Le Monde : Face aux violences sexuelles, Paris-VIII critiquée

4 views
Skip to first unread message

Guy NICOLAS

unread,
Dec 7, 2021, 8:10:00 AM12/7/21
to paris...@googlegroups.com
Bonjour !

Dans l’édition du soir.

À plus.
Guy

Le Monde daté du 8 décembre 2021

Face aux violences sexuelles, Paris-VIII critiquée

Soazig Le Nevé

Des étudiants et des professeurs soulignent l’attentisme de la direction de l’établissement

Al’occasion de la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, Fatima Zenati a installé un stand dans le hall de l’université Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis. La chargée de mission pour l’égalité femmes-hommes de l’établissement a disposé une urne, pour recueillir, au besoin, des témoignages écrits anonymes. « Une jeune fille s’est approchée de moi et n’a pas pu parler. Seules les larmes lui sont montées aux yeux, relate Mme Zenati. Une autre m’a dit qu’il n’y aurait pas assez d’une ramette de papier pour qu’elle puisse me dire tout ce qu’elle a subi comme sexisme ordinaire. »

En pointe sur les études de genre, grâce à son unité de recherche spécifique unique en France, et donc sur les questions des discriminations et des violences liées au sexe, Paris-VIII sait-elle balayer devant sa propre porte ? Pour beaucoup d’étudiants et enseignants, l’université est encore loin du compte. Ces dernières années, des affaires auraient même été étouffées, avance Marion (le prénom a été changé), l’une des créatrices, en octobre, de « Paris8-Silence complice », un compte Twitter de « dénonciation des violences sexistes et sexuelles » intervenues dans l’établissement ou impliquant un de ses membres. En quelques jours, l’équipe dit avoir compilé 22 témoignages directs ou indirects d’agression ou de harcèlement. « La peur des représailles empêche des étudiantes de parler ouvertement, si bien qu’à leur demande nous n’avons pas diffusé leurs récits », précise Marion.

Seule Hélène, 24 ans et tout juste diplômée de psychologie, a rendu public, le 13 octobre, des accusations d’agression sexuelle mettant en cause un professeur de psychologie. Après un rendez-vous fixé le 31 juillet pour évoquer les cours qu’elle devait donner à la rentrée, elle affirme avoir été contrainte de boire toute la soirée, jusqu’au « trou noir » où elle s’est retrouvée, à 3 h 30 du matin, dans les bras de son ancien professeur, à son domicile.

Enseignant suspendu

Par l’intermédiaire de son avocate, l’enseignant incriminé « dément catégoriquement ces accusations ». Me Marie Cornanguer dénonce une atteinte à la présomption d’innocence, une« présentation mensongère des faits » et annonce qu’« une plainte en dénonciation calomnieuse va être déposée » à l’encontre d’Hélène. De son côté, la jeune femme a déposé une main courante le 2 août et a porté plainte le 11 septembre au commissariat du 14e arrondissement pour « agression sexuelle avec administration d’une substance à la victime à son insu, pour altérer son discernement ou le contrôle de ses actes »L’enquête est en cours, selon l’étudiante, qui souligne qu’elle n’a aucune nouvelle de l’université lui signifiant qu’une enquête administrative était ouverte en interne.

Quelques jours après la publication de ce témoignage sur Twitter et Facebook, la direction de l’université a suspendu l’enseignant, une décision perçue comme tardive par la jeune femme et plusieurs enseignants, alors que la présidente était informée depuis la mi-septembre des accusations portées par Hélène. « Simple coïncidence de calendrier, répond Fatima Zenati. Le professeur était en arrêt maladie depuis la rentrée. Légalement, nous devions attendre la fin de cet arrêt pour le suspendre. » Un signalement a par ailleurs été effectué au parquet de Bobigny, ajoute-t-elle, lequel a ensuite transmis le dossier au parquet de Nanterre, indique une source judiciaire. « Il est à l’étude avant décision »,indique le parquet de Nanterre.

Contactée, la présidente de Paris-VIII ne souhaite faire aucun commentaire. « L’université est tenue à un devoir de confidentialité qui l’empêche de communiquer sur les procédures en cours », indique Annick Allaigre dans une réponse écrite.

