Mitterrand : le Forum qui fâche à la Villette

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Feb 4, 2011, 4:36:36 AM2/4/11
to infos : administration, production et politique culturelle
article intégral ici : http://issuu.com/aurelienguillois/docs/liberation_-_culture_4fev2011

DÉBAT
La polémique enfle depuis plusieurs
années autour du thème de l’échec de la
démocratisation culturelle. La tenue de tables
rondes, aujourd’hui à Paris, où les artistes
sont peu représentés, avive les tensions.

Frédéric Mitterrand aurait pu rêver
climat plus serein. Le Forum
Culture 2011 que so nministère
organise aujourd’hui à la Villette
à Paris s’annonce mouvementé.
Plusieurs organisations, dont le Syndeac
(regroupant les responsables de
théâtres publics), la CGT du spectacle
et la coordination des intermittents et
précaires, appellent au blocage de la
manifestation.
Organisé sous forme de tables rondes
(huit en tout, pour cinquante intervenants),
le forumnational succède à divers
rassemblements régionaux organisés
cet automne. Il a entre-temps
changé de nom. Exit la «culture pour
chacun», notion dont leministre de la
Culture avait fait son étendard depuis
un an. Place à la «culture pour tous, culture
pour chacun, culture partagée».Un
rétropédalage in extremis qui ne suffira
peut-être pas à calmer les esprits.
«Intimidation». La «culture pour chacun
» n’est pas une invention de Frédéric Mitterrand.
Le terme fut utilisé par
Malraux, qui l’opposait à la culture totalitaire.
Mais son actualisation a cristallisé
les craintes d’une partie dumilieu
culturel, en particulier le spectacle
vivant. Craintes renforcées par la divulgation,
en septembre, d’un document
de travail signé de deux experts duministère.
Qui évoquait le «résultat décevant
des politiques de démocratisation
culturelle», et estimait que «le véritable
obstacle à une politique de démocratisation
culturelle, c’est la culture elle-même.
Une certaine idée de la culture, répandue
dans les composantes les plus diverses de
la société, conduit, sous couvert d’exigence
et d’excellence, à un processus
d’intimidation sociale».
Très répandue ces dernières années (à droite comme à gauche),
l’idée d’un
échec de la démocratisation culturelle
est battue en brèche par les acteurs de
terrain. Michel Orier, directeur de la
MC2 deGrenoble (Maison de la culture),
se dit «scandalisé»: «Nos théâtres sont
vivants, joyeux et…remplis d’un public en
augmentation. Ceux qui parlent de public
nanti nemettent jamais les pieds dans un
théâtre de province.» Contre l’idée
d’établissements repliés sur eux-mêmes
et leur public, l’Association des
scènes nationales (que préside Orier),
qui regroupe 62 établissements sur 70,
héritiers des anciennes maisons de la
culture, organise du 14 au
20mars sur tout le territoire
un festival, Effet scènes, qui
prendra l’allure d’une
«Théâtre Pride».
«Idéologie». Parallèlement,
dans un texte très offensif
publié fin décembre, le Syndeac
dénonçait, dans la
«culture pour chacun», «une mise en
pratique, ou plutôt en idéologie, de la
fameuse RGPP (Révision générale des
politiques publiques)». Y voyant la
preuve de l’abandon d’une «politique
publique».
Autant de réactions qui ont conduit le
ministère à faire machine arrière, du
moins dans la formulation. Le Forumde
laVillette entend«ouvrir un large débat»
pour «identifier des propositions d’avenir
» et «repenser le rapport entre patrimoine/
création et publics/spectateurs, à
l’heure de la révolution numérique». Pas
de quoi, a priori, échauffer les esprits.
Mais la composition même des tables
rondes, où les médiateurs culturels
(directeurs d’institutions et spécialistes
divers) forment une écrasante majorité
(quatre artistes seulement sur cinquante
intervenants), témoigne à tout lemoins
d’une coupure avec le monde de la
création. La coordination des intermittents
qualifie pour sa part le forumde
«tarte à la crème dégueulasse». Ce qui
laisse augurer une chaude ambiance
aujourd’hui à l’extérieur et à l’intérieur
de la Grande Halle de la Villette.

Frédéric Mitterrand, ministre
de la Culture, réagit aux blocages
annoncés des syndicats.

