Accompagner la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens

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cobalt

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Dec 19, 2008, 6:55:13 AM12/19/08
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« Accompagner la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens » : un enjeu majeur du nouveau programme infirmier, à ne pas rater encore une fois…

Ancienne directrice d’IFSI (depuis peu à la retraite – voir coordonnées à la fin) et ayant par ailleurs particulièrement analysé la problématique des soins d’hygiène (1) j’ai lu avec intérêt l’entretien d’Infirmiers.com avec les représentantes du Ministère de la santé (Marie-Ange Coudray et Chantal Cateau) sur le sujet de la refonte de la formation initiale infirmière.

Je vous livre ici mes réactions et réflexions suite à cette lecture.

Changer le regard infirmier sur les soins de base : un enjeu social et professionnel

Tout d’abord j’approuve totalement la démarche consistant à adapter le programme de formation infirmière aux besoins de santé de la population. Et dans cette perspective la participation requise des infirmières à la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques handicapantes et des personnes âgées devenues dépendantes est bien sûr logique et incontournable. C’est une réalité sociale que les infirmières (dans leur grande majorité) ne peuvent ignorer et auxquelles elles ne peuvent d’ores et déjà se soustraire.

Et il est tout aussi vrai que cet aspect du travail infirmier, qui n’est somme toute « que » le rôle propre tant revendiqué il y a quelque temps, ne passionne pas et même déçoit comme les conseillères techniques le reconnaissent elles-mêmes. Même si les soins de base sont plutôt valorisés pendant la formation, c’est sous forme d’injonctions répétitives soulignant leur caractère inévitable et l’obligation de les faire plus que pour l’intérêt humain et professionnel qu’on pourrait y trouver. Et finalement les évaluations écrites (les anciens sujets écrits du DEI peuvent en témoigner facilement) ne portent jamais (ou seulement de manière très stéréotypée) sur une problématique de soins de base.

D’ailleurs en formation initiale, ceux-ci sont en général enseignés au début de la formation, ce qui souligne leur simplicité et fait miroiter ce qui viendra après ce rite initiatique inévitable : les soins dits techniques beaucoup plus sérieux et narcissiquement beaucoup plus intéressants.

Les MSP (mises en situation professionnelle) quant à elles témoignent de la complexité des soins de base et du cheminement nécessaire pour s’y réaliser pleinement. La réalisation de toilettes met en relief très fréquemment la grande difficulté des étudiantes et étudiants quel que soit leur niveau de formation dans ce domaine : inadaptation à la situation globale de santé, manque de coordination, de savoir-faire dans la gestion des imprévus tant pathologiques que relationnels, manque de cohérence du projet de soins etc.… Malheureusement, elles sont l’occasion d’une sanction pour l’étudiant ce qui le confortera dans son opinion de soins à éviter pour s’en sortir avantageusement.

Ces expériences malheureuses montrent bien que la formation professionnelle ne peut se limiter à un enseignement traditionnel de transmission de savoirs et de savoir-faire et que la mise en situation pratique aussi nécessaire soit-elle ne suffit pas pour se construire des compétences professionnelles. Il faut les exploiter, les mettre en travail, les confronter à d’autres, dans un espace encadré pédagogiquement pour lui donner du sens, de la valeur et de l’intérêt en les éclairant de connaissances variées (médicales, psychologiques, anthropologiques et éthiques). L’étude de situation projette l’apprenant dans la complexité, les interférences, les imprévus, la réflexion sur soi, la compréhension des comportements humains (soignant et soigné), la prise de décision et la relativité des solutions et des décisions. C’est un travail de formation qui porte peu à peu ses fruits en donnant de la confiance, de la maturité grâce à la construction de savoirs pour soi à condition d’être dans un cadre de formation sécurisant et aidant au sens « rogérien », ce qui n’a rien à voir avec le laisser-faire.

 

Etayer la formation sur l’analyse de situations professionnelles : un progrès qui s’impose en formation infirmière

L’étude de situations en lien avec l’acquisition de compétences sera une méthode pédagogique phare du nouveau programme d’après les conseillères et c’est une bonne chose pour la formation professionnelle. Il faudra sans doute préciser ce qu’on met sous cette expression pour en retirer un réel bénéfice. La construction sous forme de problème, d’intrigue nécessitant une recherche, à plusieurs de préférence, pour arriver à une solution me semble être une condition majeure.

