Cleptomane

[Desiderato Chouinard]

La cleptomanie peut se dfinir comme un trouble psychique se manifestant par une tendance prendre des objets qui ne nous appartiennent pas", explique le docteur Nicolas Neveux. Psychiatre-psychothrapeute Paris, en TCC et TIP, ce spcialiste est galement l'auteur d'un site d'informations sur la sant mentale. Ce psychiatre a accept de rpondre aux questions de PasseportSant sur la cleptomanie.

Ainsi, Nicolas Neveux explique que "bien souvent, celle-ci provient d'une volont de vivre l'excitation lie cet acte interdit". Il ne s'agit pas d'une pathologie proprement parler, mais plutt d'un symptme qui peut parfois rvler d'autres pathologies sous-jacentes, notamment la dpression ou le trouble bipolaire.

La cleptomanie peut se dfinir comme tant "une pulsion irrpressible de s'approprier des objets sans avoir de motif conomique ou le besoin rel de ces objets", estime le site Internet indexsant, qui constitue le rpertoire sant du Qubec. En effet, la cleptomanie ne peut donc tre considre comme un vol : car elle n'est, ainsi, ni un acte de dlinquance, ni lie un profil de personnalit antisociale.

"La cleptomanie se dfinit comme une tendance prendre des objets qui ne nous appartiennent pas", rsume bien le psychiatre et psychothrapeute parisien Nicolas Neveux, auteur du site e-psychiatrie.fr. Il s'agit donc d'une pulsion irrpressible vouloir s'approprier des choses. D'ailleurs, bien souvent, le cleptomane ne fera aucune utilisation des objets dont il s'est accapar. Le cleptomane est, avant tout, motiv par la volont de vivre le moment d'excitation qui accompagne son acte.

"La plupart du temps, le cleptomane drobe des objets peu dispendieux, car pour lui, la valeur de l'article vol n'a aucune importance", insiste le site qubcois indexsant, avant de prciser : "ce qui anime le cleptomane, c'est le geste en lui-mme". Nicolas Neveux l'indique galement : la cleptomanie est une tendance prendre des objets, et non pas voler.

"En effet, explique le psychiatre parisien, les gens, au moment o ils font cet acte, ne sont pas conscients du vol, ou dans tous les cas, leur volont premire n'est pas de voler, ni de s'approprier un objet." Mme si sur le plan pnal cet acte peut de fait tre assimil du vol, ce qui diffrencie fondamentalement la cleptomanie du vol, dans la dmarche, c'est l'intention : "L'intention n'est pas de s'accaparer l'objet en tant que tel, mais c'est, la plupart du temps, de ressentir les motions d'excitation lies la transgression, lies au fait de faire la chose".

Un bel exemple de cleptomanie est prsent dans la bande dessine Tintin et le secret de la licorne. Dans cet album, un monsieur, fonctionnaire retrait, vole les portefeuilles de tout le monde, et en particulier des Dupond/t. Ce cas typique de cleptomanie est trs bien dcrit par Herg. Le monsieur en question, ainsi, ne prend rien dans les portefeuilles, ne vole pas l'argent : il se contente de les ranger proprement dans une bibliothque, en mettant mme un nom sur chacun de ses propritaires. En outre, lorsqu'il est pris, il rend gentiment ces portefeuilles : "Son but n'tait pas de s'approprier l'objet en tant que tel, insiste le docteur Neveux, mais c'tait la volont de vivre l'excitation."

Tout type d'objet peut tre drob, mais la plupart du temps, ce sont des objets que la personne cleptomane ne va mme pas utiliser. Souvent, les objets sont, ainsi, retrouvs compltement emballs. Il peut galement s'agir d'objets compltement inutiles pour eux, ou qu'ils collectionnent en nombre incroyable.

Dans la plupart des cas, il s'agit d'objets qui peuvent tre drobs dans une poche. Mais pas toujours : un exemple de cas a t dcrit aux tats-Unis o les personnes rentraient dans un magasin, prenaient une tlvision et sortaient tout simplement, en saluant le vigile : c'taient des gens qui taient satisfaits de se voir plus malins que les autres, ils effectuaient cet acte vraiment visage dcouvert. Certains le font davantage en cachette, tout dpend de ce qui les motive en termes d'motions.

Trs souvent, la personne cleptomane est dans le dni, et ne se pose pas trop la question. Ces personnes sont tellement envahies par l'motion que pour elles, l'motion justifie les comportements. Elles vont dire : "C'est plus fort que moi, c'est automatique, ce n'est pas moi qui dcide mais c'est l'motion." De fait, la prise de conscience, pour une personne, de son tat de cleptomane, est souvent concomitante d'une arrestation.

Trs souvent, c'est donc la volont de vivre cette excitation au moment de l'acte qui anime le cleptomane. Cela peut parfois tre autre chose, comme "la volont d'tre plus malin que les gens, un peu comme un prestidigitateur, de russir prendre le portefeuille ou l'objet sans se faire attraper", prcise galement Nicolas Neveux.

Il peut donc y avoir plusieurs motivations, mais de fait, ce qui est caractristique de la cleptomanie c'est qu'elle n'est pas motive par un but lucratif, ce n'est pas un acte crapuleux. "La cleptomanie est vritablement but motionnel, complte le docteur Neveux, l'intention n'est pas de la possession." Pour lui, cet acte est comparable au jeu pathologique, lorsque les gens sont excits. C'est galement la transgression d'un interdit.