La veille de la tenue du Forumà la
Villette, leministre de la Culture
en défend le principe.
L’idée de«culture pour chacun»occasionne
beaucoup de crispations. Au
point que l’intitulé du foruma changé.
C’est pour plaire à tout lemonde?
La question n’est pas de plaire à tout le
monde. On retrouve le terme de
«culture pour chacun» chez plusieurs
ministres de la Culture.AndréMalraux
bien sûr, mais aussi Michel Guy. Je
trouvais que c’était unemanière intéressante
de réfléchir aux questions du
rapprochement de la culture avec les citoyens.
La genèse de tout cela, c’est une
conversation que j’ai eue il y a vingtcinq
ans avec Bernard Sobel, à Gennevilliers,
où nous avions beaucoup parlé
de l’intimidation sociale et nous avions
prononcé cette expression. Cela dit, je
considère que si les innovations sémantiques
–et ce n’en est pas une– en période
d’interrogation et de dialogue
doivent créer un émoi qui occasionne
une perte de repères de l’essentiel, il
faut savoir le prendre en compte.
Quelles seraient les nouvelles frontières
de l’intervention de l’Etat dans le contexte
de cette«Culture pour chacun»?
A l’occasion du débat, je souhaite examiner
trois principes. En premier lieu,
essayer de reconnaître et de valoriser
l’idée que la France est une France
Monde. C’est-à-dire l’idée qu’il y ait
une diversité culturelle considérable en
France qui n’est pas encore suffisamment
reconnue et valorisée.Deuxième
axe: civiliser Internet. C’est un terme
qui a été utilisé à bon droit et à juste titre
par le président de la République. C’est
vrai que c’est aussi une demes préoccupations
depuis que je suis arrivé. Je reçois
Google au-delà de ce qu’auraient
fait beaucoup de gens, j’essaie d’être en
phase avec lesmouvements qui affectent
ce secteur et surtout j’essaie de réagir
de lamanière la plus adéquate possible.
Cela signifie qu’il faut prendre en
compte cette nouvelle pratique culturelle
qui s’est répandue comme un tsunami
en France et que ça change complètement
lamanière d’appréhender la
culture et la transmission et le partage
de la culture. Je constate que cela demeure
compliqué pour les associations
et des acteurs culturels. Il faut les faire
entrer un peu plus dans la danse.Qu’ils
se rendent compte qu’il y a une transformation
incroyable dans lamanière
dont s’effectue actuellement la réflexion
culturelle. Troisième axe: construire,
améliorer, revaloriser, redynamiser le
dialogue avec les collectivités territoriales

Oui, ça pose un problème. Sur le fait
que certains artistes sont sans doute un
peu échaudés par leministère. Ils ont eu
le sentiment, peut-être, qu’on ne les
écoutait pas ou qu’on ne les a pas écoutés
en d’autres temps. Peut-être considèrent-
ils que leministère ne les soutient
pas assez. En vérité c’est tout le
contraire.
Le mot «art» figure très peu dans les
textes duministère…
On ne peut pas me soupçonner de ne
pasm’intéresser à l’art. L’idée de «désertification
», selon Adorno, ce serait
très intéressant d’y réfléchir, justement.
En commençant par savoir ce qu’on appelle
élite. L’idée justement de ce forum,
c’est aussi que des termes comme
ceux-là puissent êtremis sur le tapis.
Dans votre premier discoursmentionnant
«la culturepour chacun», certains
ont cru entendre un appel au privé…
La grande affaire!Dès l’instant où l’on
essaie d’animer le mécénat, c’est
comme si on prenait de l’argent aux
autres. Il n’en est pas question. Le fait
que le mécénat existe et le fait que l’Etat

soit attentif auxmanières de le valoriser
et de lui donner un peu plus de vigueur,
ce n’est pas retirer un seul instant ou
abandonner la politique culturelle de
l’Etat à je ne sais quellemarchandisation,
bien au contraire.
Le conseil à la créationartistiqueprésidé
parMarinKarmitz concentre beaucoup
de critiques…
Le conseil en question dispose d’un
budget de 10millions d’euros qui n’est
pas pris sur le budget duministère de la
Culture. Nous, nous disposons d’un
budget de 7,5milliards d’euros. Je suis
surpris de lire queMarin Karmitz emmène
des intellectuels à NewYork qui
disent que la culture française n’existe
plus. Voilà tout. Je connaisMarin Karmitz
depuis quarante ans. C’est un
homme intelligent et je n’ai aucune raison
deme disputer avec lui. Et puis le
conseil deKarmitz par ailleurs a fait de
bonnes choses. Il ne faut pas non plus
jeter le bébé avec l’eau du bain.Mais je
suis conscient d’un désarroi.

Recueilli par BRUNO ICHER
et RENÉ SOLIS


LIBÉRATION VENDREDI 4 FÉVRIER 2011
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