Qui sommes-nous,
animal génial ou un tantinet dégénéré ?
La question peut choquer. Il faut bien reconnaitre que nous les humains, avons plutôt l’habitude de nous poser d’autres questions. On a déjà beaucoup de mal à accepter la classification d’animal dans laquelle nous ont mis les scientifiques. Alors, un animal dégénéré, nous, vous n’y pensez pas !
OK. Mais ces mêmes scientifiques sont remontés assez loin dans le temps pour admettre tout de même qu’il y a un blême. Et l’idée que nous ne sommes pas si parfait que ça, est en train d’envahir de très nombreuses écoles de pensée. Le plus drôle de l’histoire, c’est que nous avons parfaitement raison d’accepter avec difficulté le qualificatif d’animal. Jugez plutôt : Lorsque j’ai demandé à l’un de mes amis paléoanthropologue si nous étions des animaux, sa réponse fut sans appel : « Homo sapiens est un être génial mais, un drôle d’animal. Nous les scientifiques, on est bien embêtés par cette question. Si l’on va au fond des choses (et c’est le but de la science) il y a au moins 5 ou 6 qualificatifs qui s’appliquerait à l’animal humain : affaibli, avorté, dégénéré, handicapé, infirme, raté, etc. Alors, si tu veux bien, restons des humains et n’en parlons plus, sinon on risque de se faire lyncher.
La conversation aurait pu s’arrêter là, mais vous me connaissez. Je ne suis pas scientifique, ça ne m’empêche pas de toujours tenter d’aller au fond des choses. Du tac au tac, je lui réponds donc : « Tel Ray Charles, ce pianiste génial, Homo sapiens, aveuglé par ses infirmités, ne se rend même pas compte qu’il est en réalité un animal dégénéré ou, pour le moins, affaibli et, ce n’est pas parce qu’il compense ses multiples infirmités par de multiples talents, que cela annule des infirmités animales bien réelles. Il est bien connu que lorsque l’un des 5 sens d’un animal est diminué, un ou plusieurs des 4 sens restant se trouvent améliorés du fait d’un phénomène de compensation. Pour Homo sapiens, ce phénomène compensatoire s’est probablement trouvé amplifié par l’instinct de survie. Pendant plusieurs millions d’années, cet animal peu rapide, et dont l’ouï, l’odorat et la vue sont peu développés, était à la merci de ses principaux prédateurs carnivores. Il faut en effet se souvenir que notre famille biologique (les mammifères) est apparue sur Terre quasiment en même temps que les dinosaures, il y a 245 millions d’années et cette famille biologique (petits animaux nocturnes et fouisseurs) s’est tenue à carreau durant tout leur règne. Ensuite, c’est une histoire longue et compliquée avec d’un côté cette ahurissante dynamique du vivant et de l’autre, un nombre assez considérable de disparitions d’espèces. Mais, vois-tu, si je me suis tant intéressé à notre passé, c’est parce que, depuis tout petit, je me suis posé cette question lancinante : Pourquoi l’animal le moins limité se comporte aussi mal sur la plus belle planète de l’Univers et c’est vrai que cette longue histoire peut peut-être nous éclairer ».
« Tu as parfaitement raison, les scientifiques ne savent pas tout mais il faut bien reconnaitre qu’il y a des présomptions de plus en plus fortes pour confirmer que le temps, la faiblesse, le hasard et la nécessité, ont construit ce mammifère improbable qui est devenu ce fameux et inclassable Homo sapiens. C’est en tout cas un animal qui est sorti du lot pour le meilleur et pour le pire. Toute la question est là ».
François-Michel MAUGIS