Lucrèce : chant IV

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Métrodore

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Jul 21, 2000, 12:18:48 PM7/21/00
to
je ne sais pas si vous avez apprécié ma tentative de traduction du début du
Chant II.

je travaille à une traduction du Chant IV (le passage final sur l'amour, qui
me semble mal compris par la plupart des traducteurs et interprètes).

une discussion sur ce sujet intéresserait-elle certains d'entre vous ?

Métrodore


Anaxagore

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Jul 23, 2000, 8:19:33 AM7/23/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
39787...@194.78.84.155...

Je suis toujours partant, pourquoi pas ?
Cordialement
Anaxagore

Anaxagore

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Aug 20, 2000, 6:13:39 PM8/20/00
to
Suite
Nec Veneris fructu caret is qui vitat amorem,
sed potius quae sunt sine poena commoda sumit;

[Trad] Et il ne se prive pas du fruit de Vénus, celui qui évite l'amour,
mais il s'empare plutôt de ce qui est plaisant sans peine ;

[ Com ] Voyez-vous, ce qui me pousse à en rester sur mon sentiment
premier pour le début du chant IV, c'est que l'on se demande pourquoi
Lucrèce parlerait de se priver d'amour s'il n'avait pas décrit une
relation sexuelle au début.

nam certe purast sanis magis inde voluptas
quam miseris; etenim potiundi tempore in ipso
fluctuat incertis erroribus ardor amantum
nec constat quid primum oculis manibusque fruantur.

[Trad] Car assurément le plaisir est, de-là plus pur pour ceux qui sont
sains
que pour les malheureux ; et en effet dans le moment même la possession,
l'ardeur des amants fluctue dans d'incertains détours
et ne tient pas ce dont d'abord ils ont joui des mains et des yeux.

[Com] errare humanum est sed persevare diabolicum :-) Si vous me
permettez d'oser émettre une hypothèse, il me semble que "potiundi" se
rapporte à la possession physique plutôt qu'au plaisir.
De même "incertis" me paraît l'adjectif de "erroribus", et l'ensemble un
ablatif complément circonstanciel de lieu. A moins qu'il s'agisse d'un
complément circonstanciel de moyen/manière, remarquez.
Je sais que vous allez m'objecter que le "quid" est un interrogatif
indirect, ce sur quoi fait l'impasse ma traduction du dernier vers de ce
passage. Y-a-til dans l'apparat critique une correction possible en
"quod" ?
Autre possibilité : constat + interrogative indirecte = voir nettement
(voir 5° Gaffiot )
Je corrige donc :
"et ne voit pas nettement ce dont ils jouissent d'abord par les yeux et
les mains."
ou alors, mieux :
" n'établit pas nettement ce dont ils jouissent par les yeux et les
mains" => cette dernière traduction me semble correspondre bien mieux à
l'idée du texte et de Lucrèce.

Quod petiere, premunt arte faciuntque dolorem
corporis et dentes inlidunt saepe labellis 1080
osculaque adfigunt, quia non est pura voluptas
et stimuli subsunt, qui instigant laedere id ipsum,
quodcumque est, rabies unde illaec germina surgunt.

[ Trad] Ce qu'ils désirent, ils le pressent étroitement et produisent de
la douleur
dans le corps, impriment les dents sur les lèvres
et fixent des baisers, parce que le plaisir n'est pas pur et que
des stimuli sont à l'oeuvre par dessous, qui incitent à blesser
l'objet lui-même quelqu'il soit, d'où ces germes suscitent de furieux
transports.

[Com] rabies unde illaec germina surgunt : j'avoue que j'ai un peu de
mal à comprendre dans quel sens il faut construire la phrase.
Je me demande ce que reprend le "unde" : je ne suis pas sûr qu'il
s'agisse bien du "id". Comme il y a déjà une relative avec "qui",
finalement, il n'y a pas d'autres solutions...


traduction
Fuir l'amour, ce n'est pas se priver de Vénus ;
> c'est en prendre les fruits sans en avoir les peines.
> Quand on est sain d'esprit, le plaisir est plus pur
> que pour les malheureux. Au moment de le prendre,
> l'ardeur des amants flotte, égarés, incertains :
> de quoi leurs yeux, leurs mains, vont-ils jouir en premier?
>
> L'objet de leur désir, ils le pressent si fort
> qu'ils lui font mal, mordant les lèvres de baisers
> agressifs, parce que leur plaisir n'est pas pur :
> de secrets aiguillons leur font blesser l'objet,
> quel qu'il soit, qui a fait germer ainsi la rage.

Cordialement
Anaxagore

Métrodore

unread,
Aug 21, 2000, 5:00:21 AM8/21/00
to

> Nec Veneris fructu caret is qui vitat amorem,
> sed potius quae sunt sine poena commoda sumit;
>
> [Trad] Et il ne se prive pas du fruit de Vénus, celui qui évite l'amour,
> mais il s'empare plutôt de ce qui est plaisant sans peine ;
>
votre traduction est ambiguë: on peut croire qu'il s'empare sans peine,
facilement. il faudrait dire au moins sans la peine, ou les peines. commoda
c'est plutôt les avantages que les plaisirs. plutôt que l'adjectif (ce qui
est commode, quae sunt commoda) ne croyez-vous pas que c'est plutôt le nom
(les avantages qui y sont, commoda quae sunt)? en effet la formule quae sunt
commoda est bien lourde, puisqu'on pourrait aussi bien dire commoda tout
court. alors que le quae sunt ajoute une idée: il y a bien, certes, des
avantages, mais il faut les séparer. Lucrèce répond à une objection
sous-entendue.


> [ Com ] Voyez-vous, ce qui me pousse à en rester sur mon sentiment
> premier pour le début du chant IV, c'est que l'on se demande pourquoi
> Lucrèce parlerait de se priver d'amour s'il n'avait pas décrit une
> relation sexuelle au début.

je comprends : c'est que vous confondez amour et relation sexuelle. mais
c'est exactement le contraire, il faut se priver d'amour pour avoir une
(bonne) relation sexuelle. car, l'amour, en se focalisant sur l'objet
unique, fige cette relation (amour "platonique"), ou du moins la souille,
comme on va le voir à présent; car à partir de maintenant c'est bien de la
relation sexuelle que Lucrèce va parler, pas pour la décrire (encore une
fois Lucrèce ne décrit jamais pour décrire), mais pour expliquer pourquoi le
plaisir n'est pas pur: à cause de l'amour. inversion du thème platonicien
selon lequel l'amour purifie.
en fait c'est sans doute parce que vous êtes vous-même déjà libéré de ces
démons que le débat vous échappe. o fortunate..


> nam certe purast sanis magis inde voluptas
> quam miseris; etenim potiundi tempore in ipso
> fluctuat incertis erroribus ardor amantum
> nec constat quid primum oculis manibusque fruantur.
>
> [Trad] Car assurément le plaisir est, de-là plus pur pour ceux qui sont
> sains
> que pour les malheureux ; et en effet dans le moment même la possession,
> l'ardeur des amants fluctue dans d'incertains détours
> et ne tient pas ce dont d'abord ils ont joui des mains et des yeux.
>
> [Com] errare humanum est sed persevare diabolicum :-) Si vous me
> permettez d'oser émettre une hypothèse, il me semble que "potiundi" se
> rapporte à la possession physique plutôt qu'au plaisir.

c'est bien possible, en effet, c'est un des points sur lesquels j'exposais
un doute à la fin de ma traduction. il faudrait voir si l'expression
voluptatem potiri existe, mais ça m'étonnerait, je l'avoue. et d'ailleurs,
ce ne serait pas très épicurien. le plaisir n'est pas une chose qu'on peut
posséder. dans un autre sens, c'est justement l'erreur des amants de le
croire, mais bon. donc il faut dire: au moment de se prendre..
je vous en prie, continuez d'émettre toutes les hypothèses que vous voulez.
c'est un plaisir de les considérer.

> De même "incertis" me paraît l'adjectif de "erroribus", et l'ensemble un
> ablatif complément circonstanciel de lieu. A moins qu'il s'agisse d'un
> complément circonstanciel de moyen/manière, remarquez.

oui, plutôt. error n'est pas un lieu. pour l'accord, je me suis permis de
modifier un peu la syntaxe pour faire entrer le sens dans le vers.


> Je sais que vous allez m'objecter que le "quid" est un interrogatif
> indirect, ce sur quoi fait l'impasse ma traduction du dernier vers de ce
> passage. Y-a-til dans l'apparat critique une correction possible en
> "quod" ?

non.

> Autre possibilité : constat + interrogative indirecte = voir nettement
> (voir 5° Gaffiot )
> Je corrige donc :
> "et ne voit pas nettement ce dont ils jouissent d'abord par les yeux et
> les mains."
> ou alors, mieux :
> " n'établit pas nettement ce dont ils jouissent par les yeux et les
> mains" => cette dernière traduction me semble correspondre bien mieux à
> l'idée du texte et de Lucrèce.

il est peu probable que ardor soit sujet d'un verbe signifiant voir: ce
n'est pas latin. bien sûr il s'agit de la forme signalée par Gaffiot 5,
impersonnelle, mais qui a un sens sensiblement différent de ce que vous
faites dire au texte (voyez le premier ex, alicui constat quid agat, voir ce
qu'on doit faire, non ce qu'on fait). mot à mot, il n'est pas évident de
quoi jouir en premier avec les yeux et les mains. autrement dit, ils ne
savent pas par où commencer, ce qui sera expliqué plus loin aux vers1102-4.
j'avoue d'ailleurs que l'idée que vous prêtez à Lucrèce m'échappe. encore
une fois une fois vous êtes trop pressé et trop généreux pour nos amants;
les pauvres ne jouissent de rien, pour le moment.

> Quod petiere, premunt arte faciuntque dolorem
> corporis et dentes inlidunt saepe labellis 1080
> osculaque adfigunt, quia non est pura voluptas
> et stimuli subsunt, qui instigant laedere id ipsum,
> quodcumque est, rabies unde illaec germina surgunt.
>
> [ Trad] Ce qu'ils désirent, ils le pressent étroitement et produisent de
> la douleur
> dans le corps, impriment les dents sur les lèvres
> et fixent des baisers, parce que le plaisir n'est pas pur et que
> des stimuli sont à l'oeuvre par dessous, qui incitent à blesser
> l'objet lui-même quelqu'il soit, d'où ces germes suscitent de furieux
> transports.
>
> [Com] rabies unde illaec germina surgunt : j'avoue que j'ai un peu de
> mal à comprendre dans quel sens il faut construire la phrase.
> Je me demande ce que reprend le "unde" : je ne suis pas sûr qu'il
> s'agisse bien du "id". Comme il y a déjà une relative avec "qui",
> finalement, il n'y a pas d'autres solutions...

oui, et c'est toujours la même idée: on prend l'objet, quel qu'il soit,
pour la cause du mal, alors qu'il n'en est que l'occasion, ce qui fait
germer la rage qui est en nous (la dira libido): autrement dit l'amour n'est
rien d'autre qu'un désir de vengeance, ce que déjà exprimait (dans mon
interprétation du moins) les vers sur le combat: on tombe du côté où
l'ennemi a frappé, etc.
pour la construction, rabies est un génitif singulier (oui oui, ne sursautez
pas, voyez Ernout, Morph, § 91 et Gaffiot sub fine), illaec se rapporte en
effet à germina, mais surgere est intransitif, donc il faut construire: d'où
surgissent ces germes de rage.

en espérant ne pas en faire surgir chez vous,
bien à vous, Métrodore.


Anaxagore

unread,
Aug 15, 2000, 7:11:13 AM8/15/00
to
AS>suite
AS> Haec Venus est nobis; hinc autemst nomen Amoris,
AS>hinc illaec primum Veneris dulcedinis in cor
AS>stillavit gutta et successit frigida cura; 1060

Vous traduisez par
"et après la douceur que Vénus, goutte à goutte,
instille dans le coeur, vient le glacial souci."

Trad : De là cette parcelle de la douceur de vénus est tombée goutte par
goutte dans le coeur, puis a succédé le souci frissonnant.
Com : A mon avis, Lucrèce joue sur deux registres, mélangeant le
matériel et le métaphorique. Encore que l'on puisse imaginer que pour un
matérialiste comme lui, le sentiment amoureux soit aussi le fruit d'un
processus chimio-atomique, de sorte qu'il est peut-être très sérieux en
imaginant qu'une parcelle de ce qui constitue Vénus, donc entre autres
la semence, gagne le coeur. De ce point de vue, l'usage du champ lexical
de la goutte est éloquent pour évoquer l'acte sexuel ( ce qui corrobore
mes remarques précédentes au passage...)

AS>nam si abest quod ames, praesto simulacra tamen sunt
AS>illius et nomen dulce obversatur ad auris.

j'anticipe une de vos objections : vous pourriez me répliquer que l'on
ne saurait comprendre la suite en s'appuyant sur mon interprétation ;
mais observez les temps utilisés, Lucrèce a usé de parfait pour désigner
l'acte sexuel de sorte que ce qui suit fait référence à ce qui se passe
après et est donc très logiquement au présent.

AS>Sed fugitare decet simulacra et pabula amoris
AS>absterrere sibi atque alio convertere mentem
AS>et iacere umorem coniectum in corpora quaeque
AS>nec retinere semel conversum unius amore
AS>et servare sibi curam certumque dolorem;

Trad : Il convient de fuir les simulacres, de détourner l'alimentation
de l'amour de soi, de tourner son esprit vers autre chose, de jeter sa
semence dans un corps quelconque, de ne pas la retenir tournée vers
l'amour d'un seul et de se sauvegarder de l'inquiétude et d'une douleur
assurée.
Com : en clair, couche partout si tu ne veux pas tomber amoureux. Voilà
ce que je comprends de ce que dit
Lucrèce. Là c'est clair quant à l'acte sexuel.

AS>ulcus enim vivescit et inveterascit alendo
AS>inque dies gliscit furor atque aerumna gravescit,
AS>si non prima novis conturbes volnera plagis 1070
AS>volgivagaque vagus Venere ante recentia cures
AS>aut alio possis animi traducere motus.

> L'abcès, à le nourrir, s'avive et s'invétère ;
> chaque jour, la fureur s'accroît, le mal s'aggrave.
> Le remède est d'ouvrir à nouveau la blessure :
> Vénus la soignera au hasard des rencontres.
> Ou bien, si tu le peux, tourne ailleurs ton esprit.

Sur la blessure, la plaie, il me semble déjà avoir fait un commentaire
anatomique à ce sujet, en comparant l'ouverture du sexe, et les lèvres
des organes génitaux.
D'accord pour le reste, avec votre traduction.
Cordialement à vous
Anaxagore

Métrodore

unread,
Jul 23, 2000, 11:21:35 AM7/23/00
to
voici donc ma traduction des vers 1030-1287 du Chant IV. le texte est celui
de l'édition budé, à quelques exceptions : au vers 1057 "multa cupido" (Q)
me semble préférable à muta cupido (O); au vers 1097 je conserve la leçon
raptat, conforme à la théorie de l'imagination exposée dans les vers 777
sqq, notamment 805-6: c'est l'espoir qui s'empare des simulacres et les
sélectionne en fonction de sa fantaisie (libido, 779).

mon idée générale est que Lucrèce fait une distinction entre désir et
plaisir, cupido et Vénus. loin d'attaquer Vénus comme on le croit, il la
défend au contraire contre Eros : cela permet de résoudre toutes les
prétendues contradictions du raisonnement. au vers 1058, haec désigne
voluptas, hinc cupido (le nom de l'amour: cupido). aucune traduction
(moderne) à ma connaissance ne conserve cette distinction. suis-je seul à me
tromper?


Au jour où s'introduit dans les détroits de l'âge
la semence venue à sa maturation,
on voit de quelque corps venir les simulacres,
messagers d'un visage éclatant de beauté,
qui excite les lieux gonflés par la semence :
croyant avoir tout fait, on répand tout un fleuve,
souillant son vêtement comme de flots de sang.

La semence en question commence à nous troubler
dès que l'adolescence affermit nos organes.
Chaque être a son moteur, qui seul peut l'ébranler :
seul l'homme arrache à l'homme une semence humaine.

Dès qu'elle est expulsée en dehors de son siège,
elle quitte le corps dans sa totalité
pour aller se loger en certains lieux des nerfs,
excitant aussitôt les parties génitales.

Les nerfs sont irrités par la semence : on veut
la jeter là où tend la furieuse lubie,
le corps vise l'objet d'où l'amour blesse l'âme.
Car on tombe souvent sur sa plaie, et le sang
jaillit en direction du lieu d'où vient le coup,
et dans un corps à corps, il couvre l'ennemi.

Qui donc reçoit les coups de Vénus par des traits,
jetés par un garçon aux membres féminins,
ou par la femme au corps tout balançant d'amour,
il tend vers qui le frappe, et brûle de l'étreindre
pour jeter sa liqueur de son corps dans le sien :
car le désir pressant présage le plaisir.

Voici, pour nous, Vénus ; mais de là, vient l'amour,


et après la douceur que Vénus, goutte à goutte,
instille dans le coeur, vient le glacial souci.

Si ton amour est loin, là sont les simulacres,
et son doux nom sans cesse assiège notre oreille.

Ne nourris pas l'amour, et fuis les simulacres !
Détourne ton esprit, et jette ton humeur
dans n'importe quel corps, et ne la retiens pas,
pour toujours convertie à l'amour d'un seul être,
réserve de souci et de douleur certaine.

L'abcès, à le nourrir, s'avive et s'invétère ;
chaque jour, la fureur s'accroît, le mal s'aggrave.
Le remède est d'ouvrir à nouveau la blessure :
Vénus la soignera au hasard des rencontres.
Ou bien, si tu le peux, tourne ailleurs ton esprit.

Fuir l'amour, ce n'est pas se priver de Vénus ;


c'est en prendre les fruits sans en avoir les peines.
Quand on est sain d'esprit, le plaisir est plus pur
que pour les malheureux. Au moment de le prendre,
l'ardeur des amants flotte, égarés, incertains :
de quoi leurs yeux, leurs mains, vont-ils jouir en premier?

L'objet de leur désir, ils le pressent si fort
qu'ils lui font mal, mordant les lèvres de baisers
agressifs, parce que leur plaisir n'est pas pur :
de secrets aiguillons leur font blesser l'objet,
quel qu'il soit, qui a fait germer ainsi la rage.

Vénus brise la peine au milieu de l'amour,
le plaisir caressant réfrène les morsures,
mais si faiblement ! Car, l'amour nourrit l'espoir
que ce qui nous enflamme éteindra notre ardeur.
La nature y répugne, et c'est tout le contraire.
Car c'est bien le seul cas où plus nous obtenons,
plus s'embrase le coeur d'un désir furieux.

Nourriture et boisson sont pris par l'organisme ;
comme ils ont dans le corps une place attitrée,
le désir d'eau, de pain, est facile à combler.
Mais d'un visage humain, de la beauté du teint,
rien ne fait jouir le corps sinon des simulacres
ténus, qu'au vent l'espoir souvent emporte, hélas ! .

Le rêveur assoiffé cherche à boire de l'eau
qui ne peut cependant éteindre son ardeur ;
il poursuit vainement des simulacres d'eau,
il a soif au milieu du torrent où il boit.
Dans l'amour, Vénus joue avec des simulacres.
Le regard ne saurait rassasier les amants,
et leurs mains ne pourront jamais rien arracher
aux membres délicats sur lesquels ils s'égarent.

Enfin, membres mêlés, ils jouissent de la fleur
de l'âge ; et quand le corps en présage les joies,
que Vénus est en lui, ensemençant la femme,
avides de se lier, ils joignent leur salive,
ils insufflent leur bouche en imprimant leurs dents.

En vain, puisqu'on ne peut rien arracher du corps,
ni pénétrer en lui pour s'y fondre en entier.
Car c'est là, semble-t-il, ce qu'ils cherchent à faire,
tant le désir les fixe aux liaisons de Vénus,
jusqu'à l'effusion que produit le plaisir.

Lorsqu'enfin le désir énervé se décharge,
leur violente ardeur fait une courte trêve,
pour un instant. Et puis cette rage furieuse
les visite à nouveau, cherchant ce qu'ils désirent,
incapables de voir ce qui vaincra leur mal :
tant les ronge une plaie aveugle et inconnue.

Ajoute la fatigue : ils se tuent à la tâche ;
ajoute que leur vie est soumise à autrui.
Leur bien se dilapide en draps de Babylone ;
leur devoir négligé atteint leur renommée.

A leurs pieds parfumés brillent de beaux Sicyones,
et dans l'or enchâssée, une énorme émeraude
éclate de ses feux ; le vêtement de pourpre
s'use à boire sans fin la sueur de Vénus,
et le bien paternel part en bandeaux, en mitres,
ou se change en manteau d'Alinde ou de Céos.
On prépare un banquet incomparable : jeux,
vin à foison, parfums, couronnes et guirlandes.

En vain, puisqu'au milieu de la source des grâces,
surgit parmi les fleurs l'amertume et l'angoisse :
tantôt l'esprit, conscient de soi, a du remords
à vivre sans rien faire, à mourir de débauches ;
ou c'est un mot jeté avec ambiguïté,
que le désir attise et fixe dans le coeur ;
une oillade lancée, un regard sur un autre,
pense-t-on ; et l'on voit la trace d'un sourire.

Et ces maux, on les a dans l'amour qui prospère ;
s'il est pauvre et contraire, ils seront si nombreux
que tu peux les saisir même en fermant les yeux.
Mieux vaut donc se tenir par avance éveillé,
en suivant mes leçons, pour échapper au piège.

Car éviter l'amour n'est pas si difficile
qu'une fois prisonnier, de sortir de ses rets,
et de rompre les nouds solides de Vénus.
Et pourtant, même pris et entravé, tu peux
encor fuir l'ennemi, si tu n'as fait obstacle
à toi-même, en passant outre aux défauts de l'âme,
ou bien à ceux du corps, de celle que tu veux.

Ainsi font-ils, tous ceux que le désir aveugle :
ils attribuent des biens à qui ne les a pas.
C'est pourquoi nous voyons d'infâmes laiderons
tenus en grand honneur et parmi les délices.
Et chacun rit de l'autre, et conseille au malade
que l'amour avilit, d'aller calmer Vénus ;
sans voir, les malheureux, qu'ils sont les plus atteints.

La noiraude est de miel, la malpropre qui pue
est nature, sans fard ; la loucheuse est Pallas,
le sac d'os, toute en bois nerveux, une gazelle ;
la naine, un pur cristal ; la géante, imposante ;
la muette est modeste et la bègue gazouille,
la mégère, odieuse et bavarde, est de flammes ;
fragile, celle qui va mourir de maigreur ;
si la toux l'a déjà tuée, elle est délicate.
La grosse mamelue est Cérès accouchée
de Bacchus ; la camuse, un Silène, un Satyre ;
la lippue, un baiser. C'est trop long de tout dire.

Mais soit : sa figure a tout l'honneur que tu veux,
et Vénus tout entière en son corps s'est levée ;
mais ce n'est pas la seule ; on a vécu sans elle ;
elle fait, on le sait, ce que fait une laide ;
la pauvre se parfume avec des puanteurs,
ses servantes s'enfuient et vont rire en cachette.

Mais l'amant éconduit pleure devant le seuil,
le recouvre de fleurs ; sur la porte implacable,
il plante ses baisers, répand la marjolaine.
Le pauvre ! S'il entrait, à la première odeur
il prendrait un prétexte honorable pour fuir.
Sa plainte longuement méditée en son coeur,
tomberait. Condamnant sa sottise, il verrait
qu'il lui a attribué plus qu'à une mortelle.

Et cela, nos Vénus ne l'ont pas négligé,
qui ont soin de cacher leur vie et ses coulisses
à ceux qu'elles voudraient enchaîner dans l'amour.
En vain, puisque tu peux user de ton esprit
pour tout tirer au clair, et chercher de quoi rire ;
si elle a bel esprit et n'est pas odieuse,
alors, passe outre, et cède à la nature humaine.

