Lucrèce: chant III, 1-93

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Métrodore

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Jul 13, 2001, 5:50:44 PM7/13/01
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bonjour. voici une proposition de traduction pour le début du chant III de
Lucrèce.

cordialement, Métrodore

texte latin:
E tenebris tantis tam clarum extollere lumen
qui primus potuisti inlustrans commoda vitae,
te sequor, o Graiae gentis decus, inque tuis nunc
ficta pedum pono pressis vestigia signis,
non ita certandi cupidus quam propter amorem
quod te imitari aveo; quid enim contendat hirundo
cycnis, aut quid nam tremulis facere artubus haedi
consimile in cursu possint et fortis equi vis?
tu, pater, es rerum inventor, tu patria nobis
suppeditas praecepta, tuisque ex, inclute, chartis,
floriferis ut apes in saltibus omnia libant,
omnia nos itidem depascimur aurea dicta,
aurea, perpetua semper dignissima vita.
nam simul ac ratio tua coepit vociferari
naturam rerum divina mente coorta
diffugiunt animi terrores, moenia mundi
discedunt. totum video per inane geri res.
apparet divum numen sedesque quietae,
quas neque concutiunt venti nec nubila nimbis
aspergunt neque nix acri concreta pruina
cana cadens violat semper[que] innubilus aether
integit et large diffuso lumine ridet:
omnia suppeditat porro natura neque ulla
res animi pacem delibat tempore in ullo.
at contra nusquam apparent Acherusia templa,
nec tellus obstat quin omnia dispiciantur,
sub pedibus quae cumque infra per inane geruntur.
his ibi me rebus quaedam divina voluptas
percipit atque horror, quod sic natura tua vi
tam manifesta patens ex omni parte retecta est.
Et quoniam docui, cunctarum exordia rerum
qualia sint et quam variis distantia formis
sponte sua volitent aeterno percita motu,
quove modo possint res ex his quaeque creari,
hasce secundum res animi natura videtur
atque animae claranda meis iam versibus esse
et metus ille foras praeceps Acheruntis agendus,
funditus humanam qui vitam turbat ab imo
omnia suffundens mortis nigrore neque ullam
esse voluptatem liquidam puramque relinquit.
nam quod saepe homines morbos magis esse timendos
infamemque ferunt vitam quam Tartara leti
et se scire animi naturam sanguinis esse,
aut etiam venti, si fert ita forte voluntas,
nec prosum quicquam nostrae rationis egere,
hinc licet advertas animum magis omnia laudis
iactari causa quam quod res ipsa probetur.
extorres idem patria longeque fugati
conspectu ex hominum, foedati crimine turpi,
omnibus aerumnis adfecti denique vivunt,
et quo cumque tamen miseri venere parentant
et nigras mactant pecudes et manibus divis
inferias mittunt multoque in rebus acerbis
acrius advertunt animos ad religionem.
quo magis in dubiis hominem spectare periclis
convenit adversisque in rebus noscere qui sit;
nam verae voces tum demum pectore ab imo
eliciuntur, [et] eripitur persona, manet res.
denique avarities et honorum caeca cupido,
quae miseros homines cogunt transcendere fines
iuris et inter dum socios scelerum atque ministros
noctes atque dies niti praestante labore
ad summas emergere opes, haec vulnera vitae
non minimam partem mortis formidine aluntur.
turpis enim ferme contemptus et acris egestas
semota ab dulci vita stabilique videtur
et quasi iam leti portas cunctarier ante;
unde homines dum se falso terrore coacti
effugisse volunt longe longeque remosse,
sanguine civili rem conflant divitiasque
conduplicant avidi, caedem caede accumulantes,
crudeles gaudent in tristi funere fratris
et consanguineum mensas odere timentque.
consimili ratione ab eodem saepe timore
macerat invidia ante oculos illum esse potentem,
illum aspectari, claro qui incedit honore,
ipsi se in tenebris volvi caenoque queruntur.
intereunt partim statuarum et nominis ergo.
et saepe usque adeo, mortis formidine, vitae
percipit humanos odium lucisque videndae,
ut sibi consciscant maerenti pectore letum
obliti fontem curarum hunc esse timorem:
hunc vexare pudorem, hunc vincula amicitiai
rumpere et in summa pietate evertere suadet:
nam iam saepe homines patriam carosque parentis
prodiderunt vitare Acherusia templa petentes.
nam vel uti pueri trepidant atque omnia caecis
in tenebris metuunt, sic nos in luce timemus
inter dum, nihilo quae sunt metuenda magis quam
quae pueri in tenebris pavitant finguntque futura.
hunc igitur terrorem animi tenebrasque necessest
non radii solis neque lucida tela diei
discutiant, sed naturae species ratioque.

traduction:

O toi qui le premier, de si grandes ténèbres,

Fis jaillir la lumière et les biens de la vie,

Je marche sur tes pas, honneur du peuple grec,

Et je pose mon pied sur la trace des tiens ;

Non pas tant désireux de lutter avec toi,

que parce que l'amour me pousse à t'imiter :

L'hirondelle ne peut se mesurer au cygne,

Ni les chevreaux tremblants aux forces du cheval.

