Le régime des intermittents, serpent de mer

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Feb 10, 2011, 6:50:33 PM2/10/11
to infos : administration, production et politique culturelle
On croyait en avoir fini. Loin de là. Selon le journal Les Echos,
105.826 allocataires du régime des intermittents du spectacle et de
l'audiovisuel ont été indemnisés en 2009. L'Unedic leur a versé 1,276
milliards d'euros pour seulement 223 millions de cotisations versées,
soit un déficit de plus d'un milliard d'euros.

Le régime des intermittents a été inventé en 1936, pour les
travailleurs de l'audiovisuel, à un moment de crise mais aussi
d'avancées sociales. Etendu et plusieurs fois réaménagé, il est devenu
un véritable serpent de mer de la politique culturelle.
Des bénéficiaires précaires

Le régime est destiné aux artistes et techniciens du spectacle et de
l'audiovisuel. Il permet à ses bénéficiaires de toucher des indemnités
chômage entre deux contrats. La vie d'artiste est en effet
discontinue, faite de projets entre lesquels l'artiste se retrouve
souvent sans travail. Embauché par exemple pour une fiction dont le
tournage dure quelques semaines, l'artiste doit rechercher un nouveau
contrat une fois celui-ci achevé.

Afin de bénéficier du régime, il faut, depuis la réforme de 2007,
avoir travaillé 507 heures en 10 mois pour les techniciens, et en 10,5
mois pour les artistes. Selon le département des études du ministère
de la culture, le nombre moyen de contrats par intermittent en un an
passe, entre 2000 et 2006, de 10 à 15, et leur durée de 6,1 à 4,4
jours. En d'autres termes, être artiste ou technicien dans ces
secteurs, cela signifie se battre pour enchainer des contrats de plus
en plus courts. L'intermittence n'a pas mis fin à cette dégradation.
Peut-être même l'a-t-elle encouragée, en la rendant plus tolérable.

La réforme, loin d'avoir enrayé la montée du déficit, malgré des
dispositions destinées à préciser finement la liste des bénéficiaires
potentiels, semble n'avoir rien changé aux pratiques en vigueur.
Abus, lâchetés, ou réponse à la précarité ?

Il y a un mélange d'abus, de lâcheté, mais aussi de déficit structurel
lié au fait que les indemnités d'assurance chômage sont devenues un
des éléments constitutifs du modèle économique du spectacle vivant et
de l'audiovisuel dans notre pays. Le déficit procède en partie des
comportements de « risque moral » : on désigne par là le fait qu'une
protection sociale spécifique, plutôt avantageuse, finit par modifier
les comportements. Elle est devenue le pendant de la précarisation de
la vie d'artiste.

Les entreprises du spectacle ont intégré le système à leurs comptes.
Elles peuvent sous-payer celui qui complètera ainsi ses rémunérations.
Quant à l'Etat, il utilise cette protection comme une subvention
déguisée dont le financement relève de l'UNEDIC, donc des cotisations
des salariés. Il n'y contribue, via le Fonds de professionnalisation
et de solidarité, qu'à hauteur de 5 millions d'euros par an.
Un ministère condamné à l'impuissance ?

Le ministre est aussi embarrassé que le furent tous ses
prédécesseurs : ils auront commandé nombre de rapports qui, si
intéressants furent-ils, n'auront finalement pas changé grand-chose.
La chasse aux abus est une tâche délicate : une solution partielle
consisterait en l'observation des comportements des employeurs et en
l'application de l'équivalent d'un bonus malus destiné à limiter les
abus constatés. C'est ce que les Américains pratiquent couramment,
quel que soit le secteur d'activité, et qu'ils désignent par
l'expression « experience rating ».

On en est loin. En attendant, le déficit se creuse. Il est intéressant
de relever que le programme du forum sur la politique culturelle,
présidé vendredi par Frédéric Mitterrand et intitulé « La culture pour
chacun », évitait d'employer le terme « d'artiste ». Il n'y a qu'à
consulter la liste des table-rondes pour s'en convaincre : Vaincre
l'éloignement et l'indifférence face à la culture, Diversité et
dialogue interculturel, Transmission et médiation : les enjeux du
numérique, les nouveaux processus de création artistique, Jeunesse et
culture à l'ère des réseaux, Arts, culture et territoires, La culture,
un service public à l'ère de l'économie numérique, et Patrimoines
pluriels.

A l'artiste on préfère le « processus de création artistique ».
L'économie numérique d'un côté, les territoires de l'autre, les
préoccupations évoluent avec le temps, les modes, le contexte social
et politique, la montée d'une nouvelle économie. Face à cela,
l'intermittence a un petit air de déjà vu, et de « Mission impossible
».

Par Françoise Benhamou | Professeur d’économie à Paris-XIII |
09/02/2011
http://www.rue89.com
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