Et les soupirs d'amour ne sont pas toujours feints
chez la femme qui joint son corps au corps de l'homme,
et le tient en mouillant ses lèvres de baisers.
Souvent c'est de bon coeur, cherchant des joies mutuelles,
qu'elle invite à courir la carrière amoureuse.
Autrement les oiseaux, les bestiaux et les fauves,
les brebis, les juments, ne céderaient aux mâles,
si l'ardeur de leur rut n'était pas naturelle,
s'ils ne goûtaient aussi la Vénus des saillies.

Vois ceux que le plaisir réciproque a vaincus,
comme ils sont torturés dans leurs chaînes communes !
Au carrefour deux chiens voulant se séparer
tirent en sens contraire avec toutes leurs forces,
fixés qu'ils sont aux liens solides de Vénus !
Ils n'en seraient pas là, sans les joies réciproques
qui ont pu les jeter et tenir dans le piège.
C'est pourquoi je le dis : le plaisir est mutuel.

Au moment du mélange entre les deux semences,
si sur l'homme la femme emporte la victoire,
de sa semence naît l'enfant qui lui ressemble ;
comme l'enfant semblable au père est né du père.
Mais ceux qu'on voit tenir des deux, mêlant leurs traits,
sont nés du corps du père et du sang de la mère :
l'aiguillon de Vénus a croisé les semences,
une mutuelle ardeur les a fait conspirer,
et aucune des deux n'a triomphé de l'autre.
Et parfois les enfants ressemblent aux aïeux,
souvent aux bisaïeux, dont ils ont le visage.
C'est que sont enfermés, dans le corps des parents,
diversement mêlés, un grand nombre d'atomes,
transmis depuis la souche aux enfants par les pères.

De là vient que Vénus tire au sort les figures,
reprend les traits des vieux, leur voix et leur cheveux.
Car tout cela provient de certaines semences,
tout autant que les traits, les membres et le corps.
De la semence du père une fille peut naître,
et le corps maternel peut concevoir un mâle.
Car l'enfant naît toujours d'une double semence,
mais il ressemble plus à qui lui donne plus :
ce qu'on peut observer sur les deux ascendances,
engeance masculine ou race féminine.

Nulle divinité ne refuse à personne
une progéniture et le doux nom de père,
condamnant sa Vénus à la stérilité.
Mais la plupart le croient, et arrosent de sang,
éplorés, les autels qu'ils enfument d'offrandes
pour féconder leur femme avec force semence.
En vain fatiguent-ils les dieux et leurs oracles.
Car la stérilité est due à la semence,
qui est ou trop épaisse, ou trop liquide et fluide.
Trop fluide, elle ne peut rester fixée en place ;
Elle se liquéfie et s'en va, inféconde.
Trop épaisse, elle est trop compacte pour partir,
ou bien son vol n'est pas assez long, ou encore,
elle ne parvient pas à pénétrer partout,
ou, si elle y parvient, à se mêler à l'autre.

Les accords de Vénus en effet sont variés.
Tel homme est plus fécond avec telle autre femme,
telle femme conçoit plutôt avec tel homme.
En plusieurs hyménées, beaucoup restent stériles,
jusqu'à trouver enfin celui qui les féconde,
et peut les enrichir d'une douce lignée.
Qui n'a pu engendrer d'une femme fertile,
a enfin rencontré la nature assortie,
pour munir ses vieux jours d'une progéniture.
Tant il est important aux semences mêlées
de pouvoir s'adapter de manière féconde :
l'épaisse avec la fluide, et la fluide à l'épaisse.

Et le soin du régime importe pour cela :
tel genre d'aliment épaissit la semence,
tel autre l'appauvrit, et la rend plus liquide.
La façon dont s'obtient le plaisir caressant
importe aussi beaucoup, et l'on pense souvent
que c'est la position des bêtes quadrupèdes
qui fera concevoir. La poitrine baissée,
et les reins soulevés, la semence prend place.

Les mouvements lascifs ne servent pas l'épouse ;
ils sont contraceptifs, si c'est avec sa croupe
qu'elle goûte à son tour la Vénus du mari,
se désossant les reins pour exciter ses flots.
Le soc est détourné hors de son droit sillon,
le jet de la semence est distrait de son but.
La fille a ses raisons pour remuer ainsi :
éviter la grossesse à répétition,
et aussi agencer Vénus au goût des hommes ;
ce qui n'est nullement utile à nos épouses.

Rien non plus de divin, ni flèche de Vénus,
si la femme qu'on aime est de beauté médiocre.
C'est la femme elle-même et sa façon de faire,
et le soin de son corps, qui nous fait cet effet,
et qui nous accoutume à partager sa vie.
De plus, l'accoutumance agence bien l'amour.
Aussi faibles soient-ils, les coups frappés souvent
font fléchir à la longue, et donnent la victoire.
Ne vois-tu pas que l'eau qui goutte sur la pierre
à la longue finit par creuser cette pierre ?


aux vers 1032 et 1065, quisque semble signifier plutôt cuicumque. Sens
attesté par Gaffiot. mais je ne suis pas sûr.faut-il comprendre n'importe
quel corps, ou chaque corps, tous les corps? la nuance n'est pas
négligeable.


1076: à quoi se rapporte potiundi? au moment de le prendre (le plaisir) ou
lors de la possession (de se prendre) ?

1096: misella est-il un neute pluriel, se rapportant simulacra, ou un
nominatif se rapportant à spes? et saepe concerne-t-il le verbe : à
plusieurs reprises (dans ce cas superflu de traduire) ou l'espoir souvent
malheureux (ce qui impliquerait qu'il ne l'est pas toujours)

enfin je ne saisis pas bien le quod superest de la fin (1283) : du reste ?
ou par conséquent ?


bonne lecture!

Métrodore.

Anaxagore

unread,
Jul 24, 2000, 9:15:30 AM7/24/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
397b1...@194.78.84.155...

| voici donc ma traduction des vers 1030-1287 du Chant IV. le texte
est celui
| de l'édition budé, à quelques exceptions : au vers 1057 "multa
cupido" (Q)
| me semble préférable à muta cupido (O); au vers 1097 je conserve la
leçon
| raptat, conforme à la théorie de l'imagination exposée dans les vers
777
| sqq, notamment 805-6: c'est l'espoir qui s'empare des simulacres et
les
| sélectionne en fonction de sa fantaisie (libido, 779).

s'agit-il de ce texte-ci ?

tum quibus aetatis freta primitus insinuatur
semen, ubi ipsa dies membris matura creavit,
conveniunt simulacra foris e corpore quoque,
nuntia praeclari voltus pulchrique coloris,
qui ciet inritans loca turgida semine multo,
ut quasi transactis saepe omnibus rebus profundant
fluminis ingentis fluctus vestemque cruentent.

Au jour où s'introduit dans les détroits de l'âge
la semence venue à sa maturation,
on voit de quelque corps venir les simulacres,
messagers d'un visage éclatant de beauté,
qui excite les lieux gonflés par la semence :


etc...etc...
qaund vous donnez une traudction dont vous voulez discuter, il faut
absolument donner le texte avec. Dès confirmation, je m'atellerai à la
lecture de votre traduction.
Je constate que vous avez traduit en alexandrins vers pour vers !
Remarquable !
Cordialement
Anaxagore
P.S Vous aviez dit que vous travailliez sur une traduction de la
Lettre à Ménécée : voilà qui m'intéresserait au plus haut point ?
Serait-il possible de commencer à poster le texte grec sur l'un des
forums de grec ?
Voici une adresse qui vous explique comment configurer logiciels et
systèmes d'exploitation pour pouvoir écrire en grec polytonique.
http://club.euronet.be/frederique.bouras/utf8grec.htm

Métrodore

unread,
Jul 25, 2000, 10:22:37 AM7/25/00
to
Re-voici avec le texte latin cette fois ma traduction des vers 1030-1287 du

Chant IV. le texte est celui
> que l'on trouve sur http://www.gmu.edu/departments/fld/CLASSICS/luc4.html,
corrigé : au vers 1057 "multa cupido" (Q) me semble préférable à muta

cupido (O); au vers 1097 je conserve la leçon
> raptat, conforme à la théorie de l'imagination exposée dans les vers 777
> sqq, notamment 805-6: c'est l'espoir qui s'empare des simulacres et les
> sélectionne en fonction de sa fantaisie (libido, 779).
>
> mon idée générale est que Lucrèce fait une distinction entre désir et
> plaisir, cupido et Vénus. loin d'attaquer Vénus comme on le croit, il la
> défend au contraire contre Eros : cela permet de résoudre toutes les
> prétendues contradictions du raisonnement. au vers 1058, haec désigne
> voluptas, hinc cupido (le nom de l'amour: cupido). aucune traduction
> (moderne) à ma connaissance ne conserve cette distinction (signalée
pourtant par les notes de Ernout dans son commentaire aux belles lettres).

texte latin:

Tum quibus aetatis freta primitus insinuatur 1030


semen, ubi ipsa dies membris matura creavit,
conveniunt simulacra foris e corpore quoque,
nuntia praeclari voltus pulchrique coloris,
qui ciet inritans loca turgida semine multo,
ut quasi transactis saepe omnibus rebus profundant
fluminis ingentis fluctus vestemque cruentent.

Sollicitatur id [in] nobis, quod diximus ante,
semen, adulta aetas cum primum roborat artus.
Namque alias aliud res commovet atque lacessit;
ex homine humanum semen ciet una hominis vis. 1040
quod simul atque suis eiectum sedibus exit,
per membra atque artus decedit corpore toto,
in loca conveniens nervorum certa cietque
continuo partis genitalis corporis ipsas.
Inritata tument loca semine fitque voluntas
eicere id quo se contendit dira lubido,
idque petit corpus, mens unde est saucia amore;
namque omnes plerumque cadunt in vulnus et illam
emicat in partem sanguis, unde icimur ictu, 1050
et si comminus est, hostem ruber occupat umor.
Sic igitur Veneris qui telis accipit ictus,
sive puer membris muliebribus hunc iaculatur
seu mulier toto iactans e corpore amorem,
unde feritur, eo tendit gestitque coire
et iacere umorem in corpus de corpore ductum;
namque voluptatem praesagit multa cupido.

traduction


suite


Haec Venus est nobis; hinc autemst nomen Amoris,

hinc illaec primum Veneris dulcedinis in cor

stillavit gutta et successit frigida cura; 1060

nam si abest quod ames, praesto simulacra tamen sunt

illius et nomen dulce obversatur ad auris.

Sed fugitare decet simulacra et pabula amoris

absterrere sibi atque alio convertere mentem

et iacere umorem coniectum in corpora quaeque

nec retinere semel conversum unius amore

et servare sibi curam certumque dolorem;

ulcus enim vivescit et inveterascit alendo

inque dies gliscit furor atque aerumna gravescit,

si non prima novis conturbes volnera plagis 1070

volgivagaque vagus Venere ante recentia cures

aut alio possis animi traducere motus.

traduction


Voici, pour nous, Vénus ; mais de là, vient l'amour,
> et après la douceur que Vénus, goutte à goutte,
> instille dans le coeur, vient le glacial souci.
> Si ton amour est loin, là sont les simulacres,
> et son doux nom sans cesse assiège notre oreille.
>
> Ne nourris pas l'amour, et fuis les simulacres !
> Détourne ton esprit, et jette ton humeur
> dans n'importe quel corps, et ne la retiens pas,
> pour toujours convertie à l'amour d'un seul être,
> réserve de souci et de douleur certaine.
>
> L'abcès, à le nourrir, s'avive et s'invétère ;
> chaque jour, la fureur s'accroît, le mal s'aggrave.
> Le remède est d'ouvrir à nouveau la blessure :
> Vénus la soignera au hasard des rencontres.
> Ou bien, si tu le peux, tourne ailleurs ton esprit.

Suite


Nec Veneris fructu caret is qui vitat amorem,
sed potius quae sunt sine poena commoda sumit;

nam certe purast sanis magis inde voluptas
quam miseris; etenim potiundi tempore in ipso
fluctuat incertis erroribus ardor amantum
nec constat quid primum oculis manibusque fruantur.

Quod petiere, premunt arte faciuntque dolorem
corporis et dentes inlidunt saepe labellis 1080
osculaque adfigunt, quia non est pura voluptas
et stimuli subsunt, qui instigant laedere id ipsum,
quodcumque est, rabies unde illaec germina surgunt.

traduction


Fuir l'amour, ce n'est pas se priver de Vénus ;
> c'est en prendre les fruits sans en avoir les peines.
> Quand on est sain d'esprit, le plaisir est plus pur
> que pour les malheureux. Au moment de le prendre,
> l'ardeur des amants flotte, égarés, incertains :
> de quoi leurs yeux, leurs mains, vont-ils jouir en premier?
>
> L'objet de leur désir, ils le pressent si fort
> qu'ils lui font mal, mordant les lèvres de baisers
> agressifs, parce que leur plaisir n'est pas pur :
> de secrets aiguillons leur font blesser l'objet,
> quel qu'il soit, qui a fait germer ainsi la rage.
>

suite
Sed leviter poenas frangit Venus inter amorem
blandaque refrenat morsus admixta voluptas.
namque in eo spes est, unde est ardoris origo,
restingui quoque posse ab eodem corpore flammam.
Quod fieri contra totum natura repugnat;
unaque res haec est, cuius quam plurima habemus,
tam magis ardescit dira cuppedine pectus. 1090
Nam cibus atque umor membris adsumitur intus;
quae quoniam certas possunt obsidere partis,
hoc facile expletur laticum frugumque cupido.
Ex hominis vero facie pulchroque colore
nil datur in corpus praeter simulacra fruendum
tenvia, quae vento spes raptat saepe misella.

Ici la leçon raptat me semble préférable à raptast, introduit on ne sait
pourquoi par les éditeurs.
traduction


> Vénus brise la peine au milieu de l'amour,
> le plaisir caressant réfrène les morsures,
> mais si faiblement ! Car, l'amour nourrit l'espoir
> que ce qui nous enflamme éteindra notre ardeur.
> La nature y répugne, et c'est tout le contraire.
> Car c'est bien le seul cas où plus nous obtenons,
> plus s'embrase le coeur d'un désir furieux.
>
> Nourriture et boisson sont pris par l'organisme ;
> comme ils ont dans le corps une place attitrée,
> le désir d'eau, de pain, est facile à combler.
> Mais d'un visage humain, de la beauté du teint,
> rien ne fait jouir le corps sinon des simulacres
> ténus, qu'au vent l'espoir souvent emporte, hélas ! .

suite
Ut bibere in somnis sitiens quom quaerit et umor
non datur, ardorem qui membris stinguere possit,
sed laticum simulacra petit frustraque laborat
in medioque sitit torrenti flumine potans, 1100
sic in amore Venus simulacris ludit amantis,
nec satiare queunt spectando corpora coram
nec manibus quicquam teneris abradere membris
possunt errantes incerti corpore toto.
Denique cum membris conlatis flore fruuntur
aetatis, iam cum praesagit gaudia corpus
atque in eost Venus ut muliebria conserat arva,
adfigunt avide corpus iunguntque salivas
oris et inspirant pressantes dentibus ora.
Nequiquam, quoniam nihil inde abradere possunt 1110
nec penetrare et abire in corpus corpore toto;
nam facere inter dum velle et certare videntur.
usque adeo cupide in Veneris compagibus haerent,
membra voluptatis dum vi labefacta liquescunt.
tandem ubi se erupit nervis conjecta cupido,
parva fit ardoris violenti pausa parumper.
inde redit rabies eadem et furor ille revisit,
cum sibi quod cupiant ipsi contingere quaerunt,
nec reperire malum id possunt quae machina vincat.
usque adeo incerti tabescunt volnere caeco. 1120

traduction


> Le rêveur assoiffé cherche à boire de l'eau
> qui ne peut cependant éteindre son ardeur ;
> il poursuit vainement des simulacres d'eau,
> il a soif au milieu du torrent où il boit.
> Dans l'amour, Vénus joue avec des simulacres.
> Le regard ne saurait rassasier les amants,
> et leurs mains ne pourront jamais rien arracher
> aux membres délicats sur lesquels ils s'égarent.
>
> Enfin, membres mêlés, ils jouissent de la fleur
> de l'âge ; et quand le corps en présage les joies,
> que Vénus est en lui, ensemençant la femme,
> avides de se lier, ils joignent leur salive,
> ils insufflent leur bouche en imprimant leurs dents.
>
> En vain, puisqu'on ne peut rien arracher du corps,
> ni pénétrer en lui pour s'y fondre en entier.
> Car c'est là, semble-t-il, ce qu'ils cherchent à faire,
> tant le désir les fixe aux liaisons de Vénus,
> jusqu'à l'effusion que produit le plaisir.
>
> Lorsqu'enfin le désir énervé se décharge,
> leur violente ardeur fait une courte trêve,
> pour un instant. Et puis cette rage furieuse
> les visite à nouveau, cherchant ce qu'ils désirent,
> incapables de voir ce qui vaincra leur mal :
> tant les ronge une plaie aveugle et inconnue.
>

suite
Adde quod absumunt viris pereuntque labore,
adde quod alterius sub nutu degitur aetas,
languent officia atque aegrotat fama vacillans.
labitur interea res et Babylonica fiunt
unguenta et pulchra in pedibus Sicyonia rident,
scilicet et grandes viridi cum luce zmaragdi
auro includuntur teriturque thalassina vestis
adsidue, et Veneris sudorem exercita potat.
Et bene parta patrum fiunt anademata, mitrae,
inter dum in pallam atque Alidensia Ciaque vertunt. 1130
Eximia veste et victu convivia, ludi,
pocula crebra, unguenta, coronae, serta parantur.
Ne quiquam, quoniam medio de fonte leporum
surgit amari aliquid, quod in ipsis floribus angat,
aut cum conscius ipse animus se forte remordet
desidiose agere aetatem lustrisque perire,
aut quod in ambiguo verbum iaculata reliquit,
quod cupido adfixum cordi vivescit ut ignis,
aut nimium iactare oculos aliumve tueri
quod putat in voltuque videt vestigia risus. 1140

traduction


Ajoute la fatigue : ils se tuent à la tâche ;
> ajoute que leur vie est soumise à autrui.
> Leur bien se dilapide en draps de Babylone ;
> leur devoir négligé atteint leur renommée.
>
> A leurs pieds parfumés brillent de beaux Sicyones,
> et dans l'or enchâssée, une énorme émeraude
> éclate de ses feux ; le vêtement de pourpre
> s'use à boire sans fin la sueur de Vénus,
> et le bien paternel part en bandeaux, en mitres,
> ou se change en manteau d'Alinde ou de Céos.
> On prépare un banquet incomparable : jeux,
> vin à foison, parfums, couronnes et guirlandes.
>
> En vain, puisqu'au milieu de la source des grâces,
> surgit parmi les fleurs l'amertume et l'angoisse :
> tantôt l'esprit, conscient de soi, a du remords
> à vivre sans rien faire, à mourir de débauches ;
> ou c'est un mot jeté avec ambiguïté,
> que le désir attise et fixe dans le coeur ;

> une oeillade lancée, un regard sur un autre,


> pense-t-on ; et l'on voit la trace d'un sourire.
>

suite
Atque in amore mala haec proprio summeque secundo
inveniuntur; in adverso vero atque inopi sunt,
prendere quae possis oculorum lumine operto,
innumerabilia; ut melius vigilare sit ante,
qua docui ratione, cavereque, ne inliciaris.
nam vitare, plagas in amoris ne iaciamur,
non ita difficile est quam captum retibus ipsis
exire et validos Veneris perrumpere nodos.
et tamen implicitus quoque possis inque peditus
effugere infestum, nisi tute tibi obvius obstes 1150
et praetermittas animi vitia omnia primum
aut quae corporis sunt eius, quam praepetis ac vis.
Nam faciunt homines plerumque cupidine caeci
et tribuunt ea quae non sunt his commoda vere.
Multimodis igitur pravas turpisque videmus
esse in deliciis summoque in honore vigere.
atque alios alii inrident Veneremque suadent
ut placent, quoniam foedo adflictentur amore,
nec sua respiciunt miseri mala maxima saepe.
Nigra melichrus est, inmunda et fetida acosmos, 1160
caesia Palladium, nervosa et lignea dorcas,
parvula, pumilio, chariton mia, tota merum sal,
magna atque inmanis cataplexis plenaque honoris.
balba loqui non quit, traulizi, muta pudens est;
at flagrans, odiosa, loquacula Lampadium fit.
ischnon eromenion tum fit, cum vivere non quit
prae macie; rhadine verost iam mortua tussi.
at nimia et mammosa Ceres est ipsa ab Iaccho,
simula Silena ac Saturast, labeosa philema.
Cetera de genere hoc longum est si dicere coner. 1170

traduction


Et ces maux, on les a dans l'amour qui prospère ;
> s'il est pauvre et contraire, ils seront si nombreux
> que tu peux les saisir même en fermant les yeux.
> Mieux vaut donc se tenir par avance éveillé,
> en suivant mes leçons, pour échapper au piège.
>
> Car éviter l'amour n'est pas si difficile
> qu'une fois prisonnier, de sortir de ses rets,

> et de rompre les noeuds solides de Vénus.


> Et pourtant, même pris et entravé, tu peux
> encor fuir l'ennemi, si tu n'as fait obstacle
> à toi-même, en passant outre aux défauts de l'âme,
> ou bien à ceux du corps, de celle que tu veux.
>
> Ainsi font-ils, tous ceux que le désir aveugle :
> ils attribuent des biens à qui ne les a pas.
> C'est pourquoi nous voyons d'infâmes laiderons
> tenus en grand honneur et parmi les délices.
> Et chacun rit de l'autre, et conseille au malade
> que l'amour avilit, d'aller calmer Vénus ;
> sans voir, les malheureux, qu'ils sont les plus atteints.

