Près de 52 000 immigrés, dont plus de la moitié au Québec, ont décroché un boulot au pays l'an dernier, a révélé Statistique Canada hier. Faut-il conclure que les doléances entendues à la commission Bouchard-Taylor l'automne dernier étaient exagérées? Pas du tout. Car la même étude montre qu'en fait d'emploi, l'écart reste considérable entre les nouveaux arrivants et les Canadiens "de souche".
Pendant que le taux de chômage des personnes nées au Canada était de 4,6% en 2007, celui des immigrés était de 6,6%. Le fossé est demeuré beaucoup plus large au Québec, soit: 5,6% par rapport à 10,2%. Et ce, même si la province a fait figure de championne canadienne de la création d'emplois: 28 000 immigrés y ont trouvé du travail.
Malgré tout, les groupes qui viennent en aide aux immigrés se disent encouragés par les résultats de l'enquête. Ils font valoir que le Québec est la seule province canadienne où le taux de chômage des immigrés a connu une diminution notable, une baisse de deux points de pourcentage par rapport à 2006.
"La situation économique de la province est bonne, a indiqué Andrée Ménard, directrice de PROMIS, un organisme qui aide chaque année plus de 300 immigrants à décrocher un emploi. La pénurie d'employés a commencé et elle va s'accentuer parce que les baby-boomers s'en vont à la retraite. C'est entendu qu'on va manquer de main-d'oeuvre partout."
Le marché du travail a été particulièrement favorable aux femmes, ainsi qu'aux immigrés asiatiques et européens. Les Canadiens nés en Afrique continuent de traîner la patte, même si leur taux d'emploi a légèrement augmenté.
C'est pourquoi d'autres intervenants sont moins optimistes. "Le problème reste le même, dit Stephan Reichhold, directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. La situation des Maghrébins est désastreuse: leur taux de chômage est trois fois supérieur à la moyenne, et ça n'a pratiquement pas bougé."
Le directeur du service d'aide La Maisonnée, Wadih Karam, estime de son côté que les statistiques encourageantes masquent une réalité beaucoup moins rose.
"Les immigrants peuvent attendre six mois, un an, mais après ils doivent aller travailler, explique-t-il. Et ils vont prendre n'importe quel emploi, souvent en dehors de leur champ de compétence."
Une analyse que semble confirmer Statistique Canada: la vaste majorité des immigrés qui ont trouvé du boulot ont été embauchés dans les services, la restauration ou le transport. Les Canadiens d'origine, eux, ont intégré les secteurs professionnels, scientifiques et techniques. En somme, ils continuent de décrocher des emplois qualifiés.
"C'est sûr qu'en général, et surtout dans le secteur de la restauration, les gains sont plus faibles, explique l'analyste Christel Le Petit, qui a participé à l'étude. Et il y a plus de travail à temps partiel."