Des réglettes Cuisenaire pour apprendre la grammaire

[Sybille Grandamy]

Bonjour,

Hier j'ai participé à un forum à Lyon qui présentait quatre démarches pédagogiques alternatives à un public de bénévoles ou salariés du secteur associatif alpha-fle, mais aussi pas mal d'enseignants d'UPE2A. J'y ai présenté la MNLE.
http://parlera.fr/wp/wp-content/uploads/2017/07/Le-Kiosque-des-Pratiques-1.pdf

J'ai participé à un atelier Gattegno qui utilisait les réglettes Cuisenaire.
https://www.amazon.fr/R%C3%A9glettes-Calcul-B%C3%A2tons-Calculer-Pieces/dp/B003DVAQS4/ref=sr_1_7?ie=UTF8&qid=1506675016&sr=8-7&keywords=r%C3%A9glettes+cuisenaire
Ces bâtons, traditionnellement utilisés pour le calcul, servaient là à travailler la structure de la phrase. Chaque couleur représentait une nature (nom, verbe, auxiliaire, déterminant, adjectif, adverbe...) et les participants faisaient un schéma de phrase avec les réglettes puis donnaient des exemples de phrases qui correspondaient à ce schéma.
Cela m'a semblé assez simple : on travaille la structure des phrases sans métalangage, la manipulation est très agréable et permet de concrétiser ce qu'on dit.
J'ai pensé que cela pourrait être utile pour travailler avec des apprenants qui ont des difficultés précises : par exemple, des personnes qui ne mettent pas de déterminants ou qui oublient les prépositions ou qui peinent avec les pronoms.

Qu'en pensez-vous ? Je sais que Robert, tu pratiques la pédagogie Gattegno, peut-être as-tu des suggestions à ce sujet ?

Bonne journée,
Sybille

[michel...@club.fr]

Bonjour,

j'interviens peu mais je trouve ces échanges toujours intéressants.
L'idée des réglettes cuisinaires est séduisante‌. Il faut un certain degré de maîtrise du langage pour y arriver ? Est-ce possible à partir du moment où les personnes arrivent à faire des phrases simples ? Ce sont des questions que je me pose ...

Pascaline Dockx
funambule en UPE2A.

[Robert Jeannard]

Merci à Sybille de partager avec nous un moment de sa formation à Lyon, et à Pascale pour son "like" - ça fait plaisir de voir qu'on est lu et apprécié, parce qu'on a parfois l'impression de ramer tout seul et ça donne envie d'arrêter..

Oui, on peut utiliser les réglettes Cuisenaire (conçues d'abord pour enseigner les nombres) pour figurer les mots d'une phrase et les catégoriser, comme on peut utiliser des jetons ou des pièces de monnaie. Le principe est en effet d'éviter le métalangage grammatical classique: "nom", "verbe", "déterminant", " adjectif", autant de termes familiers aux formateurs mais qui constituent des obstacles redoutables pour les apprenants débutants. Le fait de manipuler et de toucher les réglettes sollicite les fonctions kinesthésique et haptique, très peu utilisées en pédagogie classique qui n'utilise guère que l'audio et le visuel, favorisant la rétention naturelle et non la mémorisation. La manipulation, effectuée par l'apprenant, se déroule en silence autant que possible. Selon le principe de base du Silent Way (l'approche pédagogique de Caleb Gattegno appliquée à l'apprentissage des langues), les interventions de l'enseignant sont essentiellement non verbales pour ne pas interférer avec le travail intérieur de l'apprenant. Elles  consistent à pointer là où manque un mot ou à suggérer d'un geste un déplacement ou une suppression.

Limite de ce dispositif: il n'est praticable qu'avec un petit groupe, ce n'est pas un travail que les apprenants peuvent mener en autonomie.

Un détail pratique: le modèle de réglettes auquel renvoie sur Amazon le lien donné par Sybille, ce sont des réglettes en bois, matière sympathique certes mais moins hygiénique que le plastique car plus difficile à laver. De plus, le rangement dans la boîte à la fin de la séance est fastidieux et prend du temps. Je préfère quant à moi le modèle en plastique: les réglettes se lavent alors facilement en machine dans un sac en tissu et la boîte est conçue pour un rangement facile et rapide.

Pour répondre à Pascaline: oui, cette manière de travailler convient aux débutants aussi bien qu'aux plus avancés et poursuit deux objectifs hiérarchisés:

1. la segmentation en mots: une réglette par mot;
   
2. la catégorisation des mots: un type de réglette (définie par sa couleur et sa longueur) par "nature" de mot.
   

La segmentation en mots est la première difficulté de l'entrée dans l'écrit: en français, on n'entend pas la coupure entre les mots mais seulement entre les groupes de souffle. Le découpage en mots est une spécificité de la langue écrite. Personnellement, pour cet objectif, je préfère le pointage sur les doigts, pour deux raisons: 

1. il reste visible par un groupe de 20 apprenants, voire plus;
2. il est éphémère et maintient l'apprenant au contact avec ce caractère de l'oral: les mots passent et s'envolent, il faut faire avec. La présence de l'apprenant à son apprentissage s'en trouve renforcée.

 
Une apprenante pointe les mots se sa phrase sur les doigts de l'enseignant.
En arrière plan: le tableau des graphies de la Lecture en Couleurs.

Pour le second objectif (la catégorisation des mots selon leur nature), c'est également un autre outil qui a ma préférence: le Tableau muet des catégories de mots, inventé par Maurice et Christiane Laurent, pour les 2 mêmes raisons qu'évoquées plus haut. Cet outil très riche et très puissant mériterait un long développement... Comme introduction, cet article de Maurice Laurent: De la grammaire implicite à la grammaire explicite.

Enfin, on peut utiliser les réglettes Cuisenaire comme support d'expression orale ou écrite.

Robert

  

   

[Roger Favry]

Bonjour,

J’enregistre avec un vif intérêt vos travaux et vos réflexions. Je ne peux malheureusement rien apporter de concret. Cuisenaire, Gattegno… Le lien concret > abstrait me fait songer à la méthode Singapour en mathématiques. http://www.lalibrairiedesecoles.com/methode-singapour/. 

Amitiés

Roger

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* “Je ne bâtis que pierres vives, ce sont hommes.” (Rabelais, 1494 - 1553, Tiers Livre VI, 1546).
« Si je ne suis pas pour moi, qui le sera? Et si je ne suis que pour moi, que suis-je ? Et si pas maintenant, quand ? » (Hillel, Traité des Pères Pirkei Avot 1:14)