> La noiraude est de miel, la malpropre qui pue
> est nature, sans fard ; la loucheuse est Pallas,
> le sac d'os, toute en bois nerveux, une gazelle ;
> la naine, un pur cristal ; la géante, imposante ;
> la muette est modeste et la bègue gazouille,
> la mégère, odieuse et bavarde, est de flammes ;
> fragile, celle qui va mourir de maigreur ;
> si la toux l'a déjà tuée, elle est délicate.
> La grosse mamelue est Cérès accouchée
> de Bacchus ; la camuse, un Silène, un Satyre ;
> la lippue, un baiser. C'est trop long de tout dire.
>

suite
Sed tamen esto iam quantovis oris honore,
cui Veneris membris vis omnibus exoriatur;
nempe aliae quoque sunt; nempe hac sine viximus ante;
nempe eadem facit et scimus facere omnia turpi
et miseram taetris se suffit odoribus ipsa,
quam famulae longe fugitant furtimque cachinnant.
At lacrimans exclusus amator limina saepe
floribus et sertis operit postisque superbos
unguit amaracino et foribus miser oscula figit;
quem si iam ammissum venientem offenderit aura 1180
una modo, causas abeundi quaerat honestas
et meditata diu cadat alte sumpta querella
stultitiaque ibi se damnet, tribuisse quod illi
plus videat quam mortali concedere par est.
Nec Veneres nostras hoc fallit; quo magis ipsae
omnia summo opere hos vitae poscaenia celant,
quos retinere volunt adstrictosque esse in amore.
Nequiquam, quoniam tu animo tamen omnia possis
protrahere in lucem atque omnis inquirere risus
et, si bello animost et non odiosa, vicissim 1190
praetermittere [et] humanis concedere rebus.

traduction


> Mais soit : sa figure a tout l'honneur que tu veux,
> et Vénus tout entière en son corps s'est levée ;
> mais ce n'est pas la seule ; on a vécu sans elle ;
> elle fait, on le sait, ce que fait une laide ;
> la pauvre se parfume avec des puanteurs,
> ses servantes s'enfuient et vont rire en cachette.
>
> Mais l'amant éconduit pleure devant le seuil,
> le recouvre de fleurs ; sur la porte implacable,
> il plante ses baisers, répand la marjolaine.
> Le pauvre ! S'il entrait, à la première odeur
> il prendrait un prétexte honorable pour fuir.
> Sa plainte longuement méditée en son coeur,
> tomberait. Condamnant sa sottise, il verrait
> qu'il lui a attribué plus qu'à une mortelle.
>
> Et cela, nos Vénus ne l'ont pas négligé,
> qui ont soin de cacher leur vie et ses coulisses
> à ceux qu'elles voudraient enchaîner dans l'amour.
> En vain, puisque tu peux user de ton esprit
> pour tout tirer au clair, et chercher de quoi rire ;
> si elle a bel esprit et n'est pas odieuse,
> alors, passe outre, et cède à la nature humaine.
>

suite
Nec mulier semper ficto suspirat amore,
quae conplexa viri corpus cum corpore iungit
et tenet adsuctis umectans oscula labris;
nam facit ex animo saepe et communia quaerens
gaudia sollicitat spatium decurrere amoris.
nec ratione alia volucres armenta feraeque
et pecudes et equae maribus subsidere possent,
si non, ipsa quod illarum subat, ardet abundans
natura et Venerem salientum laeta retractat. 1200
Nonne vides etiam quos mutua saepe voluptas
vinxit, ut in vinclis communibus excrucientur,
in triviis cum saepe canes discedere aventis
divorsi cupide summis ex viribus tendunt,
quom interea validis Veneris compagibus haerent?
Quod facerent numquam, nisi mutua gaudia nossent,
quae iacere in fraudem possent vinctosque tenere.
Quare etiam atque etiam, ut dico, est communi' voluptas.

traduction


> Et les soupirs d'amour ne sont pas toujours feints
> chez la femme qui joint son corps au corps de l'homme,
> et le tient en mouillant ses lèvres de baisers.
> Souvent c'est de bon coeur, cherchant des joies mutuelles,
> qu'elle invite à courir la carrière amoureuse.
> Autrement les oiseaux, les bestiaux et les fauves,
> les brebis, les juments, ne céderaient aux mâles,
> si l'ardeur de leur rut n'était pas naturelle,
> s'ils ne goûtaient aussi la Vénus des saillies.
>
> Vois ceux que le plaisir réciproque a vaincus,
> comme ils sont torturés dans leurs chaînes communes !
> Au carrefour deux chiens voulant se séparer
> tirent en sens contraire avec toutes leurs forces,
> fixés qu'ils sont aux liens solides de Vénus !
> Ils n'en seraient pas là, sans les joies réciproques
> qui ont pu les jeter et tenir dans le piège.
> C'est pourquoi je le dis : le plaisir est mutuel.
>

suite
Et commiscendo quom semine forte virilem
femina vim vicit subita vi corripuitque, 1210
tum similes matrum materno semine fiunt,
ut patribus patrio. Sed quos utriusque figurae
esse vides, iuxtim miscentes vulta parentum,
corpore de patrio et materno sanguine crescunt,
semina cum Veneris stimulis excita per artus
obvia conflixit conspirans mutuus ardor,
et neque utrum superavit eorum nec superatumst.
Fit quoque ut inter dum similes existere avorum
possint et referant proavorum saepe figuras,
propterea quia multa modis primordia multis 1220
mixta suo celant in corpore saepe parentis,
quae patribus patres tradunt a stirpe profecta.
inde Venus varia producit sorte figuras,
maiorumque refert voltus vocesque comasque;
quandoquidem nihilo minus haec [de] semine certo
fiunt quam facies et corpora membraque nobis.
et muliebre oritur patrio de semine saeclum
maternoque mares existunt corpore creti;
semper enim partus duplici de semine constat,
atque utri similest magis id quod cumque creatur, 1230
eius habet plus parte aequa; quod cernere possis,
sive virum suboles sivest muliebris origo.

traduction


> > Au moment du mélange entre les deux semences,
> si sur l'homme la femme emporte la victoire,
> de sa semence naît l'enfant qui lui ressemble ;
> comme l'enfant semblable au père est né du père.
> Mais ceux qu'on voit tenir des deux, mêlant leurs traits,
> sont nés du corps du père et du sang de la mère :
> l'aiguillon de Vénus a croisé les semences,
> une mutuelle ardeur les a fait conspirer,
> et aucune des deux n'a triomphé de l'autre.
> Et parfois les enfants ressemblent aux aïeux,
> souvent aux bisaïeux, dont ils ont le visage.
> C'est que sont enfermés, dans le corps des parents,
> diversement mêlés, un grand nombre d'atomes,
> transmis depuis la souche aux enfants par les pères.
>
> De là vient que Vénus tire au sort les figures,
> reprend les traits des vieux, leur voix et leur cheveux.
> Car tout cela provient de certaines semences,
> tout autant que les traits, les membres et le corps.
> De la semence du père une fille peut naître,
> et le corps maternel peut concevoir un mâle.
> Car l'enfant naît toujours d'une double semence,
> mais il ressemble plus à qui lui donne plus :
> ce qu'on peut observer sur les deux ascendances,
> engeance masculine ou race féminine.
>

suite
Nec divina satum genitalem numina cuiquam
absterrent, pater a gnatis ne dulcibus umquam
appelletur et ut sterili Venere exigat aevom;
quod plerumque putant et multo sanguine maesti
conspergunt aras adolentque altaria donis,
ut gravidas reddant uxores semine largo;
ne quiquam divom numen sortisque fatigant;
nam steriles nimium crasso sunt semine partim, 1240
et liquido praeter iustum tenuique vicissim.
Tenve locis quia non potis est adfigere adhaesum,
liquitur extemplo et revocatum cedit abortu.
Crassius hinc porro quoniam concretius aequo
mittitur, aut non tam prolixo provolat ictu
aut penetrare locos aeque nequit aut penetratum
aegre admiscetur muliebri semine semen.
Nam multum harmoniae Veneris differre videntur.
atque alias alii complent magis ex aliisque
succipiunt aliae pondus magis inque gravescunt. 1250
Et multae steriles Hymenaeis ante fuerunt
pluribus et nactae post sunt tamen unde puellos
suscipere et partu possent ditescere dulci.
et quibus ante domi fecundae saepe nequissent
uxoris parere, inventast illis quoque compar
natura, ut possent gnatis munire senectam.
Usque adeo magni refert, ut semina possint
seminibus commisceri genitaliter apta
crassaque conveniant liquidis et liquida crassis.
atque in eo refert quo victu vita colatur; 1260
namque aliis rebus concrescunt semina membris
atque aliis extenvantur tabentque vicissim.

traduction

suite
Et quibus ipsa modis tractetur blanda voluptas.
id quoque permagni refert; nam more ferarum
quadrupedumque magis ritu plerumque putantur
concipere uxores, quia sic loca sumere possunt
pectoribus positis sublatis semina lumbis.
nec molles opus sunt motus uxoribus hilum.
nam mulier prohibet se concipere atque repugnat,
clunibus ipsa viri Venerem si laeta retractat 1270
atque exossato ciet omni pectore fluctus;
eicit enim sulcum recta regione viaque
vomeris atque locis avertit seminis ictum.
Idque sua causa consuerunt scorta moveri,
ne complerentur crebro gravidaeque iacerent,
et simul ipsa viris Venus ut concinnior esset;
coniugibus quod nil nostris opus esse videtur.
Nec divinitus inter dum Venerisque sagittis
deteriore fit ut forma muliercula ametur;
nam facit ipsa suis inter dum femina factis 1280
morigerisque modis et munde corpore culto,
ut facile insuescat secum [te] degere vitam.
quod super est, consuetudo concinnat amorem;
nam leviter quamvis quod crebro tunditur ictu,
vincitur in longo spatio tamen atque labascit.
nonne vides etiam guttas in saxa cadentis
umoris longo in spatio pertundere saxa?

traduction

> fin


questions


> aux vers 1032 et 1065, quisque semble signifier plutôt cuicumque. Sens
> attesté par Gaffiot. mais je ne suis pas sûr.faut-il comprendre n'importe
> quel corps, ou chaque corps, tous les corps? la nuance n'est pas
> négligeable.
>
>
> 1076: à quoi se rapporte potiundi? au moment de le prendre (le plaisir) ou
> lors de la possession (de se prendre) ?
>

> 1096: misella est-il un neutre pluriel, se rapportant simulacra, ou un

Métrodore

unread,
Jul 26, 2000, 1:43:50 PM7/26/00
to

Anaxagore <rdel...@cybercable.fr> a écrit dans le message :
397c4...@194.78.84.155...

>
> P.S Vous aviez dit que vous travailliez sur une traduction de la
> Lettre à Ménécée : voilà qui m'intéresserait au plus haut point ?
> Serait-il possible de commencer à poster le texte grec sur l'un des
> forums de grec ?
> Voici une adresse qui vous explique comment configurer logiciels et
> systèmes d'exploitation pour pouvoir écrire en grec polytonique.
> http://club.euronet.be/frederique.bouras/utf8grec.htm


merci; en ce qui concerne le texte, j'utilise celui établi par Bollack dans
"la pensée du plaisir", qui comme je vous l'ai dit est dépouillé de toutes
les scories ajoutées par les éditeurs, et qui présente de juteuses
difficultés de traduction et de compréhension : a-ton le droit de publier en
ligne ce texte, c'est là la question? si non il suffit de prendre une
vieille édition comme celle de von der Mühl, et de prendre les leçons de P
(Parisinus). mais peut-être le texte est déjà en ligne quelque part? ca
m'arrangerait. enfin, vous parlez de l'un des forums de grex, il y en a donc
plusieurs?

Métrodore

unread,
Jul 28, 2000, 3:29:10 AM7/28/00
to

> | Au jour où s'introduit dans les détroits de l'âge
> | > la semence venue à sa maturation,
>
> Tum quibus aetatis freta primitus insinuatur 1030
> semen, ubi ipsa dies membris matura creavit,
>
> Alors, au commencement, la fougue de l'âge introduit la semence
> dans l'endroit où le jour a créé les mêmes ardeurs venues à maturation
> dans les membres.
> [ A mon avis vous faites un contre-sens : freta neutre pluriel est
> sujet de insinuatur ( freta = singulier collectif ). Ensuite ipsa
> matura reprend freta ]
> Je crois que la périphrase correspond tout simplement au sexe de la
> femme :-) . En clair, il veut dire que le jour où un homme et une
> femme se désirent, il y a pénétration puis éjaculation - pardonnez la
> crudité de mon propos-.

Mea culpa, j'ai négligé de préciser le contexte. votre interprétation est
séduisante et même troublante, je ne vois rien à répliquer grammaticlement,
mais elle ne correspond pas au contexte: il s'agit ici (voir ce qui précède,
depuis 962) des rêves érotiques, qui justement font l'économie des rapports
effectifs, donc ici il faut expliquer pourquoi il n'y a pas de pénétration.
tum quibus se place à la fin d'une énumération (ceux qui croient boire en
rêve, ceux qui font pipi au lit en croyant voir un urinoir ) ; cette fois
c'est le phénomène des pollutions nocturnes des adolescents. primitus, ce
sont les premières manifestations de la semence. ce passage fait transition
avec le développement sur l'amour (1037 sqq), qui est une sorte de rêve
éveillé.
- ne vous excusez pas pour la crudité, on va en voir d'autres...

pour la construction de freta je suis d'accord, je cherche une traduction
plus appropriée. par contre ne faut-il pas accorder matura avec dies? c'est
du moins ce que propose Ernout dans son commentaire, en citant III, 1039,
matura vetustas. du reste ça ne change pas grand chose au sens. quant à ubi,
pour la même raison que ci-dessus, il me semble que cela ne peut désigner le
lieu féminin, mais développe le temps, dans un parallèle très fréquent chez
Lucrèce, qui traduit aussitôt les formules poétiques de manière concrète; de
sorte que je me demande s'il ne faut pas faire passer semen dans la deuxième
partie, qui explicite le première: ubi ipsa dies matura semen membris
creavit, "càd, quand la maturité crée dans les membres la semence". simple
hypothèse..


>
> | > on voit de quelque corps venir les simulacres,
> | > messagers d'un visage éclatant de beauté,
> | > qui excite les lieux gonflés par la semence :
> | > croyant avoir tout fait, on répand tout un fleuve,
> | > souillant son vêtement comme de flots de sang.
>

> conveniunt simulacra foris e corpore quoque,
> | nuntia praeclari voltus pulchrique coloris,
>

> les simulacres se rassemblent au dehors issu aussi du corps
> messagers d'un visage éclatant et de belle couleur,

si je comprends bien, les simulacres seraient issus du même corps qui
produit la semence, et partiraient à l'extérieur? pour aller où?; d'autre
part quoque ne peut si je ne me trompe être l'adverbe, puisque le o de
celui-ci est bref alors qu'ici c'est nécessairement une longue, si je me
souviens bien de la métrique de l'hexamètre; donc c'est quisque. je
comprends: les simulacres se rassemblent issus de chaque (ou plutôt ici de
quelque, quisque pouvant signifier quilibet, d'après Gaffiot) corps
extérieur. il s'agit d'un fantasme: à partir de corps extérieurs, on
fabrique un idéal de beauté à des fins érotiques.

> | qui ciet inritans loca turgida semine multo,
> | ut quasi transactis saepe omnibus rebus profundant
> | fluminis ingentis fluctus vestemque cruentent.
>

> qui met en mouvement en les excitant les lieux gonflés de beaucoup de
> semence
> de sorte qu'ils se répandent en des lieux souvent traversés
> comme si les flots d'un immense fleuve souillaient un vêtement.

que faites-vous de omnibus? même remarque qu'au début, il s'agit d'expliquer
une illusion; quasi transactis saepe omnibus me paraît signifier: comme si
tout avait été fait souvent, autrement dit comme si le rapport avait été
consommé. et du coup ils souillent vraiment leur vêtement, à l'instar de
ceux qui inondent leur tapis de Babylone (1029). que faites-vous de
cruentent: l'image du sang n'est-elle pas à retenir?


>
> | >
> | > La semence en question commence à nous troubler
> | > dès que l'adolescence affermit nos organes.
> | > Chaque être a son moteur, qui seul peut l'ébranler :
> seul l'homme arrache à l'homme une semence humaine
>
>

> | Sollicitatur id [in] nobis, quod diximus ante,
> | semen, adulta aetas cum primum roborat artus.
> | Namque alias aliud res commovet atque lacessit ;
> | ex homine humanum semen ciet una hominis vis. 1040
>

> cette semence nous trouble, ce que j'ai dit auparavant,
> dès qu'un âge plus avancé fortifie les membres.
> En effet, une chose meut et ébranle d'autres choses ;

ce n'est pas très clair: ne faut-il pas comprendre: une chose appropriée
chaque chose a sa chose appropriée pour l'exciter.
quod ne peut se rapporter directement à semen? "cette semence, dont nous
venons de parler,.."

> seule la vitalité de l'humain met en mouvement une semence issue de
> l'humain.
>
>
> Je n'ai pas traduit en alexandrins - cela reste à faire -, mais si
> vous voulez mon avis, votre traduction des 11 premiers vers est trop
> éloignée du texte, et contient parfois des contre-sens.
>
> Mais nous pouvons essayer d'en rédiger une nouvelle ensemble. Vous
> avez l'air doué pour la versification.
>
> En ce qui concerne la lettre à Ménécée, aucun crainte à avoir, vous
> pouvez écrire le texte établi, il s'agit d'un texte d'auteur qui est
> dansle domaine public.

ok pour Ménécée: je vais m'initier à l'écriture du grec sur ordinateur. mais
on va déjà avoir du fil à retordre sur Lucrèce, et Ménécée est autrement
difficile!

bien à vous.
Métrodore
>
>


Anaxagore

unread,
Jul 28, 2000, 5:07:33 AM7/28/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
39813...@194.78.84.155...

|
| Mea culpa, j'ai négligé de préciser le contexte. votre
interprétation est
| séduisante et même troublante, je ne vois rien à répliquer
grammaticlement,
| mais elle ne correspond pas au contexte: il s'agit ici (voir ce qui
précède,
| depuis 962) des rêves érotiques, qui justement font l'économie des
rapports
| effectifs, donc ici il faut expliquer pourquoi il n'y a pas de
pénétration.
| tum quibus se place à la fin d'une énumération (ceux qui croient
boire en
| rêve, ceux qui font pipi au lit en croyant voir un urinoir ) ; cette
fois
| c'est le phénomène des pollutions nocturnes des adolescents.
primitus, ce
| sont les premières manifestations de la semence. ce passage fait
transition
| avec le développement sur l'amour (1037 sqq), qui est une sorte de
rêve
| éveillé.
| - ne vous excusez pas pour la crudité, on va en voir d'autres...

freta traduit par fougue, j'en ai trouvé le sens dans le Gaffiot.
peut-être que Lucrèce veut justement insister sur le sentiment de
réalité qui agite nos adolescents ?


|
| pour la construction de freta je suis d'accord, je cherche une
traduction
| plus appropriée. par contre ne faut-il pas accorder matura avec
dies? c'est
| du moins ce que propose Ernout dans son commentaire, en citant III,
1039,
| matura vetustas. du reste ça ne change pas grand chose au sens.

Pour moi, matura s'accorde avec ipsa qui reprend freta. Le jour où les
ardeurs ( de la jeune fille ) sont à maturation, les ardeurs ( du
jeune homme ) introduisent la semence. Autre possibilité, peut-être
Lucrèce fait-il allusion au sexe masculin et non au sexe féminin,
décrivant ainsi la montée de la semence au sein de l'appareil génital
masculin ? Cela me paraît non moins concevable.

quant à ubi,
| pour la même raison que ci-dessus, il me semble que cela ne peut
désigner le
| lieu féminin, mais développe le temps, dans un parallèle très
fréquent chez
| Lucrèce, qui traduit aussitôt les formules poétiques de manière
concrète; de
| sorte que je me demande s'il ne faut pas faire passer semen dans la
deuxième
| partie, qui explicite le première: ubi ipsa dies matura semen
membris
| creavit, "càd, quand la maturité crée dans les membres la semence".
simple
| hypothèse..

J'y ai pensé aussi, mais j'ai écarté cette hypothèse. Non, je crois
que Lucrèce distingue ardeur dans les rêves puis son corollaire
inévitable un jour, ardeur dans les membres, lorsqu'elle est à
maturation.


| > conveniunt simulacra foris e corpore quoque,
| > | nuntia praeclari voltus pulchrique coloris,
| >
| > les simulacres se rassemblent au dehors issu aussi du corps
| > messagers d'un visage éclatant et de belle couleur,
|
| si je comprends bien, les simulacres seraient issus du même corps
qui
| produit la semence, et partiraient à l'extérieur? pour aller où?;

Au chant IV v54-64 et 72-86, Lucrèce explique la théorie des
simulacres qu'il reprend aux Epicuriens ; pour eux, tous les corps
émettent des simulacres semblables à eux-mêmes qui pénètrent dans
l'organisme de l'être sentant. C'est ainsi qu'ils expliquent les
sensations. Lucrèce écrit " Et certes, ces émanations abondantes, nous
voyons beaucoup de corps les émettre non seulement de leur profondeur,
mais de leur surface..."
Maintenant, pour aller où, bonne question...

d'autre
| part quoque ne peut si je ne me trompe être l'adverbe, puisque le o
de
| celui-ci est bref alors qu'ici c'est nécessairement une longue, si
je me
| souviens bien de la métrique de l'hexamètre; donc c'est quisque. je
| comprends: les simulacres se rassemblent issus de chaque (ou plutôt
ici de
| quelque, quisque pouvant signifier quilibet, d'après Gaffiot) corps
| extérieur.

Vous avez raison : je me suis trompé dans mon analyse pour quoque, et
hélas, je dois avouer à ma grande honte, que la métrique n'est pas mon
fort...
En revanche, pour "quisque" le sens est bien "chaque". Donc issu de
chaque corps.
En outre, "quisque" peut être voisin de "quilibet", mais non
équivalent. Mon interprétation est que Lucrèce fait allusion à chaque
corps d'adolescent.


| > | qui ciet inritans loca turgida semine multo,
| > | ut quasi transactis saepe omnibus rebus profundant
| > | fluminis ingentis fluctus vestemque cruentent.
| >
| > qui met en mouvement en les excitant les lieux gonflés de beaucoup
de
| > semence
| > de sorte qu'ils se répandent en des lieux souvent traversés
| > comme si les flots d'un immense fleuve souillaient un vêtement.
|
| que faites-vous de omnibus? même remarque qu'au début, il s'agit
d'expliquer
| une illusion; quasi transactis saepe omnibus me paraît signifier:
comme si
| tout avait été fait souvent, autrement dit comme si le rapport avait
été
| consommé. et du coup ils souillent vraiment leur vêtement, à
l'instar de
| ceux qui inondent leur tapis de Babylone (1029). que faites-vous de
| cruentent: l'image du sang n'est-elle pas à retenir?

Eh bien je reprends l'hypothèse par laquelle je vous ai répondu. Il
s'agit du sexe masculin. Les lieux gonflés de semence doivent être les
testicules, et les lieux traversés le pénis.
mot à mot : profundant/ils se répandent, transactis saepe omnibus
rebus/ dans toutes les choses souvent traversées : j'ai vu dans cet
ablatif un ablatif de lieu. Il demeure un problème, il est vrai, c'est
qu'il y a mouvement, donc on pourrait attendre l'accusatif, mais les
"choses souvent traversées" ne sont pas le but final de la semence,
enfin des simulacres. En outre, on peut supposer que Lucrèce a
conscience que appareil génital et appareil urinaire sont identiques :
peut-être veut-il faire allusion aux nombeuses fois où le jeune homme
aurait uriné.
Pour l'image du sang, je vous avoue que j'ai hésité. dans mon
hyptohèse première, j'avais songé au premier rapport sexuel avec une
jeune fille qui peut amener des pertes de sang. rappelons que c'est un
beau corps qui met en mouvement des leiux gonflés de semence
irritans loca turgida semine ). Le "ut" consécutif serait donc
d'autant plus justifié que le déchirement de l'hymen, et donc la
présence de sang, serait la conséquence de cette mise en mouvement
allers et retours du pénis, en fait ).


| >
| > | >
| > | > La semence en question commence à nous troubler
| > | > dès que l'adolescence affermit nos organes.
| > | > Chaque être a son moteur, qui seul peut l'ébranler :
| > seul l'homme arrache à l'homme une semence humaine
| >
| >
| > | Sollicitatur id [in] nobis, quod diximus ante,
| > | semen, adulta aetas cum primum roborat artus.
| > | Namque alias aliud res commovet atque lacessit ;
| > | ex homine humanum semen ciet una hominis vis. 1040
| >
| > cette semence nous trouble, ce que j'ai dit auparavant,
| > dès qu'un âge plus avancé fortifie les membres.
| > En effet, une chose meut et ébranle d'autres choses ;
|
| ce n'est pas très clair: ne faut-il pas comprendre: une chose
appropriée
| chaque chose a sa chose appropriée pour l'exciter.

Cela doit être certainement cela. Je vous avoue que j'ai trouvé la
phrase obscure...
Jusqu'ici, j'ai présumé que alias était adjectif. mais peut-être
est-il adverbe et dans ces conditions, son "a" est long. Pouvez-vous
vérifier au niveau de la scansion ?
Cela donnerait :
Car d'autres fois une chose excite et trouble une autre <semence> ?
aliud serait adjectif sous-entendu de "semen" ?

| quod ne peut se rapporter directement à semen? "cette semence, dont
nous
| venons de parler,.."

