Le Monde : Frédérique Vidal, une ministre trop discrète sous le feu des critiques

2 views
Skip to first unread message

Guy NICOLAS

unread,
Feb 1, 2022, 7:24:39 AM2/1/22
to paris...@googlegroups.com
Bonjour !

Deux articles dans Le Monde daté du 2 février 2022.

A plus.
Guy


ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Frédérique Vidal, une ministre trop discrète sous le feu des critiques

Frédérique Vidal, à Paris, le 5 janvier. JB AUTISSIER/PANORAMIC

Soazig Le Nevé

Effacée durant la crise sanitaire, la ministre de l’enseignement supérieur est accusée de ne pas avoir su défendre les étudiants. La principale intéressée préfère mettre en avant ses réformes

RÉCIT

La sentence d’Emmanuel Macron n’est pas passée inaperçue, le 13 janvier, devant les présidents d’université, réunis à la Sorbonne. « Nous avons commencé à colmater les brèches », a convenu le chef de l’Etat, à propos du bilan de son quinquennat pour l’enseignement supérieur, appelant à « regarder la vérité en face » et à « redoubler les efforts ». Sa ministre, Frédérique Vidal, a encaissé sans broncher.

Quelques heures plus tôt, à la tribune, elle avait livré son propre bilan, beaucoup plus flatteur. A son crédit, soulignait-elle notamment, le recul de l’échec en licence, « qui était le fléau majeur de l’enseignement supérieur français ».« Jamais un ministre n’aura donné autant de moyens aux universités pour assumer leurs missions, affirmer leur signature et développer leurs atouts », s’était-elle félicitée.

Alors que se profile, le 3 février, une mobilisation à l’appel de plusieurs organisations étudiante et lycéenne (UNEF, l’Alternative, FSE, Solidaires et la Voix lycéenne) contre la hausse des droits d’inscription et la sélection à l’université et pour un « plan d’urgence », le bilan de Mme Vidal fait débat au sein de la communauté de l’enseignement supérieur.

Ses quelques partisans saluent ses réformes structurelles, qui favoriseraient à terme autant la réussite des étudiants en licence que l’affirmation de quelques grandes universités de recherche dans les classements internationaux. Les plus pondérés estiment qu’elle n’a fait, au fond, qu’appliquer la feuille de route d’Emmanuel Macron, sans jamais chercher la lumière et dans la lignée des mandats précédents, qui, depuis la loi Pécresse de 2007, conforte l’autonomie des universités. Ses nombreux détracteurs, eux, regrettent une ministre qui « n’imprime pas », « méprise » et « n’a pas su peser », notamment au plus fort de la crise sanitaire.

Fin 2020, quand la deuxième vague de la pandémie a renvoyé les étudiants à la maison, la ministre a brillé par son absence, apparemment indifférente à l’isolement et à la précarité grandissante. « Je retiens une forme d’effacement, une absence de véritable prise en considération de la détresse dans laquelle pouvaient se trouver des étudiants », relate MVincent Brengarth, qui a défendu au Conseil d’Etat le recours de 300 étudiants en BTS qui demandaient de pouvoir valider exceptionnellement leur diplôme en contrôle continu, à l’instar du bac. En vain.

Manque de poids politique

« Le sujet ne l’a touchée que lorsque le pays a réagi avec une forme de honte en voyant les images d’étudiants dans des files d’attente pour la soupe populaire », observe Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, chercheur au CNRS. Alors que les présidents d’université sonnent l’alarme, rouvrir était une urgence que Frédérique Vidal donnait l’impression de ne pas voir. « Bien sûr qu’elle était convaincue qu’il fallait rouvrir, mais elle ne le montrait pas suffisamment, regrette l’un de ses proches. Sans doute qu’elle manquait de poids politique comparé à celui d’un Jean-Michel Blanquer, qui, lui, avait imposé de garder les écoles ouvertes. »

