La menace de l’ostéoporose est
à relativiser et ne doit pas déboucher sur une surmédication des femmes. Il est
nécessaire de rétablir la vérité loin des discours commerciaux, tout en
profitant des avancées dans le dépistage précoce de la maladie grâce à
l’ostéodensitométrie...
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1 / Comment
chasser un « effet Pinocchio » de l’ostéoporose sur la vie des
femmes ? 2/ Ostéoporose :
prévention et traitements Pour les femmes, la pression est donc
double. D’un coté, plus que jamais, leur image a évolué et de l’autre, les mises
en garde sur leur santé n’ont jamais été aussi fortes. Désormais, et davantage
que leur disponibilité pour leur famille, c’est leur dynamisme et leur tonicité
qui sont plébiscités au point de former le nouveau capital familial[i]
. Cette nouvelle jeunesse, elles en sont
l’illustration à tout âge. Autonomes, sportives, voyageuses elles sont
capables de refaire leur vie. Piliers de la famille, aidant à la fois leurs
enfants et leurs parents âgés, elles sont devenues pivots dans leurs familles,
et, de plus en plus, dans la société. Face négative pour ce nouveau rôle, leur
dynamisme peut être contredit par une annonce choc :
Après 60 ans, une femme sur deux risque de
connaitre une fracture due à une ostéoporose.[ii]
Selon sa gravité et l’âge de la patiente, elle sera la cause de soins de longue
durée pour moitié, mais peut entrainer le décès pour une fracture du bassin sur
six, notamment au grand âge. Et cette crainte gagne tout le monde de
proche en proche . Quelle femme n’a pas, en effet, dans ses amies, le cas d’une
femme qui s’est cassé la jambe en glissant sur des feuilles mortes dans la
rue ? En discutant avec des kinésithérapeutes, des exemples plus effrayants
encore sont cités, comme des cas précoce de la forme sévère de la maladie dès 40
ans, ou celui de telle ou telle femme qui s’est cassé l’épaule en se retournant
dans son lit, ou même à la suite d’une toux. Mais si les poignets et les hanches
peuvent devenir des talons d’Achille, les vertèbres peuvent aussi se fracturer
ou se fendre ou se tasser, rapetissant la taille. Car si trop de vertèbres se
tassent ainsi, la perspective est de devenir bossue, avec une voussure, appelée
aussi « Bombement anatomique » à ne pas confondre avec
« bombe anatomique »…
Si la perte de taille est inévitable avec
l’âge, en réalité, selon certains scientifiques, ce tassement de vertèbre[iii]
ne toucherait que 5 à 7% des personnes de plus de 70 ans, et encore, seule la
moitié d’entre elles auraient deux vertèbres concernées[iv].
Même si ces chiffres sont à prendre avec précaution, il est sûr que cette
crainte ne doit pas entraîner une surconsommation de médicaments, surtout si on
n’est pas atteint par la maladie de l’ostéoporose. Et ce, même si un laboratoire
clame astucieusement « Pour vivre debout jusqu’à 100 ans, (il suffit d’) un
rendez-vous (avec notre traitement) tous les mois… Ainsi désignée, diagnostiquée, l’ombre
menaçante de l’ostéoporose plane dans les salles d’attentes des cabinets
médicaux sur les mêmes tables que la nouvelle image des femmes après 50 ans à la
couverture des magazines féminins. Car, de façon plus ciblée que les marques
alimentaires proposant des yaourts renforcées en calcium et vitamines D, les
laboratoires pharmaceutiques engagent des moyens importants pour faire valoir
leurs formules et leurs marques. C’est ainsi qu’en juin 2008 Ursula Andress fut
même l’icône d’une marque en Belgique, prenant même son cas personnel en
exemple.
Il n’est pas sain de jouer avec le
métabolisme des femmes par une surmédication. Partagés entre crainte des
risques de l’ostéoporose et crainte des effets indésirables de son traitement,
les femmes ne doivent pas non plus être livrées après 50 ans aux aléas des
discours commerciaux. Car tous les arguments sont utilisés pour les faire
souscrire à un traitement, et notamment celui de l’apparence. L’ostéoporose
serait la cause d’un tassement des vertèbres entraînant une perte de taille
notable ? Nous avons vu que ce n’était pas si simple. Alors,
comment distinguer le grain de l’ivraie face à une offensive des faux-nez de
l’ostéoporose ?
