En 1942, le rabbin Stephen Samuel Wise, président du World Jewish Congress (Congrès
juif mondial, ou Parlement juif mondial) déclara que les Allemands
fabriquaient en quantités industrielles du savon à partir de cadavres de
juifs [1]. Sa source pourrait avoir été Gerhard Riegner, représentant en Suisse du World Jewish Congress et de la Jewish Agency. Ce
dernier se faisait, d'une façon générale, l'écho des informations ou
rumeurs circulant dans les milieux juifs d'Europe centrale. Il a joué un
rôle capital dans la transmission des informations ou rumeurs
concernant l'extermination des juifs et l'emploi à cet effet de chambres
à gaz homicides. Pendant toute la durée de la guerre, la Suisse et la
Suède ont servi de tremplins aux informations et rumeurs en direction de
Londres et de Washington [2].
En
1945-1946, au procès des "grands criminels de guerre allemands" conduit
à Nuremberg par le Tribunal militaire international (TMI), il a été
question de savon fabriqué à partir de cadavres. Le 16 février 1946,
l'avocat général soviétique L. N. Smirnov a présenté au tribunal la
déposition sous serment d'un certain Sigmund Mazur, préparateur à
l'Institut anatomique de Danzig, selon lequel on aurait, dans ledit
institut, fabriqué du savon à partir de la graisse humaine ; la formule
était même donnée. Smirnov faisait état également de déclarations sous
la foi du serment de deux prisonniers de guerre britanniques et, en
particulier, du soldat John Henry Witton, du régiment Royal Sussex.
L'autre déclaration émanait du caporal William Anderson Nealy, du Royal
Signals. Ces documents avaient été transmis à Smirnov par le ministère
public britannique [3]. A la page 601, Smirnov déclare :
Je
dépose maintenant quelques fragments du savon en question, soit
mi-fini, soit terminé : voici un petit morceau de savon qui est resté
emmagasiné plusieurs mois, il rappelle le savon de ménage le plus
ordinaire.
Il
est cependant à noter qu'il n'y a pas eu d'expertise chimique et que
les auteurs des déclarations sous serment n'ont pas été convoqués ni
interrogés puis contre-interrogés.
Le 27 juillet 1946, l'avocat général britannique Hartley Shawcross déclara dans son réquisitoire final à propos des Allemands :
Le
1er octobre 1946, dans le jugement clôturant le procès, le tribunal dit
que les Allemands avaient fait "des essais en vue de se servir de la
graisse des victimes pour la production industrielle de savon" [5].
Les
juges du tribunal de Nuremberg ont donc tenu pour acquis que les
Allemands avaient fabriqué ou tenté de fabriquer du savon à partir de
graisse humaine.
Pendant
la guerre, en 1943, des représentants du comité juif antifasciste,
fondé en 1942 à Moscou, firent une tournée aux Etats-Unis en vue d'y
récolter des fonds pour l'URSS. De grands meetings eurent lieu dans de
nombreuses villes américaines. A chacun de ces meetings, l'acteur
Salomon Mikhoels "montrait au public une savonnette faite avec de la
chair humaine juive et ramenée d'un camp de concentration" [6].
Après
la guerre, des morceaux de "savon juif" furent enterrés dans des
cimetières juifs d'Europe ou d'Israel ou montrés dans des expositions : à
Polticeni (Roumanie), au cimetière de Haifa, à l'Institut historique de
Varsovie, à la "Kaznelson House" du kibboutz des combattants du ghetto
en Israel, à l'Institut Yivo de New York, à la cave de l'horreur (Keller des Grauens) au Mont-Sion. Voyez, pour Haifa, un article de Pierre (Weil) Joffroy dans Paris-Match [7], et, pour le reste, les sources citées par Ditlieb Felderer [8]. Une pierre tombale porte l'inscription suivante en hébreu et en anglais :
Simon Wiesenthal
a raconté en détail l'histoire des morceaux de savon enterrés au
cimetière de Polticeni. Il dit qu'avaient été recueillis tous les savons
portant l'inscription "RIF", entendue comme étant le sigle de Rein Juedisches Fett, soit : pur savon juif [10].
Du savon juif aurait été enterré dans le cimetière de la ville de Sighet, patrie d'Elie Wiesel [11].
L'Encyclopædia Judaica présente à l'article "Poland" une photo dont la légende dit en anglais : "Une usine de savon allemande près de Danzig" [12].
