L'article qui suit a été publié dans Pour La Science (édition française
de Scientific American). Intitulé L’imposture du transhumanisme il fait
la recension d'un livre consacré à ce sujet : "Ça va pas la tête !
Cerveau, immortalité et intelligence artificielle, l'imposture", dont
les auteurs se nomment Danièle Tristsch et Jean Mariani. Il fournit de
très précieux renseignements sur les milieux qui croient durs comme fer
au transhumanisme, à l'immortalité, au transfert de l'âme dans une puce,
etc : ce sont tous simplement les personnes les plus riches de la terre,
les proprios des Gafa. Cet article, passionnant en lui-même par le sujet
traité, permet d'avoir la certitude que les grands manitous des neocons
et les pilotes de l'état profond américain sont également les patrons
des plus grandes entreprises américaines de la nouvelle économie et ils
investissent un fric fou dans le transhumanisme, cette foutaise stupide
et grossière. Ça me fait penser à la fin du Prisonnier, quand numéro 6
arrache son masque à numéro 1 et tombe sur un masque de singe idiot !
<
https://www.pourlascience.fr/sd/science-societe/limposture-du-transhumanisme-13364.php>
L’imposture du transhumanisme
Le transhumanisme s’appuie sur les avancées de l’intelligence
artificielle et de la biologie pour promettre l’abolition de la
vieillesse, des maladies et de la mort et l’apparition d'une nouvelle
humanité. Or, comme le dénoncent les chercheurs Danièle Tritsch et Jean
Mariani dans un livre intitulé Ça va pas la tête !, publié aux éditions
Belin, au plan scientifique, le transhumanisme est une coquille vide.
Extrait.
DANIÈLE TRITSCH ET JEAN MARIANI 15MN Publié le 22/05/2018 à 11h37
Demain, il verra dans le noir et il entendra les ultrasons. Il courra
plus vite, ne connaîtra plus la fatigue et ne se cassera pas le col du
fémur en glissant sur l’herbe mouillée. Ses capacités intellectuelles
auront décuplé, sa mémoire sera prodigieuse, il se souviendra de tout,
même à 100 ans ! Car les signes de vieillesse auront disparu et les
maladies graves du cerveau, telles que la maladie d’Alzheimer, auront
été éradiquées. Après-demain, son cerveau sera transféré dans une
machine et son esprit sera quelque part dans les nuages, débarrassé de
ce corps vieillissant. Le handicap, la maladie, la vieillesse et la mort
auront disparu. Il sera immortel !
Qui « il » ? L’Homme, bien sûr. En tout cas, l’Homme tel que l’imagine
le mouvement transhumaniste. Surfant sur deux mythes qui ont toujours
fasciné l’être humain, l’immortalité et la fontaine de Jouvence, ce
courant d’idées a pris, depuis quelques années, un essor considérable
dans le monde au point qu’il est qualifié de Révolution, la Révolution
transhumaniste. Si la première occurrence du terme transhumaniste émerge
après la Seconde Guerre mondiale sous la plume de Julian Huxley (père de
l’eugénisme et frère de Aldous, auteur du Meilleur des mondes), ce
mouvement est apparu, dans sa conception contemporaine, en Californie
(États-Unis) au sein des courants libertaires et libertariens des années
1960‑1970. Il a ensuite été relayé dans les années 1980 par des
futurologues américains avant d’arriver jusqu’à nous. Ses apôtres
recherchent une amélioration illimitée des facultés physiques et
mentales de l’être humain par tous moyens possibles : chimiques,
génétiques, mécaniques ou numériques, notamment grâce à « l’intelligence
artificielle ». Le développement important des technologies NBIC
(Nanotechnologies, Biotechnologies, sciences de l’Information et
sciences Cognitives) est apparu aux transhumanistes comme une
opportunité historiquement unique de mettre en œuvre leurs idées. Ils
ont été encouragés dans cette tendance par la célèbre loi de Gabor qui
indique que tout ce qui peut être fait, tôt ou tard la science le
réalise (on peut rêver d’aller sur Mars… on ira un jour !)
L’avènement de l’Homme Dieu ?
