Le mercredi 27 août 2008
Le programme d'éthique et culture religieuse lancé dans la controverse
La Presse
C'est la rentrée cette semaine. La grande
nouveauté: le cours d'éthique et de culture religieuse, introduit d'un
seul coup au primaire ainsi qu'en première, en deuxième et en quatrième
secondaire. Au-delà des controverses, qu'apprendront les enfants,
finalement?
Si vous avez plus de 30 ans, on vous a probablement
appris à l'école à être un bon catholique, à honorer Jésus, qui est
ressuscité au troisième jour, et à aimer votre prochain comme
vous-même. À partir de cette année, tous les enfants du Québec - qu'ils
soient catholiques, juifs, musulmans ou bouddhistes - devront apprendre
qui est Jésus, ce qu'est Noël, qui est Bouddha et quels sont les cinq
piliers de l'islam. On leur expliquera que tout ça, ce sont des
croyances et pas nécessairement des faits avérés.
Voilà ce qui
ressort de la lecture en rafale des seuls manuels approuvés par le
ministère de l'Éducation pour le primaire, ceux de la maison d'édition
Modulo.
Voyons le chapitre sur Pâques, qui sera au programme en
deuxième année. Il met en scène la petite Amalina, qui déclare: «Moi,
j'adore la fête de Pâques. C'est la fête du chocolat.» «Voyons! Pâques
est la fête de la résurrection de Jésus», réplique son amie. «Vous vous
trompez toutes les deux, dit un troisième. La Pâque est une fête juive.
Elle nous rappelle la libération des Juifs, la fin de l'esclavage.»
La
morale de cette petite histoire? «Il existe différentes manières de
célébrer ou de comprendre une fête. La Fête de Pâques en est un
exemple», peut-on lire.
En cinquième année, les enfants qui
auront les manuels Modulo liront les inquiétudes de Jérémie. Dans les
chapitres précédents, les enfants auront appris par exemple ce qu'est
une kippa (que portent certains juifs) et ce que mangent ou pas
certains croyants. Jérémie dira à sa mère: «Quelque chose me tracasse.
Moi, je suis catholique et pourtant, je n'ai aucun signe pour
m'identifier à ma religion.»
Sa mère lui expliquera qu'il porte une petite croix au cou et qu'elle en porte une elle aussi.
«Par contre, je n'ai jamais vu papa en porter une.»
«C'est
exact, dit la mère, mais afficher ce symbole n'est pas une obligation.
Pour les catholiques, il n'y a pas de vêtements prescrits non plus.»
Mieux comprendre l'autre
Les chapitres sur la religion alternent avec les
chapitres sur l'éthique, qui expliquent par exemple ce qu'est un
compromis, ce qu'est la Charte des droits et libertés et l'importance
de respecter l'environnement. On y parle aussi d'immigration. «À ton
avis, demande-t-on aux enfants, quelles sont les difficultés que
peuvent éprouver les immigrants pendant leurs premières années de vie
au Québec? Si tu devais aller vivre dans un autre pays, que pourrais-tu
faire pour mieux t'intégrer?»
De front, les enfants se feront
donc parler d'éthique, d'histoire du Québec et de concepts jamais
enseignés aux plus vieux comme la roue à huit rayons des boud-dhistes
ou le zakat des musulmans (le fait de verser une partie de son revenu
aux pauvres).
Dans ces conditions, côté catholicisme, on n'entre
pas dans les détails. Exit les noces de Cana, Lazare et
Marie-Madeleine, mais les mages sont là, tout comme l'arche de Noé et
le récit de la Création, publié non loin de la légende du Grand Lièvre
des Attikameks.
Lily Cloutier, auteure des manuels du primaire
avec Patrick St-Jacques, note que «l'idée de base n'est pas de
transmettre une foi mais d'exposer les enfants à diverses religions
pour que chacun comprenne mieux l'autre».
«Dans une approche
confessionnelle, poursuit-elle, on expliquait à fond qui était Jésus.
Les enfants apprendront toujours qui est Jésus, mais pas seulement
lui.» Ainsi, les enfants apprendront qui est Rigoberta Manchu, Martin
Luther King, le dalaï-lama et Gandhi.
Les enfants sauront aussi
que le Notre Père est une prière importante pour les catholiques, mais
ils ne la liront pas dans leur manuel «parce qu'il aurait fallu
autrement faire la même chose pour les autres religions», dit Mme
Cloutier.
Cela étant dit, le catholicisme devait nécessairement occuper une place prédominante dans les manuels.
La
question du voile est abordée très, très rapidement, au primaire, sans
explication sur les raisons pour lesquelles certaines musulmanes le
portent. La question, comme d'autres plus pointues, sera plutôt abordée
au secondaire, dit encore Mme Cloutier.
Aucune exemption
À la Fédération des syndicats de l'enseignement, on
indique que, comme les enseignants n'ont même pas encore en main les
manuels, plusieurs d'entre eux entendent commencer le programme bien
tranquillement, sans nécessairement donner au début l'heure de cours
réglementaire. S'il s'inquiète du possible manque de formation donnée
aux maîtres, le syndicat est d'accord sur le fond. «Le nouveau
programme va dans le sens de nos revendications parce qu'il va dans le
sens d'une école laïque», dit la présidente, Manon Bernard.
Les écoles privées pourront, parallèlement au programme obligatoire, continuer de donner un enseignement plus traditionnel.
Le
ministère de l'Éducation ne donne pas de statistiques provinciales sur
le nombre de parents qui ont demandé que leurs enfants soient exemptés
du nouveau programme. À la Commission scolaire de Montréal, on sait
cependant qu'il y a eu une vingtaine de demandes. Il y en a eu une
quarantaine à la Commission scolaire de la Capitale (Québec), seulement
deux demandes à Trois-Rivières et une seule dans les MRC de Matane et
de la Matapédia. À Valcourt, une trentaine de parents se mobilisent
contre le programme parce que, selon eux, il bafoue la religion
catholique.
Le Ministère n'a accordé aucune exemption, que ce
soit au primaire ou au secondaire, où le programme aura le même esprit
d'ouverture aux autres religions.