Le Monde : La liberté académique en danger au Danemark, selon les chercheurs

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Guy NICOLAS

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Jun 8, 2021, 7:11:51 AM6/8/21
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Salut !

La connerie LREM semble faire des petits au Danemark…
L’UE, toute entière, va-t-elle entrer dans la danse 

À plus.
Guy

Le Monde du soir, daté du 9 juin 2021 :

La liberté académique en danger au Danemark, selon les chercheurs

Anne-Françoise Hivert

Contre le « militantisme excessif », les députés danois ont adopté, le 28 mai, une motion qui provoque un tollé dans le milieu universitaire

MALMÖ (SUÈDE)-correspondante régionale

Au Danemark, on ne parle pas d’« islamo-gauchisme ». Mais le débat qui secoue le pays scandinave fait largement écho à celui que la ministre française de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, avait déclenché en février. Au point même que ses propos sur « ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion » sont fréquemment repris par ceux qui estiment que les universités danoises ne font pas suffisamment la distinction.

Dans une lettre ouverte, adressée à leur ministre de tutelle, la sociale-démocrate Ane Halsboe-Jorgensen, et publiée lundi 7 juin dans le quotidien Politiken, 262 chercheurs danois, spécialisés dans les études de genre et les études migratoires, s’insurgent de se voir « intimidés et harcelés, à un niveau conduisant certains à se mettre en arrêt maladie ». En cause : les suspicions qui pèsent sur leurs travaux, qualifiés de « pseudoscience » et de « gauchisme identitaire » par des politiciens de droite et d’extrême droite.

Le 28 mai, une majorité des députés avait voté une motion qui, rappelant l’importance de « l’autorégulation académique », demande aux universités de veiller à ce que « la politique ne se déguise pas en science ». Dans leur tribune, les chercheurs mentionnent Frédérique Vidal, dont les propos ont, selon eux, servi de « modèle direct » aux politiques danois, qu’ils accusent de mettre en danger la liberté académique dans le royaume.

Risque d’autocensure

Les discussions ne sont « pas nouvelles », reconnaît Mathias Danbolt, professeur d’histoire de l’art à l’université de Copenhague et un des auteurs de la tribune. Mais il assure que « les attaques se sont intensifiées » ces derniers mois. Non seulement « des chercheurs bien établis, mais aussi des jeunes ou des thésards sont visés spécifiquement », mais les attaques ciblent « des champs d’études particuliers, dans une tentative de délégitimer des domaines entiers de la recherche ».

Fin mars, les députés Morten Messerschmidt (Parti du peuple danois, extrême droite) et Henrik Dahl (Alliance libérale) ont lancé, au Parlement, une discussion sur le « militantisme excessif dans certains milieux de recherche ». Dans une question écrite à la ministre, les deux parlementaires ont demandé s’il n’était pas temps de « mener une action similaire à l’épreuve de force annoncée par le gouvernement français et de lancer une étude du problème, comme celle mise en place [en France] ».

Le débat a eu lieu le 28 mai, au Parlement. A la tribune, Morten Messerschmidt et Henrik Dahl ont fait une critique au vitriol des travaux de certains chercheurs, y compris ceux de Jakob Skovgaard-Petersen, un des plus grands spécialistes danois de l’islam et du Moyen-Orient, accusé d’être « notoirement borné » et dont les travaux sont présentés comme « inutiles et peu fiables ». Doctorante à l’université d’Aarhus, Signe Uldbjerg prépare une thèse sur le harcèlement sexuel sur Internet. A sa « grande surprise », elle a découvert qu’un de ses articles était cité comme un exemple de militantisme par un député. « Soit il ne l’a pas lu, soit il n’a rien compris, car j’y présente justement une réflexion critique sur le lien entre recherche et militantisme », précise-t-elle.

Dans leur tribune publiée lundi, les chercheurs reprochent à la ministre Ane Halsboe-Jorgensen de ne pas les avoir défendus. Sa formation, le Parti social-démocrate, a voté en faveur de la motion déposée par la droite et l’extrême droite. Mathias Danbolt y voit un lien avec la politique migratoire ultra-restrictive menée par le parti depuis son arrivée au pouvoir, en 2019, et « critiquée non seulement par l’Union européenne et l’ONU, mais aussi par des chercheurs danois » dans le domaine des études migratoires.

Recteur de l’université technique du Danemark (DTU) et président de l’association des universités danoises, Anders Bjarklev avoue son malaise : « En gros, les députés nous disent de faire notre travail en contrôlant la valeur scientifique de la recherche, ce qui signifie qu’ils pensent que nous ne le faisons pas. Ils n’ont peut-être pas l’intention de contrôler et décider quel genre de recherche nous devons mener. Mais ils donnent l’impression du contraire. » Anders Bjarklev s’étonne du timing du vote au Parlement : « Si la pandémie a eu un effet positif, c’est de montrer l’importance de la science et des scientifiques, dans un contexte où les opinions sont souvent mises sur un pied d’égalité avec la recherche. » Il craint que les scientifiques « s’autocensurent » et qu’ils « arrêtent de participer au débat public, de peur de dire quelque chose qu’il ne faut pas, sans vraiment savoir de quoi il s’agit ».

Selon Mathias Danbolt, c’est déjà le cas : « Certains chercheurs refusent de prendre part aux discussions publiques ou de répondre aux questions des journalistes. » Signe Uldbjerg constate aussi que des étudiants « hésitent » à se lancer dans certains champs d’étude. Lundi soir, près de 3 000 chercheurs danois, représentant toutes les disciplines, avaient signé une pétition en ligne, appelant à défendre la liberté académique au Danemark.


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