Le transhumanisme est donc un mouvement qui défend l’idée de
transformer/dépasser l’Homme pour créer un post-humain, ou un
trans-humain, aux capacités supérieures à celles des êtres humains
actuels. Cette transformation peut s’envisager au niveau individuel,
mais aussi au niveau collectif, conduisant alors à une humanité
nouvelle. Différentes facultés de l’être humain seraient concernées :
physiques ou mentales et cognitives. Et elle prolongerait la durée de la
vie, en parfaite santé bien sûr ! Le but ? Fusionner l’Homme et
l’ordinateur, devenu alors tout-puissant après l’avoir soustrait au
vieillissement et à la mort. Un projet de dépassement des finitudes
humaines. Un « Homo Deus » tel que l’anticipe l’historien Yuval Noah
Harari dans son livre éponyme. Ambition ou illusion et fantasme ?
Pendant que certains (comme nous à présent) s’appesantissent sur cette
question, les humains continuent à mourir. C’est pourquoi des
transhumanistes chevronnés proposent soit de les congeler pour attendre
un monde meilleur, soit même de ressusciter les morts !
Parmi les transhumanistes actuels, l’un des plus célèbres est très
certainement Ray Kurzweil, sorte de « gourou » de ce courant d’idées,
ingénieur en chef de Google, théoricien du transhumanisme et cofondateur
de la Singularity University dans la Silicon Valley (Californie,
États-Unis). Kurzweil prédit le moment du dépassement inéluctable de
l’intelligence humaine par celle de la machine, moment qu’il nomme «
singularité » par analogie avec la singularité en mathématiques qui
correspond à un point où un objet mathématique ne peut plus être défini.
Cette évolution technologique hypothétique, où le possible qui s’ouvre
est vertigineux et imprédictible, Kurzweil la place d’une façon
arbitraire en 2045. Pour Stephen Hawking, astrophysicien renommé pour
ses études sur les trous noirs, « les humains limités par leur lente
évolution biologique ne pourront rivaliser face à la machine ». En
d’autres termes : la fin de l’espèce humaine est proche. Aux États-Unis,
de nombreuses sociétés transhumanistes se développent, comme l’Extropy
Institute fondé par Max More, également président de la société Alcor
Life qui ambitionne de cryogéniser, c’est-à-dire de congeler des humains
en attendant des jours meilleurs. Sa compagne Natasha Vita-More dirige
une association internationale de promotion du transhumanisme
(initialement World Transhumanist Association maintenant appelée
Humanity+). Zoltan Istvan, quant à lui, ancien journaliste du National
Geographic, vise l’immortalité, ni plus ni moins ! En attendant, il a
fondé le « Parti transhumaniste » et a été candidat à l’élection
présidentielle américaine de 2016, mais n’a pu empêcher l’élection de
Donald Trump. Un autre nom qui compte dans le mouvement transhumaniste
est celui de Aubrey de Grey, ancien informaticien, qui, grâce à la
fondation SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence),
s’intéresse surtout aux recherches sur le vieillissement. En France, le
mouvement transhumaniste est beaucoup plus modeste. Après quelques
essais dans les années 2000, il s’est structuré sous le nom de
l’Association française transhumaniste-Technoprog, qui est assez active
et en croissance, avec une centaine de membres et un petit millier de
sympathisants. Ses positions sont « modérées » (tout est relatif !).
Elle ne soutient pas l’idée de l’immortalité ou de la cryogénie et
considère le risque d’une humanité à plusieurs vitesses, entre les
simples humains et les post-humains. En revanche, elle défend
l’hypothèse que, grâce aux progrès rapides des neurosciences, nous
pourrions intervenir de manière à moduler finement nos propres
comportements, avec néanmoins pour limite (et ce n’est pas complètement
faux !) la tendance de l’humain à l’agressivité, la dominance, le besoin
de possession et ses faibles propensions à l’empathie.