« Frédérique Vidal nous disait qu’elle cherchait à “faire monter le dossier”, mais les apparences ne sont pas pour elle », tranche un président d’université. La ministre se défend d’être restée inactive : « Il est facile de réécrire l’histoire aujourd’hui. A ce moment-là, ce sont des choses que j’ai mises dans la balance, mais il n’y avait pas encore de vaccinetla société entière n’avait pas mesuré l’importance de tout ce qu’il y a autour de la formation, c’est-à-dire la vie étudiante. »

Hors crise sanitaire, le mandat du « bon petit soldat Vidal », comme la qualifient ses détracteurs, qu’il soit jugé positivement ou rejeté, a profondément modifié le paysage universitaire. L’ancienne présidente de l’université de Nice s’est attaquée à des dossiers techniques, difficiles, comme la création de Parcoursup, la loi de programmation pour la recherche (LPR) ou encore la réforme de l’accès aux études de santé.

Des dossiers qui lui ont valu une franche hostilité et qui restent inachevés ou largement perfectibles. « La ministre clame qu’elle a engagé des efforts “historiques” quel que soit le sujet, raille Anne Roger, secrétaire générale du Snesup-FSU. Avec un certain mépris, elle nous dit que nous ne comprenons rien s’il ne nous paraît pas évident que tout va bien. » « Elle imprimera sa marque car elle a touché à tout, du cycle licence à la vie étudiante, en passant par la recherche et la gouvernance des nouveaux établissements expérimentaux », estime Gilles Roussel, anciennement à la tête de la Conférences des présidents d’université (renommée France Universités).

Mais face au sous-financement de l’enseignement supérieur, a fortiori dans une période de poussée démographique due au baby-boom de l’an 2000, Mme Vidal n’a ni réformé le système archaïque des bourses ni enrayé la baisse de la dépense publique par étudiant, qui était en 2019 à son plus bas niveau depuis 2006. « Elle a créé une situation où les universités, pour obtenir un financement, doivent déployer une débauche d’énergie pour décrocher des appels à projets, dénonce Lionel Larré, président de l’université Bordeaux-Montaigne. Pendant ce temps-là, on ne remplit pas les missions fondamentales de service public qui sont les nôtres. »

L’ère Vidal a commencé par une bataille éclair pour lancer Parcoursup. Au printemps 2018, le cabinet de la ministre se met en mode commando pour produire en moins de six mois une plate-forme sur laquelle quelque 640 000 lycéens et 200 000 étudiants en réorientation postent leurs candidatures à des formations du supérieur, qui affichent leurs « attendus » et dressent des listes de plusieurs milliers de reçus. « Quelle est la capacité de chaque étudiant à réussir dans la voie qu’il est en train de choisir ? La loi orientation et réussite des étudiants a mis cette question au cœur des préoccupations des lycéens, des professeurs et des universitaires, au lieu de traiter ce problème comme avant, de manière un peu hypocrite », défend Philippe Baptiste, ex-directeur de cabinet, aujourd’hui à la tête du Centre national d’études spatiales. Au contraire, pour Pierre Ouzoulias, « il s’agit de faire de l’étudiant l’autoentrepreneur de sa réussite universitaire, une rupture avec les paradigmes républicains ».

Rapport de force

La réforme passe difficilement auprès des étudiants qui bloquent une dizaine d’universités. Les choses tournent mal à la fac de droit de Montpellier, dans la nuit du 22 au 23 mars 2018, quand des hommes cagoulés et armés de bâtons – dont le doyen Philippe Pétel – expulsent des étudiants qui occupaient un amphithéâtre.

