« Il y aura des morts et nous donnerons aux
familles les moyens d’aller en justice » : l’affirmation de Christophe
Prudhomme, médecin urgentiste, responsable de la fédération Cgt-santé, lors
d’une conférence de presse tenue le 28 novembre, à Paris, témoigne du climat
d’inquiétude et d’exaspération qui règne dans les hôpitaux .
Aides-soignants, infirmiers, médecins, tous formés pour soigner assistent
aujourd’hui à une mise en danger des patients. C’est ce que dénoncent les
urgentistes qui entament ce 1er décembre une grève à l’appel de l’Amuf
(association des médecins urgentistes de France).
C’est ce que dénoncent les
anesthésistes qui menacent eux aussi de se mettre en grève. C’est ce que dénonce
la Coordination des maternités et hôpitaux de proximité qui poursuit sa
mobilisation lancée en septembre. C’est ce que dénoncent aussi les médecins
chefs de services hospitaliers qui ont lancé la pétition « Sauver l’Hôpital
public. »
Manifestation le 9
décembre
A l’Assistance publique de Paris (Ap-Hp), la tension
monte. Première dans son histoire, début novembre, l’ensemble des présidents des
Comités consultatifs médicaux (Ccm) des 40 hôpitaux a adressé une lettre ouverte
à la ministre de la Santé pour dénoncer « l’étranglement financier pur et
simple » des établissements, concluant en ces termes : « il y a
danger ».
Pour cette même raison, l’intersyndicale de l’APHP organise
une manifestation le 9 décembre à 10 h, de Montparnasse jusqu’au ministère de la
santé et l’Assemblée nationale. Chaque représentant syndical a détaillé les
raisons de l’exaspération qui ne cesse de monter.
Sud : l’Ap-Hp vit à
crédit
A l’Ap-Hp, les regroupements et fusions public- privé prévus
par la loi Bachelot aboutiront à la mise en place de 13 groupes hospitaliers ou
« territoires de santé « à la place des 38 établissements actuels.
Objectif : réaliser 300 millions d’économies dont 100 millions dès
2009. Au prix de la suppression de 2 à 3 000 emplois. Or, sur la seule année
2008, 2000 postes de soignants et 600 postes d ’administratifs et personnels
techniques ont déjà été supprimés.
A quel prix ? « L’an dernier, a
rappelé la responsable de Sud, il y a eu un plan d’apurement des RTT accumulées.
Le stock est déjà reconstitué. L’assistance publique vit à crédit sur le dos de
ses personnels ».
Cfe-Cgc : la pénurie au
quotidien
Pour le responsable de la Cfe-Cgc, « on sort d’un
plan d’économies de 450 millions d’euros sur quatre ans et on nous demande
encore des économies alors que le système craque. On ne peut même plus parler de
travail. Ce que nous faisons, c’est gérer la pénurie. Cela signifie que l’on
passe la journée à tenter de pallier aux absences des personnels qui craquent, à
téléphoner aux patients pour décommander et repousser des rendez-vous. On
n’hospitalise plus que les cas les plus lourds. Avec la notion de Groupe
homogène de malade ( GHM) tout doit être standardisé, la personne et sa maladie.
L’infirmière perd le sens de son métier. C’est insupportable et ingérable. La
durée de carrière devient de plus en plus courte. La moitié des infirmières ont
leur diplôme depuis moins de cinq ans et les autres sont à quelques années de la
retraite. On forme des para médicaux qui exercent leur métier pendant cinq ans
puis se reconvertissent. C’est un énorme gâchis financier et humain :
aujourd’hui en France le nombre d’infirmières en exercice est inférieur au
nombre d’infirmières de moins de 60 ans qui n’exercent plus ».
Cgt : le marchandage des
soins
« Nous ne pouvons plus assurer la sécurité de la
population, a insisté le docteur Christophe Prudhomme (Cgt). On voit des gens
renvoyés chez eux après 48 h d’hosptalisation. Ils nous reviennent 24 h après.
Parfois, en cas d’urgence, on ne peut même pas envoyer le Samu car il n’y a pas
de véhicule disponible ».
Il a poursuivi « que devient notre
système de santé quand, à l’hôpital, le dialogue entre médecin et patient est le
suivant : Avez vous une bonne mutuelle ? Combien accepte-t-elle de
dépassement ? Résultat, l’an dernier 38% de la population a du renoncer aux
soins et pas seulement au dentaire et à l’optique. Maintenant certains renoncent
aussi à une opération. Et si cela continue, bientôt même à L’AP-HP, il n’y aura
plus un seul chirurgien de secteur 1 ».
Médecins-FO : l’indépendance
menacée
Comme tous les autres syndicalistes , le secrétaire général
des médecins hospitaliers de FO, exige lui aussi le retrait du projet de loi
Bachelot : « Jusqu’à présent le médecin soignait en conscience, son
indépendance professionnelle était garantie. Ce qui se met en place entre le
directeur de l’hopital et le praticien, c’est un contrat de gré à gré. Un
contrat sur la base d’ objectifs et de moyens selon une logique
financière : les entrées doivent couvrir les dépenses. Imagine-t-on un
cancérologue rappellé à l’ordre par le directeur de l’hôpital s’il a trop
dépensé en traitements de chimothérapie ? c’est bien ce qui risque de se
produire ».
Pour le retrait de la loi
Bachelot
Le 9 décembre, les personels de l’AP-HP ne seront pas
seuls à manifester, les sections syndicales des hôpitaux régionaux de l’ile de
France se sont joints à leur appel.
En même temps, une pétition circule pour
exiger le retrait du projet de loi « Hôpital patients santé
territoire ». Les syndicats espèrent voir converger les luttes en janvier,
au moment où il sera présenté à l’Assemblée nationale.
Comme l’a souligné
l’intersyndicale, il a déjà été rejeté par le Conseil supérieur de la fonction
publique, l’ensemble des fédérations syndicales de la santé, la Caisse nationale
d’assurance maladie (Cnam) et la Confédération syndicale des médecins
français.