Une pompe à fric
Aux moqueurs qui considèrent que l’on a à faire à des hurluberlus, les
transhumanistes les plus engagés répondent que seul le dépassement des
limites biologiques et physiologiques de l’humain permettra de
satisfaire l’exigence absolue de liberté et de responsabilité
individuelle. En ce sens, pour certains, ce mouvement s’inscrirait donc
dans une continuation de la tradition humaniste ! Au-delà de ces prises
de positions théoriques, les idées développées par les transhumanistes
ne sont pas seulement des fantasmes plus ou moins délirants d’un certain
nombre de techno-prophètes. Nées de la convergence des technologies
NBIC, les promesses transhumanistes mobilisent des financements privés
considérables en particulier de ceux qu’on nomme les GAFA (Google,
Apple, Facebook et Amazon). Les cofondateurs de Google, Larry Page et
Sergey Brin, investissent massivement (des centaines de millions de
dollars, autant sinon plus que le Human Brain Project financé par la
communauté européenne en 2013 !) dans la recherche dans les domaines
NBIC. Google a créé Google Xlab et recruté Ray Kurzweil comme directeur
de l’ingénierie, c’est-à-dire à un niveau élevé dans l’entreprise. Une
autre filiale, Calico, fondée en 2013 et dédiée aux biotechnologies, est
dirigée par Arthur Levinson, le président du Conseil d’administration
d’Apple et ancien de la biotech Genentech. Enfin le PDG de Facebook,
Mark Zuckerberg, a annoncé en 2017, lors de la conférence annuelle des
développeurs de Facebook, des projets de recherche à long terme visant
la communication directe entre le cerveau et l’ordinateur, et
éventuellement la communication entre cerveaux. Une forme de télépathie
en quelque sorte ! Les espoirs issus des technosciences NBIC conjuguent
donc de manière délibérée le contrôle toujours plus poussé de la nature
par la science et la promesse de toujours plus de profits pour les
grandes entreprises. L’alliance de ce désir de puissance prométhéenne et
du pouvoir financier séduit des politiques et de richissimes patrons car
il leur ressemble : notre pauvre corps vivant mais mortel est le symbole
de notre finitude. Or l’idée d’échapper à leur volonté de
toute-puissance mégalomaniaque est pour eux inadmissible. La cerise sur
le gâteau, c’est l’adhésion d’intellectuels et de simples citoyens aux
valeurs pseudo-humanistes de ces mouvements. Il ne reste qu’à
transformer en certitudes des hypothèses pourtant non démontrées par la
science, comme nous le verrons tout au long de ce livre, et le tour de
bonneteau est joué !
Une intelligence « post-humaine » ?
Autre cerise sur le gâteau et coïncidence heureuse : un ordinateur a
réussi à battre les meilleurs joueurs d’échecs et ceux de go ; il n’en
faut pas plus pour affirmer qu’une intelligence « post-humaine » est à
portée de main. Il est certain que l’intelligence artificielle a fait
ces dernières années des progrès fulgurants grâce à l’apparition de
nouvelles méthodes d’apprentissage automatique encore appelé
apprentissage profond (le deep learning des Anglo-saxons), fondées sur
des algorithmes informatiques sophistiqués. À force de gaver la machine
avec des données, comme des images, celle-ci devient capable d’apprendre
toute seule, reconnaître l’image d’un chat par exemple. Ce sont ces
avancées qui sont, en partie, à l’origine des délires transhumanistes.
Est-ce que, pour autant, notre conscience, nos pensées pourront être
mises dans une puce ? Dès que l’on s’intéresse au cerveau, les questions
posées sont particulièrement complexes. Clairement, le cerveau n’est pas
une puce. Il possède une structure qui est à la fois précise et
extraordinairement compliquée, ainsi que des propriétés et des fonctions
éminemment dynamiques qui le rendent modifiable en permanence. De plus,
l’activité cérébrale est très dépendante de ses liens avec les organes
des sens (vision, audition…) et les organes de l’action (le mouvement en
étant l’exemple le plus simple). Le cerveau a certes une activité
autonome, mais s’il n’était pas nourri en permanence par ces
interactions avec l’environnement il serait en quelque sorte « orphelin ».
En outre, la comparaison des cerveaux de différents individus soulève un
paradoxe : il existe un plan d’organisation précis des structures
cérébrales de sorte que, au sein d’une espèce donnée, les cerveaux de
tous les êtres se ressemblent beaucoup et semblent même identiques. Ceci
suggère que la formation de cette structure obéit à un programme
d’expression précis de gènes au cours du développement de l’embryon,
pendant la grossesse et les premières années de la vie du bébé. Ce
déterminisme génétique est en quelque sorte le prix à payer pour qu’une
structure aussi complexe soit transmise de générations en générations
avec un minimum d’erreur. Bref, le cerveau ne se construit ni ne
fonctionne comme un ordinateur.
Si l’on était capable de les décrire à un niveau d’organisation beaucoup
plus fin (microscopique), ces mêmes cerveaux apparaîtraient au contraire
tous différents car les connections précises entre les neurones varient
considérablement d’un individu à l’autre et se modifient constamment.
C’est la fameuse « plasticité cérébrale ». À ce niveau de complexité,
chaque cerveau est unique et ceci nous rend tous singuliers.
Identifier les bases biologiques de cette singularité cérébrale (bien
différente de la singularité de Kurzweil !) est un tour de force dont
les neuroscientifiques sont incapables et ce pour très longtemps encore.