Et bien oui, c'est bien ainsi que je l'entends "id semen...quod".

|
| > seule la vitalité de l'humain met en mouvement une semence issue
de
| > l'humain.

| ok pour Ménécée: je vais m'initier à l'écriture du grec sur
ordinateur. mais
| on va déjà avoir du fil à retordre sur Lucrèce, et Ménécée est
autrement
| difficile!

Certes, mais la perspective de traduire la lettre à Ménécée me met
l'eau à la bouche :-)))
Pour l'écriture du grec sur ordinateur, vous avez tout ce qu'il vous
faut à cette adresse-ci :
http://club.euronet.be/frederique.bouras/utf8grec.htm
Tout y est.
Très cordialement à vous
Anaxagore


Métrodore

unread,
Jul 28, 2000, 12:29:24 PM7/28/00
to

Anaxagore <rdel...@cybercable.fr> a écrit dans le message :
39814...@194.78.84.155...

>
> freta traduit par fougue, j'en ai trouvé le sens dans le Gaffiot.
> peut-être que Lucrèce veut justement insister sur le sentiment de
> réalité qui agite nos adolescents ?

> oui mais freta signifie au sens propre détroit, puis poétiquement, les
flots. au chant VI, 364, les saisons de transition sont qualifiées de fretus
anni. je pense que l'image désigne les flots que le détroit rend
bouillonnant. la traduction de Gaffiot perd l'image. après tout faut-il
toujours suivre Gaffiot? ...


> |
> | pour la construction de freta je suis d'accord, je cherche une
> traduction
> | plus appropriée. par contre ne faut-il pas accorder matura avec
> dies? c'est
> | du moins ce que propose Ernout dans son commentaire, en citant III,
> 1039,
> | matura vetustas. du reste ça ne change pas grand chose au sens.
>
> Pour moi, matura s'accorde avec ipsa qui reprend freta. Le jour où les
> ardeurs ( de la jeune fille ) sont à maturation, les ardeurs ( du
> jeune homme ) introduisent la semence. Autre possibilité, peut-être
> Lucrèce fait-il allusion au sexe masculin et non au sexe féminin,
> décrivant ainsi la montée de la semence au sein de l'appareil génital
> masculin ? Cela me paraît non moins concevable.

eh bien, merci de me donner l'autorisation de retenir cette conception ,
mais il est plus important encore épicuriennement parlant de considérer la
pluralité des hypothèses possibles. cela dit, je ne suis pas encore sûr que
la vôtre soit possible; elle me paraît un peu trop finaliste (suppose une
harmonie préétablie entre l'homme et la femme), et expéditive; alors que
toute la suite va expliquer comment procède le mécanisme du désir. il me
semble d'autre part que la femme n'apparaît que plus loin, à la fin. s'il
était question d'elle, Lucrèce serait plus explicite. cela dit il y a au
moins un traducteur qui comprend ainsi, Lagrange, et qui pense que le sang
est en effet une allusion non à la défloration, mais aux règles. mais je ne
vois pas en quoi les règles seraient causées par une excitaton érotique.

>
> J'y ai pensé aussi, mais j'ai écarté cette hypothèse. Non, je crois
> que Lucrèce distingue ardeur dans les rêves puis son corollaire
> inévitable un jour, ardeur dans les membres, lorsqu'elle est à
> maturation.

.... mais je ne vois pas comment les rêves pourraient précéder l'état du
corps, Lucrèce n'est pas Freud.. mais il est vrai que d'un point de vue
épicurien il est important que le désir sexuel se manifeste à un certain âge
seulement: il n'est donc pas nécessaire à la vie.


>
> | > conveniunt simulacra foris e corpore quoque,
> | > | nuntia praeclari voltus pulchrique coloris,
> | >
> | > les simulacres se rassemblent au dehors issu aussi du corps
> | > messagers d'un visage éclatant et de belle couleur,
> |
> | si je comprends bien, les simulacres seraient issus du même corps
> qui
> | produit la semence, et partiraient à l'extérieur? pour aller où?;
>
> Au chant IV v54-64 et 72-86, Lucrèce explique la théorie des
> simulacres qu'il reprend aux Epicuriens ; pour eux, tous les corps
> émettent des simulacres semblables à eux-mêmes qui pénètrent dans
> l'organisme de l'être sentant. C'est ainsi qu'ils expliquent les
> sensations. Lucrèce écrit " Et certes, ces émanations abondantes, nous
> voyons beaucoup de corps les émettre non seulement de leur profondeur,
> mais de leur surface..."
> Maintenant, pour aller où, bonne question...

bien sûr j'ai lu ce qui précède ! (j'ai tout traduit avant d'en venir là..).
ce qui me paraissait ici étrange dans votre traduction, c'est que ce soit la
même personne qui émette des simulacres et la semence. je ne vois pas en
quoi l'émission de simulacres par les adolescents entraînerait, pour le même
adolescent, une éjaculation. je comprends plutôt: de chaque corps viennent
des simulacres qui s'assemblent pour former à ses yeux une image idéale,
promesse de beauté, etc.
>

je me permets à nouveau de vous renvoyer au texte qui précède:

flumen item sitiens aut fontem propter amoenum
adsidet et totum prope faucibus occupat amnem.
puri saepe lacum propter si ac dolia curta
somno devincti credunt se extollere vestem,
totius umorem saccatum corporis fundunt,
cum Babylonica magnifico splendore rigantur.
tum quibus aetatis freta primitus insinuatur...

dans votre interprétation, on ne voit pas du tout la transition: pourquoi
Lucrèce passerait-il à une description pure des rapports sexuels? d'autant
que cette description ne contient pas d'explication, ce qui n'est pas dans
ses habitudes. c'est pourquoi en fait je ne peux pas la retenir: elle ne me
paraît pas suffisamment dotée d'intérêt philosophique. je reconnais que cet
argument n'a pas de valeur philologique, et puis peut-être me montrerez-vous
cet intérêt. j'ajoute néanmoins quelques arguments :

pour l'image du sang, on la retrouve plus loin dans un sens comparatif
(1049 -50).
"comme si les flots d'un immense fleuve souillaient un vêtement", cette
image me paraît vraiment bizarre...
comme il est étrange que quasi se trouve si loin de ce qu'il qualifie;
enfin rebus ne désigne jamais (à ma connaissance) chez Lucrèce des parties
d'un corps. on pourrait très bien traduire mot à mot: "comme s'il avait fait
ltoute la chose".
je pourrais aussi faire valoir qu'aucun traducteur ne comprend comme vous,
et que tous comprennent ce passage comme moi ("dans l'illusion d'avoir
consommé l'acte", dit ernout); mais sur le conseil de Socrate, je
dédaignerai cet argument vulgaire. en fait je crois que tout dépend de la
lecture d'ensemble: après Lucrèce explique comment "s'objective" le désir.
donc je vous propose de continuer, et on pourra y revenir plus tard. mais au
fait, où sont les autres latinistes ?!

> | > | > La semence en question commence à nous troubler
> | > | > dès que l'adolescence affermit nos organes.
> | > | > Chaque être a son moteur, qui seul peut l'ébranler :
> | > seul l'homme arrache à l'homme une semence humaine
> | >
> | >
> | > | Sollicitatur id [in] nobis, quod diximus ante,
> | > | semen, adulta aetas cum primum roborat artus.
> | > | Namque alias aliud res commovet atque lacessit ;
> | > | ex homine humanum semen ciet una hominis vis. 1040
> | >
> | > cette semence nous trouble, ce que j'ai dit auparavant,
> | > dès qu'un âge plus avancé fortifie les membres.
> | > En effet, une chose meut et ébranle d'autres choses ;
> |
> | ce n'est pas très clair: ne faut-il pas comprendre: une chose
> appropriée
> | chaque chose a sa chose appropriée pour l'exciter.
>
> Cela doit être certainement cela. Je vous avoue que j'ai trouvé la
> phrase obscure...
> Jusqu'ici, j'ai présumé que alias était adjectif. mais peut-être
> est-il adverbe et dans ces conditions, son "a" est long. Pouvez-vous
> vérifier au niveau de la scansion ?
> Cela donnerait :
> Car d'autres fois une chose excite et trouble une autre <semence> ?
> aliud serait adjectif sous-entendu de "semen" ?

du point de vue métrique l'adverbe et l'adjectif sont identiques (alias:
vv-), si je ne me trompe, mais je pense comme vous que c'est un adjectif. un
objet différent met en branle des choses différentes. tournure latine pour
dire: chaque objet a sa cause d'excitation particulière. comme on dit en
français, autre la chose, autre la cause.

cordialement, Métrodore
>
>
>


Anaxagore

unread,
Jul 28, 2000, 4:38:45 PM7/28/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
3981c...@194.78.84.155...

| > oui mais freta signifie au sens propre détroit, puis poétiquement,
les
| flots. au chant VI, 364, les saisons de transition sont qualifiées
de fretus
| anni. je pense que l'image désigne les flots que le détroit rend
| bouillonnant. la traduction de Gaffiot perd l'image. après tout
faut-il
| toujours suivre Gaffiot? ...

Non, pas toujours, mais l'image des flots ne sera guère compréhensible
à un lecteur moderne.
Il faudrait trouver un moyen terme. Les détroits de l'âge me
paraissent vraiment obscurs. D'autant plus que "freta" est sujet
d'insinuatur...Ce n'est pas que je veux chipoter, mais la fougue a un
double-sens sur lequel on peut jouer : c'est à la fois l'ardeur, mais
aussi le mât qui supporte le plus l'effort du vent. D'une certaine
façon, l'image maritime est ainsi conservée. Non ? Où est-ce trop
capillotracté ? :-)


| eh bien, merci de me donner l'autorisation de retenir cette
conception ,
| mais il est plus important encore épicuriennement parlant de
considérer la
| pluralité des hypothèses possibles. cela dit, je ne suis pas encore
sûr que
| la vôtre soit possible; elle me paraît un peu trop finaliste
(suppose une
| harmonie préétablie entre l'homme et la femme), et expéditive;

Mon hypothèse ne me paraît pas finaliste, mais simplement mécaniste,
ce qui correspond tout à fait à la physique épicurienne. Il n'y a pas
d'harmonie particulière entre l'homme et la femme. Lucrèce constate
simplement l'apparition du désir chez chacun et en déduit ce qui se
produit. L'étude de la psychologie féminine était très sommaire à
l'époque, même chez les individus les plus avancés, et on peut
imaginer que Lucrèce ait pensé que les manifestations du désir chez
l'homme et la femme aient été identiques. On sait aujourd'hui qu'il
n'en est rien au moins à l'adolescence, en tout cas.

alors que
| toute la suite va expliquer comment procède le mécanisme du désir.
il me
| semble d'autre part que la femme n'apparaît que plus loin, à la fin.
s'il
| était question d'elle, Lucrèce serait plus explicite. cela dit il y
a au
| moins un traducteur qui comprend ainsi, Lagrange, et qui pense que
le sang
| est en effet une allusion non à la défloration, mais aux règles.
mais je ne

| vois pas en quoi les règles seraient causées par une excitation
érotique.

Il est clair que s'il l'interprète ainsi, cela pose problème. Cela
n'est logique que si l'on songe à la défloraison.

| ... mais je ne vois pas comment les rêves pourraient précéder l'état
du
| corps, Lucrèce n'est pas Freud.. mais il est vrai que d'un point de
vue
| épicurien il est important que le désir sexuel se manifeste à un
certain âge
| seulement: il n'est donc pas nécessaire à la vie.

Pas les rêves, le désir en tant que pensées.

| bien sûr j'ai lu ce qui précède ! (j'ai tout traduit avant d'en
venir là..).
| ce qui me paraissait ici étrange dans votre traduction, c'est que ce
soit la
| même personne qui émette des simulacres et la semence. je ne vois
pas en
| quoi l'émission de simulacres par les adolescents entraînerait, pour
le même
| adolescent, une éjaculation. je comprends plutôt: de chaque corps
viennent
| des simulacres qui s'assemblent pour former à ses yeux une image
idéale,
| promesse de beauté, etc.

C'est pour cela qu'il aurait été préférable d'imaginer que cela soit
les simulacres produits par ces corps de femmes, par exemple.


| je me permets à nouveau de vous renvoyer au texte qui précède:
|
| flumen item sitiens aut fontem propter amoenum
| adsidet et totum prope faucibus occupat amnem.
| puri saepe lacum propter si ac dolia curta
| somno devincti credunt se extollere vestem,
| totius umorem saccatum corporis fundunt,
| cum Babylonica magnifico splendore rigantur.
| tum quibus aetatis freta primitus insinuatur...
|
| dans votre interprétation, on ne voit pas du tout la transition:
pourquoi
| Lucrèce passerait-il à une description pure des rapports sexuels?
d'autant
| que cette description ne contient pas d'explication, ce qui n'est
pas dans
| ses habitudes. c'est pourquoi en fait je ne peux pas la retenir:
elle ne me
| paraît pas suffisamment dotée d'intérêt philosophique. je reconnais
que cet
| argument n'a pas de valeur philologique, et puis peut-être me
montrerez-vous
| cet intérêt.

Il s'agit depuis un moment des rêves érotiques. Vous ne prenez pas
garde au fait que le De rerum natura est un poème entier dédié à
Vénus, la déesse de l'amour. Le rêve érotique aboutit donc à quelque
chose d'effectif, voilà à mon avis la justification philosophique,
d'autant plus que le rêve est souvent chez les anciens une
manifestation de la puissance divine ( ici Vénus ). Nulle religiosité
de la part de Lucrèce, évidemment, mais simplement un clin d'oeil.

j'ajoute néanmoins quelques arguments :
|
| pour l'image du sang, on la retrouve plus loin dans un sens
comparatif
| (1049 -50).
| "comme si les flots d'un immense fleuve souillaient un vêtement",
cette
| image me paraît vraiment bizarre...

Voilà qui accrédite ce que je dis. le passage cité correspond
exactement à une première pénétration.
Comme vous le traduisez à juste titre, "le sang jaillit en direction
du lieu d'où vient le coup". Cela me semble très clair, non ?

| comme il est étrange que quasi se trouve si loin de ce qu'il
qualifie;

Oui, il est vrai que c'est ennuyeux. Ce n'est pas un problème. Il me
suffit de prendre quasi dans un sens adverbial et de le traduire par
"pour ainsi dire". dans ces conditions, la figure n'est plus une
comparaison, mais une métaphore, c'est tout :-)

| enfin rebus ne désigne jamais (à ma connaissance) chez Lucrèce des
parties
| d'un corps. on pourrait très bien traduire mot à mot: "comme s'il
avait fait
| ltoute la chose".

Certes. C'est le principal problème. En revanche, res désigne un corps
( Chant II 826, quanto in partes res quaeque minutas distrahitur
magis... = plus un corps est divisé en menues parties ). Traduisons
le par corps, alors.


| je pourrais aussi faire valoir qu'aucun traducteur ne comprend comme
vous,
| et que tous comprennent ce passage comme moi ("dans l'illusion
d'avoir
| consommé l'acte", dit ernout);

Il est vrai, mais les bonnes moeurs ont peut-être fait longtemps
obstacle à une autre interprétation ?

mais sur le conseil de Socrate, je
| dédaignerai cet argument vulgaire. en fait je crois que tout dépend
de la
| lecture d'ensemble: après Lucrèce explique comment "s'objective" le
désir.
| donc je vous propose de continuer, et on pourra y revenir plus tard.

Entendu. Dès que possible, je m'occupe des 10 vers suivants. Mais je
sens que ce débat ca revenir, à la lueur de ce que j'ai lu... :-)

mais au
| fait, où sont les autres latinistes ?!

Le problème, c'est qu'un certain nombre d'entre-eux sont un peu
occupés en ce moment... Les autres, à mon avis, ils suivent le débat.
Je pense qu'ils ne tarderont pas à intervenir. Il faut compter aussi
qu'un certain nombre d'entre-eux sont partis en vacances.


| du point de vue métrique l'adverbe et l'adjectif sont identiques
(alias:
| vv-), si je ne me trompe, mais je pense comme vous que c'est un
adjectif. un
| objet différent met en branle des choses différentes. tournure
latine pour
| dire: chaque objet a sa cause d'excitation particulière. comme on
dit en
| français, autre la chose, autre la cause.

Bon, si vous le dites, je fais confiance, car je n'ai pas vraiment
compris la tournure :-(
Cordialement
Anaxagore


Anaxagore

unread,
Jul 30, 2000, 8:24:12 AM7/30/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
39820...@194.78.84.155...

|
| >
| > Il s'agit depuis un moment des rêves érotiques. Vous ne prenez pas
| > garde au fait que le De rerum natura est un poème entier dédié à
| > Vénus, la déesse de l'amour. Le rêve érotique aboutit donc à
quelque
| > chose d'effectif, voilà à mon avis la justification philosophique,
| > d'autant plus que le rêve est souvent chez les anciens une
| > manifestation de la puissance divine ( ici Vénus ). Nulle
religiosité
| > de la part de Lucrèce, évidemment, mais simplement un clin d'oeil.
|
| hum! nous sommes je le crains en complet désaccord.. Vénus, me
semble-t-il,
| n'est pas la déesse de l'amour, mais du plaisir, hominum divomque
VOLUPTAS,
| qui est soigneusement distingué de l'amour par Lucrèce et les
épicuriens en
| général. l'amour non seulement n'est pas un dieu, mais c'est une
calamité.
| donc justement le rêve érotique,comme tout ce qui est érotique
d'ailleurs
| n'aboutit à rien, est "vain" (nequiquam, in cassum, etc: mataios
chez
| Epicure) parce que c'est un désir impossible comme on le verra plus
loin :
| un désir de fusion ou d'absorption. enfin selon les épicuriens le
rêve n'est
| pas la manifestation de la puissance divine (voyez la sentence
vaticane 24):
| c'est ce qu Lucrèce vient d'expliquer.

Je suis d'accord sur tout cela. Ou presque. Excusez déjà d'avoir
qualifié Vénus de déesse de l'amour. C'est une imprécision de ma part.
En fait, pour bien cerner ce que peut être l'énergie vénussienne, le
seul principe auquel je puisse la comparer est l'Eros d'Empédocle. En
fait, c'est essentiellement une force unificatrice et productrice.


| comme il me semble que cela, Lucrèce le répète partout, j'attends
votre
| lecture de la suite! bien sûr il faut s'entendre sur les mots, par
amour il
| faut comprendre l'éros, au sens platonicien: le désir de ce qu'on
n'a pas,
| qui néglige le plaisir comme dérisoire. certes Lucrèce a la plus
grande
| dévotion pour Vénus et je vous assure que j'y prends une garde
énorme :
| c'est elle qui va soigner les malheurs causés par eros (voyez
notamment
| 1071, 1084).

A propos d'Eros, voir supra, justement...

| mais justement c'est pour cela qu'il ne lui fait pas de clin d'oeil.
| l'affaire est trop sérieuse. c'est affaire, sinon de religiosité,
terme
| toujours négatif chez Lucrèce, du moins de piété.

C'est un clin d'oeil entre guillemets. Pour Lucrèce, le pouvoir de
Vénus est omniprésent, y compris dans les rêves. Il est évident que la
Vénus de Lucrèce est une force et non une déesse telle que la
superstition populaire le concevait.

| je m'y attendais! eh bien non, ce passage ne parle pas de la
défloration, à
| mon avis. c'est une comparaison avec la guerre, qui explique le
mécanisme
| amoureux. de même que l'ennemi tombe du côté de celui qui l'a
frappé, de
| même dans l'amour nous visons l'objet qui nous l'inspire, parce que
nous
| confondons la cause principale (la présence en nous de la semence)
et
| l'occasion (l'objet dont certains simulacres excitent cette
semence), et
| nous prenons l'occasion pour la cause. autrement dit l'amour est un
| sentiment de vengeance. le sang qui jaillit sur l'ennemi n'est pas
une image
| du sang de la jeune fille, mais du sperme de l'homme. sinon comment
| comprendre le sic igitur au vers 1052?

Je reprends les passage à partir de 1049 :

namque omnes plerumque cadunt in vulnus et illam
emicat in partem sanguis, unde icimur ictu, 1050
et si comminus est, hostem ruber occupat umor.

> Car on tombe souvent sur sa plaie, et le sang


> jaillit en direction du lieu d'où vient le coup,
> et dans un corps à corps, il couvre l'ennemi.

Il me semble au contraire que l'image du corps à corps est explicite
pour exprimer une scène de coït entre deux individus. En outre, la
Vénus de Lucrèce est une force toute instinctive et naturelle non
dénuée d'une certaine forme de violence. D'où la métaphore guerrière,
qui n'est de toutes façons pas nouvelle dans ce registre. Moi, je
reprendrai l'idée du liquide rouge, pour hostem ruber occupat umor.
Car, comme vous allez le voir par la suite, ce qui est important,
c'est qu'il y a un liquide. Rouge, quand il s'agit de sang, mais
différent s'il s'agit du sperme. Voir ma traduction ci-dessous pour
comprendre mieux cette remarque.

Sic igitur Veneris qui telis accipit ictus,
sive puer membris muliebribus hunc iaculatur
seu mulier toto iactans e corpore amorem,
unde feritur, eo tendit gestitque coire
et iacere umorem in corpus de corpore ductum;
namque voluptatem praesagit multa cupido.

Ainsi donc quelqu'un ( valeur possible de "qui" ) reçoit des coups par
les traits de Vénus,
Soit un jeune garçon lance celui-ci [ reprend umor, le liquide, mot
masculin ] vers des membres féminins
Soit une jeune femme jetant l'amour de tout son corps, [ "hunc
jaculatur" est sous-entendu ; soit l'amour est une image pour le sang,
soit Lucrèce fait allusion à la cyprine, le liquide que répand une
femme en cas de jouissance ( excusez à nouveau la crudité du
propos ) ],

Et pour le reste, je m'accorde à nouveau à votre traduction avec "qui"
en sujet des verbes suivants.
Notez à propos de "feritur" qu'il n'est pas nécessairement guerrier.
Il signifie aussi atteindre dans le sens de heurter, donc toucher.

> Qui donc reçoit les coups de Vénus par des traits,
> jetés par un garçon aux membres féminins,
> ou par la femme au corps tout balançant d'amour,
> il tend vers qui le frappe, et brûle de l'étreindre
> pour jeter sa liqueur de son corps dans le sien :
> car le désir pressant présage le plaisir.


de plus s'il s'agit seulement de la
| défloration, quel intérêt de cette image de guerre? et que signifie:
le plus
| souvent on tombe du côté de la plaie?...

là aussi, il me semble qu'il y a une image pour le sexe féminin dont
l'apparence est similaire à l'ouverture d'une blessure.

et enfin, si c'est de cela qu'il
| s'agissait, que veindrait faire le jeune garçon? celui-là en tous
cas ne va
| perdre son sang...

Je vous rappelle qu'un puer désigne un garçon de la petite enfance
jusqu'à 17 ans.

à ce stade du raisonnement la différence des sexes
| n'intéresse pas Lucrèce. mais on en reparlera.. ce qu'il y a de
captivant
| dans notre débat c'est qu'au fond, je pense (mais on va voir)
qu'aucun
| argument philologique décisif ne permettra de décider qui a raison.
c'est
| une question de sens. les deux interprétations sont possibles.. et
pourtant
| incompatibles.

Peut-être que la suite va me donner tort. L'ennui c'est que je ne
dispose pas de la traduction de l'oeuvre de Lucrèce. C'est souvent
fort ennuyeux quand je cherche à corroborer une hypothèse :-)

Cordialement
Anaxagore

Métrodore

unread,
Jul 30, 2000, 9:58:17 AM7/30/00
to

Anaxagore <rdel...@cybercable.fr> a écrit dans le message :
39841...@194.78.84.155...

oui, ça d'accord, mais justement, c'est une image, donc le sang est
simplement une figure du sperme: donc il ne faut pas prendre la figure à la
lettre.