Fin octobre, la directrice du département de psychologie a souhaité que soit adoptée une motion très générale, rappelant que la parole des étudiants serait toujours écoutée s’ils font face à une quelconque forme de violence. L’initiative est restée vaine, aucun texte n’étant parvenu à mettre d’accord les professeurs. Certains, proches de l’enseignant suspendu, y ont vu une cabale contre lui. « Les étudiants qui siègent au conseil nous ont reproché de ne pas avoir adopté de motion. Mais il est compliqué de prendre parti, surtout quand il y a une instruction », commente Corinna Kohler, directrice de l’UFR de psychologie.

Du côté de l’université, on souligne le travail déjà accompli. Depuis deux ans qu’elle occupe sa fonction, Fatima Zenati recense cinq dépôts de plainte à la police par des victimes et quatre signalements auprès du procureur de la République au tribunal de Bobigny, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, qui enjoint à tout officier public de signaler à l’autorité judiciaire des faits délictueux.

En parallèle, l’université a diligenté cinq enquêtes internes en 2020 et quatre en 2021. On y trouve notamment le cas d’une étudiante harcelée par un chargé de cours, licencié ; celui d’une étudiante agressée par un vigile, mis à pied ; ou encore celui d’une étudiante victime de propos sexistes de la part d’un étudiant, et qui a accepté ses excuses lors d’une confrontation.

« Refus de vraiment s’engager »

Rien n’a été entrepris, en revanche, lorsque plusieurs étudiantes ont accusé de harcèlement sexuel un professeur d’ergonomie, qui aurait notamment téléphoné à plusieurs d’entre elles pour leur parler de sa vie sexuelle. « Aucune poursuite n’a été engagée, et l’enseignant est parti à la retraite », relate l’association Hold-up, un collectif étudiant fondé en 2018 pour encourager la faculté de psychologie à se positionner contre les violences sexuelles et sexistes.

En octobre 2020, une enseignante, qui souhaite rester anonyme a fait elle-même un signalement au procureur de la République après avoir reçu le témoignage d’une étudiante disant avoir été violée par un étudiant. Une enquête est en cours au commissariat de la ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). La jeune fille n’aurait reçu qu’un seul coup de téléphone de la part de Fatima Zenati. « Les choses en sont resté là, sans aucun suivi juridique et psychologique de la victime », déplore l’enseignante. Le présumé agresseur a été diplômé cette année sans jamais avoir été entendu par la direction de l’université.

Fatima Zenati récuse cette version des faits. Elle affirme avoir « relancé » l’étudiante ainsi que la professeure, sans succès. « L’enquête interne n’a donc pas abouti, car l’étudiante ne m’en a pas dit plus, acte-t-elle. J’en suis désolée, mais il faut que les étudiantes qui se disent victimes arrivent à faire un pas supplémentaire pour se signaler auprès de l’institution. »

Fin 2019, sa prédécesseure Hélène Marquié a jeté l’éponge, estimant ne pas pouvoir faire correctement son travail. L’ex-chargée de mission égalité femmes-hommes pendant plus de deux ans – également professeure au département d’études de genre –, espérait que sa démission servirait de « piqûre »« C’était ma dernière carte, confie-t-elle. Je ne pouvais que constater un refus[de la présidence] de vraiment s’engager pour la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, de s’y investir, je dirais, moralement plus encore que financièrement. »

Mme Marquié regrette que ses préconisations n’aient jamais été suivies par l’établissement. La création d’un référent dans chaque département, la mise à disposition d’un bureau ou encore la concertation avec la communauté d’établissements à laquelle appartient Paris-VIII sont restées lettre morte. « La suspension d’un enseignant ou d’un étudiant est une mesure qui doit être prise dès qu’il y a une suspicion afin de mettre tout le monde à l’abri et il faut diligenter des enquêtes rapidement en vue d’une potentielle sanction disciplinaire, soutient Mme Marquié.On ne peut pas se contenter de dire qu’on attend qu’une plainte soit déposée et que la police fasse son enquête. »

Pour la directrice du département de psychologie, Corinna Kohler, le dispositif mis en place par l’université est insuffisant, « une chargée de mission à elle seule ne pouvant pas assumer une si lourde tâche »« Il n’y a aucun système de prévention, notamment sur la notion d’emprise », regrette-t-elle, espérant voir s’ouvrir « un travail de fond ».

Quant au recueil de la parole, la marge d’amélioration est réelle. A l’heure actuelle, les victimes présumées doivent parcourir une distance souvent dissuasive de Saint-Denis jusqu’à Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines, pour rencontrer un membre de l’association Women Safe, avec laquelle Paris-VIII a noué un partenariat.


Envoyé de mon iPad
Reply all
Reply to author
Forward
0 new messages