« C’est une certaine remise en cause » selon l’expression des conseillères du Ministère. On peut dire que c’est une énorme remise en cause pour beaucoup de Cadres plus souvent « enseignants » que « formateurs » (malgré la revendication de ce titre) pour qui la formation consiste d’abord à transmettre des connaissances pour une application « automatique » à condition de bien mémoriser la parole sacrée de l’enseignant. Pour arriver à une mise en œuvre effective et généralisée de ces nouvelles méthodes de formation les formateurs devront bénéficier eux-mêmes d’une formation cohérente et conséquente. La formation cadre doit d’ores et déjà s’y employer de manière très active tant en formation de base qu’en formation continue pour les formateurs en poste qui doivent évoluer pour garantir la réussite du nouveau projet de formation infirmière. Par ailleurs, l’orientation du nouveau programme en ce sens devra conduire à reposer le principe d’interchangeabilité entre cadre soignant et cadre formateur. Tant qu’on reste dans la conception « enseignement », il n’y a pas trop de problèmes, l’adaptation se fait assez facilement car dans le fond on reproduit ce  qu’on a eu. Mais si on attend des compétences spécifiques pédagogiques, c’est difficile d’y arriver sans formation complémentaire.

 

Il faut intégrer l’investissement infirmier dans les soins de base à la démarche d’analyse de la situation de santé de la personne

Si j’ai relié, les soins de base (ou quotidiens) à l’analyse de situations préconisée par le groupe de réflexion sur le nouveau programme, c’est parce que je pense que c’est un moyen de donner de l’intérêt au rôle propre infirmier en impliquant les infirmières et infirmiers dans une analyse globale de la situation de santé des personnes.

Mais au regard de la liste de compétences donnée sous forme hiérarchisée lors de cet entretien, je pense que nous n’en sommes pas encore là et que nous risquons en rester au schéma classique : « expédier » dès les premiers mois de la formation l’apprentissage « des soins quotidiens » ce qui est la première compétence listée, et passer ensuite aux autres compétences, plus sérieuses et jugées sans doute plus complexes. Pour moi, c’est une erreur de conception, celle que nous faisons depuis que « le médico-technique » a été transféré aux infirmières par les médecins. « Accompagner la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens » requiert de les positionner dans la situation globale de santé et de prise en charge de cette personne. Ses besoins résultent de cet ensemble et n’en sont en aucun cas indépendants. Il faut donc « évaluer la situation clinique » en premier lieu, « concevoir et conduire un projet de soins infirmiers » et « accompagner la personne…. ». L’accompagnement doit résulter d’une compréhension de la situation de la personne et de son cadre de vie au fur et à mesure de son évolution. C’est une activité complexe, évolutive qui nécessite des connaissances polyvalentes et relève d’une concertation en équipe de travail ce qui entre dans la compétence d’ « organisation et la coordination des soins ».

Toute situation travaillée en formation et essentiellement celles issues d’une expérience de stage doit prendre en compte tous les signifiants qui la composent pour savoir accompagner la personne de manière professionnelle. Ce qui ne va pas de soi contrairement à l’idée commune et répandue dans le milieu infirmier.

Autrement dit si la politique actuelle de santé publique est de développer l’implication des infirmières et infirmiers dans leur rôle propre (en institution et à domicile), et à attendre d’eux la fierté de s’y réaliser pleinement et efficacement (en réelle collaboration avec d’autres professionnels), il faut veiller dès la formation initiale à ce que les besoins de soins quotidiens (hygiène, alimentation, mobilisation…) soient travaillés par les étudiants dans leurs dimensions physiques, psychologiques, culturelles et relationnelles (moi soignant avec cet autre soigné) dans chaque situation de santé étudiée. Et ceci afin de ne pas plaquer des réponses « tiroirs » répétitives qui n’auront bientôt plus de sens pour l’étudiante et le conduiront à éviter et à ne plus voir les besoins qui contribuent à l’entretien de la vie (2).


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