Le mercredi 27 août 2008
Ainsi soit-il
La Presse
Quelle place accorder à la religion à l'école? Il est intéressant de voir comment cette question, qui faisait bâiller presque tout le monde il y a quelques années, est devenue autrement plus brûlante au fil du temps.
Il faut dire que, entre le moment où un groupe de
travail ministériel s'est penché sur la question de l'enseignement
religieux à l'école et celui où la catéchèse d'antan a été rayée pour
de bon du programme scolaire, il s'est écoulé plus de 10 ans. Dix ans
durant lesquels l'air du temps a changé au Québec.
Rappelez-vous
les premières audiences de la commission Bouchard-Taylor, l'automne
dernier. À la surprise générale, les premiers en file derrière le micro
n'étaient pas des membres de minorités religieuses en quête
d'accommodements, mais plutôt des militants de la droite catholique. Le
processus de laïcisation tranquille de nos institutions scolaires était
soudainement vu, par un drôle de revers, comme une menace à la culture
de la majorité.
Ainsi, la soupe identitaire brassée par la
commission Bouchard-Taylor nous a rappelé que la religion catholique,
pourtant boudée par la majorité, était devenue pour certains une bouée
qu'il fallait tenter de regonfler. Le discours qui bouillonnait avait
souvent quelque chose de paradoxal: la laïcité, oui, je la veux, mais
surtout pour les autres.
Dans ce nouveau contexte, pas étonnant
que le «petit nouveau» de la rentrée, soit le programme Éthique et
culture religieuse, suscite méfiance et mécontentement. Des catholiques
trouvent qu'on n'y fait pas assez de place à Jésus, des athées trouvent
qu'il y est trop question de Jésus, des parents craignent que leurs
enfants adhèrent à l'une des religions étrangères proposées dans le
nouveau buffet, et des démagogues entretiennent le mythe selon lequel
ce programme marque le début de la fin de l'identité québécoise.
La
question est aussi générationnelle. Aux yeux de bien des aînés,
l'abolition de l'enseignement confessionnel à l'école ne témoigne pas
d'une évolution des mentalités mais d'un recul. Aux yeux des plus
jeunes, c'est le contraire.
Cela dit, contrairement à la
croyance populaire, le nouveau programme ne vise pas à faire sortir à
grands coups de pied la religion catholique de l'école. Il s'agit
plutôt d'instaurer un enseignement non confessionnel des religions en
accordant, cela va de soi, une place prépondérante à l'héritage
chrétien de la majorité. C'est l'aboutissement logique d'un processus
de déconfessionnalisation de l'école qui reconnaît tout de même
l'importance de l'histoire religieuse.
En théorie, le programme
d'éthique et de culture religieuse est prometteur. En pratique, il
faudra voir ce que cela donnera. Nouveauté oblige, on sait déjà que les
écueils seront nombreux – manque de formation des professeurs, retard
dans l'édition des manuels, grogne de certains parents, confusion...
Chose
certaine, avec ce programme, l'école laïque devient cette semaine un
peu moins schizo. Elle pratique enfin ce qu'elle prêchait déjà en
théorie. Il ne s'agit pour ses enseignants ni de donner la foi aux
élèves ni de la leur faire perdre, mais bien d'être cohérents. On ne
peut maintenir l'enseignement confessionnel sur les bancs d'école tout
en clamant haut et fort que l'école est laïque et neutre. On ne peut
non plus faire fi des changements dans le paysage socioreligieux du
Québec depuis 40 ans.
Ces changements sont attribuables à
l'immigration, oui, bien sûr, mais surtout, ne l'oublions pas, à la
Révolution tranquille, dont les acquis ont redessiné l'identité
collective.
Comment, dans ce contexte, redéfinir la place du
religieux à l'école sans brimer la liberté de conscience de qui que ce
soit ni perdre ses repères? En respectant le rôle de chacun, tout
simplement. Laissons aux parents et aux communautés religieuses le soin
d'élever leurs enfants dans la foi, s'ils le souhaitent. Laissons à
l'école devenue tranquillement laïque le soin de faire ce qu'elle peut
faire de mieux: créer un espace commun où chacun pourra se familiariser
avec l'héritage religieux du Québec tout en s'ouvrant à sa diversité.
Bonne rentrée!