En outre, la
> Vénus de Lucrèce est une force toute instinctive et naturelle non
> dénuée d'une certaine forme de violence.

le terme qui qualifie Vénus est toujours blanda: la caressante.

D'où la métaphore guerrière,
> qui n'est de toutes façons pas nouvelle dans ce registre.

non bien sûr, mais dans le registre de l'amour. voyez par ex. le début du
chantI: Vnéus est puissance de paix opposée à Mars, vaincu par la blessure
de l'amour. c'est l'amour qui est guerrier, source de toutes les violences.

Moi, je
> reprendrai l'idée du liquide rouge, pour hostem ruber occupat umor.
> Car, comme vous allez le voir par la suite, ce qui est important,
> c'est qu'il y a un liquide. Rouge, quand il s'agit de sang, mais
> différent s'il s'agit du sperme.

oui, c'est juste. je vais voir ce que je peux faire à ce sujet, dans les
limites de l'alexandrin..

Voir ma traduction ci-dessous pour
> comprendre mieux cette remarque.
>
> Sic igitur Veneris qui telis accipit ictus,
> sive puer membris muliebribus hunc iaculatur
> seu mulier toto iactans e corpore amorem,
> unde feritur, eo tendit gestitque coire
> et iacere umorem in corpus de corpore ductum;
> namque voluptatem praesagit multa cupido.
>
> Ainsi donc quelqu'un ( valeur possible de "qui" ) reçoit des coups par
> les traits de Vénus,
> Soit un jeune garçon lance celui-ci [ reprend umor, le liquide, mot
> masculin ] vers des membres féminins
> Soit une jeune femme jetant l'amour de tout son corps, [ "hunc
> jaculatur" est sous-entendu ; soit l'amour est une image pour le sang,
> soit Lucrèce fait allusion à la cyprine, le liquide que répand une
> femme en cas de jouissance ( excusez à nouveau la crudité du
> propos ) ],

je suis ravi par cette traduction; dire que j'avais des scrupules à
m'écarter de l'ordinaire: la vôtre est extraordinaire et vraiment elle me
laisse rêveur. pourtant j'ai quelques objections. en effet, "qui" ne
signifie quelqu'un qu'après si, num, ne (gaffiot). il me semble que hunc
renvoie à ictus, mais c'est vrai que ce passage au singulier est étrange. si
les membres féminins sont un lieu de destination, ce devrait être à
l'accusatif, non? mais vous avez déjà répondu à cette objection
précédemment.. vous me direz que c'est à travers les membres qu'il lance;
mais on ne passe pas à travers des membres. enfin s'il s'agit de liqueur
féminine, peut-on dire qu'elle désire l'introduire dans le corps de l'homme?
ce n'est pas très cohérent. il me semble que Lucrèce joue sur le double
emploi des verbes sur la racine de jaceo, jactans, jaculari. ce sont d'abord
les simulacres qui sont jetés, et qui donc frappent les sens (cette image
des simulacres lancés comme des traits est omniprésente dans le Chant IV),
par les membres féminins du jeune garçon ou par le corps aguicheur de la
femme, puis celui qui en a été frappé veut riposter en lançant le sperme en
retour: mécanisme de vengeance produit par la dira libido, qui prend
l'occasion du désir pour sa cause, et qui prétend atteindre l'objet en soi,
aui a envoyé les simulacres, alors que nous n'avons accès en réalité qu'aux
simulacres: c'est cela l'amour, la prétention à atteindre la chose en soi,
au delà des phénomènes. et c'est cela qui est source de guerre. pour la même
raison je ne crois pas qu'il faille rapporter Veneris à telis. mais là je
chipote. Vénus donne des coups, mais ces coups peuvent être doux s'ils sont
donnés de près: voyez 1278, 1284 ; lancés de loin, ils deviennent violents,
parce que l'objet aimé est innaccessible, et c'est la distance qui produit
l'amour. voyez 1060. et traditionnellement c'est Cupidon qui lance les
traits, pas Vénus. c'est pourquoi j'ai traduit: qui reçoit les coups de
Vénus, (mais) lancés par des traits..


Et pour le reste, je m'accorde à nouveau à votre traduction avec "qui"
> en sujet des verbes suivants.
> Notez à propos de "feritur" qu'il n'est pas nécessairement guerrier.
> Il signifie aussi atteindre dans le sens de heurter, donc toucher.

oui, mais en français frapper n'est pas non plus nécessairement violent. ce
qui est guerrier ce ne sont pas les "coups" reçus par la vue, que le désir
qui en naît. tout le programme épicurien est justement de parvenir à "tout
contempler d'"un coeur apaisé", càd à faire que le désir (d'atteindre les
"choses en soi") ne vienne pas souiller le plaisir pur de la contemplation
des simulacres, ce qui s'identifie, me semble-t-il, à la vision des dieux.
en effet la manière dont Cicéron nous a transmis cette contemplation
correspond presque mot pour mot à la description lucrétienne du rêve
aphrodisien. sed de his satis...

> > Qui donc reçoit les coups de Vénus par des traits,
> > jetés par un garçon aux membres féminins,
> > ou par la femme au corps tout balançant d'amour,
> > il tend vers qui le frappe, et brûle de l'étreindre
> > pour jeter sa liqueur de son corps dans le sien :
> > car le désir pressant présage le plaisir.
>
>
>

> à ce stade du raisonnement la différence des sexes
> | n'intéresse pas Lucrèce. mais on en reparlera.. ce qu'il y a de
> captivant
> | dans notre débat c'est qu'au fond, je pense (mais on va voir)
> qu'aucun
> | argument philologique décisif ne permettra de décider qui a raison.
> c'est
> | une question de sens. les deux interprétations sont possibles.. et
> pourtant
> | incompatibles.
>
> Peut-être que la suite va me donner tort. L'ennui c'est que je ne
> dispose pas de la traduction de l'oeuvre de Lucrèce. C'est souvent
> fort ennuyeux quand je cherche à corroborer une hypothèse :-)

mais non au contraire, c'est beaucoup mieux, vous êtes libre de tout
préjugé. moi au contraire je connaissais trop la traduction de Ernout avant
de me mettre au texte. je suis ravi de vos traductions. mais en effet, il
faut je crois replacer le passage dans son contexte, notamment dans ce qui
précède. vous pouvez vous procurer facilement l'édition bilingue de
Kany-Turpin en Garnier Flammarion.
bien à vous, Métrodore
>
> Cordialement
> Anaxagore
>


Anaxagore

unread,
Jul 30, 2000, 12:21:34 PM7/30/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
39843...@194.78.84.155...

en effet, "qui" ne
| signifie quelqu'un qu'après si, num, ne (gaffiot). il me semble que
hunc
| renvoie à ictus, mais c'est vrai que ce passage au singulier est
étrange. si
| les membres féminins sont un lieu de destination, ce devrait être à
| l'accusatif, non?

Vous avez raison, pour "qui". Je propose en remplacement "qui" pour
"is enim", "or celui-ci" ; en la circonstance, Lucrèce marque par 3
connecteurs logiques son raisonnement .
l'un des sens possibles de jaculor est "répandre". Donc, le "puer"
répand "hunc", c'est à dire umorem sous-entendu sur les "membris
feminis". L'accusatif se justifierait si "membris feminis" était un
lieu de destination
Or, ce n'en est pas un : c'est l'endroit où la semence est répandue.
Cela répond non pas à la question "où se dirige l'humeur", mais "dans
quel endroit est en train de se répandre l'humeur". Donc l'accusatif
ne se justifie pas.


mais vous avez déjà répondu à cette objection
| précédemment.. vous me direz que c'est à travers les membres qu'il
lance;
| mais on ne passe pas à travers des membres.

J'améliore ma justification. Voir ci-dessus.

enfin s'il s'agit de liqueur
| féminine, peut-on dire qu'elle désire l'introduire dans le corps de
l'homme?

Mais non, même raisonnement : le corps de l'homme n'est qu'un lieu où
se dépose la cyprine...

| ce n'est pas très cohérent. il me semble que Lucrèce joue sur le
double
| emploi des verbes sur la racine de jaceo, jactans, jaculari.

Désolé, cela me semble cohérent. Je crois que ce qu'il importe de
distinguer, ici, c'est le lieu de l'action :-) et le lieu vers lequel
tend l'action :-)

ce sont d'abord
| les simulacres qui sont jetés, et qui donc frappent les sens (cette
image
| des simulacres lancés comme des traits est omniprésente dans le
Chant IV),
| par les membres féminins du jeune garçon ou par le corps aguicheur
de la
| femme, puis celui qui en a été frappé veut riposter en lançant le
sperme en
| retour: mécanisme de vengeance produit par la dira libido, qui prend
| l'occasion du désir pour sa cause, et qui prétend atteindre l'objet
en soi,
| aui a envoyé les simulacres, alors que nous n'avons accès en réalité
qu'aux
| simulacres: c'est cela l'amour, la prétention à atteindre la chose
en soi,
| au delà des phénomènes.

L'interprétation est très intéressante, mais il faut que j'avance dans
votre traduction pour mieux l'analyser.

et c'est cela qui est source de guerre. pour la même
| raison je ne crois pas qu'il faille rapporter Veneris à telis. mais
là je
| chipote. Vénus donne des coups, mais ces coups peuvent être doux
s'ils sont
| donnés de près: voyez 1278, 1284 ; lancés de loin, ils deviennent
violents,
| parce que l'objet aimé est innaccessible, et c'est la distance qui
produit
| l'amour. voyez 1060. et traditionnellement c'est Cupidon qui lance
les
| traits, pas Vénus. c'est pourquoi j'ai traduit: qui reçoit les coups
de

| Vénus, (mais) lancés par des traits...

Mais le Cupidon qui lance des traits, je me demande si ce n'est pas
une tradition postérieure à Lucrèce, précisément.

| oui, mais en français frapper n'est pas non plus nécessairement
violent. ce
| qui est guerrier ce ne sont pas les "coups" reçus par la vue, que le
désir
| qui en naît. tout le programme épicurien est justement de parvenir à
"tout
| contempler d'"un coeur apaisé", càd à faire que le désir
(d'atteindre les
| "choses en soi") ne vienne pas souiller le plaisir pur de la
contemplation
| des simulacres, ce qui s'identifie, me semble-t-il, à la vision des
dieux.

A mon avis, vous faites par trop de Lucrèce un épicurien, ce que je
pense, il n'est justement pas à 100%.
Je veux dire que sa manière d'énoncer les choses me paraît bien plus
comparable aux poésies scientifiques des présocratiques qu'aux lettres
d'Epicure. Je le vois plutôt comme un moyen terme
Anaxagoréo-Démocritéen mâtiné d'Empédoclisme - excusez du peu pour
cette suite de néologismes qui sonnent peut-être barbare mal
civilisé -.
Anaxagore et Démocrite pour la démarche, plus Anaxagore que Démocrite,
d'ailleurs, et Empédocle pour la manière de le dire...


| en effet la manière dont Cicéron nous a transmis cette contemplation
| correspond presque mot pour mot à la description lucrétienne du rêve
| aphrodisien. sed de his satis...

A quel extrait de Cicéron songez-vous ?

mais en effet, il
| faut je crois replacer le passage dans son contexte, notamment dans
ce qui
| précède.

c'est clair...

vous pouvez vous procurer facilement l'édition bilingue de
| Kany-Turpin en Garnier Flammarion.

Dès que possible, je m'en occupe, et je l'acquiers.
Amicalement
Anaxagore


Anaxagore

unread,
Jul 31, 2000, 6:34:38 AM7/31/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
3984a...@194.78.84.155...

|
|
| >
| > Mais non, même raisonnement : le corps de l'homme n'est qu'un lieu

| > se dépose la cyprine...
| déposée, soit, mais lancée?...

Peu importe. Lorsqu'un discobole lance un disque dans une aire, on
distingue la zone de lancer et le point qu'il vise. Idem ici, pour le
sperme ou la cyprine : les organes sexuels ne sont que des leiux où se
déroulent les projections. Et à la limite, est-ce le sexe, justement
qui est visé ? Voilà qui est intéressant, et qui permet de ne pas
réduire cette explication à un seul cours de sciences naturelles.

|
| >
| > A mon avis, vous faites par trop de Lucrèce un épicurien, ce que
je
| > pense, il n'est justement pas à 100%.

| ma foi, c'est ce qu'il faut démontrer..

je m'y attelle, je m'y attelle...

|
| > A quel extrait de Cicéron songez-vous ?

| De natura deorum, I, 19, 49.

C'est curieux, je le traduis actuellement sur
news:fr.lettres.langues-anciennes.latin et j'en suis au paragraphe 33,
mais je n'ai pas vu trace de ce passage. Pouvez-vous citer la phrase
exacte ?
Amicalement
Anaxagore


Anaxagore

unread,
Jul 27, 2000, 6:19:18 PM7/27/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
397da...@194.78.84.155...

| texte latin:
|
| Tum quibus aetatis freta primitus insinuatur 1030
| semen, ubi ipsa dies membris matura creavit,
| conveniunt simulacra foris e corpore quoque,
| nuntia praeclari voltus pulchrique coloris,
| qui ciet inritans loca turgida semine multo,
| ut quasi transactis saepe omnibus rebus profundant
| fluminis ingentis fluctus vestemque cruentent.
| Sollicitatur id [in] nobis, quod diximus ante,
| semen, adulta aetas cum primum roborat artus.
| Namque alias aliud res commovet atque lacessit;
| ex homine humanum semen ciet una hominis vis. 1040

| Au jour où s'introduit dans les détroits de l'âge


| > la semence venue à sa maturation,

Tum quibus aetatis freta primitus insinuatur 1030


semen, ubi ipsa dies membris matura creavit,

Alors, au commencement, la fougue de l'âge introduit la semence


dans l'endroit où le jour a créé les mêmes ardeurs venues à maturation
dans les membres.
[ A mon avis vous faites un contre-sens : freta neutre pluriel est
sujet de insinuatur ( freta = singulier collectif ). Ensuite ipsa
matura reprend freta ]
Je crois que la périphrase correspond tout simplement au sexe de la
femme :-) . En clair, il veut dire que le jour où un homme et une
femme se désirent, il y a pénétration puis éjaculation - pardonnez la
crudité de mon propos-.

| > on voit de quelque corps venir les simulacres,
| > messagers d'un visage éclatant de beauté,
| > qui excite les lieux gonflés par la semence :
| > croyant avoir tout fait, on répand tout un fleuve,
| > souillant son vêtement comme de flots de sang.

conveniunt simulacra foris e corpore quoque,


| nuntia praeclari voltus pulchrique coloris,

les simulacres se rassemblent au dehors issu aussi du corps
messagers d'un visage éclatant et de belle couleur,

| qui ciet inritans loca turgida semine multo,
| ut quasi transactis saepe omnibus rebus profundant
| fluminis ingentis fluctus vestemque cruentent.

qui met en mouvement en les excitant les lieux gonflés de beaucoup de


semence
de sorte qu'ils se répandent en des lieux souvent traversés

comme si les flots d'un immense fleuve souillaient un vêtement.

| >
| > La semence en question commence à nous troubler
| > dès que l'adolescence affermit nos organes.
| > Chaque être a son moteur, qui seul peut l'ébranler :
seul l'homme arrache à l'homme une semence humaine

| Sollicitatur id [in] nobis, quod diximus ante,
| semen, adulta aetas cum primum roborat artus.
| Namque alias aliud res commovet atque lacessit ;
| ex homine humanum semen ciet una hominis vis. 1040

cette semence nous trouble, ce que j'ai dit auparavant,


dès qu'un âge plus avancé fortifie les membres.
En effet, une chose meut et ébranle d'autres choses ;

seule la vitalité de l'humain met en mouvement une semence issue de
l'humain.

Je n'ai pas traduit en alexandrins - cela reste à faire -, mais si
vous voulez mon avis, votre traduction des 11 premiers vers est trop
éloignée du texte, et contient parfois des contre-sens.

Mais nous pouvons essayer d'en rédiger une nouvelle ensemble. Vous
avez l'air doué pour la versification.

En ce qui concerne la lettre à Ménécée, aucun crainte à avoir, vous
pouvez écrire le texte établi, il s'agit d'un texte d'auteur qui est
dansle domaine public.

Cordialement
Anaxagore


Métrodore

unread,
Aug 8, 2000, 12:46:45 PM8/8/00
to

>
> Mais le Cupidon qui lance des traits, je me demande si ce n'est pas
> une tradition postérieure à Lucrèce, précisément.

voyez Euripide, Hippolyte, tirade du choeur 530, strophe I, dont Lucrèce
s'inspire me semble-t-il : "Eros, qui par les yeux distilles le désir, tu
pénètres d'une douceur délicieuse l'âme que tu veux attaquer; ... le feu,
les flèches rayonnantes des astres ne sont pas si forts que les traits
d'Aphrodites décochés par les mains du fils de Zeus, Eros!" (traduction
Berguin et Duclos)

Métrodore

unread,
Jul 28, 2000, 5:55:06 PM7/28/00
to

>
> Il s'agit depuis un moment des rêves érotiques. Vous ne prenez pas
> garde au fait que le De rerum natura est un poème entier dédié à
> Vénus, la déesse de l'amour. Le rêve érotique aboutit donc à quelque
> chose d'effectif, voilà à mon avis la justification philosophique,
> d'autant plus que le rêve est souvent chez les anciens une
> manifestation de la puissance divine ( ici Vénus ). Nulle religiosité
> de la part de Lucrèce, évidemment, mais simplement un clin d'oeil.

hum! nous sommes je le crains en complet désaccord.. Vénus, me semble-t-il,


n'est pas la déesse de l'amour, mais du plaisir, hominum divomque VOLUPTAS,
qui est soigneusement distingué de l'amour par Lucrèce et les épicuriens en
général. l'amour non seulement n'est pas un dieu, mais c'est une calamité.
donc justement le rêve érotique,comme tout ce qui est érotique d'ailleurs
n'aboutit à rien, est "vain" (nequiquam, in cassum, etc: mataios chez
Epicure) parce que c'est un désir impossible comme on le verra plus loin :
un désir de fusion ou d'absorption. enfin selon les épicuriens le rêve n'est
pas la manifestation de la puissance divine (voyez la sentence vaticane 24):
c'est ce qu Lucrèce vient d'expliquer.

comme il me semble que cela, Lucrèce le répète partout, j'attends votre
lecture de la suite! bien sûr il faut s'entendre sur les mots, par amour il
faut comprendre l'éros, au sens platonicien: le désir de ce qu'on n'a pas,
qui néglige le plaisir comme dérisoire. certes Lucrèce a la plus grande
dévotion pour Vénus et je vous assure que j'y prends une garde énorme :
c'est elle qui va soigner les malheurs causés par eros (voyez notamment
1071, 1084).

mais justement c'est pour cela qu'il ne lui fait pas de clin d'oeil.
l'affaire est trop sérieuse. c'est affaire, sinon de religiosité, terme
toujours négatif chez Lucrèce, du moins de piété.

> |


> | pour l'image du sang, on la retrouve plus loin dans un sens
> comparatif
> | (1049 -50).
> | "comme si les flots d'un immense fleuve souillaient un vêtement",
> cette
> | image me paraît vraiment bizarre...
>
> Voilà qui accrédite ce que je dis. le passage cité correspond
> exactement à une première pénétration.
> Comme vous le traduisez à juste titre, "le sang jaillit en direction
> du lieu d'où vient le coup". Cela me semble très clair, non ?

je m'y attendais! eh bien non, ce passage ne parle pas de la défloration, à


mon avis. c'est une comparaison avec la guerre, qui explique le mécanisme
amoureux. de même que l'ennemi tombe du côté de celui qui l'a frappé, de
même dans l'amour nous visons l'objet qui nous l'inspire, parce que nous
confondons la cause principale (la présence en nous de la semence) et
l'occasion (l'objet dont certains simulacres excitent cette semence), et
nous prenons l'occasion pour la cause. autrement dit l'amour est un
sentiment de vengeance. le sang qui jaillit sur l'ennemi n'est pas une image
du sang de la jeune fille, mais du sperme de l'homme. sinon comment

comprendre le sic igitur au vers 1052? de plus s'il s'agit seulement de la


défloration, quel intérêt de cette image de guerre? et que signifie: le plus

souvent on tombe du côté de la plaie?... et enfin, si c'est de cela qu'il
s'agissait, que veindrait faire le jeune garçon? celui-là en tous cas ne va
perdre son sang... à ce stade du raisonnement la différence des sexes


n'intéresse pas Lucrèce. mais on en reparlera.. ce qu'il y a de captivant
dans notre débat c'est qu'au fond, je pense (mais on va voir) qu'aucun
argument philologique décisif ne permettra de décider qui a raison. c'est
une question de sens. les deux interprétations sont possibles.. et pourtant
incompatibles.

bien à vous, Métrodore

Métrodore

unread,
Jul 30, 2000, 5:45:46 PM7/30/00
to

>
> Mais non, même raisonnement : le corps de l'homme n'est qu'un lieu où
> se dépose la cyprine...

déposée, soit, mais lancée?...

>
> A mon avis, vous faites par trop de Lucrèce un épicurien, ce que je
> pense, il n'est justement pas à 100%.

ma foi, c'est ce qu'il faut démontrer..

> A quel extrait de Cicéron songez-vous ?


De natura deorum, I, 19, 49.

Métro.


Métrodore

unread,
Jul 31, 2000, 7:03:09 AM7/31/00
to
> | > A quel extrait de Cicéron songez-vous ?
> | De natura deorum, I, 19, 49.
>
> C'est curieux, je le traduis actuellement sur
> news:fr.lettres.langues-anciennes.latin et j'en suis au paragraphe 33,
> mais je n'ai pas vu trace de ce passage. Pouvez-vous citer la phrase
> exacte ?

[49] Nec tamen ea species corpus est, sed quasi corpus, nec habet sanguinem,
sed quasi sanguinem. Haec quamquam et inventa sunt acutius et dicta
subtilius ab Epicuro, quam ut quivis ea possit agnoscere, tamen fretus
intellegentia vestra dissero brevius, quam causa desiderat. Epicurus autem,
qui res occultas et penitus abditas non modo videat animo, sed etiam sic
tractet ut manu, docet eam esse vim et naturam deorum, ut primum non sensu,
sed mente cernatur, nec soliditate quadam nec ad numerum, ut ea, quae ille
propter firmitatem st??eµ??a appellat, sed imaginibus similitudine et
transitione perceptis, cum infinita simillumarum imaginum species ex
innumerabilibus individuis existat et ad deos adfluat, cum maximis
voluptatibus in eas imagines mentem intentam infixamque nostram
intellegentiam capere, quae sit et beata natura et aeterna. [50] Summa vero
vis infinitatis et magna ac diligenti contemplatione dignissima est. In qua
intellegi necesse est eam esse naturam, ut omnia omnibus paribus paria
respondeant; hanc isonomian appellat Epicurus, id est aequabilem
tributionem. Ex hac igitur illud efficitur, si mortalium tanta multitudo
sit, esse inmortalium non minorem, et si, quae interimant, innumerabilia
sint, etiam ea, quae conservent infinita esse debere.

bonne idée de traduire ce texte introuvable pour le moment. peut-on avoir
accès à cette traduction?


