Après la mort d'un jeune homme, poignardé il y a trois semaines dans les rues de Grenoble par un malade mental qui s'était échappé d'un service psychiatrique, Nicolas Sarkozy avait promis une "réforme en profondeur" de l'hospitalisation psychiatrique. Mardi 2 décembre, lors de la visite d'un hôpital psychiatrique à Antony, près de Paris, il a dessiné les contours de cette réforme, assurant vouloir trouver "le bon équilibre" entre la réinsertion du patient et la protection de la société, "entre le tout angélique et le tout sécuritaire". "Je ne veux plus de malades mentaux ou comportementaux en prison, je ne veux pas que vous deveniez des prisons, mais je ne veux pas non plus qu'il y ait des gens dangereux dans la rue, a-t-il dit à des infirmières de l'hôpital Erasme. Il va falloir faire évoluer une partie de l'hôpital psychiatrique pour tenir compte de cette trilogie – la prison, la rue, l'hôpital."
Fort de cet objectif et de l'idée que "le drame de Grenoble ne doit pas se reproduire", M. Sarkozy a chargé la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, de préparer une loi sur le placement d'office, qui concerne aujourd'hui 13 % des hospitalisations. Ce texte instaurera une "obligation de soins effective", a précisé Nicolas Sarkozy – "On ne peut pas laisser un patient qui a un besoin manifeste de soins et qui peut refuser de s'y soumettre", a-t-il plaidé.
Quant à la décision d'autoriser un patient hospitalisé d'office à sortir de l'établissement, elle incomberait à l'avenir aux seuls préfets ou à la justice, après avis d'un "collège" composé du médecin traitant, d'un "cadre infirmier" de l'établissement de séjour du malade et d'un psychiatre "qui ne suit pas le patient". "La décision de sortie ne peut pas être prise à la légère", a martelé le chef de l'Etat, suscitant un brouhaha de protestations dans son auditoire, "la décision, ce doit être l'Etat ou, dans certains cas, la justice, pas l'expert".
70 MILLIONS D'EUROS EN PLUS
Le chef de l'Etat n'a pas reparlé de son très controversé projet de fichier des hospitalisations d'office, qu'il avait été contraint de retirer du projet de loi de prévention de la délinquance votée en 2007 lorsqu'il était ministre de l'intérieur. Tout au plus, a-t-il indiqué, l'Etat s'assurera que les dossiers administratifs des hospitalisés d'office seront "partagés dans tous les départements avec un secret médical respecté de la façon la plus stricte".
Sur le volet financier, le président a promis une enveloppe totale de 70 millions d'euros. 30 millions seront consacrés à la sécurisation des établissements, avec la mise en place d'un plan visant à "mieux contrôler les entrées et les sorties et à prévenir les fugues". "Certains patients hospitalisés sans leur consentement seront équipés d'un dispositif de géolocalisation", a-t-il précisé. Ce budget servira aussi à l'aménagement de 200 nouvelles chambres d'isolement. En plus, quatre unités pour malades difficiles seront créées, pour 40 millions d'euros, a promis le chef de l'Etat.
Nicolas Sarkozy a prévenu les protestations que son projet risque de susciter : "Des moyens supplémentaires, mais la réforme. Les deux ensembles."
Alors que le PS dénonce une "démarche répressive" après les déclarations, mardi 2 décembre, de Nicolas Sarkozy sur la réforme de l'hôpital psychiatrique, des professionnels et habitués du milieu psychiatriques accueillent plutôt positivement le projet du chef de l'Etat.
Le député PS Jean-Marie Le Guen, vice-président de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, a dénoncé "la tentative d'amalgame faite entre les délinquants et les malades, les soins et l'ordre public, l'hôpital et l'enfermement" par Nicolas Sarkozy. "Sur ce sujet grave, il ne propose malheureusement qu'une démarche répressive oublieuse d'une politique de prévention", écrit-il dans un communiqué.
Le Pr Jean-Pierre Olié, chef de service à l'hôpital Sainte-Anne de Paris, a jugé "positive la mise en place d'une loi permettant des soins ambulatoires sans consentement", qui répond, selon lui, à une "grande demande de tous les professionnels". Cette mesure "permet de diversifier l'offre de soins ambulatoire sans consentement", comme "les sorties d'essai et les injonctions de soins". Positifs aussi, selon lui, "l'annonce des investissements en psychiatrie pour mieux répondre aux situations de malades agités", tout comme l'hommage rendu par le président de la République "aux difficultés des missions de soins psychiatriques pour les patients non consentants". Jean-Pierre Olié a cependant trouvé "surprenant", la surveillance du patient par GPS : "Il est puni par sa maladie. J'y vois une confusion entre délinquance et maladie". De son côté, le Dr Gérard Massé, président de la commission médicale d'établissement de l'hôpital Sainte-Anne, a trouvé le plan annoncé "très complet et plus complexe qu'il n'y paraît".
Pour le président de l'Union nationale des amis et
familles des malades mentaux, Jean Canneva, "la valorisation des
professionnels" et "les augmentations de moyens dans certains secteurs" de la
psychiatrie sont "une bonne chose", tout comme l'obligation de soins en dehors
des hôpitaux. Cependant, "il y a plein de détails qu'il faut absolument revoir
avec les professionnels et les associations", a-t-il estimé.
Quand Nicolas Sarkozy avait annoncé un durcissement de la
loi de 1990 sur l'hospitalisation sans consentement, des soignants s'en étaient
inquiétés. "Nous sommes tous favorables à une réforme, mais nous refusons
l'exploitation éhontée d'un fait divers pour servir la cause sécuritaire",
s'insurgeait Norbert Skurnik, président du Syndicat des psychiatres de secteur,
dans Le
Monde daté du 20 novembre.