre secteur », déplore le délégué régional de la Fédération
des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap) en
Midi-Pyrénées.
Pour ce dernier, « la création des agences régionales de
santé (Ars) n’est pas une régionalisation mais au contraire une recentralisation
du pouvoir entre les mains de l’Etat. Les spécificités locales ne seront plus
prises en compte et il n’y aura plus d’exceptions
géographiques ».
Un alignement pur et simple des hôpitaux publics sur le
privé
Alain Radigales a en outre rappelé que la Tarification à
l’activité (T2A) « induit une culture du productivisme et un
« tri » des malades. Elle conduit à une hyperspécialisation des
hôpitaux, à la recherche d’une haute technicité des actes, au détriment de la
médecine interne par exemple ».
Et Didier Bergé, secrétaire général de
la Cgt du CHU de Toulouse, de confirmer que « l’arsenal financier (pour
rentabiliser les hôpitaux publics, ndlr) est déjà lancé. S’y ajoute maintenant
l’arsenal politique, au niveau de la tutelle, qui pourra prendre des mesures
directives pour réajuster les budgets des hôpitaux. »
Pour Monique
Durrieu, adjointe au maire de Toulouse chargée de la santé publique,
« l’introduction de la tarification à l’activité est un alignement pur et
simple des hôpitaux publics sur les cliniques privées. »
« La
loi n’est pas encore votée qu’elle est en partie appliquée ! C’est vrai
pour les fermetures d’hôpitaux locaux », a observé Dolorès Canezin,
secrétaire régionale de la Cgt santé et action sociale, citant notamment la
fermeture de la maternité de Lannemezan (65) en dépit d’une décision de justice,
et celle programmée de la chirurgie conventionnelle de l’hôpital de Lavaur (81).
« Les cliniques privées aussi sont concernées : certaines vont
fermer ou fusionner », a-t-elle ajouté, rappelant que les établissements
Psph étaient le seul rempart contre l’exercice privé dans l’hôpital
public : tous les médecins qui exercent à l’hôpital Ducuing sont en secteur
1, c’est-à-dire qu’ils pratiquent les tarifs de base, sans dépassements
d’honoraires.
« Secteur public, associatif, Psph... peu importe
l’offre : il faut prendre en compte les besoins des usagers en soins de
qualité. Ces établissements doivent s’allier pour mailler le territoire, face au
privé à but lucratif dont l’objectif principal est la rémunération des
actionnaires », a pour sa part insisté Pierre-Jean Gracia, de l’Union
régionale de la Mutualité française de Midi-Pyrénées.
Des citoyens et des usagers très mal informés
Plusieurs
intervenants au forum ont déploré l’absence d’information des usagers, qui pour
la plupart ignorent ce qui se trame dans les hôpitaux publics, et ses
conséquences en terme de mobilisation citoyenne. « Les gens croient qu’il y
a trop de gabegie à l’hôpital et que le gouvernement a raison d’assainir tout
ça. Or, le problème est que, pour faire des économies, on touche aujourd’hui à
la qualité des soins ! »
Sur le
thème de la gouvernance de l’hôpital, Monique Durrieu a regretté qu’avec la
disparition des conseils d’administration présidés de droit par les maires, ces
derniers n’auront plus aucun poids alors même qu’ils sont en contact avec la
souffrance des gens. « Nous profitions de la tribune offerte par ces
conseils pour influer sur la politique de santé publique qui n’est pas de la
compétence des communes en tant que telle. Réduire le rôle du conseil c’est
réduire notre rôle à nous. »
« Le comité de défense de l’hôpital
public n’est ni un parti politique, ni un syndicat. Il fédère, au-delà des
étiquettes, contre la marchandisation et la privatisation de la santé », a
rappelé Michel Lapierre, pour clôre le débat.