Le 05/02/2023 à 19:18, Cardinal de Hère a écrit :
Selon l'apôtre Paul et son savant commentateur Claude Tresmontant
l'obsession pédérastique, le dérèglement moral et l'effondrement des
moeurs proviennent de Dieu comme épreuve ou punition pour l'erreur
intellectuelle qui consiste à nier Dieu en rejetant les preuves
rationnelles de son être. Voici le texte de Paul commenté par Tresmontant :
Romains 1,18 : Car elle se révèle, la colère de Dieu, depuis les cieux,
sur toute impiété et toute injustice de l'Homme, ou des hommes, qui
détiennent, qui retiennent, la vérité prisonnière dans l'injustice, dans
le crime…
Car elle se révèle : grec apokaluptetai, hébreu nigelah. Structure
hébraïque de la phrase : le verbe en tête, le sujet qui suit.
Romains 1, 19 : Parce que ce qui est connaissable de Dieu est manifeste
au milieu d'eux. Car Dieu le leur a fait connaître. Car ce qui de lui
est invisible, à partir de la création du monde, par les réalités
créées, est discerné par les yeux de l'intelligence, son éternelle
puissance et son éternelle divinité, en sorte qu'ils [les païens] sont
sans excuse, parce qu'ils ont connu Dieu, et ils ne l'ont pas glorifié
comme Dieu ! Et ils ne lui ont pas adressé leur bénédiction ! Mais ils
sont devenus stupides dans leurs raisonnements et il est devenu ténèbre,
leur cœur privé d'intelligence (en hébreu le cœur, leb, est l'organe de
l'intelligence…). Ils se vantent d'être sages, mais en réalité ils sont
devenus idiots, et ils ont échangé la gloire de Dieu incorruptible pour,
grec en, hébreu be, la figure, la ressemblance, d'une statue d'Homme
corruptible, et pour une statue, une figuration d'Oiseau, et de
Quadrupède et de Reptile…
Psaume 106, 20 : Ils ont échangé, hébreu wa-iamirou, du verbe hébreu
môr, hiphil parfait hemir, échanger, suivi de be, dans, qui désigne ce
contre quoi on échange ; grec èllaxanto, du verbe allasein, changer,
échanger, ti anti tinos, quelque chose à la place de quelque chose, —
ils ont échangé leur Gloire [= Dieu] pour, hébreu be, grec en, une
figure taillée, une représentation figurée, hébreu tabenit, grec
homoiôma, d'un bœuf qui mange de l'herbe…
Si Paul avait écrit sa lettre directement en langue grecque, il se
serait sans doute appliqué à écrire un grec à peu près convenable, et il
aurait utilisé ici la construction grecque. Mais de fait le grec de sa
lettre est un grec calqué sur de l'hébreu. La structure de la phrase est
hébraïque et ici, à propos du verbe qui signifie échanger, il utilise
une construction qui est celle de l'hébreu, et non pas celle du grec. Il
faut donc en conclure qu'il dictait sa lettre en hébreu, et qu'on la lui
traduisait en grec, soit à la volée, au fur et à mesure, — soit sur le
texte hébreu écrit.
Pour Paul, donc, les païens, les goïms, ont connu Dieu. Non seulement
ils pouvaient connaître Dieu à partir de la création qui le manifeste.
Mais, bien plus, ils l'ont connu. Mais ensuite ils ont détérioré cet
acte de connaissance et au lieu d'adorer l'Unique incréé, ils se sont
prosternés devant l'être créé, et, pire encore, ils se sont prosternés
devant l'œuvre de leurs propres mains, maaseh iedei adam, Deutéronome 4,
28 ; Isaïe 2, 8 ; etc. A partir de ce moment-là, ils ont perdu la
connaissance du Dieu vivant et créateur, puisqu'ils ont adoré l'être
créé à la place du Créateur.
