Des centaines de lieux culturels anglais sacrifiés

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Apr 1, 2011, 9:27:05 AM4/1/11
to infos : administration, production et politique culturelle
Mercredi 30 mars, dès 7 h 30, tout ce que l'Angleterre compte de
directeurs d'opéra, chefs de troupes de théâtre et de danse, et
galeristes attendait dans l'angoisse le coup de fil d'un représentant
de l'Arts Council England (ACE), l'organisme public qui finance des
organisations culturelles du pays. En fin de matinée, le couperet est
tombé : sur les 1 330 lieux qui ont sollicité une aide à l'ACE pour
2012-2015, seuls 695 ont obtenu quelque chose.

L'ACE s'est vu demander par un gouvernement soucieux d'éradiquer le
déficit budgétaire de réduire, au total, ses subventions de 15 % entre
2011 et 2015. Il a choisi d'aider moins d'acteurs que précédemment
(848) et de décider au cas par cas de l'ampleur de sa générosité. Plus
question de saupoudrer les fonds publics, mais plutôt de les attribuer
en fonction des qualités et du succès des uns et des autres.

C'est ainsi qu'à Londres, les subventions de la très à la mode
Serpentine Gallery augmenteront de 31,2 %. Ou que celles de l'Arcola
Theatre, qui donne à voir des spectacles sans émettre de dioxyde de
carbone, doubleront. En revanche, l'Institute of Contemporary Art de
la capitale recevra, à terme, 36,8 % de moins qu'aujourd'hui.

Après quinze années qui ont vu l'Etat financer moult projets culturels
avec pour objectif de démocratiser les arts et de régénérer les
régions du nord terrassées par la crise industrielle des années 1980,
une page vient de se tourner. Mais face à cette nouvelle donne, tout
le monde n'est pas égal.

Les grandes institutions s'en sortent plutôt bien. Le National
Theatre, la Royal Opera House ou la Royal Shakespeare Company verront
certes leurs subventions de -l'ACE baisser de 6,6 % d'ici à 2015.
Mais, comme elles ont su diversifier leurs sources de financement, le
mal sera limité.

Ainsi le National Theatre ne dépend du contribuable que pour 30 % de
ses revenus - contre plus de 50 % il y a dix ans. "Nous avons choisi
de ne pas punir ceux qui se montrent efficaces pour lever des fonds",
explique Alan Davey qui dirige l'ACE. Les grands noms de la culture
doivent se comporter "en bons citoyens", précise-t-il.

Du côté des musées nationaux, directement financés par le ministère de
la culture, des médias et des sports, on est également soulagé. Car
même s'ils n'échappent pas à la cure d'austérité que s'apprêtent à
subir les Britanniques, sans précédent depuis la seconde guerre
mondiale, ils s'en sortent relativement indemnes.

Alors que leur ministère de tutelle verra ses moyens réduits de 24 %
(1,1 milliard de livres en 2014-2015, soit 1,25 milliard d'euros), les
musées les plus prestigieux que sont le British Museum et la National
Gallery perdront sur cette période 15 % de subvention. Mais ils
pourront puiser dans leurs réserves financières. De plus, Downing
Street a décidé de poursuivre les projets d'agrandissement et de
modernisation qui avaient été décidés en des temps plus cléments, pour
la Tate ou le British Museum. Et de ne pas revenir sur la gratuité
d'accès aux collections permanentes - les expositions temporaires
restent payantes, et chères.

"On verra sans doute à l'avenir plus d'expositions payantes du type de
celles que la Tate a faites sur Gauguin en 2010, pronostique toutefois
un diplomate français. C'est-à-dire des choix prudents qui ne
représentent pas une prise de risque et attirent un large public."

Nicholas Serota, le patron de la Tate, se félicite que le gouvernement
ait "réaffirmé le rôle que jouent les musées dans la société". Il y a
peu, lorsqu'il ne connaissait pas encore le montant de sa subvention,
il se montrait plus virulent : les coupes budgétaires, disait-il, vont
"menacer l'écosystème tout entier de la civilisation".

Les lieux culturels au rayonnement plus modeste que celui de la Tate
ont moins confiance. Car cela ne fait aucun doute, les musées locaux,
les théâtres communaux, les festivals régionaux, les troupes de danse,
les galeries d'art contemporain eux vont souffrir. D'autant qu'ils
sont plus dépendants de l'argent public que la Tate ou le British qui
ont su utiliser leur renommée pour lever des fonds privés.

Surtout, les petites structures, en plus de perdre tout ou partie des
subventions de l'ACE, vont subir de plein fouet les restrictions
budgétaires des collectivités locales, qui les financent aujourd'hui
très largement. Celles-ci doivent en effet réduire leur budget de 28 %
d'ici à 2015, et ne seront pas toutes soucieuses, loin s'en faut,
d'épargner leur vitrine culturelle.

Christine Lawrence, conseillère tory chargée des affaires culturelles
du comté du Somerset, prévoit de diviser par deux ses subventions aux
arts. "Comment faire autrement ?, demande-t-elle. Réduire les budgets
pour les jeunes les plus vulnérables ? Ou ceux qui profitent aux
milliers de personnes âgées qui ont pris leur retraite dans le
Somerset ?"

Le ministre de la culture, Jeremy Hunt, ne nie pas le problème :
"J'implore les collectivités locales de reconnaître l'importance
cruciale des arts, que ce soit au niveau économique, culturel ou
social." Ce dernier souhaite également promouvoir le développement de
la philanthropie, dont il affirme qu'elle est six fois moins
développée qu'aux Etats-Unis. Le budget 2011-2012 prévoit de nouveaux
allégements fiscaux pour les généreux donateurs. Et l'Etat s'est
engagé à abonder un fonds d'aide à la culture sur lequel il mettra une
livre à chaque fois qu'un privé en mettra une, et ce dans la limite de
80 millions de livres.

"Nous sommes censés donner de quoi mettre le glaçage sur le gâteau
mais, de fait, nous contribuons de plus en plus à la production du
coeur du gâteau", commente la mécène Vivien Duffield, qui vient
d'annoncer qu'elle donnait 8 millions de livres (9,10 millions
d'euros) entre autres à la Royal Shakespeare Compagny, à la Tate
Britain et au National Theatre.

Virginie Malingre
Le Monde
Article paru dans l'édition du 01.04.11
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