La fin 2018 est marquée par une autre réforme, qui prend de court tout le monde. Le premier ministre, Edouard Philippe, annonce que les droits d’inscription des nouveaux étudiants extra-européens atteindront 2 800 euros en licence (au lieu de 170 euros) et 3 800 euros en master et en doctorat (au lieu de 243 et 380 euros). Objectif affiché : favoriser « un vrai choix et un vrai désir » de poursuivre des études en France qui ne soit plus « fondé sur la quasi-gratuité » des cursus mais sur leur « excellence ». Etrangement baptisé « Bienvenue en France », le plan arrive « comme un cheveu sur la soupe », relate François Germinet, président de CY Université. « Nous n’avions eu aucun débat de fond pour savoir si nous voulions plus d’étudiants internationaux, si l’on visait une partie du monde plutôt qu’une autre et quel programme différencié pouvait être proposé. » Une dizaine d’établissements frondeurs annoncent leur intention de ne pas répercuter cette hausse tarifaire. En face, Frédérique Vidal les rappelle sèchement à leur « devoir d’obéissance et de loyauté ».

Le rapport de force apparaît comme l’unique méthode, rue Descartes, où l’on poursuit la feuille de route. Présentée début 2019 et votée à l’automne 2020, après le premier pic pandémique, la LPR se donne dix ans pour redorer le blason d’une recherche française qui marque sérieusement le pas, comme l’a prouvé l’échec de l’Institut Pasteur dans la quête d’un vaccin contre le Covid-19. En 2030, acte la LPR, le budget recherche sera plus élevé de 5,8 milliards d’euros qu’en 2020 – soit 30 % de plus environ. « Frédérique Vidal n’a pas beaucoup bataillé, attaque le député Les Républicains Patrick Hetzel. Lors des débats, j’avais l’impression qu’elle était là sans être là. Elle était davantage dans l’esquive, laissant un goût amer pour son secteur qui aura bénéficié de bien peu de chose. »

La déception est immense parmi les enseignants-chercheurs, qui manifestent en nombre pour que l’effort budgétaire soit beaucoup plus rapide. « Les 5 milliards, ils étaient nécessaires dès l’année 2020 pour atteindre l’objectif que fixe la loi, à savoir que 1 % de la richesse nationale soit consacré à la recherche publique », calcule le chercheur au CNRS Boris Gralak, secrétaire général du SNCS-FSU. L’inquiétude est grande à l’égard du lot de nouveautés statutaires qu’introduit la loi (chaires de professeur junior, contrats doctoraux de droit privé, contrats postdoctoraux, CDI de mission) et de l’éviction du Conseil national des universités dans son rôle d’arbitre pour permettre à un maître de conférences de passer professeur des universités. Un amendement – finalement retiré – met le feu aux poudres en prévoyant de lier l’exercice des « libertés académiques » au « respect des valeurs de la République ».

Un coup politique

La hache de guerre est déterrée lorsque la CGT, non-signataire du protocole d’accord sur les carrières issu de la LPR, est évincée du comité de suivi de la loi. En avril 2021, le Conseil d’Etat condamne le ministère de l’enseignement supérieur pour avoir porté « une atteinte manifestement illégale à l’exercice du droit syndical ».Cette ordonnance n’y changera rien, les services de la ministre « préférant annuler les réunions pour ne pas avoir à nous inviter », s’étrangle la représentante du SNTRS-CGT, Josiane Tack.

La défiance envers la communauté universitaire est à son comble, quand Frédérique Vidal rejoint le front ouvert, en octobre 2020, par son collègue Jean-Michel Blanquer, sur l’« islamo-gauchisme » qui ferait « des ravages à l’université ». Dans un premier temps, la ministre avait pris la défense de ses troupes, mais le 14 février 2021 elle fait volte-face et désigne « une gangrène » en mandatant le CNRS pour mener l’« enquête ».

Les propos de la ministre font scandale, le CNRS refusera sa mission, l’enquête ne verra jamais le jour. « Qu’elle ait essayé d’imiter le ministre de l’éducation nationale en faisant un coup politique, c’est très clair. Mais ce sujet n’est pas une obsession ni le fond de sa pensée », tempère l’un de ses proches désireux d’oublier un « épisode malheureux ».