Le 11 avril 1983, à la cérémonie d'ouverture du rassemblement américain des survivants juifs de l'Holocauste (American Gathering of Jewish Holocaust Survivors), le rabbin Arthur Schneier, de New York, déclara :
Ludo
Van Eck reproduit une photo portant pour légende : "Vue extérieure de
la savonnerie" et un récit "basé sur le témoignage de Zofia Nalkowska"
dans lequel il est dit comment le professeur allemand Spanner fabriquait
le savon auquel il donnait le nom de "Koitek, nom de la fille avec
laquelle il couchait" [13].
Le
24 février 1986, en réponse à la lettre d'un particulier, la Fondation
Auschwitz (Rue des Tanneurs 65, B-1000 Bruxelles), sous la signature de
Yannis Thanassekos, répondait "évidemment par l'affirmative" : le savon
humain était une réalité, d'ailleurs établie au procès de Nuremberg.
Raul Hilberg
est le plus important des historiens juifs de l'Holocauste. Il ne croit
pas à la réalité du savon juif. Pour lui, il s'agit d'une rumeur. Il
dit que le document sur lequel Smirnov, puis Shawcross et enfin les
juges du Tribunal militaire international de Nuremberg ont fondé leur
accusation ne spécifiait nullement qu'il s'agissait de graisse humaine. Il dit aussi que la rumeur du savonest
allée jusqu'à trouver la caution du juge SS Konrad Morgen qui, devant
un tribunal américain, a prétendu que Dirlewanger avait fait tuer de
jeunes juives par piqûres de strychnine, découper leurs corps en petits
morceaux, mélanger ceux-ci avec de la viande de cheval et fait bouillir
le tout pour en obtenir du savon. Il cite une source selon laquelle,
après la guerre, les Polonais boycottaient le savon parce qu'ils
croyaient que ce savon avait été fabriqué avec de la graisse humaine. Il
rappelle que : De
son côté, l'Institut d'histoire contemporaine de Munich considère, lui
aussi, comme une légende l'histoire du savon fait à partir de cadavres
des camps de concentration (voyez la lettre du Dr Lothar Gruchmann à
Hans Drechsel en date du 11 mars 1983).
La
fabrication du savon à partir de la graisse humaine appartient à la
catégorie des "bobards" qui circulaient déjà dans les camps. Je l'ai
entendu à Auschwitz, comme probablement [Maurice] Pioro. – Cependant il
n'existe pas la moindre preuve de la réalité de cette sinistre légende
[...] il s'agit d'un produit d'une imagination plus ou moins démentielle
qui est exploitée par les néo-nazis et qui n'ajoute rien à la réalité
déjà suffisamment folle et cruelle.
S'il faut en croire Gitta Sereny, les responsables allemands de l'investigation des "crimes nazis" (Zentrale Stelle der Landesjustizverwaltungen zur Aufklaerung NS Verbrechen), travaillant à Luedwigsburg sous la direction du procureur Adalbert Rueckerl, infirmaient dès avant 1974 l'histoire du savon juif [15].
Les
auteurs révisionnistes affirment que le savon juif est une légende qui
ressemble à d'autres légendes comme celle des chambres à gaz homicides :
pas de matérialité des faits, pas d'expertise technique, confusions de
toutes sortes, à commencer par les initiales RIF qui signifiaient en
fait : Reichsstelle fuer industrielle Fettversorgung (Office du Reich pour l'approvisionnement industriel en matières grasses).
Le
23 avril 1986, la même personne, qui avait reçu de la Fondation
Auschwitz, sise à Bruxelles, confirmation de ce que le savon humain
avait bien été une réalité, recevait de Georges Wellers la réponse suivante :
La
rumeur concernant la fabrication industrielle du savon à partir de la
graisse humaine, qui circulait dans certains camps, est le produit d'une
lugubre imagination sans aucun fondement réel, née au milieu des
horreurs des camps.
Deborah Lipstadt enseigne l'histoire juive moderne à l'Université de Californie de Los Angeles. Elle écrit :
Le
fait est que les nazis n'ont jamais utilisé les cadavres de juifs ou de
qui que ce fût d'autre en l'espèce, pour la production de savon. La
rumeur du savon était courante à la fois pendant et après la guerre.
Elle peut avoir eu son origine dans l'histoire d'atrocités, remontant à
la première guerre mondiale, de l'usine à cadavres. Les lettres "RJF"
[en réalité : "RIF", ndlr] représentaient probablement le nom de l'usine
qui fabriquait le savon. Après la guerre, la rumeur du savon a été
minutieusement étudiée et elle s'est révélée fausse [16].