Comme le souligne la Haute Autorité de
Santé ( HAS) dans un rapport consacré à la prévention, au diagnostic et au
traitement de l’ostéoporose [v] :
la diminution de la masse osseuse avec l’âge est normale, pour la femme comme
pour l’homme. Cette masse osseuse se maintient en général à son maximum environ
20 ans chez l’homme, avant de diminuer de 0,5 à 1 % par an. Chez la femme, la décroissance de la
masse osseuse commence quelques années avant la ménopause avant de se poursuivre
au rythme de 1 à 2 % par an durant 8 à 10 ans, puis de ralentir jusqu’à ce que
son rythme d’évolution soit le même que chez l’homme. Dans de nombreux cas, cette diminution de
la masse osseuse est sans conséquence grave, mais chez d’autres, qui ont une
plus faible masse osseuse maximale, ou qui présentent certains facteurs de
risque, une ostéoporose peut se déclarer. Comme nous l’avons déjà vu, cette
ostéoporose se révèlera plus ou moins sévère selon les facteurs de risque :
l’âge, le sexe féminin, la génétique (antécédents familiaux d’ostéoporose),
l’inactivité physique, une carence vitaminocalcique, le tabagisme, l’alcoolisme,
un faible poids et un faible indice de masse corporelle (IMC), la ménopause et
des pathologies ou traitements inducteurs d’ostéoporose. Mais des instruments de diagnostic précis
existent et il n’y a pas lieu de s’angoisser pour cela.
Dans ce même rapport de synthèse publié
en 2006, la Haute Autorité de Santé, (HAS) précise que « L’ostéoporose
entraîne une fragilité osseuse, mais (que) le risque de fracture est plus ou
moins grand selon les sujets ». Dans la préface d’un document de 63 pages
sur l’Ostéoporose[vi],
des médecins de l’Assistance Publique, Hôpitaux de Paris commencent par cette
mise en garde : « Actuellement, parmi 100 femmes françaises atteignant
l’âge de la ménopause, on estime que 40 auront avant la fin de leur vie une
fracture due à la fragilité des os. L’augmentation de l’espérance de vie est
importante. Les prévisions sur la fréquence des fractures sont donc très
pessimistes ». Et, dans le même texte, « L’ostéoporose n’est pas une
simple maladie, elle n’est pas inéluctable ». Comment ne pas remarquer le
contraste de ces deux affirmations émanant de spécialistes de l’institut de
Rhumatologie d’un grand groupe hospitalier parisien ? S’il en était besoin,
ce texte démontre l’ambivalence et la complexité du sujet.
La femme de plus de 50 ans est devenue
une cible prioritaire. Toujours jeune, oui, mais aussi fragile, donc, selon les
prescripteurs. Désormais, toute femme qui se découvre une nouvelle vie après 50
ans est ainsi soumise aux mises en gardes de spécialistes recommandés auxquels
les laboratoires pharmaceutiques emboîtent des arguments non dénués d’intérêts
commerciaux. Nous pouvons les comprendre, il y
aurait 200 millions de femmes touchées par l’ostéoporose dans le monde. Et en
2011, il y aura en France 4 millions de femmes de 55-65 ans, soit 1,2 million de
plus qu’au recensement de 1999 [vii]
. Raison de plus pour tenter de tenir un
discours de vérité, à égale distance d’un jeunisme désuet et d’un pessimisme
alarmant. N’oublions pas que la somatisation peut se développer aussi par
l’intégration, par la femme, d’une grille de lecture faussée par des arrières
pensées commerciales. Veiller à surveiller son alimentation, recueillir l’avis
de son médecin, et faire un diagnostic suffisent.