La reproduction in silico du cerveau de l’Homme se heurte donc à des
difficultés considérables qui sont de nature intrinsèquement biologique,
au-delà des difficultés toutes aussi réelles de développer
l’intelligence artificielle au niveau nécessaire.
Si l’on veut fabriquer une machine à l’image de l’être humain, il ne
suffit pas de prendre en compte les différences interindividuelles de
l’anatomie fine des connexions cérébrales ; il faut aussi considérer les
différences fonctionnelles essentielles qui en résultent telles que la
mémoire, les émotions, la conscience, l’empathie. Et c’est là que réside
la plus grande difficulté. « On ne sait pas ce que c’est que la
conscience, on n’en connaît pas les fondements. On n’est donc pas
capable de créer une machine consciente », tranche Jean-Gabriel
Ganascia, professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI) et
chercheur en intelligence artificielle. N’est-ce qu’une question de
calendrier ? Non, certainement pas. Jean-Gabriel Ganascia précise : «
Pour cela, il faudrait que la machine perçoive comme nous : la douleur,
le plaisir… Et quand bien même, elle ne les percevra pas de la même
manière que nous… cette croyance est un pur fantasme. »
L’Homme « augmenté » ?
Les transhumanistes nous proposent beaucoup d’autres projets qui, à
première vue, semblent un peu plus modestes que la dématérialisation
totale du cerveau. Ils nous promettent un humain à la fois bionique
(imitation des performances d’autres espèces animales) et/ou cyborg
(acquisition des propriétés des robots). Autrement dit, un Homme «
augmenté ». Ray Kurzweil, encore lui, revendique de développer des
post-humains porteurs de cerveaux hybrides augmentés et connectés : «
D’ici 20 ans, nous aurons des nanorobots, ils entreront dans notre
cerveau à travers nos vaisseaux capillaires et connecteront simplement
notre néocortex à un néocortex synthétique dans le cloud, nous en
fournissant ainsi une extension. Nous disposerons d’un système de pensée
hybride fonctionnant sur des composants biologiques et non biologiques.
» Pour les prophètes du transhumanisme, l’Homme augmenté aurait ainsi la
maîtrise de ses capacités cognitives et physiques.
À terme, une nouvelle espèce hybride en sortirait, promise même à
l’immortalité. C’est là encore du pur fantasme ! Les apprentis sorciers
du transhumanisme non seulement font preuve d’une profonde
méconnaissance du fonctionnement du cerveau, mais n’imaginent pas que
manipuler cet organe, ou plus spécifiquement certains réseaux de
neurones, puisse entraîner des dysfonctionnements inattendus
susceptibles de créer de nouvelles pathologies. La notion d’Homme
augmenté pose également un certain nombre de problèmes éthiques et
sociétaux.
Vivre mille ans ?
Les prophètes du transhumanisme appuient aussi leurs idées sur les
avancées de la recherche en biologie, en particulier dans le domaine du
vieillissement. Demain, on vivra 200 ou 300 ans, plus même, et
après-demain nous serons immortels. Laurent Alexandre, chirurgien
urologue et auteur prolifique de livres exploitant le filon
transhumaniste, qui a notamment écrit La Mort de la mort, aime les
phrases chocs, surtout quand elles ne s’appuient sur rien. « L’homme qui
vivra 1 000 ans est déjà né » (et bien sûr en parfaite santé) ! Les 1
000 ans succèdent aux 300 ans qu’il annonçait il y a peu. Le but avoué
des fondateurs de Calico, filiale de Google, n’est-il pas de se
concentrer sur le défi de la lutte contre le vieillissement et les
maladies associées, avec pour projet de « tuer la mort » ?
Beaucoup n’y croient pas mais ne peuvent s’empêcher de succomber au rêve
transhumaniste au lieu de le critiquer : Luc Ferry, philosophe et auteur
de La révolution transhumaniste, déclare : « Le transhumanisme est un
fantasme même si l’on peut espérer vivre 200 ou 300 ans. » Quant au
cinéaste Woody Allen, il serait prêt à se laisser séduire mais il lâche
cet aphorisme merveilleux : « L’éternité c’est long… surtout vers la fin
» ! Certes, l’espérance de vie de notre espèce a considérablement
augmenté grâce à la diminution de la mortalité infantile, à
l’amélioration des conditions d’hygiène depuis le début du XXe siècle,
et au recul plus récent de la morbidité chez la personne âgée. Mais la
vie résulte d’un équilibre délicat entre des effets protecteurs et
délétères de nombreux facteurs, et avec le temps les effets délétères
gagnent du terrain. Pour l’instant le vieillissement, même en bonne
santé, est inéluctable. Nul ne connaît le lieu et surtout l’heure où le
paradis éternel sera à notre portée, ou s’il le sera, et ceci même avec
le concours de Google.