Mais
l'histoire du savon trouve encore ses défenseurs. C'est le cas du
germaniste Joseph Rovan, professeur à l'Université de Paris III, qui
déclarait encore en 1984 que, pour Hitler, les juifs étaient à Auschwitz
"de la matière première pour savonnettes" [17]. Tout récemment le journal Le Monde reproduisait
sous la signature de Pierre Drachline le fragment d'un poème censé
résumer pour le poète juif Pierre Valet l'horreur de ce siècle :
Questions aux historiens
1. L'histoire du savon juif est-elle vraie ou fausse ?
2. Cette accusation est-elle fondée ou constitue-t-elle une calomnie ?
3.
D'où vient qu'aux procès de Nuremberg (aussi bien celui conduit par les
Américains avec les Britanniques, les Soviétiques et les Français, que
ceux conduits par les Américains seuls) personne n'ait exigé une
expertise technique : ni les accusés, ni leurs avocats, ni l'accusation,
ni les juges et que personne ne semble avoir remarqué ce fait ni chez
les journalistes, ni chez les historiens, ni chez les légistes ?
4.
Comment se fait-il qu'à l'un de leurs procès les Américains aient
trouvé un magistrat SS, Konrad Morgen, pour venir déposer en faveur de
la réalité de l'histoire du savon [19]?
Il est à noter que c'est le même Konrad Morgen qui a attesté de
l'existence des chambres à gaz d'Auschwitz, en les localisant à 7 (sept)
reprises à Monowitz où il est maintenant clair pour tout le monde qu'il
n'y eut jamais de chambres à gaz mais seulement de grandes usines [20].
5. Pourquoi la Fondation Auschwitz, de Bruxelles, et le Centre de documentation juive contemporaine de Paris,
sont-ils en totale contradiction sur ce point d'histoire tout en
présentant un trait commun : ni d'un côté, ni de l'autre, on ne propose
vraiment de preuve à l'appui de sa réponse ? Est-ce à dire qu'à
Bruxelles on aurait du mal à fournir des preuves et qu'à Paris on
craindrait, en montrant comment s'est formée et maintenue une rumeur, de
dévoiler comment se sont formées d'autres rumeurs comme, par exemple,
celle des chambres à gaz ou des camions à gaz ? 6.
Y a-t-il une différence entre, d'une part, les usines de cadavres
transformés en savon ou en engrais par les chimistes "boches" de la
première guerre mondiale (aujourd'hui on admet que c'était un mensonge
des Alliés) et, d'autre part, les usines de mort par le gaz des
chimistes "nazis" de la seconde guerre mondiale avec la transformation
des cadavres en savon ou en engrais ?
7.
Pourquoi nous demande-t-on de croire ou de ne pas croire sous peine
d'être soupçonnés des plus noirs desseins (défendre les "Boches", les
"Nazis"...) et ne nous permet-on pas de douter, de chercher, de trouver
et de publier ce qui a été trouvé ?
Conclusion : A supposer que les chambres à gaz n'aient pas plus existé que le savon juif, faut-il le dire ou le cacher ?
1 février 1987
Notes
[1] Voyez Paris-Soir, 1er janvier 1943, p. 3.
[2] Voyez Walter Laqueur, The Terrible Secret, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1980.
[3] Voyez TMI, vii, p. 597-601, pour les débats et TMI, XXXIX, p. 463-464, pour le document Mazur URSS-196. Les autres documents à consulter sont URSS-197, 264, 272.
[4] TMI, XIX, p. 530.
[5] TMI, I, p. 265-266.
[6] Voyez Gérard Israel, Jid, les Juifs en URSS, éd. Jean-Claude Lattès, 1971, p. 203.
[7] 3 novembre 1956, p. 93.
[8] Bible Researcher - Revisionist History, octobre 1979, p. 1.
[9] White Power, nov.-déc. 1980, p.11.
[10] Voy. Simon Wiesenthal, "RIF", Der Neue Weg, 1946, nº 17-18, p. 4-5.
[11] Voy. New York Times, 9 décembre 1986, p. A9.
[12] Vol. 13, p. 761-762.
[13] Voy. Le Livre des Camps, Leuven (Belgique), 1979, p. 247-249.
[14] Voy. The Destruction of the European Jews, Chicago,
Quadrangle Books, (1961) 1967, p. 623-624, et, dans la nouvelle édition
en trois volumes, New York, Holmes & Meier, 1985, p. 966-967.
[15] Voy. Into That Darkness, Londres, Andre Deutsch, 1974, p. 141.
[16] Los Angeles Times, 16 mai 1981.
[17] Comment s'écrit l'Histoire [...] Les chambres à gaz ont existé, Xe Colloque de la Fraternité Edmond-Michelet (Brive, 12-14 octobre 1984), Mairie de Brive éd., 1986, p. 29.
[18] "Le Moraliste du chaos", Le Monde, 13 février 1987, p. 15.
[19] Procès XI, p. 4075-4076.
[20] TMI, XX, p. 535-536.