Les universités cherchent à peser dans la campagne présidentielle

S. L. N.

Le sujet de la hausse des droits d’inscription, évoqué par Emmanuel Macron, n’est pas à la hauteur des attentes de la communauté universitaire

Aurait-on parlé d’enseignement supérieur pendant la campagne présidentielle si le chef de l’Etat n’avait prononcé une phrase laissant entendre qu’une hausse des droits d’inscription serait la bienvenue ? « Je n’ai jamais dit ça, contrairement à ce que j’ai pu lire partout dans la presse », a asséné Emmanuel Macron lors d’un déplacement dans un lycée agricole de la Creuse, le 24 janvier, rejetant toute velléité d’augmenter « le prix » payé par les étudiants pour s’inscrire à l’université. « Je défie qui que ce soit de retrouver cette phrase qui est sortie partout. Il paraît qu’on est en campagne, et donc il y a beaucoup gens qui, dans ces cas-là, sortent des choses et vous font dire le contraire », a insisté le président de la République.

« Fausse bonne idée »

Onze jours plus tôt, le 13 janvier, devant les présidents d’université réunis en congrès à la Sorbonne, M. Macron avait pourtant bien estimé qu’« on ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, où un tiers des étudiants sont considérés comme boursiers et où, pourtant, nous avons tant de précarité étudiante, et une difficulté à financer un modèle beaucoup plus financé par l’argent public que partout dans le monde ».

Les réactions avaient fusé parmi les candidats. « Odieux » (Jean-Luc Mélenchon), « choquant » (Yannick Jadot), « une provocation » (Valérie Pécresse), « désespérant pour la jeunesse »(Anne Hidalgo). Les présidents d’université, eux, étaient un peu gênés d’avoir été « la force invitante » ayant généré une telle« tornade », glisse un témoin. « Nous avons eu une réunion plénière après le discours pour débriefer, confie un président. J’étais de ceux qui estimaient nécessaire de réagir. Bon nombre parmi nous trouvons que le débat n’est pas là : les droits d’inscription ne sont pas la solution au problème de financement que rencontrent nos établissements. »

Emmanuel Macron a-t-il voulu lancer un ballon d’essai ? « C’est potentiellement une fausse bonne idée qui pourrait mettre des millions de jeunes dans la rue, tranche François Germinet, président de CY Université et à la tête de la commission formation et insertion professionnelle de France Universités (anciennement la Conférence des présidents d’universités). Nous ne souhaitons pas la dérégulation des droits, ni leur augmentation, car derrière, cela signifie que Bercy couperait systématiquement les vivres à chaque fois que nous aurions une bonne raison pour demander d’injecter de l’argent dans le système. »

A l’heure où le sous-financement de l’enseignement supérieur est patent, les chefs d’établissement espèrent qu’un vrai débat s’engage à l’occasion de la campagne. « Nous ne souhaitons pas tant que les candidats parlent de l’université mais plutôt qu’ils viennent nous parler, nous demander quels sont nos besoins », illustre Lionel Larré, président de l’université Bordeaux-Montaigne.

A la Conférence des grandes écoles, on juge qu’il est « normal qu’on se bouge un peu pour faire rentrer de l’argent dans les établissements », dit son président, Laurent Champaney. « Les enseignants-chercheurs peuvent compléter leurs revenus grâce à la formation continue, ce qui reste aujourd’hui peu encouragé. On peut aussi développer la fibre entrepreneuriale des enseignants comme un levier de création au sein des établissements », suggère-t-il.

Une idée très en phase avec les « perspectives » dressées par M. Macron : l’ouverture des universités aux financements privés dans le cadre du développement de l’innovation et la création de start-up ou dans le cadre de la formation continue.


Envoyé de mon iPad
Reply all
Reply to author
Forward
0 new messages