Je me pose la même question depuis longtemps !!!
Je n'ai pas la prétention d'avoir une réponse définitive. Ce que je fais est fondé sur ce que je vois en atelier, et sur différentes recherches. Je suis bien sûr prête à changer d'avis si l'on me prouve qu'il le faut ;-)
- pour les grands débutants à l'écrit, je recommande de travailler la cursive, des petits mots, tout de suite, pour apprendre à enchainer, car c'est bien l'intérêt de la cursive ! Donc surtout pas de lignes de lettres détachées ! Je propose également un ordre de découverte des lettres, travaillées par groupe qui possèdent les mêmes caractéristiques.
- pour les personnes qui écrivent en scripte correctement, pas la peine de travailler la cursive. Cependant, il m'est arrivé plusieurs fois de rencontrer des apprenants qui souhaitaient apprendre la cursive alors même qu'ils écrivaient bien en scripte.
Pourquoi la cursive ?
- elle est plus rapide de 20% que la scripte, le fait qu'on puisse enchainer les lettres nous permet d'aller plus vite. La scripte oblige à soulever le stylo très souvent, ce qui provoque une perte de temps.
- elle permet de faire apparaitre le mot en unités visibles, ce qui est déterminant pour les débutants à l'écrit.
- elle permet d'enregistrer l'orthographe grâce à la mémoire gestuelle : le mot est enregistré comme un enchainement moteur.
- elle reste encore le dénominateur commun des pratiques graphiques : la maitriser fait entrer dans "le monde des lettrés".
- et pourtant, chacun la personnalise (on reconnait l'écriture d'un proche) et fait apparaitre son individualité. Appartenir au tout, tout en étant sujet libre.
Je la propose donc systématiquement (je ne l'impose pas), c'est à eux de décider de cet apprentissage, et à chaque fois, la réponse est positive. Les apprenants savent que cela fait partie du savoir lire-écrire.
En cela, je m'oppose aux approches qui imposent d'office l'écriture scripte, même si je peux comprendre cette volonté d'aller vite pour parer au plus urgent (certains modules d'apprentissage sont courts et les formateurs veulent donner le plus possible en un minimum de temps). Mais je pense qu'on a parfois l'impression de "perdre du temps" par moments si on laisse l'apprenant essayer, mais on en gagne à moyen ou long terme. Il est plus rapide de faire les lacets de l'enfant, mais n'est-il pas mieux qu'il essaie, qu'il tâtonne, car c'est de son autonomie et de son développement propre qu'il s'agit.
En atelier, je remarque plusieurs choses :
- cet apprentissage ne prend pas beaucoup de temps, en deux-trois mois de pratique, à raison de 20mn par atelier environ, la formation des lettres est enregistrée.
- les apprenants prennent beaucoup de plaisir à ce travail.
- j'assiste régulièrement à des "déblocages" par rapport à l'apprentissage de la lecture-écriture, comme si les personnes se disaient 'ça y est, j'y suis, j'apprends à écrire, je suis capable, je m'autorise'.
Pour finir, j'ai vu lors de cette conférence une vidéo que je n'ai pas réussi à retrouver sur une tablette qui permettait d'écrire en cursive, de déplacer des paragraphes... c'était vraiment bluffant et on voyait tout l'avantage de cette nouvelle technologie par rapport à un brouillon papier. Les nouveaux stylets sont plus agréables, ils ne glissent pas. L'écriture est vraiment comme sur du papier, avec toutes les fonctionnalités du traitement de texte.
Est-ce que l'écriture cursive est comme le livre ? On a cru qu'il disparaitrait avec la télé, avec internet, mais il est toujours là, et il y a même des liseuses qui lui offrent une nouvelle jeunesse. Je ne sais pas ce que l'avenir réserve à cette vieille dame qu'est la cursive. Il est possible que dans 10 ans ou 100 ans, plus personne ne la pratique. Mais en attendant, comme ce n'est pas le cas, je ne vois aucune raison d'exclure d'office les apprenants de cette pratique en provoquant une (r)évolution par procuration.
Pour toutes ces raisons, je continue à militer pour la cursive !!;-)
Sybille