Métrodore

unread,
Jul 30, 2000, 8:12:32 AM7/30/00
to

> | > oui mais freta signifie au sens propre détroit, puis poétiquement,
> les
> | flots. au chant VI, 364, les saisons de transition sont qualifiées
> de fretus
> | anni. je pense que l'image désigne les flots que le détroit rend
> | bouillonnant. la traduction de Gaffiot perd l'image. après tout
> faut-il
> | toujours suivre Gaffiot? ...
>
> Non, pas toujours, mais l'image des flots ne sera guère compréhensible
> à un lecteur moderne.
> Il faudrait trouver un moyen terme. Les détroits de l'âge me
> paraissent vraiment obscurs. D'autant plus que "freta" est sujet
> d'insinuatur...Ce n'est pas que je veux chipoter, mais la fougue a un
> double-sens sur lequel on peut jouer : c'est à la fois l'ardeur, mais
> aussi le mât qui supporte le plus l'effort du vent. D'une certaine
> façon, l'image maritime est ainsi conservée. Non ? Où est-ce trop
> capillotracté ? :-)
>
>
êtes-vous bien sûr que freta est le sujet de insinuatur? un neutre pluriel
peut-il être sujet d'un verbe au singulier? ce n'est qu'en grec, à ma
connaissance, qu'on peut dire "les animaux court." insinuo peut se
construire avec deux accusatifs (voyez I, 115, pecudes insinuet se), et
donc, peut-être, au passif aussi avec l'accusatif (je n'ai pas de grammaire
à ma disposition pour le vérifier). au chant VI, 362-374, Lucrèce s'étend
sur ce mot, fretus. il explique que les saisons intermédiaires comme le
printemps, qui mêlent le froid et le chaud, génèrent dre tempêtes et peuvent
donc être appelées les détroits de l'année, fretus anni, et plus loin (texte
reconstitué il est vrai ) freta anni. voyez aussi I, 720. il est vrai qu'il
emploie aussi freta au sens de flots (VI, 427): peut-être freta désigne les
flots, fretum le détroit. Gaffiot ne dit rien à ce sujet.

cependant en l'attente de confirmation ou non confirmation à ce sujet, une
nouvelle hypothèse a germé dans mon esprit. je me demande si on ne peut pas
construire: ceux en qui s'introduit, dans les détroits de leur âge, la
semence, quand (ou bien peut-être où) ces mêmes détroits viennent à
maturation, etc. les freta désignant les parties génitales ou du moins les
canaux qui y conduisent (c'est d'ailleurs ainsi qu'Ernout traduit:
l'adolescent dont la semence commence à se répandre dans tous les vaisseaux
de son corps). en effet, la semence n'a pas elle-même à mûrir, elle est
toujours là, dans tout le corps (corpore toto, 1042; voir aussi Lettre à
Hérodote, 67 scholie), dès la naissance (comme le montre la théorie de
l'hérédité qui va suivre); ce qui mûrit, ce sont les parties qui vont les
accueillir, s'en gonfler puis les expulser. donc je reconnais avec vous que
ipsa renvoie bien à freta, mais il faut distinguer, pour le sens et la
construction, freta de semen. cette hypothèse vous paraît-elle infirmable?
ou bien est-ce trop capilloquadrasécateur?

Métrodore


Anaxagore

unread,
Jul 30, 2000, 8:40:54 AM7/30/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
39841...@194.78.84.155...

| êtes-vous bien sûr que freta est le sujet de insinuatur? un neutre
pluriel
| peut-il être sujet d'un verbe au singulier? ce n'est qu'en grec, à
ma
| connaissance, qu'on peut dire "les animaux court."

Vous avez raison : j'ai recherché chez Sausy et Ernout et Thomas en
pure perte.

insinuo peut se
| construire avec deux accusatifs

C'est certainement le cas.

| cependant en l'attente de confirmation ou non confirmation à ce
sujet, une
| nouvelle hypothèse a germé dans mon esprit. je me demande si on ne
peut pas
| construire: ceux en qui s'introduit, dans les détroits de leur âge,
la
| semence, quand (ou bien peut-être où) ces mêmes détroits viennent à
| maturation, etc. les freta désignant les parties génitales ou du
moins les
| canaux qui y conduisent (c'est d'ailleurs ainsi qu'Ernout traduit:
| l'adolescent dont la semence commence à se répandre dans tous les
vaisseaux
| de son corps).

C'est nécessairement cette solution.

en effet, la semence n'a pas elle-même à mûrir, elle est
| toujours là, dans tout le corps (corpore toto, 1042; voir aussi
Lettre à
| Hérodote, 67 scholie), dès la naissance (comme le montre la théorie
de
| l'hérédité qui va suivre); ce qui mûrit, ce sont les parties qui
vont les
| accueillir, s'en gonfler puis les expulser. donc je reconnais avec
vous que
| ipsa renvoie bien à freta, mais il faut distinguer, pour le sens et
la
| construction, freta de semen. cette hypothèse vous paraît-elle
infirmable?
| ou bien est-ce trop capilloquadrasécateur?

Non, l'hypothèse me paraît exacte.
Cordialement
Anaxagore


Anaxagore

unread,
Jul 31, 2000, 9:39:10 AM7/31/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
39855...@194.78.84.155...

| > | > A quel extrait de Cicéron songez-vous ?
| > | De natura deorum, I, 19, 49.
| >
| > C'est curieux, je le traduis actuellement sur
| > news:fr.lettres.langues-anciennes.latin et j'en suis au paragraphe
33,
| > mais je n'ai pas vu trace de ce passage. Pouvez-vous citer la
phrase
| > exacte ?
|
| [49]

Tout s'explique : je n'en suis pas encore là !

| bonne idée de traduire ce texte introuvable pour le moment. peut-on
avoir
| accès à cette traduction?

Eh bien sur le forum news:fr.lettres.langues-anciennes.latin où j'ai
lancé la traduction en ligne il y a deux mois et demi et où je poste
trois par trois les paragraphes du livre I, sinon dans les Jardins de
Lucullus ( http://www.multimania.com/malsnectai/Lucullus.html ) le
site où je mets en ligne les traductions collectives des forums
cliquer sur le lien Cicéron : De natura deorum )
Cordialement
Anaxagore
P.S A noter que la traduction est en cours. Vous pouvez accéder aux
archives du forum de latin via dejanews pour avoir accès aux
discussions parfois épiques qui ont amené les traductions finales...

Anaxagore

unread,
Aug 13, 2000, 11:33:44 AM8/13/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
39903...@194.78.84.155...

De fait vous avez raison.
Cordialement
Anaxagore

Anaxagore

unread,
Oct 1, 2000, 7:05:08 PM10/1/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:

397da...@194.78.84.155...

Cher Métrodore,
désolé d'avoir tant tardé mais il ne m'est guère aisé de dégager du
temps à consacrer pour les forums actuellement. Cela ira mieux en
novembre.


| suite
| Adde quod absumunt viris pereuntque labore,
| adde quod alterius sub nutu degitur aetas,
| languent officia atque aegrotat fama vacillans.
| labitur interea res et Babylonica fiunt
| unguenta et pulchra in pedibus Sicyonia rident,
| scilicet et grandes viridi cum luce zmaragdi
| auro includuntur teriturque thalassina vestis
| adsidue, et Veneris sudorem exercita potat.
| Et bene parta patrum fiunt anademata, mitrae,
| inter dum in pallam atque Alidensia Ciaque vertunt. 1130

Ajoute qu'ils manquent de forces et qu'ils meurent à la peine,
ajoute qu'un signe de tête de l'autre guide leur existence,
Le sentiment du devoir languit et la réputation vacillante dépérit.
Entre temps leurs affaires s'effondrent et deviennent des onguents de
Babylone
[Com : dites, il n'existe pas quelque part une correction de "labitur"
en "labuntur", plutôt ?]
et des parfums de de Sicyone sont riants à leurs pieds,
bien entendu de grandes émeraudes de grandes émeraudes à la verte lueur
sont incrustées dans l'or et l'habit glauque se détériore continument,
et boit la sueur de Vénus en exercices.
Et ce qu'ont bien généré les pères devient bandeaux et mitres;
parfois ils sont convertis en manteaux d'Alinde ou de Céos.

| Eximia veste et victu convivia, ludi,
| pocula crebra, unguenta, coronae, serta parantur.
| Ne quiquam, quoniam medio de fonte leporum
| surgit amari aliquid, quod in ipsis floribus angat,
| aut cum conscius ipse animus se forte remordet
| desidiose agere aetatem lustrisque perire,
| aut quod in ambiguo verbum iaculata reliquit,
| quod cupido adfixum cordi vivescit ut ignis,
| aut nimium iactare oculos aliumve tueri
| quod putat in voltuque videt vestigia risus. 1140

On prépare un banquet sortant de l'ordinaire par l'habit et la bombance,
des jeux,
coupes de vin serrées, parfums, courronnes et guirlandes.
Vainement, puisqu'au milieu de la fontaine des agréments
surgit quelque chose d'amer, qui tourmente au sein même des fleurs,
ou bien alors que l'esprit lui-même conscient est d'aventure pris de
remords
de mener son existence oisivement et de périr de débauches,
ou bien du fait qu'un mot laisse des choses jetées dans l'ambiguïté,
mot que le désir vivifie fixé dans le coeur comme des feux,
ou bien parce que l'on pense les yeux sont trops jetés
ou un autre regardé et l'on voit les marques d'un sourire sur le visage.


Pour ma part, je n'ai qu'un mot : quel talent et quelle psychologie ce
Lucrèce !

Métrodore

unread,
Oct 2, 2000, 5:25:34 AM10/2/00
to

Cher Métrodore,
désolé d'avoir tant tardé mais il ne m'est guère aisé de dégager du
temps à consacrer pour les forums actuellement. Cela ira mieux en
novembre.

pas de problème, prenez votre temps, moi-même je suis débordé, et j'ai
laissé lucrèce, alors qu'il ne me restait plus que 200 vers.


| suite
| Adde quod absumunt viris pereuntque labore,
| adde quod alterius sub nutu degitur aetas,
| languent officia atque aegrotat fama vacillans.
| labitur interea res et Babylonica fiunt
| unguenta et pulchra in pedibus Sicyonia rident,
| scilicet et grandes viridi cum luce zmaragdi
| auro includuntur teriturque thalassina vestis
| adsidue, et Veneris sudorem exercita potat.
| Et bene parta patrum fiunt anademata, mitrae,
| inter dum in pallam atque Alidensia Ciaque vertunt. 1130

Ajoute qu'ils manquent de forces et qu'ils meurent à la peine,

consument leurs forces, plutôt

ajoute qu'un signe de tête de l'autre guide leur existence,
Le sentiment du devoir languit et la réputation vacillante dépérit.
Entre temps leurs affaires s'effondrent et deviennent des onguents de
Babylone
[Com : dites, il n'existe pas quelque part une correction de "labitur"
en "labuntur", plutôt ?]
et des parfums de de Sicyone sont riants à leurs pieds,

les vers 1123-4 sont en principe dans l'ordre inverse. ce qui rend difficile
votre construction. non, pas de labuntur. babylonica, ce sont des tapis ou
des draps (cf. 1029); comment traduisez-vous pulchra par parfums? sicyone,
ce sont des chaussures qui proviennent de cet endroit : il faut accorder
pulchra et sicyona. donc: des parfums et de belles chaussures de S rient à
leurs pieds.


bien entendu de grandes émeraudes à la verte lueur


sont incrustées dans l'or et l'habit glauque se détériore continument,
et boit la sueur de Vénus en exercices.
Et ce qu'ont bien généré les pères devient bandeaux et mitres;
parfois ils sont convertis en manteaux d'Alinde ou de Céos.

| Eximia veste et victu convivia, ludi,
| pocula crebra, unguenta, coronae, serta parantur.
| Ne quiquam, quoniam medio de fonte leporum
| surgit amari aliquid, quod in ipsis floribus angat,
| aut cum conscius ipse animus se forte remordet
| desidiose agere aetatem lustrisque perire,
| aut quod in ambiguo verbum iaculata reliquit,
| quod cupido adfixum cordi vivescit ut ignis,
| aut nimium iactare oculos aliumve tueri
| quod putat in voltuque videt vestigia risus. 1140

On prépare un banquet sortant de l'ordinaire par l'habit et la bombance,
des jeux,

coupes de vin serrées, parfums, couronnes et guirlandes.


Vainement, puisqu'au milieu de la fontaine des agréments
surgit quelque chose d'amer, qui tourmente au sein même des fleurs,
ou bien alors que l'esprit lui-même conscient est d'aventure pris de
remords
de mener son existence oisivement et de périr de débauches,
ou bien du fait qu'un mot laisse des choses jetées dans l'ambiguïté,

plus exactement: parce que l' ayant lancé (jaculata), elle laisse un mot
dans l'ambiguïté. elle s'en va après avoir jeté un mot ambigu.

mot que le désir vivifie fixé dans le coeur comme des feux,

ou bien parce que l'on pense que les yeux sont trop jetés


ou un autre regardé et l'on voit les marques d'un sourire sur le visage.


Pour ma part, je n'ai qu'un mot : quel talent et quelle psychologie ce
Lucrèce !

en effet.. notamment cette dernière remarque: on voit un soupçon de sourire,
parce qu'on soupçonne une trahison; illustration de la théorie de la
perception exposée avant: on ne voit que ce qu'on s'attend à voir. que peut
être une trace de sourire?

bien à vous
Métrodore

Anaxagore

unread,
Sep 17, 2000, 6:21:43 PM9/17/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:

39c00...@194.78.84.155...
| ne croyez-vous pas qu'amantis est plutôt un accusatif pluriel (forme
| archaïque) ? sinon on ne voit quel pourrait être le sujet sous-entendu
de
| queunt. quant à torrenti n'est-ce pas un participe se rapportant à
flumine?
| parce qu'on peut difficilement être à la fois dans un torrent et un
fleuve..
| même en rêve.

Exact. Des erreurs liées à la rapidité de ma traduction.

|
| c'est une glose, plutôt qu'une traduction..

Certes. Je n'ai pas eu le temps d'améliorer.

|
| dans l'ensemble on est d'accord je pense pour ce passage.. du moins
pour le
| sens; y a-t-il des passages dans ma tentative de versification qui
vous
| paraissent si obscurs?

Nous sommes en effet, d'accord sur le sens. Il y a quelques points sur
lesquels je compte effectivement revenir dans un prochain message.
Je suis désolé de tarder à ce point à répondre, mais je suis
littéralement débordé par mes obligations familiales, actuellement.
Cordialement à vous
Anaxagore
--

Carpe diem
www.multimania.com/malsnectai/Lucullus.html


Anaxagore

unread,
Nov 3, 2000, 7:31:32 AM11/3/00
to
Atque in amore mala haec proprio summeque secundo
inveniuntur; in adverso vero atque inopi sunt,
prendere quae possis oculorum lumine operto,
innumerabilia; ut melius vigilare sit ante,
qua docui ratione, cavereque, ne inliciaris.
nam vitare, plagas in amoris ne iaciamur,
non ita difficile est quam captum retibus ipsis
exire et validos Veneris perrumpere nodos.

Et ces maux se trouvent dans un amour sans partage et propice
au plus haut point ; mais pauvre et adverse,
tu pourrais les prendre en très grand nombre
les yeux fermés ; de sorte qu'il est meilleur de veiller auparavant,
tel que je t'en ai instruit, et de prendre garde de peur de s'égarer.
Car éviter de se retrouver piégé dans les filets de l'amour
n'est pas si difficile qu'une fois pris dans ces mêmes rêts
sortir et rompre les robustes noeuds de Vénus.

et tamen implicitus quoque possis inque peditus
effugere infestum, nisi tute tibi obvius obstes 1150
et praetermittas animi vitia omnia primum
aut quae corporis sunt eius, quam praepetis ac vis.
Nam faciunt homines plerumque cupidine caeci
et tribuunt ea quae non sunt his commoda vere.
Multimodis igitur pravas turpisque videmus
esse in deliciis summoque in honore vigere.

Et cependant tu pourrais aussi enlacé et dans ???? [ je ne vois que le
participe de pedo , je pète pour peditus ! C'est curieux, j'ai le vague
souvenir que ce mot signifie "dans l'embarras", pourtant ?! ] fuir en
ennemi, sauf si tu te fais obstacle à toi-même et néglige d'abord tous
les vices de l'âme
ou ceux de son corps, celle que tu précèdes et veux.
En effet les hommes aveuglés par le désir font ordinairement cela
et attribuent des agréments à celles qui n'en ont pas véritablement.
Nous voyons donc des femmes difformes et laides de multiples manières
être portées aux nues et tenues en grand honneur.

atque alios alii inrident Veneremque suadent
ut placent, quoniam foedo adflictentur amore,
nec sua respiciunt miseri mala maxima saepe.
Nigra melichrus est, inmunda et fetida acosmos, 1160
caesia Palladium, nervosa et lignea dorcas,
parvula, pumilio, chariton mia, tota merum sal,
magna atque inmanis cataplexis plenaque honoris.

Et les uns rient des autres et se persuadent de plaire à Vénus,
parcequ'ils sont affligés d'une peine d'amour,
et souvent, les malheureux, ne considèrent pas leurs propres et très
grands maux.
La perfide est de miel, la puante et immonde, négligée,
les yeux verts sont ceux de Pallas, la nerveuse et ligneuse, une biche,
la naine une petite femme, une herbe magique, un cristal pur,
la grande et immense, une beauté stupéfiante et pleine de grâce.

balba loqui non quit, traulizi, muta pudens est;
at flagrans, odiosa, loquacula Lampadium fit.
ischnon eromenion tum fit, cum vivere non quit
prae macie; rhadine verost iam mortua tussi.
at nimia et mammosa Ceres est ipsa ab Iaccho,
simula Silena ac Saturast, labeosa philema.
Cetera de genere hoc longum est si dicere coner. 1170

la bègue ne peut pas parler, elle gazouille, la muette est modeste ;
mais l'odieuse et vabarde devient une petit volcan en éruption.
Celle qui se meurt de langueur devient, lorsqu'elle ne peut survivre,
fragile ; mais délicate si elle est déjà morte de la toux.
Pourvue de grosses mammelles, elle est Cérès elle-même ab laccho [ pas
trouvé ni dans le Bailly ni dans le Gaffiot ] sur le flanc [?]
Le gros pif est un Silène ou un satyre, la lippue, un baiser.
Il serait long de dire le reste des choses de ce genre si j'en faisais
l'effort.


traduction
> Et ces maux, on les a dans l'amour qui prospère ;

que faites-vous de "proprio" ? A mon avis, c'est davantage l'absence de
partage que Lucrèce cherche à mettre en relief dans ce vers. S'il faut
donc abandonner un adjectif, ce n'est surtout pas celui-là.

> s'il est pauvre et contraire, ils seront si nombreux
> que tu peux les saisir même en fermant les yeux.
> Mieux vaut donc se tenir par avance éveillé,
> en suivant mes leçons, pour échapper au piège.

Bien que je n'aie pas fait ce choix, je me demande si cela ne vaudrait p
as le coup de traduire par "pour échapper au lacet" : lacet est sans
doute issu de "lacio", donc ce ne serait pas trahir le texte et ce la
vous éviterait une syllabe bancale ( pi-ège ).
"selon mes instructions, se garder du lacet" : que pensez-vous de cet
alexandrin ? Vous me direz, c'est moi qui ai une syllabe bancale avec
"intructi-ons", mais après tout, la synérèse n'a rien d'une obligation.

>
> Car éviter l'amour n'est pas si difficile
> qu'une fois prisonnier, de sortir de ses rets,
> et de rompre les noeuds solides de Vénus.
> Et pourtant, même pris et entravé, tu peux
> encor fuir l'ennemi, si tu n'as fait obstacle
> à toi-même, en passant outre aux défauts de l'âme,
> ou bien à ceux du corps, de celle que tu veux.
>
> Ainsi font-ils, tous ceux que le désir aveugle :
> ils attribuent des biens à qui ne les a pas.
> C'est pourquoi nous voyons d'infâmes laiderons
> tenus en grand honneur et parmi les délices.

Je propose cet alexandrin. Qu'en pensez-vous ?
"être portés aux nues, en grand honneur tenus."


> Et chacun rit de l'autre, et conseille au malade
> que l'amour avilit, d'aller calmer Vénus ;
> sans voir, les malheureux, qu'ils sont les plus atteints.

> La noiraude est de miel, la malpropre qui pue

A mon avis, vous faites erreur sur "nigrus". ici il ne s'agit pas du
corps, mais du caractère, et le miel est une image pour opposer perfidie
et douceur. Cette dernière en est d'ailleurs sovent l'apparent
corollaire....

> est nature, sans fard ;

Non, pas d'accord, il ne s'agit que d'une atténuation. "négligée" me
semble plus approprié.


la loucheuse est Pallas,
> le sac d'os, toute en bois nerveux, une gazelle ;
> la naine, un pur cristal ; la géante, imposante ;
> la muette est modeste et la bègue gazouille,
> la mégère, odieuse et bavarde, est de flammes ;
> fragile, celle qui va mourir de maigreur ;
> si la toux l'a déjà tuée, elle est délicate.
> La grosse mamelue est Cérès accouchée
> de Bacchus ; la camuse, un Silène, un Satyre ;
> la lippue, un baiser. C'est trop long de tout dire.

Cordialement à vous
Anaxagore
P.S D'ici ce week-end maximum, je publie le début de la Lettre à Ménécée
sur nzn.fr.langue.grecque.
Excusez par avance mon grec bien plus déficient que mon latin.

Métrodore

unread,
Nov 3, 2000, 2:08:46 PM11/3/00
to

> > Bien que je n'aie pas fait ce choix, je me demande si cela ne vaudrait
pas
> le coup de traduire par "pour échapper au lacet" : lacet est sans
> > doute issu de "lacio", donc ce ne serait pas trahir le texte et ce la
> > vous éviterait une syllabe bancale ( pi-ège ).
> > "selon mes instructions, se garder du lacet" : que pensez-vous de cet
> > alexandrin ? Vous me direz, c'est moi qui ai une syllabe bancale avec
> > "intructi-ons", mais après tout, la synérèse n'a rien d'une obligation.
>
> puisque ce n'est pas une obligation, pourquoi dire pi-ège? en revanche,
> aucune licence n'empêchera votre alexandrin d'avoir 13 pieds...

oups, excusez-moi, j'ai lu trop vite: "selon mes instructions.. pour
échapper au lacet" que vous aviez d'abord proposé, au lieu de "se garder du
lacet", qui est parfait. c'est que votre traduction finale fait abstraction
du "ne": de sorte qu'il y avait un pied en trop ou un ne en moins, si je
puis dire... hum! néanmoins, en relisant le texte latin, je pense qu'en
effet, "se garder de" est mieux que ce que j'ai mis. mais pour conserver
aussi la liaison, je traduirais plutôt, "et prendre garde au piège". cela
dit, le mot inlaquearis ou inliciaris, est une reconstruction des éditeurs
pour un mystérieux inlignaris des manuscrits. j'avais pensé à proposer
(histoire de figurer parmi les taggeurs en bas de page des éditions
savantes) illigaris, être attaché. prendre garde à ne pas s'attacher. mais
je m'en suis détaché.

M.


Anaxagore

unread,
Jan 9, 2001, 5:52:18 PM1/9/01
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:

397da...@194.78.84.155...


| suite
| Sed tamen esto iam quantovis oris honore,
| cui Veneris membris vis omnibus exoriatur;
| nempe aliae quoque sunt; nempe hac sine viximus ante;
| nempe eadem facit et scimus facere omnia turpi
| et miseram taetris se suffit odoribus ipsa,
| quam famulae longe fugitant furtimque cachinnant.

Mais qu'il y ait désormais autant de beauté que tu le veux sur le visage
A celle pour qui la puissance de Vénus surgit dans tous les membres ;
Il en existe dautres c'est aussi un fait ; nous avons vécu avant sans
elle, c'est un fait ;
naturellement elle fait de même et nous savons tout faire pour une laide
et elle se parfume la malheureuse avec des odeurs repoussantes,
elle que ses servantes fuient de loin et dont elles se moquent en
cachette.

| At lacrimans exclusus amator limina saepe
| floribus et sertis operit postisque superbos
| unguit amaracino et foribus miser oscula figit;
| quem si iam ammissum venientem offenderit aura 1180
| una modo, causas abeundi quaerat honestas
| et meditata diu cadat alte sumpta querella
| stultitiaque ibi se damnet, tribuisse quod illi
| plus videat quam mortali concedere par est.