A l'origine du paganisme, il l’a donc une faute métaphysique, une faute
ontologique, portant sur la connaissance. Le fait est, si l'on étudie
par exemple la plus ancienne philosophie grecque connue, que les
philosophes de langue grecque considèrent que l'Univers est divin, et
donc incréé. Ils prêtent à l'Univers physique les caractères, les
attributs, les propriétés de l'Être absolu : la suffisance ontologique,
l'éternité dans le passé, l'éternité dans l’avenir. C'est ce que fait
Aristote dans son traité péri Ouranou, le traité du Ciel.
Les anciens Hébreux, à notre connaissance du moins, ont été les premiers
à apercevoir, à distinguer, que l'Univers physique n'est pas l'Être
absolu. Il n'est pas suffisant. Il n'est pas divin. Il n'est pas incréé.
Il n'est pas éternel, ni dans le passé, ni dans l’avenir. C'était là un
acte de l'intelligence, un acte rationnel, un acte de rationalité. La
philosophie grecque s'est opposée longtemps, pendant des siècles, à
l'ontologie hébraïque et chrétienne, sur ce point comme sur d'autres. Et
lorsque Marx, Engels et Lénine, au XIXe et au XXe siècles, reprennent
expressément la doctrine cosmologique des plus anciens philosophes
grecs, ils enseignent de nouveau, eux aussi, que l'Univers est l'Être,
l'Être qui se suffît. Par conséquent il est éternel dans le passé et
éternel dans l’avenir, sans commencement, sans usure et sans vieillissement.
Romains 1, 24 : Et c'est pourquoi il les a livrés, Dieu (construction
hébraïque, le verbe en tête, le sujet suit) aux désirs de leurs propres
cœurs, pour l'impureté, afin de, (grec tou qui traduit la construction
hébraïque commandée par le lamed,) déshonorer leurs propres corps. Eux
qui ont échangé la vérité de Dieu pour, ou contre, grec en, hébreu be,
le mensonge, et ils ont glorifié et ils ont servi l'être créé plutôt
que, à la place de, au lieu du Créateur, qui est béni pour, dans les
durées éternelles, amèn, hébreu : barouk hou le-ôlam amèn… Et c'est
pourquoi il les a livrés, Dieu (construction hébraïque) à des passions
d'infamie : car leurs femmes ont échangé l'usage naturel [de l'homme]
pour l'usage contre nature, et de même les mâles ont abandonné l'usage
naturel de la femme, et ils se sont enflammés dans leur désir, chacun
pour son compagnon, les mâles dans les mâles, ils ont accompli, ils
accomplissent ce qui est infâme, et le salaire qui convenait à leur
aberration, ils l'ont reçu en eux-mêmes…
Pour Paul donc, la corruption des mœurs suit, elle est une conséquence
de la corruption première, qui est celle de l'intelligence. La première
corruption, c'est de rendre un culte à l'être créé, au lieu de se
prosterner devant l'Unique incréé. Cette première corruption a pour
conséquence la dépravation.
Romains 1,28 : Et de même qu'ils n'ont pas jugé bon de s'attacher à Dieu
dans ou par la connaissance, de même, il les a livrés, Dieu
(construction hébraïque), aux scories de leur coeur, – le cœur, organe
de l'intelligence, grec eis adokimon noun ; (le grec nous traduit
l'hébreu leb, Exode 7, 23 ; Josué 14, 7 ; Job 7, 17; etc.; Isaïe 10, 7;
etc. Le grec adokimos traduit l'hébreu sig, la scorie, Isaïe 1, 22;
Proverbes 25, 5), – pour faire ce qui ne convient pas, ce qui ne doit
pas se faire…
Les fautes, les crimes physiques, suivent, sont la conséquence d'une
faute spirituelle première : la méconnaissance de Dieu, qui est
l'essence du paganisme. Dans cette page célèbre, Paul enseigne donc que
les païens, les goïms, ont connu Dieu, 1, 21 ; car Dieu est connaissable
pour l'intelligence à partir de la création. C'est la doctrine constante
des Pères grecs, des Pères latins, des Pères de langue syriaque, des
grands Docteurs du Moyen Age, Albert le Grand, Bonaventure, Thomas
d'Aquin, Jean Duns Scot. Cette doctrine a été définie solennellement au
premier concile œcuménique du Vatican, 24 avril 1870: Deum, rerum omnium
principium et finem, naturali humanae rationis lumine e rebus creatis
certo cognosci posse... Si quis dixerit, Deum unum et verum, Creatorem
et Dominum nostrum, per ea, quae facta sunt, naturali rationis humanae
lumine certo cognosci non posse; anathema sit.
