Pourquoi la création de l’InVS?
La succession de plusieurs crises sanitaires (sang contaminé, «vache folle») avait mis en évidence l’insuffisance de la France en termes de moyens professionnels d’expertise en veille et surveillance sanitaire. La création de l’InVS répondait donc au double objectif de professionnalisation de la veille sanitaire sur le modèle des Centers of Disease Control d’Atlanta (Etats-Unis) et de séparation de l’évaluation et de la gestion des risques.
Quelles sont les missions de l’institut?
Principalement la surveillance continue de l’état de santé de la population, la veille et l’alerte ainsi que l’appui à la gestion des crises sanitaires. A la différence des autres agences comme l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), chargée de la surveillance des risques, l’InVS surveille la population, quelle que soit la nature des risques à laquelle elle peut être exposée (agent infectieux, pollution).
Dans quels domaines l'InVS intervient-il?
Dans tous les domaines (maladies infectieuses, santé
environnementale, santé au travail, maladies chroniques et traumatismes,
cancer). Historiquement, l’InVS a beaucoup travaillé sur les questions de
pollution, notamment à partir d’un dispositif d’alerte et de surveillance de la
qualité de l’air installé dans 9 grandes villes françaises. Ainsi, nous avons pu
montrer l’impact des particules fines polluantes de l’air sur le taux de
mortalité, particulièrement cardiovasculaire. L’InVS peut également mener des
investigations locales lors de la détection de cas groupés de cancers ou de
pollution autour de sites. Après l’accident industriel d’AZF, le suivi d’une
«cohorte» pendant 5 ans a mis en évidence l’importance des troubles auditifs et
psychologiques au sein de la population. Actuellement, une étude en Aveyron tend
à évaluer les impacts sanitaires de la présence de métaux lourds sur un site
industriel.
Dans quelle mesure les études influencent-elles les décisions publiques?
Par définition, notre métier, l’épidémiologie d’intervention, consiste à apporter des éléments permettant d’orienter et de cibler les décisions en santé publique. Les études sur les effets de la dioxine chez les populations riveraines d’incinérateur sont à cet égard exemplaires. Les épidémiologistes de l’InVS ont montré, et c’était inattendu, que la voie d’exposition principale aux dioxines était alimentaire –via la consommation d’œufs et de lait- plus qu’atmosphérique. Dans une autre étude, ils ont démontré un taux élevé de cancers chez les femmes, associé à la pollution des incinérateurs. Dans les années 80, avant même la publication des résultats, la mise en œuvre d’une réglementation a permis de réduire fortement les émissions polluantes des incinérateurs.
Quelles sont les contributions de l’InVS en matière de santé au travail?
L’étude des maladies et des risques professionnels constitue un thème central à l’InVS depuis sa création. Une étude sur le cancer de la vessie a notamment été à l’origine d’une amélioration des mesures de prévention et de prise en charge pour cette pathologie jusqu’alors rarement reconnue comme maladie professionnelle. Autre exemple, une analyse de la mortalité par cancer du poumon par secteur d’activité professionnelle, conduite en 2007, a permis d’identifier les salariés les plus à risque: ceux qui travaillent dans l’imprimerie. En matière de surveillance, le réseau Sentinelles de l’InVS, qui regroupe plus de 1.000 médecins du travail, contribue à la veille et la surveillance sanitaire ainsi qu’à l’alerte sur les risques émergents au travail. Une étude a ainsi mis en évidence que les troubles de l’épaule était un trouble musculo-squelettique (TMS) très fréquent chez la femme.
Une approche locale est-elle encore pertinente à l'heure où la majorité des réglementations est d'origine européenne?
Les études locales sont adaptées à des interventions sur des sites pollués aux périmètres limités. En revanche, dans le cas d’une pollution plus large, comme la pollution aux polychlorobiphényles (PCB) qui touche plusieurs bassins fluviaux et différentes régions, l’InVS a opté pour une étude nationale, en lien avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Cela permet également d’augmenter la puissance statistique des résultats. L’InVS participe aussi à plusieurs programmes de surveillance européens, par exemple concernant la surveillance de la qualité de l’air. Il coordonne également une harmonisation des dispositifs de certificat de décès visant à faciliter la conduite d’études de mortalité à l’échelle européenne.
La réorganisation prévue des agences sanitaires impliquera-t-elle l'InVS?
Lors d’une discussion au Parlement, le 12 novembre, la ministre de la santé Roselyne Bachelot a rappelé la nécessité de préserver la situation particulière de l’InVS, soulignant que le périmètre de l'InVS et sa position au centre du dispositif de sécurité sanitaire devraient être conservés. Une fusion avec d’autres agences sanitaires aurait en effet risqué de faire perdre à l’InVS son caractère généraliste et pluridisciplinaire primordial dans un contexte de menaces multiples. Le budget 2009 pour un effectif de 384 personnes, principalement des épidémiologistes, sera de l’ordre de 58 millions d’euros, en progression par rapport à celui de 2008.
Quelles sont les prochaines priorités pour l'InVS?
Nous réfléchissons à la mise en place de nouveaux outils. Nous
étudions ainsi la création d’un dispositif de surveillance en santé
environnementale, à grande échelle, concernant une population de plusieurs
dizaines de milliers de personnes, sur le modèle des «cohortes» suivies en
Allemagne et aux Etats-Unis. Parallèlement, nous avons initié une réflexion sur
la façon d’intégrer les outils de biosurveillance (1). Un colloque sur ce thème
a été organisé dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.
Enfin, la conception d’un système automatisé de recensement des cancers sur
l’ensemble du territoire -contre seulement 20% aujourd’hui- est en cours.
(1) Il s’agit de l'utilisation d’organismes vivants pour surveiller
la qualité d'un milieu. Chez l’homme, il s’agit de mesurer dans les liquides et
les tissus biologiques (sang, urine, lait maternel…) des bio-marqueurs signes
d’une exposition à des substances toxiques.