Mais l'amant rejeté, en pleurs, recouvre de fleurs
et de guirlandes le seuil, oint les fiers jambages
d'essence de marjolaine et le malheureux fige ses baisers sur la porte ;
Si déjà une unique émanation l'avait seulement mécontenté quand, admis,
il venait
il chercherait des motifs honnêtes pour s'éloigner,
sa réclamation longuement méditée en son for intérieur tomberait,
et à ce moment il se condamnerait de sa stupidité
parce qu'il semblerait avoir attribué plus à celle-ci
qu'il est juste de concéder à une mortelle.


| Nec Veneres nostras hoc fallit; quo magis ipsae
| omnia summo opere hos vitae poscaenia celant,
| quos retinere volunt adstrictosque esse in amore.
| Nequiquam, quoniam tu animo tamen omnia possis
| protrahere in lucem atque omnis inquirere risus
| et, si bello animost et non odiosa, vicissim 1190
| praetermittere [et] humanis concedere rebus.

Ce point n'a pas trompé nos Vénus ; elles-mêmes
cèlent fort soigneusement tous les recoins de leur existence
à ceux qu'elles veulent retenir dans les étreintes de l'amour.
Inutilement, puisque tu peux cependant par ton esprit
tout mettre à jour et chercher du rire dans tout,
et si elle a bel esprit et n'est pas odieuse,
passe outre et cède aux humaines réalités.


[Com]

Ouf ! Depuis le temps que je voulais reprendre le chant IV !!!
Cordialement
Anaxagore

Anaxagore

unread,
Nov 4, 2000, 7:26:58 PM11/4/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:

3a03e...@194.78.84.155...
|
| > | > Le gros pif
|
| en fait un nez camus n'est pas nécessairement gros, plutôt épaté, non?
comme
| celui de Socrate ou d'un Silène.

Certes, mais dans l'idée de Lucrèce, je pense qu'il s'agit d'un trait
négativement connoté dans le contexte. C'est pour cela que j'ai
extrapolé sur le sens.

| >
| c'est parce qu'il nous est propre qu'il est sans partage.
| > Notez que le sens que j'ai choisi est tout à fait attesté dans le
| > Gaffiot.
| d'accord, j'avais mal lu en effet; décidément j'étais fatigué hier
soir; le
| plaisir de reprendre nos débats l'a emporté sur la prudence. pour ma
part je
| trouvais que prospère recouvrait les deux sens. sans partage est un
peu
| ambigu, cela peut signifier aussi qu'il n'est pas partagé par celle
qu'on
| aime, ce qui n'est pas dit ici; d'où ma confusion. mais c'est vrai que
c'est
| embêtant de ne pas garder les deux termes, pour le parallèle. je
voulais
| vérifier dans Gaffiot, mais ces pages manquent à mon exemplaire en
| lambeaux..

Figurez-vous qu'après avoir récupéré celui de Caligula, j'ai retrouvé
l'ancien ( mais en bon état ) que j'avais égaré. Puis-je vous le
proposer ?

| c'est simplement que lacets risque de faire penser à des chaussures:
excusez
| mon prosaïsme!..

De fait, pour du prosaïsme...

| oui, c'est Antioch, et il écrit maintenant en alphabet occidental. si
j'ai
| bien compris, on ne peut passer dans un même texte du français au
grec?
| c'est peut-être ça qui a modifié les choses..

Non, on ne peut, tant que le alpha est coché.
Amicalement
Anaxagore
P.S Je publie le début de la Lettre à Ménécée. Je m'excuse, masi dans
les premiers temps, ce sera passage très court par passage très court.

Métrodore

unread,
Jan 10, 2001, 4:19:14 AM1/10/01
to

> | Sed tamen esto iam quantovis oris honore,
> | cui Veneris membris vis omnibus exoriatur;
> | nempe aliae quoque sunt; nempe hac sine viximus ante;
> | nempe eadem facit et scimus facere omnia turpi
> | et miseram taetris se suffit odoribus ipsa,
> | quam famulae longe fugitant furtimque cachinnant.
>
> Mais qu'il y ait désormais autant de beauté que tu le veux sur le visage

désormais, c'est un peu incongru.. mais soit, admettons que son visage soit
aussi beau que tu veux,...

> A celle pour qui la puissance de Vénus surgit dans tous les membres ;
> Il en existe dautres c'est aussi un fait ; nous avons vécu avant sans
> elle, c'est un fait ;
> naturellement elle fait de même et nous savons tout faire pour une laide

mais non: elle fait la même chose, et nous savons qu'elle le fait, qu'une
laide

> et elle se parfume la malheureuse avec des odeurs repoussantes,
> elle que ses servantes fuient de loin et dont elles se moquent en
> cachette.
>
> | At lacrimans exclusus amator limina saepe
> | floribus et sertis operit postisque superbos
> | unguit amaracino et foribus miser oscula figit;
> | quem si iam ammissum venientem offenderit aura 1180
> | una modo, causas abeundi quaerat honestas
> | et meditata diu cadat alte sumpta querella
> | stultitiaque ibi se damnet, tribuisse quod illi
> | plus videat quam mortali concedere par est.
>
> Mais l'amant rejeté, en pleurs, recouvre de fleurs
> et de guirlandes le seuil, oint les fiers jambages
> d'essence de marjolaine et le malheureux fige ses baisers sur la porte ;
> Si déjà une unique émanation l'avait seulement mécontenté quand, admis,
> il venait

mais il ne vient pas; c'est: SI il était admis, la première effluve
suffirait à le faire fuir

> il chercherait des motifs honnêtes pour s'éloigner,
> sa réclamation

oh!! une élégie amoureuse, ce n'est pas une réclamation aux impôts!!

longuement méditée en son for intérieur tomberait,
> et à ce moment il se condamnerait de sa stupidité
> parce qu'il semblerait avoir attribué plus à celle-ci
> qu'il est juste de concéder à une mortelle.
>
>
> | Nec Veneres nostras hoc fallit; quo magis ipsae
> | omnia summo opere hos vitae poscaenia celant,
> | quos retinere volunt adstrictosque esse in amore.
> | Nequiquam, quoniam tu animo tamen omnia possis
> | protrahere in lucem atque omnis inquirere risus
> | et, si bello animost et non odiosa, vicissim 1190
> | praetermittere [et] humanis concedere rebus.
>
> Ce point n'a pas trompé nos Vénus

échappé à, plutôt

; elles-mêmes
> cèlent fort soigneusement tous les recoins de leur existence

les coulisses plutôt: c'est un théâtre

> à ceux qu'elles veulent retenir dans les étreintes de l'amour.
> Inutilement, puisque tu peux cependant par ton esprit
> tout mettre à jour et chercher du rire dans tout,

oui, c'est en effet ce que ça doit vouloir dire, me semble-t-il.

> et si elle a bel esprit et n'est pas odieuse,
> passe outre et cède aux humaines réalités.

ces deux derniers verbes dépendent aussi du "peux": il faut les traduire à
l'infinitif. on peut à la fois, avec son esprit, chercher de quoi rire, mais
aussi pardonner et finalement vivre humainement. bello animo me semble
plutôt signifier bon coeur; mais c'est vrai que ça reprend l'animo qui
précède. en tous cas ça m'arrange pour la métrique..


>
>
> [Com]
>
> Ouf ! Depuis le temps que je voulais reprendre le chant IV !!!

on ne s'en lasse pas. amicalement, Métrodore

Anaxagore

unread,
Sep 13, 2000, 12:26:59 PM9/13/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:

397da...@194.78.84.155...
| suite
| Ut bibere in somnis sitiens quom quaerit et umor
| non datur, ardorem qui membris stinguere possit,
| sed laticum simulacra petit frustraque laborat
| in medioque sitit torrenti flumine potans, 1100
| sic in amore Venus simulacris ludit amantis,
| nec satiare queunt spectando corpora coram
| nec manibus quicquam teneris abradere membris
| possunt errantes incerti corpore toto.

De même lorsqu'un homme qui a soif cherche dans son sommeil à boire,
un liquide ne lui est pas donné qui puisse éteindre l'ardeur dans ses
membres,
mais il cherche à obtenir vainement des simulacres de boisson, peine
et a soif au milieu d'un torrnent en buvant dans un fleuve,
de même dans l'amour Vénus joue avec les simulacres de l'amant,
et ils ne peuvent avoir de satiété en regardant leurs corps de face,
ni ne peuvent de leur main enlever de leurs tendres membres quelques
chose
errant incertains sur la totalité de leur corps.


| Denique cum membris conlatis flore fruuntur
| aetatis, iam cum praesagit gaudia corpus
| atque in eost Venus ut muliebria conserat arva,
| adfigunt avide corpus iunguntque salivas
| oris et inspirant pressantes dentibus ora.
| Nequiquam, quoniam nihil inde abradere possunt 1110
| nec penetrare et abire in corpus corpore toto;
| nam facere inter dum velle et certare videntur.
| usque adeo cupide in Veneris compagibus haerent,
| membra voluptatis dum vi labefacta liquescunt.
| tandem ubi se erupit nervis conjecta cupido,
| parva fit ardoris violenti pausa parumper.
| inde redit rabies eadem et furor ille revisit,
| cum sibi quod cupiant ipsi contingere quaerunt,
| nec reperire malum id possunt quae machina vincat.
| usque adeo incerti tabescunt volnere caeco. 1120

Enfin lorsqu'ils jouissent de la fleur de l'âge par leurs corps enlacés
et quand déjà le corps présage les réjouissances,
que Vénus est en lui de sorte qu'elle ensemence les labourables
parties sexuelles de la femme,
ils acollent avidement leurs corps et joignent leurs salives dans leurs
bouches
et aspirent leurs bouches, pressant les dents.
En vain puisqu'ils ne peuvent rien enlever dedans,
ni pénétrer et faire disparaître un corps dans un corps tout entier ;
en effet, ils semblent vouloir lutter et le faire
jusqu'à ce que, à ce point ils sont attachés aux assemblages de Vénus,
les membres se détendent défaits par la violence du plaisir.
Enfin lorsque le désir répandu dans les nerfs s'est rompu,
il se produit momentanément une petite pause dans la violence de leur
ardeur .
Puis la rage revient, identique et cette fureur les visite à nouveau,
alors qu'eux-mêmes cherchent ce qu'ils désireraient qu'il se produise
pour eux,
et qu'il ne peuvent trouver quel stratagème vaincrait ce mal,
à ce point, dans l'incertitude, ils sont rongés par une aveugle
blessure.

Bon, je reconnais que ce n'est pas très beau comme traduction, mais cela
permet d'éclaircir quelques points parfois obscurs.
Cordialement

Métrodore

unread,
Sep 13, 2000, 6:19:23 PM9/13/00
to

Anaxagore <rdel...@cybercable.fr> a écrit dans le message :
39bfa...@194.78.84.155...

>
>
> "Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
> 397da...@194.78.84.155...
> | suite
> | Ut bibere in somnis sitiens quom quaerit et umor
> | non datur, ardorem qui membris stinguere possit,
> | sed laticum simulacra petit frustraque laborat
> | in medioque sitit torrenti flumine potans, 1100
> | sic in amore Venus simulacris ludit amantis,
> | nec satiare queunt spectando corpora coram
> | nec manibus quicquam teneris abradere membris
> | possunt errantes incerti corpore toto.
>
> De même lorsqu'un homme qui a soif cherche dans son sommeil à boire,
> un liquide ne lui est pas donné qui puisse éteindre l'ardeur dans ses
> membres,
> mais il cherche à obtenir vainement des simulacres de boisson, peine
> et a soif au milieu d'un torrnent en buvant dans un fleuve,
> de même dans l'amour Vénus joue avec les simulacres de l'amant,

ne croyez-vous pas qu'amantis est plutôt un accusatif pluriel (forme


archaïque) ? sinon on ne voit quel pourrait être le sujet sous-entendu de
queunt. quant à torrenti n'est-ce pas un participe se rapportant à flumine?
parce qu'on peut difficilement être à la fois dans un torrent et un fleuve..
même en rêve.

> et ils ne peuvent avoir de satiété en regardant leurs corps de face,


> ni ne peuvent de leur main enlever de leurs tendres membres quelque

> chose
> errant incertains sur la totalité de leur corps.
>
>
>
>
> | Denique cum membris conlatis flore fruuntur
> | aetatis, iam cum praesagit gaudia corpus
> | atque in eost Venus ut muliebria conserat arva,
> | adfigunt avide corpus iunguntque salivas
> | oris et inspirant pressantes dentibus ora.
> | Nequiquam, quoniam nihil inde abradere possunt 1110
> | nec penetrare et abire in corpus corpore toto;
> | nam facere inter dum velle et certare videntur.
> | usque adeo cupide in Veneris compagibus haerent,
> | membra voluptatis dum vi labefacta liquescunt.
> | tandem ubi se erupit nervis conjecta cupido,
> | parva fit ardoris violenti pausa parumper.
> | inde redit rabies eadem et furor ille revisit,
> | cum sibi quod cupiant ipsi contingere quaerunt,
> | nec reperire malum id possunt quae machina vincat.
> | usque adeo incerti tabescunt volnere caeco. 1120
>
> Enfin lorsqu'ils jouissent de la fleur de l'âge par leurs corps enlacés
> et quand déjà le corps présage les réjouissances,
> que Vénus est en lui de sorte qu'elle ensemence les labourables
> parties sexuelles de la femme,

c'est une glose, plutôt qu'une traduction..

> ils acollent avidement leurs corps et joignent leurs salives dans leurs


> bouches
> et aspirent leurs bouches, pressant les dents.
> En vain puisqu'ils ne peuvent rien enlever dedans,
> ni pénétrer et faire disparaître un corps dans un corps tout entier ;
> en effet, ils semblent vouloir lutter et le faire
> jusqu'à ce que, à ce point ils sont attachés aux assemblages de Vénus,
> les membres se détendent défaits par la violence du plaisir.
> Enfin lorsque le désir répandu dans les nerfs s'est rompu,
> il se produit momentanément une petite pause dans la violence de leur
> ardeur .
> Puis la rage revient, identique et cette fureur les visite à nouveau,
> alors qu'eux-mêmes cherchent ce qu'ils désireraient qu'il se produise
> pour eux,
> et qu'il ne peuvent trouver quel stratagème vaincrait ce mal,
> à ce point, dans l'incertitude, ils sont rongés par une aveugle
> blessure.

usque adeo: tellement, tant. expression très fréquente.


>
Bon, je reconnais que ce n'est pas très beau comme traduction, mais cela
permet d'éclaircir quelques points parfois obscurs.

dans l'ensemble on est d'accord je pense pour ce passage.. du moins pour le


sens; y a-t-il des passages dans ma tentative de versification qui vous
paraissent si obscurs?

amicalement, Métrodore
>

Anaxagore

unread,
Oct 1, 2000, 7:07:38 PM10/1/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:
397da...@194.78.84.155...

Cher Métrodore,


désolé d'avoir tant tardé mais il ne m'est guère aisé de dégager du
temps à consacrer pour les forums actuellement. Cela ira mieux en
novembre.

| suite
| Adde quod absumunt viris pereuntque labore,
| adde quod alterius sub nutu degitur aetas,
| languent officia atque aegrotat fama vacillans.
| labitur interea res et Babylonica fiunt
| unguenta et pulchra in pedibus Sicyonia rident,
| scilicet et grandes viridi cum luce zmaragdi
| auro includuntur teriturque thalassina vestis
| adsidue, et Veneris sudorem exercita potat.
| Et bene parta patrum fiunt anademata, mitrae,
| inter dum in pallam atque Alidensia Ciaque vertunt. 1130

Ajoute qu'ils manquent de forces et qu'ils meurent à la peine,

ajoute qu'un signe de tête de l'autre guide leur existence,
Le sentiment du devoir languit et la réputation vacillante dépérit.
Entre temps leurs affaires s'effondrent et deviennent des onguents de
Babylone
[Com : dites, il n'existe pas quelque part une correction de "labitur"
en "labuntur", plutôt ?]
et des parfums de de Sicyone sont riants à leurs pieds,

bien entendu de grandes émeraudes de grandes émeraudes à la verte lueur


sont incrustées dans l'or et l'habit glauque se détériore continument,
et boit la sueur de Vénus en exercices.
Et ce qu'ont bien généré les pères devient bandeaux et mitres;
parfois ils sont convertis en manteaux d'Alinde ou de Céos.

| Eximia veste et victu convivia, ludi,
| pocula crebra, unguenta, coronae, serta parantur.
| Ne quiquam, quoniam medio de fonte leporum
| surgit amari aliquid, quod in ipsis floribus angat,
| aut cum conscius ipse animus se forte remordet
| desidiose agere aetatem lustrisque perire,
| aut quod in ambiguo verbum iaculata reliquit,
| quod cupido adfixum cordi vivescit ut ignis,
| aut nimium iactare oculos aliumve tueri
| quod putat in voltuque videt vestigia risus. 1140

On prépare un banquet sortant de l'ordinaire par l'habit et la bombance,
des jeux,

coupes de vin serrées, parfums, courronnes et guirlandes.


Vainement, puisqu'au milieu de la fontaine des agréments
surgit quelque chose d'amer, qui tourmente au sein même des fleurs,
ou bien alors que l'esprit lui-même conscient est d'aventure pris de
remords
de mener son existence oisivement et de périr de débauches,
ou bien du fait qu'un mot laisse des choses jetées dans l'ambiguïté,

mot que le désir vivifie fixé dans le coeur comme des feux,

ou bien parce que l'on pense les yeux sont trops jetés


ou un autre regardé et l'on voit les marques d'un sourire sur le visage.


Pour ma part, je n'ai qu'un mot : quel talent et quelle psychologie ce
Lucrèce !

Anaxagore

unread,
Nov 3, 2000, 7:00:25 PM11/3/00
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:

3a02f...@194.78.84.155...
|
| précèdes? incongru.. vous ne préférez pas "préfères", chercher de
| préférence?

Je voulais dire préfères, désolé pour cette coquille.


| > Le gros pif
|
| là, vous exagérez!!

Ah, vous trouvez ?

| mais je ne vois pas pourquoi proprio signifierait partagé.

Mais il ne signifie pas "partagé", mais "sans partage", au contraire !

c'est une
| interprétation plutôt qu'une traduction. vu ce que vient de dire
Lucrèce,
| l'amour ne saurait être partagé, de toutes façons.

Oui, nous sommes bien d'accord. C'est bien pour cela que je traduis
"proprio" par "sans partage"...

c'est simplement un amour
| qu'on possède en propre, qui est "en possession de son objet" (Ernout)
et
| qui s'oppose à inops, comme secundus à adversus. bref, qu'on peut se
payer.

Sans doute. Et c'est parce qu'il nous est propre qu'il est sans partage.


Notez que le sens que j'ai choisi est tout à fait attesté dans le
Gaffiot.


|


| puisque ce n'est pas une obligation, pourquoi dire pi-ège? en
revanche,

| aucune licence n'empêchera votre alexandrin d'avoir 13 pieds... si
vraiment
| piège vous embête, mettons lacs. mais ce n'est pas très clair.

Je ne vois pas ce qui vous embête avec "lacets". Cela me semble pourtant
tout à fait adéquat, puisque cela désigne les noeuds coulants que les
chasseur utilisent pour capturer leur proie. Or songez justement aux
filets de Vénus dans la suite du texte. Le rapprot avec la chasse me
semble clair et a fortiori avec l'image du noeud coulant.

| >
| > A mon avis, vous faites erreur sur "nigrus". ici il ne s'agit pas du
| > corps, mais du caractère, et le miel est une image pour opposer
perfidie
| > et douceur. Cette dernière en est d'ailleurs sovent l'apparent
| > corollaire....

| dans ce cas il faudra faire pareil avec le texte de Platon dont
s'inspire
| Lucrèce, avec Ovide qui le reprend, Molière, etc. le teint sombre est
| considéré comme laid dans l'antiquité, je crois, et jusqu'à une
période
| récente d'ailleurs.

Je le sais bien, mais ici, il me semble que "nigrus" est au sens figuré.
Il me semble beaucoup cohérent d'opposer en ce sens la douceur du miel
et l'amertume de la bile, car je le crois, c'est l'idée, que la couleur
noire et le miel.


| >
| > > est nature, sans fard ;
| >
| > Non, pas d'accord, il ne s'agit que d'une atténuation. "négligée" me
| > semble plus approprié.

| cette fois vous êtes d'accord avec Molière. pourtant, akosmos signifie
bien
| "sans cosmétique", non?

Vous avez raison. Mon choix n'est pas le bon, et "sans fard" convient
mieux.


| >
| >
| pour vous amuser, voici une variante chébran de ce passage :
|
| La noire est une black, la malpropre qui pue
| est trash, celle qui louche est une Dalida,
| le sac d’os, toute en bois nerveux, est twiggy,
| la géante est au top, et la naine, géante,
| la bégayante est fun, la muette est cosmique ;
| odieuse et bavarde, elle a du caractère ;
| Celle qui est pâlotte à mourir est destroy,
| si la toux l’a déjà emportée, elle est zen ;
| la grosse mamelue est Lolo Ferrari ;
| son nez part en trompette, elle est spirituelle ;
| la lippue est sexy. C’est trop long de tout dire.

Magnifique ! Félicitations. Je le conserve en vue d'une lecture pour des
3èmes...


| vous êtes tout excusé par avance; de mon côté je risque d'avoir des
| difficultés d'écriture, parce qu'aux derniers essais, le logiciel de
grec
| que j'avais chargé ne voulait plus écrire en grec.

C'est à dire ? S'agit-il d'Antioch et que se passe-t-il exactement ?
De toutes façons du moment que vous pouvez le lire, l'essentiel est là,
et pour le reste, vous pouvez utiliser des copier-coller ou du grec
monotonique avec la prise en charge multilingue.
Amicalement
Anaxagore

Métrodore

unread,
Nov 3, 2000, 12:29:40 PM11/3/00
to

Anaxagore <rdel...@cybercable.fr> a écrit dans le message :
3a02b...@194.78.84.155...

mais, c'est impeditus. il s'agit d'une tmèse. le mot est coupé par le -que,
qui permet de respecter la scansion.


fuir en
> ennemi, sauf si tu te fais obstacle à toi-même et néglige d'abord tous
> les vices de l'âme
> ou ceux de son corps, celle que tu précèdes et veux.

précèdes? incongru.. vous ne préférez pas "préfères", chercher de
préférence?

> En effet les hommes aveuglés par le désir font ordinairement cela

Iaccho: Baccho. Cérès est la maman de Bacchus.

> Le gros pif

là, vous exagérez!!

est un Silène ou un satyre, la lippue, un baiser.