Il peut y avoir aussi chez le cleptomane le got du risque, mais ce n'est pas systmatique, c'est toutefois souvent un lment retrouv chez les personnes atteintes de cleptomanie. Mais par ailleurs, d'autres n'y sont pas du tout sensibles, ou c'est vraiment le ct trs impulsif et une forte envie, une pulsion qui les dpasse, sans davantage d'laboration.

"La notion de cause, en psychiatrie, n'a pas trop de sens, rappelle finalement le docteur Neveux. Si on dit qu'une personne a t traumatise un jour et qu'elle est devenue cleptomane, est-ce que c'est la cause ? Ou bien est-ce que c'est une manifestation ? Il est difficile de trancher." Ce psychiatre prfre dire que "la cleptomanie est une entit que l'on voit dans le cadre de certaines autres pathologies". Pour le site canadien indexsant, d'ailleurs, "la cleptomanie est, bien souvent, relie un malaise intrieur important, voire des souffrances ou des blessures antrieures".

En outre, Nicolas Neveux insiste : il peut s'agir de causes qui ne sont pas psychiatriques, mais neurologiques. En effet, certaines personnes qui ont des lsions crbrales : ce sont celles-ci qui vont provoquer chez ces patients un comportement cleptomane. Si cela est assez rare, il faut toutefois vrifier ce genre de cause neurologique.

Par ailleurs, il peut aussi s'agir de causes psychiatriques : on peut ainsi le voir dans les troubles bipolaires, ou encore en rapport avec certains troubles addictifs, et puis trs souvent des troubles de la personnalit, notamment psychopathique, narcissique, parfois vitant, notamment, ou encore borderline, il s'agit des troubles de la personnalit les plus pourvoyeurs de cette manifestation.

"Il peut y avoir des ractions des vnements de vie, mais il n'y a pas toujours de choses comme cela. Dans beaucoup de cas, prcise Nicolas Neveux, il n'y a pas besoin de traumatisme, les gens ont une fragilit, et cela dcompense un moment ou l'autre, mais on ne peut pas dire qu'il y ait une cause." Il n'y a pas de gnralit, c'est cela qui fait notamment la particularit de la cleptomanie.

La cleptomanie n'est pas facile dtecter : les gens ne vont pas se faire soigner pour cela, ou du moins pas souvent. La cleptomanie n'est pas considre comme une pathologie en tant que telle, mais souvent, davantage, comme un symptme de quelque chose d'autre : elle peut par exemple tre le signe d'une pathologie sous-jacente.

"Souvent, c'est un comportement qui peut tre soit isol, soit s'intgrer dans une pathologie plus vaste", estime Nicolas Neveux, avant d'ajouter : "Mais je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est une pathologie en tant que telle".

Il est possible de soigner la cleptomanie, en ce qui concerne ses causes psychiatriques. Pour les causes neurologiques, celles-ci seront davantage du ressort du neurologue. Dans ce genre de situation, le docteur Neveux estime que "la thrapie cognitivo- comportementale et la thrapie interpersonnelle semblent des thrapies de choix, sur ces comportements".

Dans la cleptomanie, il existe une dimension de relation interpersonnelle, c'est--dire que la personne fait cet acte par rapport au fait que cela la place en position de force. "Si on aide cette personne normaliser les relations et interagir d'une faon qui est valorisante mais autre que celle-ci, la cleptomanie n'aura plus de raison d'tre", explique ainsi le psychiatre-psychothrapeute parisien. La thrapie interpersonnelle (TIP) peut donc apprendre la personne grer ses motions d'une autre faon que par cet acte-l. La TIP va alors aider la personne rguler son fonctionnement interpersonnel, c'est--dire la faon dont elle entre en interaction.

Dans le cas de la cleptomanie, il s'agit souvent de personnes qui sont dvalorises dans le lien et qui ont besoin artificiellement de se mettre en situation de supriorit. C'est donc un besoin d'estime qui va tre en jeu, et en faisant cet acte, ces gens prennent l'ascendant et se mettent en situation de valeur : en effet, ils pensent alors tre plus malins que l'autre, qui n'arrive pas protger son bien.

La thrapie interpersonnelle aidera la personne entrer en relation avec les autres sur un mode qui ne soit pas dysfonctionnel, qui ne soit pas un mode cleptomane. Le thrapeute va donc permettre la personne de mettre en jeu d'autres besoins, d'autres attentes, de signaler correctement son besoin, d'identifier correctement l'interlocuteur, entre autres. Souvent, par exemple, dans les cas de cleptomanie, les gens qui ont une dpression sous-jacente sont dans un cadre d'isolement, et effectivement la thrapie interpersonnelle est trs efficace par rapport cela.

La thrapie comportementale et cognitive (TCC) va, elle aussi, permettre la personne de trouver des exutoires diffrents aux cognitions dysfonctionnelles qui l'induisent, qui lui disent par exemple "vole cet objet", et de pouvoir contester ces cognitions dysfonctionnelles.

La TCC va aborder la situation en comprenant que dans la cleptomanie, il y a une injonction avec une cognition dysfonctionnelle. La thrapie aidera la personne rcuprer son libre-arbitre et dcider si, oui ou non, elle trouve que, rationnellement, c'est adapt de prendre cet objet ou pas.

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