La doctrine de Paul, c'est qu'en réalité les païens ont connu Dieu, par
la création qui le manifeste. Mais l'intelligence humaine s'est
obscurcie, puisque l'homme s'est mis à fabriquer et puis adorer des
statues d'homme, d'animaux, au lieu d'adorer Dieu l'unique invisible.
C'est une corruption de l'intelligence, une aberration de
l'intelligence, que d'adorer l'être créé au lieu du Créateur unique et
incréé. Cette corruption de l'intelligence entraîne des aberrations, par
exemple la femme et l'homme qui abandonnent ce qui est programmé
naturellement pour adopter un comportement contre nature. Il existe
donc, selon Paul, une relation entre la corruption et l'intelligence,
qui est première, et la corruption des moeurs, qui est une conséquence.
C'est la corruption de l'intelligence qui conduit à adorer l'être créé
au lieu du Créateur unique ; c'est une aberration de l'intelligence, une
faute de l'intelligence. Elle conduit à une aberration générale du
comportement de cet animal qui est l'Homme. Non seulement Dieu est
connaissable, mais il est connu par les païens, antérieurement à cette
aberration de l'intelligence, à cette faute de l'intelligence qui est,
selon Paul, la faute première.
On sait que, depuis le XIVe siècle au moins, nombre de docteurs en
philosophie ont enseigné que l'existence de Dieu ne peut pas être connue
d'une manière certaine, par l'intelligence, à partir de la création, à
partir de l'Univers physique et de tout ce qu'il contient. C'est
aujourd'hui, fin du XXe siècle, la doctrine majoritaire parmi les
philosophes de profession. La métaphysique est impossible. La
métaphysique est morte. La métaphysique n'est pas une connaissance
certaine par l'intelligence. Ce n'est pas une science. Il n'y a de
sciences que les sciences expérimentales. L'existence de Dieu est une
question de croyance, de foi, de goût ou de dégoût. Ce n'est pas une
question qui relève de la compétence de l'intelligence, de la raison.
Telle est la doctrine majoritaire, sous des influences que tout le monde
connaît : Kant, Auguste Comte, l'empirisme logique, etc. Cette majorité
est tellement dominante, qu'elle s'est imposée aux scientifiques
eux-mêmes qui, sur ce point, s'en remettent à ce que disent leurs
collègues, qui se disent eux-mêmes philosophes.
L'Église de Rome pense donc, sur ce point comme sur beaucoup d'autres,
le contraire de tout le monde, puisqu'elle professe, elle continue de
professer, que l'existence de Dieu peut être connue d'une manière
certaine par l'intelligence, par l’analyse, et que ce n'est pas une
question qui relève de la foi, au sens où l'entendent nos contemporains.
L'Église de Rome suit donc la doctrine de Schaoul-Paulus ici exprimée.
Si l'on dissocie la foi de l'intelligence et de la connaissance, ce que
font nos contemporains, alors on obtient une corruption de ce que Paul
entendait par emounah, grec pistis, que nos traducteurs rendent par le
français : la foi.
Évidemment, si l'existence de Dieu n'est pas l'objet d'une connaissance
certaine par l'intelligence, alors c'est une conjecture, une hypothèse.
Et si l'on fait porter la foi sur l'existence de Dieu, alors l'existence
de Dieu n'est plus une certitude, et la foi appartient alors au domaine
de l'incertain, au domaine du doute. La corruption est complète.
Extrait de Schaoul qui s'appelle aussi Paulus sous-titré LA THÉORIE DE
LA MÉTAMORPHOSE, de Claude Tresmontant.