Choisie par les électeurs en mars 2007 pour être l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, l'Action démocratique pouvait espérer accéder au gouvernement la prochaine fois. Un an plus tard, ce parti se retrouve aux antipodes du pouvoir et, dans l'espoir de récupérer ce précieux capital politique, il reprend le discours sur l'immigration qui a été à l'origine de son succès au dernier scrutin. Attention: terrain glissant!
Le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, n'avait pas besoin des résultats du sondage Léger Marketing-Le Devoir publiés au cours des deux derniers jours pour savoir que rien ne va plus. Il le sentait depuis quelque temps déjà. Le verdict étalé à la une du journal jeudi ne pouvait toutefois être qu'un véritable choc traumatique puisque ces 18 % d'intentions de vote dont les électeurs le gratifient le ramènent au résultat des élections de 2003, où il n'avait fait élire que cinq députés.
Devant ce constat brutal, Mario Dumont a réagi d'instinct en revenant à cette recette éprouvée qu'est l'intégration des immigrants, dont la dénonciation à l'occasion du débat sur les accommodements raisonnables avait nourri sa remontée dans les sondages à l'automne 2006 et à l'hiver 2007. Depuis quelques jours déjà, il a remis à l'honneur ce vieux discours dans le cadre des élections partielles de Bourget et Lafontaine, où il s'est rendu hier pour fustiger la politique «libérale péquiste» de hausse des seuils d'immigration.
Le chef adéquiste met ici le pied sur un terrain glissant, où les dérapages sont aussi imprévisibles que dangereux. Il le fait consciemment, sachant que les Québécois sont inquiets en ce qui a trait à l'avenir du français au Québec et à l'immigration. Notre sondage indiquait d'ailleurs que 51% d'entre eux estiment qu'il ne faut pas hausser les niveaux d'immigration. Près d'un Québécois francophone sur deux voit par ailleurs l'immigration comme une menace pour la langue française.
Ce n'est pas parce qu'un sujet est politiquement délicat qu'il ne faut pas l'aborder, prétend Mario Dumont. Vrai, mais n'allons pas croire qu'il ne soit animé que de bonnes intentions. Aujourd'hui, son premier objectif consiste à stopper la descente aux enfers de son parti, sans quoi pourrait apparaître une spirale qui rendrait plus ardus qu'ils ne le sont encore le financement et le recrutement de candidatures de prestige en vue des prochaines élections. Le temps presse et Mario Dumont y va donc à gros traits. Sur ses affiches électorales dont Bourget et Lafontaine sont placardées, il lie le recul de la langue française à Montréal à la hausse du nombre d'immigrants et propose un message dont le sens est: «Ayons plus d'enfants et moins d'immigrants. Votons ADQ!»
Ce lien entre le recul du français à Montréal et la croissance de l'immigration au cours des dernières décennies est bien sûr réel. Il a été amplement démontré par de multiples études. Cela prend cependant une tout autre dimension lorsqu'on en fait un slogan qui évacue toutes nuance et toute explication d'un phénomène complexe. Voilà un slogan lepéniste, disait plus tôt cette semaine le candidat péquiste dans Bourget, Maka Kotto. Le qualificatif est un peu fort, mais il est clair que cette publicité alimentera les préjugés envers les immigrants.
Le débat autour de l'immigration et de l'intégration des nouveaux arrivants ne doit pas être occulté. Il a sa place dans toute campagne électorale, surtout dans les comtés de l'île de Montréal où cette dimension est omniprésente. Il faut s'assurer de pouvoir aborder tous les aspects, ce qu'a amplement démontré la série d'audiences publiques de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables. C'est à se demander si la prochaine cible de Mario Dumont ne sera pas la publication prochaine du rapport de cette commission. Une autre belle occasion pour lui de se faire du capital politique à peu de frais...