Si l’avancée en âge était une source de
forces physiques nouvelles, ça se saurait. Nous savons que , entre trente et
soixante-dix ans, le flux sanguin cardiaque diminue de l’ordre de 30 %, la
capacité vitale pulmonaire de 40 %, la masse musculaire de 25 %, la masse
osseuse de 25 % et la fonction rénale de 30 %.[viii] Dans ces conditions, rien d’étonnant
au fait que l’âge soit un révélateur d‘affections.
L’ostéoporose est une maladie silencieuse. Elle peut indisposer, mais on
peut vivre avec sans s’en rendre compte. C’était le cas, hier, de toutes ces
femmes à qui ont attribuait les fractures à des « os fins ». Alors,
peut-on situer l’ostéoporose, entre des affections banales et graves ?
Avec l’âge, les plus banales ne sont
pas les moins visibles, comme la baisse de la vue et de l’audition, qui touchent
plus ou moins tout le monde. D’autres, plus dramatiques, comme les maladies
neurodégénératives, notamment Alzheimer (850 000 cas déclarés) ou
Parkinson (120 000) ne touchent qu’une minorité mais sont lourdement et
dramatiquement vécues par les patients et leurs proches. N’oublions pas d’
évoquer les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité en France,
et les cancers. Leurs cas devraient augmenter avec l’augmentation du nombre de
personnes âgées. Dans ce tableau, l’ostéoporose
pouvait paraître secondaire, à tord. C’est après des années qu’elle a enfin été
reconnue.
Depuis une vingtaine d’années seulement,
l’ostéoporose, cette forme sévère de la disparition progressive de la masse
osseuse est bien devenue une nouvelle maladie, et c’est depuis 2002, seulement
que son diagnostic par absorptiométrie à rayon X est inscrit à la
nomenclature générale des actes médicaux. L’ostéodensitométrie permet d‘évaluer notamment le risque de
fracture et de fragilisation. L’ostéodensitomètre a révolutionné le dépistage de
l’ostéoporose. Cet outil diagnostique permet de quantifier la densité minérale
osseuse, laquelle est un bon indicateur de la masse osseuse de l’individu.
Cet indicateur est calculé à partir de la « minéralisation
osseuse » située à partir d’un index, le T score .
-Si le
score est inférieur à – 1 DS , la minéralisation osseuse est considérée comme
basse. -En dessous de – 2,5
DS on reste dans l’ospéopénie, qui n’est qu’un facteur de risque,
-Mais à -2,5 et
au-delà, l’ostéoporose est diagnostiquée, et même qualifiée de sévère si
l’examen révèle une fracture.
A moins de briser tous les miroirs,
comment nier les effets biologiques du vieillissement ? Il suffit de
regarder son visage. En vieillissant, la peau s’atrophie, perd son élasticité,
devient plus sèche et plus fragile. Progressivement, l’épiderme devient plus
mince et des rides apparaissent. Alors, sur ce sujet aussi les
laboratoires font des recherches, et trouvent. Mais si tout le monde n’est pas
égal devant son vieillissement, chacun peut l’accepter à sa façon.
Car, pour toutes et pour tous, c’est entrer dans un temps ou chaque
instant compte davantage, ou le rythme est différent. C’est peut-être aussi ce
que révèle cette « fragilisation » des os de son corps, qui soulignent
chaque mouvement, comme les rides signent le caractère d’une vie.
On savait que la quarantaine est un
âge sensible pour les femmes. Un peut comme à l’adolescence, le corps se
transforme, et cela peut entrainer une crise. C’est l’âge de la maturescence
(Attias-Donfut,1992) mais aujourd’hui, pour beaucoup de femmes,
c’est aussi un âge de réalisation, de conscience de soi, de formidable lucidité
sur le cycle de la vie. En voyant les enfants grandir, son
couple évoluer, sa position sociale s’affirmer, on regarde aussi devant soi.