Un cerveau réparé et guéri ?
Une difficulté supplémentaire constitue un autre verrou pour le
trans/posthumanisme : notre cerveau, ce joyau, est fragile et affecté
non seulement par le temps qui passe, mais bien plus encore par des
maladies spécifiques et souvent terribles. Pour les transhumanistes, ce
n’est pas un problème car non seulement le cerveau sera augmenté, mais
il sera aussi réparé et guéri des nombreuses maladies qui l’attendent au
tournant, surtout quand l’âge avance. En effet, la technomédecine, comme
l’annonce Laurent Alexandre, va bouleverser l’humanité. « La médecine ne
soignera plus, mais transformera nos capacités biologiques, physiques,
intellectuelles grâce notamment à des puces implantées dans le cerveau,
des implants miniaturisés, des connexions personne-machine. » Il existe
pourtant une contradiction criante entre la jeunesse éternelle promise
par cette « utopie technologique » et la réalité actuelle qui reste
terrifiante. Si les causes et origines de quelques maladies
neurologiques sont connues, aucun traitement curatif vraiment nouveau
n’existe pour les maladies neurodégénératives comme la maladie
d’Alzheimer. Des progrès réels concernant la connaissance du
fonctionnement du cerveau ont été réalisés depuis une trentaine
d’années, mais sans doute moins spectaculaires et moins médiatiques que
ceux menés récemment par l’intelligence artificielle. Les avancées de la
médecine dite régénérative (thérapie génique, cellules souches, greffes,
interface cerveau-machine, etc.) apportent des solutions ou suscitent
des espoirs pour réparer le cerveau. Mais pour l’instant, les retombées
thérapeutiques sont minimes.
Place à l’intelligence humaine
Faut-il désespérer pour autant ? Certainement pas. Face à ces prophètes,
dont certains se disent philosophes et d’autres prétendent à un vernis
de science, il est temps que l’intelligence humaine (et non
artificielle) et la raison reprennent le dessus, en confrontant le rêve
qui sommeille en chacun d’entre nous avec la réalité souvent beaucoup
plus dure ou décevante. C’est le but de ce livre qui insiste en
particulier sur le défi que représentent la connaissance et la
compréhension du fonctionnement du cerveau. Il montre que les obstacles
aux espoirs transhumanistes ne résident pas tellement dans les progrès
nécessaires de l’intelligence artificielle, mais surtout dans les
progrès considérables à accomplir pour décrypter le cerveau, qui reste
par bien des aspects une « boîte noire » pour les scientifiques.
Les efforts lents et soutenus de la recherche sont la seule voie pour y
parvenir, mais aussi maintenir cet organe noble en bonne santé (cerveau
préservé), voire le doter de capacités nouvelles (cerveau augmenté). De
grands programmes ont été lancés aux États-Unis comme la National
Nanotechnology Initiative (NNI) par le président de l’époque Bill
Clinton, en 2000, ou plus récemment, en 2013, la Brain Initiative (Brain
Research through Advancing Innovative Neurotechnologies), par un autre
président, Barack Obama. La même année, l’Union européenne finançait
pour dix années, le Human Brain Project. De plus la science, la vraie,
n’évolue pas que de façon lente et continue. Des révolutions, que
certains préfèrent appeler maintenant des « progrès disruptifs »,
peuvent se produire à tout moment, de même que de simples accélérations
qui pourraient conduire à de nouveaux traitements. Elles arrivent même
parfois par hasard, à partir d’observations faites dans d’autres
domaines scientifiques. Nul ne sait à l’avance d’où viennent les
avancées décisives.
Comprendre le fonctionnement du cerveau, pour le préserver, augmenter
ses performances, le réparer et le guérir constitue un projet
enthousiasmant pour les générations à venir, même si personne ne peut
affirmer que nous atteindrons un jour une connaissance totale de cet
organe qui fonde chacun d’entre nous comme un individu singulier et
unique. Ce projet prendra beaucoup plus de temps que ne le pense le
citoyen abreuvé de pseudo-révolutions successives en neurosciences, et
trompé par les transhumanistes. « Ceux qui savent ne parlent pas, ceux
qui parlent ne savent pas ; le sage enseigne par ses actes, non par ses
paroles » a dit le philosophe chinois Lao Tseu.