> Il serait long de dire le reste des choses de ce genre si j'en faisais
> l'effort.
>
>
> traduction
> > Et ces maux, on les a dans l'amour qui prospère ;
>
> que faites-vous de "proprio" ? A mon avis, c'est davantage l'absence de
> partage que Lucrèce cherche à mettre en relief dans ce vers. S'il faut
> donc abandonner un adjectif, ce n'est surtout pas celui-là.

mais je ne vois pas pourquoi proprio signifierait partagé. c'est une


interprétation plutôt qu'une traduction. vu ce que vient de dire Lucrèce,

l'amour ne saurait être partagé, de toutes façons. c'est simplement un amour


qu'on possède en propre, qui est "en possession de son objet" (Ernout) et
qui s'oppose à inops, comme secundus à adversus. bref, qu'on peut se payer.
>

> > s'il est pauvre et contraire, ils seront si nombreux
> > que tu peux les saisir même en fermant les yeux.
> > Mieux vaut donc se tenir par avance éveillé,
> > en suivant mes leçons, pour échapper au piège.
>
> Bien que je n'aie pas fait ce choix, je me demande si cela ne vaudrait pas
le coup de traduire par "pour échapper au lacet" : lacet est sans
> doute issu de "lacio", donc ce ne serait pas trahir le texte et ce la
> vous éviterait une syllabe bancale ( pi-ège ).
> "selon mes instructions, se garder du lacet" : que pensez-vous de cet
> alexandrin ? Vous me direz, c'est moi qui ai une syllabe bancale avec
> "intructi-ons", mais après tout, la synérèse n'a rien d'une obligation.

puisque ce n'est pas une obligation, pourquoi dire pi-ège? en revanche,


aucune licence n'empêchera votre alexandrin d'avoir 13 pieds... si vraiment
piège vous embête, mettons lacs. mais ce n'est pas très clair.
>
> >

> > Car éviter l'amour n'est pas si difficile
> > qu'une fois prisonnier, de sortir de ses rets,
> > et de rompre les noeuds solides de Vénus.
> > Et pourtant, même pris et entravé, tu peux
> > encor fuir l'ennemi, si tu n'as fait obstacle
> > à toi-même, en passant outre aux défauts de l'âme,
> > ou bien à ceux du corps, de celle que tu veux.
> >
> > Ainsi font-ils, tous ceux que le désir aveugle :
> > ils attribuent des biens à qui ne les a pas.
> > C'est pourquoi nous voyons d'infâmes laiderons
> > tenus en grand honneur et parmi les délices.
>
> Je propose cet alexandrin. Qu'en pensez-vous ?
> "être portés aux nues, en grand honneur tenus."

c'est très joli, mais un peu redondant, on perd le côté délices. je suis
gêné aussi par /tonneur tenu/ d'autre part, on n'a pas le droit en toute
rigueur d'utiliser la terminaison féminine -ues au milieu d'un vers, mais il
m'arrive aussi d'y être forcé..


>
>
> > Et chacun rit de l'autre, et conseille au malade
> > que l'amour avilit, d'aller calmer Vénus ;
> > sans voir, les malheureux, qu'ils sont les plus atteints.
>
> > La noiraude est de miel, la malpropre qui pue
>
> A mon avis, vous faites erreur sur "nigrus". ici il ne s'agit pas du
> corps, mais du caractère, et le miel est une image pour opposer perfidie
> et douceur. Cette dernière en est d'ailleurs sovent l'apparent
> corollaire....

dans ce cas il faudra faire pareil avec le texte de Platon dont s'inspire
Lucrèce, avec Ovide qui le reprend, Molière, etc. le teint sombre est
considéré comme laid dans l'antiquité, je crois, et jusqu'à une période
récente d'ailleurs.
>

> > est nature, sans fard ;
>
> Non, pas d'accord, il ne s'agit que d'une atténuation. "négligée" me
> semble plus approprié.

cette fois vous êtes d'accord avec Molière. pourtant, akosmos signifie bien
"sans cosmétique", non?
>
>

pour vous amuser, voici une variante chébran de ce passage :

La noire est une black, la malpropre qui pue
est trash, celle qui louche est une Dalida,
le sac d’os, toute en bois nerveux, est twiggy,
la géante est au top, et la naine, géante,
la bégayante est fun, la muette est cosmique ;
odieuse et bavarde, elle a du caractère ;
Celle qui est pâlotte à mourir est destroy,
si la toux l’a déjà emportée, elle est zen ;
la grosse mamelue est Lolo Ferrari ;
son nez part en trompette, elle est spirituelle ;

la lippue est sexy. C’est trop long de tout dire.


> P.S D'ici ce week-end maximum, je publie le début de la Lettre à Ménécée
> sur nzn.fr.langue.grecque.
> Excusez par avance mon grec bien plus déficient que mon latin.

vous êtes tout excusé par avance; de mon côté je risque d'avoir des


difficultés d'écriture, parce qu'aux derniers essais, le logiciel de grec
que j'avais chargé ne voulait plus écrire en grec.

amicalement,
métrodore
>

Métrodore

unread,
Nov 4, 2000, 5:44:44 AM11/4/00
to

> | > Le gros pif

en fait un nez camus n'est pas nécessairement gros, plutôt épaté, non? comme
celui de Socrate ou d'un Silène.
>

c'est parce qu'il nous est propre qu'il est sans partage.
> Notez que le sens que j'ai choisi est tout à fait attesté dans le
> Gaffiot.

d'accord, j'avais mal lu en effet; décidément j'étais fatigué hier soir; le
plaisir de reprendre nos débats l'a emporté sur la prudence. pour ma part je
trouvais que prospère recouvrait les deux sens. sans partage est un peu
ambigu, cela peut signifier aussi qu'il n'est pas partagé par celle qu'on

aime, ce qui n'est pas dit ici; d'où ma confusion. mais c'est vrai que c'est


embêtant de ne pas garder les deux termes, pour le parallèle. je voulais
vérifier dans Gaffiot, mais ces pages manquent à mon exemplaire en
lambeaux..

> Je ne vois pas ce qui vous embête avec "lacets". Cela me semble pourtant


> tout à fait adéquat, puisque cela désigne les noeuds coulants que les

> chasseurs utilisent pour capturer leur proie. Or songez justement aux
> filets de Vénus dans la suite du texte. Le rapport avec la chasse me


> semble clair et a fortiori avec l'image du noeud coulant.

c'est simplement que lacets risque de faire penser à des chaussures: excusez
mon prosaïsme!..

de mon côté je risque d'avoir des


> | difficultés d'écriture, parce qu'aux derniers essais, le logiciel de
> grec
> | que j'avais chargé ne voulait plus écrire en grec.

> C'est à dire ? S'agit-il d'Antioch et que se passe-t-il exactement ?

oui, c'est Antioch, et il écrit maintenant en alphabet occidental. si j'ai
bien compris, on ne peut passer dans un même texte du français au grec?
c'est peut-être ça qui a modifié les choses..


amicalement, M


Métrodore

unread,
Jan 12, 2001, 7:11:12 PM1/12/01
to

..

> | >
> | > Mais qu'il y ait désormais autant de beauté que tu le veux sur le
> visage
> |
> | désormais, c'est un peu incongru.. mais soit, admettons que son visage
> soit
> | aussi beau que tu veux,...
>
> mais non : une fois l'effet du désir produit, le "jam" traduit par
> "désormais" se justifie !

ah, oui, amusant. mais un peu tiré par les cheveux. jam me semble signifier
seulement quelque chose comme "admettons" , quand bien même son visage
serait...


>
> |
> | > A celle pour qui la puissance de Vénus surgit dans tous les membres
> ;
> | > Il en existe dautres c'est aussi un fait ; nous avons vécu avant
> sans
> | > elle, c'est un fait ;
> | > naturellement elle fait de même et nous savons tout faire pour une
> laide
> |
> | mais non: elle fait la même chose, et nous savons qu'elle le fait,
> qu'une
> | laide
>

> ??? Pas compris la seconde partie de ta phrase !

nempe eadem facit : elle fait les mêmes choses

et scimus facere omnia : et nous savons qu'elle les fait, toutes

turpi: qu'une laide

>
> | > | quem si iam ammissum venientem offenderit aura 1180
> | > | una modo, causas abeundi quaerat honestas
> | > | et meditata diu cadat alte sumpta querella
> | > | stultitiaque ibi se damnet, tribuisse quod illi
> | > | plus videat quam mortali concedere par est.
> | >
> | > Mais l'amant rejeté, en pleurs, recouvre de fleurs
> | > et de guirlandes le seuil, oint les fiers jambages
> | > d'essence de marjolaine et le malheureux fige ses baisers sur la
> porte ;
> | > Si déjà une unique émanation l'avait seulement mécontenté quand,
> admis,
> | > il venait
> |
> | mais il ne vient pas; c'est: SI il était admis, la première effluve
> | suffirait à le faire fuir
>

> Qu'est-ce que tu fais de "venientem" dans ces conditions ? En outre,
> "si" + "amissum" un participe tout seul, cela me paraît un bien étrange
> tour elliptique.

non: le si porte sur offenderit, du moins grammaticalement. il faut
construire:
si, une fois celui-ci reçu, l'odeur l'offensait à son entrée (venientem), il
chercherait un prétexte honorable pour mettre les voiles.
mais pour le sens, le si porte plutôt sur son admission. il y a deux
hypothèses: qu'il renifle l'odeur, ce qui suppose qu'il soit d'abord reçu,
ce qui n'est pas le cas puisqu'il est éconduit.

on pourrait raffiner, et supposer que s'il ne renifle pas l'odeur, c'est à
cause de l'essence de marjolaine qu'il répand partout sur la porte.. à ce
moment là, on pourrait peut-être supposer que parfois il est reçu quand
même, mais ça contredit l'hypothèse de départ, qu'il est éconduit. et
pourquoi chercher un prétexte pour fuir alors qu'on l'a mis à la porte?


>
> |
> | > il chercherait des motifs honnêtes pour s'éloigner,
> | > sa réclamation
> | oh!! une élégie amoureuse, ce n'est pas une réclamation aux impôts!!
>

> Euh... Je trouvais "plainte" trop fort, et je ne parvenais pas à trouver
> un mot.
pourquoi pas querelle, comme dans du bellay? france, france, entends ma
triste querelle...


>
> |
> | longuement méditée en son for intérieur tomberait,
> | > et à ce moment il se condamnerait de sa stupidité
> | > parce qu'il semblerait avoir attribué plus à celle-ci
> | > qu'il est juste de concéder à une mortelle.
> | >
> | >
> | > | Nec Veneres nostras hoc fallit; quo magis ipsae
> | > | omnia summo opere hos vitae poscaenia celant,
> | > | quos retinere volunt adstrictosque esse in amore.
> | > | Nequiquam, quoniam tu animo tamen omnia possis
> | > | protrahere in lucem atque omnis inquirere risus
> | > | et, si bello animost et non odiosa, vicissim 1190
> | > | praetermittere [et] humanis concedere rebus.
> | >
> | > Ce point n'a pas trompé nos Vénus
> |
> | échappé à, plutôt

> Bon. Si tu veux. Moi, je préférais "tromper" pour "fallit". En effet,
> l'idée est plutôt qu'elle n'ont pas d'illusions sur la question. Si tu
> veux elles n'ont pas fait spécilament preuve de sens de l'observation.
> Disons que ce fait ne les a pas leurrées ( attribuer plus à une mortelle
> qu'une déesse ).
> Donc "échapper à " me semble une erreur.

intéressant. la question est de savoir sur quoi porte le hoc. il me semble
plutôt que ce qui "n'échappe pas" aux vénus, c'est qu'elles vont perdre leur
pouvoir sur les hommes si elles sont démasquées; dans ton interprétation,
elles ne sont pas "trompées" par la divinisation dont elles font l'objet. la
conséquence, à savoir qu'elles entretiennent délibérément l'illusion, me
semble convenir plutôt à la première hypothèse (sans exclure absolument la
tienne), ainsi qu'au sens courant de l'expression me fallit (gaffiot, 3).

cordialement, Métrodore


Anaxagore

unread,
Jan 12, 2001, 1:52:21 PM1/12/01
to

"Métrodore" <ariel....@ftpresse.fr> a écrit dans le message news:

3a5c2...@194.78.84.155...


|
| > | Sed tamen esto iam quantovis oris honore,
| > | cui Veneris membris vis omnibus exoriatur;
| > | nempe aliae quoque sunt; nempe hac sine viximus ante;
| > | nempe eadem facit et scimus facere omnia turpi
| > | et miseram taetris se suffit odoribus ipsa,
| > | quam famulae longe fugitant furtimque cachinnant.
| >
| > Mais qu'il y ait désormais autant de beauté que tu le veux sur le
visage
|
| désormais, c'est un peu incongru.. mais soit, admettons que son visage
soit
| aussi beau que tu veux,...

mais non : une fois l'effet du désir produit, le "jam" traduit par
"désormais" se justifie !

|


| > A celle pour qui la puissance de Vénus surgit dans tous les membres
;
| > Il en existe dautres c'est aussi un fait ; nous avons vécu avant
sans
| > elle, c'est un fait ;
| > naturellement elle fait de même et nous savons tout faire pour une
laide
|
| mais non: elle fait la même chose, et nous savons qu'elle le fait,
qu'une
| laide

??? Pas compris la seconde partie de ta phrase !

| > | quem si iam ammissum venientem offenderit aura 1180


| > | una modo, causas abeundi quaerat honestas
| > | et meditata diu cadat alte sumpta querella
| > | stultitiaque ibi se damnet, tribuisse quod illi
| > | plus videat quam mortali concedere par est.
| >
| > Mais l'amant rejeté, en pleurs, recouvre de fleurs
| > et de guirlandes le seuil, oint les fiers jambages
| > d'essence de marjolaine et le malheureux fige ses baisers sur la
porte ;
| > Si déjà une unique émanation l'avait seulement mécontenté quand,
admis,
| > il venait
|
| mais il ne vient pas; c'est: SI il était admis, la première effluve
| suffirait à le faire fuir

Qu'est-ce que tu fais de "venientem" dans ces conditions ? En outre,


"si" + "amissum" un participe tout seul, cela me paraît un bien étrange
tour elliptique.

|


| > il chercherait des motifs honnêtes pour s'éloigner,
| > sa réclamation
| oh!! une élégie amoureuse, ce n'est pas une réclamation aux impôts!!

Euh... Je trouvais "plainte" trop fort, et je ne parvenais pas à trouver
un mot.

|


| longuement méditée en son for intérieur tomberait,
| > et à ce moment il se condamnerait de sa stupidité
| > parce qu'il semblerait avoir attribué plus à celle-ci
| > qu'il est juste de concéder à une mortelle.
| >
| >
| > | Nec Veneres nostras hoc fallit; quo magis ipsae
| > | omnia summo opere hos vitae poscaenia celant,
| > | quos retinere volunt adstrictosque esse in amore.
| > | Nequiquam, quoniam tu animo tamen omnia possis
| > | protrahere in lucem atque omnis inquirere risus
| > | et, si bello animost et non odiosa, vicissim 1190
| > | praetermittere [et] humanis concedere rebus.
| >
| > Ce point n'a pas trompé nos Vénus
|
| échappé à, plutôt

Bon. Si tu veux. Moi, je préférais "tromper" pour "fallit". En effet,
l'idée est plutôt qu'elle n'ont pas d'illusions sur la question. Si tu
veux elles n'ont pas fait spécilament preuve de sens de l'observation.
Disons que ce fait ne les a pas leurrées ( attribuer plus à une mortelle
qu'une déesse ).
Donc "échapper à " me semble une erreur.
|

| ; elles-mêmes
| > cèlent fort soigneusement tous les recoins de leur existence
|

| les coulisses plutôt: c'est un théâtre.

Bon, là aussi, je ne trouvais pas de mots.


|
| > à ceux qu'elles veulent retenir dans les étreintes de l'amour.
| > Inutilement, puisque tu peux cependant par ton esprit
| > tout mettre à jour et chercher du rire dans tout,
|
| oui, c'est en effet ce que ça doit vouloir dire, me semble-t-il.
|
| > et si elle a bel esprit et n'est pas odieuse,
| > passe outre et cède aux humaines réalités.
|
| ces deux derniers verbes dépendent aussi du "peux": il faut les
traduire à
| l'infinitif. on peut à la fois, avec son esprit, chercher de quoi
rire, mais
| aussi pardonner et finalement vivre humainement. bello animo me semble
| plutôt signifier bon coeur; mais c'est vrai que ça reprend l'animo qui
| précède. en tous cas ça m'arrange pour la métrique..

Tu as certainement raison.
Amicalement
Anaxagore

Métrodore

unread,
Jul 15, 2001, 5:47:43 PM7/15/01
to

"Anaxagore" <Anax...@noos.fr> a écrit dans le message news:
3B520104...@noos.fr...
> suite
> Nec mulier semper ficto suspirat amore,
> quae conplexa viri corpus cum corpore iungit
> et tenet adsuctis umectans oscula labris;
> nam facit ex animo saepe et communia quaerens
> gaudia sollicitat spatium decurrere amoris.
> nec ratione alia volucres armenta feraeque
> et pecudes et equae maribus subsidere possent,
> si non, ipsa quod illarum subat, ardet abundans
> natura et Venerem salientum laeta retractat. 1200
>
> Et souvent la femme ne soupire pas d'un amour feint,
> elle qui dans l'union de son corps rejoint le corps de l'homme

l'union de son corps??

> et le tient lèvres aspirées en l'embrassant de baisers ;
> En effet, elle agit souvent ainsi de bon coeur et recherchant
> des joies communes elle sollicite de parcourir la clairière

la carrière?
de l'amour.
> ne pourraient pour un autre motif les oiseaux les troupeaux, les bêtes
> sauvages,
> le bétail et les juments céder aux mâles ,
> si la nature ne débordait d'ardeur et en joie et ne renouvellait pas la
Vénus
> des saillies,
> parce que la nature même de ces juments est en chaleur.
>
> Nonne vides etiam quos mutua saepe voluptas
> vinxit, ut in vinclis communibus excrucientur,
> in triviis cum saepe canes discedere aventis
> divorsi cupide summis ex viribus tendunt,
> quom interea validis Veneris compagibus haerent?
> Quod facerent numquam, nisi mutua gaudia nossent,
> quae iacere in fraudem possent vinctosque tenere.
> Quare etiam atque etiam, ut dico, est communi' voluptas.
>
> Est-ce que tu ne vois pas ceux qu'uune volupté commune
> a souvent vaincus, comme ils sont torturés dans des chaînes communes,
> dans les carrefours, souvent lorsque deux chiens allant en sens opposés
> font effort de toutes leurs forces pour se séparer,
> alors qu'ils sont unis encore par les liens robustes de Vénus ?
> Ce qu'ils ne feraient jamais s'ils n'avaient pas connu des réjouissances
> communes
> qui puissent les jeter et les garder vaincus dans le piège.
> C'est pourquoi encore et encore, comme je le dis, commun est le plaisir.
>
> suite
> Et commiscendo quom semine forte virilem
> femina vim vicit subita vi corripuitque, 1210
> tum similes matrum materno semine fiunt,
> ut patribus patrio. Sed quos utriusque figurae
> esse vides, iuxtim miscentes vulta parentum,
> corpore de patrio et materno sanguine crescunt,
> semina cum Veneris stimulis excita per artus
> obvia conflixit conspirans mutuus ardor,
> et neque utrum superavit eorum nec superatumst.
> Fit quoque ut inter dum similes existere avorum
> possint et referant proavorum saepe figuras,
> propterea quia multa modis primordia multis 1220
> mixta suo celant in corpore saepe parentis,
> quae patribus patres tradunt a stirpe profecta.
> inde Venus varia producit sorte figuras,
> maiorumque refert voltus vocesque comasque;
>
> Lorsque d'aventure lors du mélange de la semence
> la femme vainc l'énergie virile et l'emporte par une force soudaine,
> alors de la semence maternelle se produiront les répliques des mères,
> de même pour les pères s'ils proviennent de la semence paternelle.
> Mais ceux que tu vois participer de l'une et l'autre forme, mêlant
également
> les traits des parents,
> ils croissent partir du corps du p re et du sang de la mère,
> puisqu'une ardeur mutuelle s'accordant a mélangé travers les membres les
> semences
> excit es sous les stiulations de Vénus allant la rencontre l'une de
> l'autre,
> et aucune des deux n' a domin e ni n'a été dominée.
> Il se produit aussi que des enfants semblables aux aïeux puissent exister
de
> temps en temps
> et souvent qu'ils portent les visages des bisaïeux,
> parce qu ils recèlent dans leur propre corps les nombreux atomes
> mêlés de multiples manières des parents,
> que les pères ont transmis aux pères issus de la racine.
> De l V nus produit des visages de diverses sortes,
> et transmet voix, visages et chevelures des ancêtres ;
>
> quandoquidem nihilo minus haec [de] semine certo
> fiunt quam facies et corpora membraque nobis.
> et muliebre oritur patrio de semine saeclum
> maternoque mares existunt corpore creti;
> semper enim partus duplici de semine constat,
> atque utri similest magis id quod cumque creatur, 1230
> eius habet plus parte aequa; quod cernere possis,
> sive virum suboles sivest muliebris origo.
>
> puisque ces choses ne proviennent en rien moins d'une semence déterminée
> que nos traits, nos corps et nos membres.
> une génération féminine naît d'une semence paternelle
> et des mâles existent crûs d'un corps maternel ;
> En effet l'enfant tient son existence d'une semence double,

semper

> et ressemble davantage l'un ???? et ? Je n'y comprends rien cette
> construction de m...@**##!

c'est tout naturel, pourtant: tout ce qui est créé ressemble plus à celui
des deux dont elle a plus que la part égale (la moitié)


> ce que tu peux voir soit dans la descendance des hommes soit dans la race
> féminine.
>
>
>

Anaxagore

unread,
Jul 15, 2001, 4:45:56 PM7/15/01
to
suite
Nec mulier semper ficto suspirat amore,
quae conplexa viri corpus cum corpore iungit
et tenet adsuctis umectans oscula labris;
nam facit ex animo saepe et communia quaerens
gaudia sollicitat spatium decurrere amoris.
nec ratione alia volucres armenta feraeque
et pecudes et equae maribus subsidere possent,
si non, ipsa quod illarum subat, ardet abundans
natura et Venerem salientum laeta retractat. 1200

Et souvent la femme ne soupire pas d'un amour feint,
elle qui dans l'union de son corps rejoint le corps de l'homme

et le tient lèvres aspirées en l'embrassant de baisers ;
En effet, elle agit souvent ainsi de bon coeur et recherchant

des joies communes elle sollicite de parcourir la clairière de l'amour.


ne pourraient pour un autre motif les oiseaux les troupeaux, les bêtes
sauvages,
le bétail et les juments céder aux mâles ,
si la nature ne débordait d'ardeur et en joie et ne renouvellait pas la Vénus
des saillies,
parce que la nature même de ces juments est en chaleur.

Nonne vides etiam quos mutua saepe voluptas
vinxit, ut in vinclis communibus excrucientur,
in triviis cum saepe canes discedere aventis
divorsi cupide summis ex viribus tendunt,
quom interea validis Veneris compagibus haerent?
Quod facerent numquam, nisi mutua gaudia nossent,
quae iacere in fraudem possent vinctosque tenere.
Quare etiam atque etiam, ut dico, est communi' voluptas.

Est-ce que tu ne vois pas ceux qu'uune volupté commune

a souvent vaincu, comme ils sont torturés dans des chaînes communes,

ils croissent à partir du corps du père et du sang de la mère,
puisqu'une ardeur mutuelle s'accordant a mélangé Ã travers les membres les
semences
excitées sous les stiulations de Vénus allant à la rencontre l'une de
l'autre,
et aucune des deux n' a dominée ni n'a été dominée.


Il se produit aussi que des enfants semblables aux aïeux puissent exister de
temps en temps
et souvent qu'ils portent les visages des bisaïeux,
parce qu ils recèlent dans leur propre corps les nombreux atomes
mêlés de multiples manières des parents,
que les pères ont transmis aux pères issus de la racine.

De là Vénus produit des visages de diverses sortes,


et transmet voix, visages et chevelures des ancêtres ;

quandoquidem nihilo minus haec [de] semine certo
fiunt quam facies et corpora membraque nobis.
et muliebre oritur patrio de semine saeclum
maternoque mares existunt corpore creti;
semper enim partus duplici de semine constat,
atque utri similest magis id quod cumque creatur, 1230
eius habet plus parte aequa; quod cernere possis,
sive virum suboles sivest muliebris origo.

puisque ces choses ne proviennent en rien moins d'une semence déterminée
que nos traits, nos corps et nos membres.
une génération féminine naît d'une semence paternelle
et des mâles existent crûs d'un corps maternel ;
En effet l'enfant tient son existence d'une semence double,

et ressemble davantage à l'un ???? et ? Je n'y comprends rien à cette
construction de m...@**##!

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