Dans les cultures ancestrales, et dans les religions, l’âge de la ménopause
signait un statut différent pour les femmes. La femme stérile perd son statut de
femme, et selon les sociétés, recevait le prestige d’une grand-mère
ou la déchéance d’une épouse abandonnée. Rien de tel dans notre
société contemporaine, où la femme existe de façon autonome, en tant de sujet
social, en dehors de toute fonction de reproduction, quel que soit son rôle dans
la famille. Etre heureuse et épanouie après 40 ans, et même plus encore après 50
ans, est une nouvelle conquête des femmes. L’allongement de l’espérance de vie
en bonne santé signifie bien qu’il est possible pour elles d’aborder une
nouvelle étape heureuse et épanouie de leur existence. Les femmes qui ont aujourd’hui 60
ans sont les premières concernées par le risque d’ostéoporose. Alors, faisons
confiance à celles qui ont eu 20 ans en 1968 et dont le combat a été de
maitriser leur corps, pour s’émanciper de cette ombre qui les menacerait dans
l’os. . Des études vont approfondir les multiples dimensions sociales,
scientifiques, psychologiques et économiques de ce nouveau défi.
Certaines portent déjà une parole d’espoir qui les aide dans ce combat.
Oui, loin d’être des marionnettes de
verre, les femmes veulent et peuvent vivre, courir, et se révéler au grand jour
à tout âge comme elles sont : Dynamiques et
toniques ! [i] Etude IPSOS-DRS à paraitre, réalisée à l’occasion de
la fête des grands-mères 2009 [ii]
83ème congrès annuel de chirurgie orthopédique et traumatologique
Paris,10 / 14 novembre 2008 Dossier de presse [iii]
L’ostéoporose provoque un raccourcissement de la colonne vertébrale (de 1,2 à 5
cm) causé par un amincissement des vertèbres dorso lombaires. Ce
raccourcissement de la colonne vertébrale crée aussi un effet de
disproportion car les bras et les jambes restent de taille
normale ; [iv]
Selon le Dr Bruce Ettinger, professeur-adjoint de médecine clinique
à l’université de Californie et également endocrinologue : "Les femmes ne
devraient pas s’en faire au sujet de l’ostéoporose. L’ostéoporose qui provoque
des douleurs et une invalidité est une maladie très rare. Seulement 5 à 7% des
personnes de plus de 70 ans auront des tassements de vertèbres, la moitié
seulement d’entre elles auront deux vertèbres concernées, et une sur cinq aura
des symptômes. Je suis depuis longtemps dans la branche et j’ai très peu de
patients voûtés. On en a fait tout un tintamarre récemment et beaucoup de femmes
sont inquiètes, et on fait beaucoup trop d’examens, et on donne trop de
médicaments." Cité par par Sherril Sellman (1998
)« Ostéoporose, ces os qu’on se dispute » Article paru dans les N°1 et
2 de NEXUS MAGAZINE (Edition française) : Editions Moan - Les cheyroux,
24580 Plazac Republié dans le Baume de Vie N° 17 et 18) [v]
Prévention, diagnostic et traitement de l’ostéoporose, Haute Autorité de
Santé, Note de synthèse, juillet 2006. [vi]
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec, Dr Marie-Anne Mayoux-Benhamou et Dr
Catherine Cormier Ostéoporose en 100 question, préface. Assistance Publique
Hopitaux de Paris, 2008. [vii]
Eric Donfu, Oh Mamie Boom Editions Jacob-Duvernet, Paris,
2007 [viii]
Pierre Guillet, médecin généraliste et gérontologue, Le dialogue des âges :
Histoires de bien-vieillir, Editions Gallimard, Paris,
2007Des arguments à décrypter
Il faudrait aussi relativiser cette effrayante
perspective
Ne pas jouer avec le métabolisme des
femmes
Distinguer le phénomène naturel de la
maladie
Relativiser les risques sans les
nier
Un marché de 200 millions de femmes dans le
monde
Accepter son âge et prévenir ses conséquences
physiques
La densitométrie : Un diagnostic remboursé par
l’assurance maladie
Pris en charge dans la loi de santé
publique du 9 août 2004, cet examen est aujourd’hui enfin remboursé par les
Caisses d’Assurance Maladie selon des conditions précisées en 2006. Il est donc
recommandé, trois à cinq ans après l’installation de la ménopause, notamment
s’il existe des facteurs de risque. Il est aussi recommandé de renouveler cet
examen vers 65 ans.Accepter son corps et regarder devant
soi
Bien aborder sa
« maturescence »