Hypercorrection des francophones

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Robert Jeannard

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Mar 6, 2018, 9:35:11 AM3/6/18
to Forum Freinet-Adultes
Merci, Sybille, pour ton retour sur le Journal de bord de St Louis-Réunion et la question de l'attitude hypercorrectrice dont sont victimes les étrangers apprenant le français. Je crée une nouvelle conversation avec ce titre.
C'est effectivement un grand empêchement d'apprendre que d'être rabroué ou moqué parce qu'on ne maîtrise pas la langue, et les Français ne sont pas les pires parmi les francophones: les Suisses romands et les Africains francophones instruits ne sont pas en reste... 
Au cours de cette séance, j'avais raconté à nos apprenants comoriens une anecdote authentique qui illustre la violence des préjugés sociaux contre ceux qui parlent mal (et pas seulement les étrangers). Un patron (réunionnais) avait fait appel à un de mes amis pour l'aider à auditionner des candidates à un poste de secrétaire de direction. Après le passage des candidates, ils discutent sur les qualités des postulantes. À mon ami qui soutient une des candidates malgré sa mauvaise maîtrise du français, il rétorque: "Ah non! Celle-là, elle a de la boue sur ses sabots!".
Nous, enseignants, n'avons pas le pouvoir de modifier ces préjugés répandus dans la société, mais nous pouvons tenter de rendre nos apprenants résilients à cette violence, d'abord en la leur expliquant, pour qu'ils décodent correctement ce qui leur arrive lorsqu'ils en sont victimes, ensuite en les aidant à corriger leurs erreurs. 
Lorsque l'objectif est clairement de travailler sur les erreurs, je n'ai jamais remarqué que les apprenants s'en trouvent blessés ou humiliés: ils viennent à nos cours pour cela, non pour communiquer. C'est particulièrement vrai de ceux qui, comme les Comoriens, viennent de pays francophones et qui ont développé un sabir français. Paradoxalement, le travail est plus difficile avec ces apprenants qu'avec ceux qui qui viennent de pays non francophones car leurs erreurs ne sont pas seulement des erreurs passagères de primo-apprenants mais des erreurs ancrées par des pratiques communicatives qui perdurent au sein de leurs communautés.


Le 6 mars 2018 à 13:53, 'Sybille Grandamy' via Forum Freinet-Adultes <freinet...@googlegroups.com> a écrit :

Bonjour à tous les deux,

Merci pour ce partage. Je réagis par rapport à cette séance où vous n'avez fait que de l'oral et où l'accent a été mis sur la correction du français parlé. Vous parlez des préjugés sociaux à l'encontre des personnes qui ne maitrisent pas bien la langue. Ils sont effectivement très forts et violents pour les apprenants.
J'ai passé une semaine à Londres pendant les vacances. Une chose m'a frappée : j'ai vu beaucoup de personnes étrangères avec un fort accent, faisant pas mal d'erreurs à l'oral ET occupant un emploi ! Des vendeurs/vendeuses, des serveurs/serveuses, des personnes à l'accueil dans les lieux touristiques, dans les transports en commun... 
Et j'ai pensé à tous ces apprenants qui viennent à l'association, diplômés dans leur pays d'origine et qui, parce qu'ils n'ont pas une très bonne maitrise du français, ont beaucoup de mal à trouver un emploi. Pourtant, je les comprends bien ! Et ils me comprennent bien aussi ! Donc, où est le problème ??
D'où vient cette exigence d'orthodoxie à l'oral ?- exigence qu'on retrouve bien sûr à l'écrit... 
Il serait souhaitable que notre rapport à cette langue vénérée, intouchable, presque sacrée, change et s'assouplisse. Accepter qu'elle soit un peu molestée sans froncer le sourcil. Est-ce vraiment un problème que Mohamed oublie le déterminant dans "dimanche prochain, je fais grillades à la maison". On a compris, n'est-ce pas ? N'est-ce pas l'essentiel ? 
Ces préjugés linguistiques nous enferment et nous privent de la richesse de personnes rejetées par élitisme.

Bonne journée
Sybille
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