C'est toi qui as trouvé, Père, la vérité ;

C'est toi qui nous pourvois en leçons paternelles,

Et comme aux prés fleuris les abeilles butinent,

Nous venons nous repaître à tes paroles d'or,

Les plus dignes qui soient de la vie éternelle.

Car dès que ta raison commence à proclamer,

Fruit d'un penser divin, la nature des choses,

les terreurs fuient l'esprit, les murs du monde tombent.

Je vois ce qui se passe à travers tout le vide.

Apparaissent les dieux et leur paisible siège,

Non secoué des vents, ni battu par les pluies,

Ni blessé par la neige et ses âpres frimas,

Mais recouvert toujours d'un éther sans nuage

Qui verse en souriant une large lumière.

La nature pourvoit en abondance à tout,

rien n'entame jamais la paix de leur esprit.

Par contre nulle part n'apparaît l'Achéron,

Et la terre ne fait plus obstacle pour voir

Tout ce qui sous nos pieds se passe dans le vide.

Ici, devant cela, quelque plaisir divin

Me prend, et un frisson, à voir ainsi ta force

Découvrir la nature en toutes ses parties.

Puisque je t'ai appris ce que sont les atomes

Dont l'univers est fait, leurs formes variées,

L'éternel mouvement de leur vol spontané,

Et comment avec eux tout peut être créé,

Il me faut à présent éclairer par mes vers

La nature de l'âme et celle de l'esprit,

Et au gouffre jeter la peur de l'Achéron,

Qui trouble jusqu'au fond toute la vie humaine

Et fait sourdre sur tout les noirceurs de la mort,

En ne laissant aucun plaisir limpide et pur.

Car souvent on prétend que honte et maladies

Sont plus à craindre que le Tartare et la mort,

Et qu'on sait que l'esprit est composé de sang,

Ou encore de vent, au gré des volontés,

Et qu'on n'a nul besoin de nos raisonnements ;

Mais je vais te montrer que c'est par hâblerie

Que l'on tient ces propos, qui sont non confirmés :

Les mêmes, quand il sont chassés de leur patrie,

Frappés d'ignominie, en fuite loin des hommes,

Et accablés enfin de tous les maux, ils vivent !

Où qu'ils traînent leur mal, ils honorent les morts,

Ils tuent des troupeaux noirs, ils offrent aux dieux mânes

Leur tribut infernal, et plus âpre est leur sort,

Plus âprement ils vont vers la religion.

C'est donc dans le danger qu'il faut contempler l'homme,

Et dans l'adversité que l'on sait qui il est :

C'est alors que la voix jaillit du fond du cour,

Que le masque s'arrache, et que reste le vrai.

Et l'aveugle désir de richesse et d'honneurs,

Qui fait les malheureux transgresser la justice,

Et parfois criminels ou complices du crime,

S'efforcer nuit et jour par un labeur intense

D'amasser des trésors : tous ces maux de la vie,

C'est la peur de la mort qui surtout les nourrit.

Car le honteux mépris et la pauvreté âpre

Semblent loin d'une vie à la fois douce et stable,

Et déjà séjourner aux portes de la mort ;

Et les hommes poussés par leur vaine terreur,

Veulent s'enfuir au loin et les tenir au loin :

Ils regonflent leurs biens au sang des citoyens,

Redoublent leur fortune en entassant les meurtres,

Se réjouissent cruels au triste deuil d'un frère,

Haïssant et craignant la table de leurs proches.

Et c'est souvent ainsi, de cette même crainte,

Que les ronge l'envie, en voyant sous leurs yeux

Que tel homme est puissant, que tel autre a la gloire,

Alors qu'ils roulent, eux, dans l'ombre et dans la fange.

Un nom, une statue, est donc ce qui les tue.

A tel point que souvent c'est par peur de la mort

Qu'on en vient à haïr la lumière et la vie,

Et que le cour en peine on se donne la mort,

Oubliant que la peine a pour cause la peur,

Qui détruit le respect, qui brise l'amitié,

Et qui par ses conseils renverse la piété.

Car pour fuir l'Achéron les hommes bien souvent

Ont trahi leur patrie et leurs plus chers parents.

Ainsi que les enfants qui craignent les ténèbres,

et qui tremblent de tout, nous craignons en plein jour

des images qui n'ont rien de plus effrayant

que ce que les enfants redoutent dans la nuit.

Cette terreur et ces ténèbres de l'esprit,

Il faut donc les chasser, non par les traits du jour,

Mais grâce à la raison, qui fait voir la nature.


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