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La fuite du roi à la tété: l'Histoire, c'est facile!

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Fripon

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Feb 25, 2009, 8:27:48 AM2/25/09
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Comme de nombreux Français, j'ai regardé hier soir le "docu-fiction"
consacré à la fuite de louis XVI ("Ce jour-là, tout a changé : 21 juin
1791, l’évasion de Louis XVI" réalisé par Arnaud Sélignac, sur
France2). Je m'attendais à un téléfilm aussi navesque que le premier
volet de la série, relatant la mort d'Henri IV. Mes espoirs n'ont pas
été déçus: cette seconde partie est franchement nulle.
N'ayant pas envie d'ajouter de la publicité à cette farce -ce travail
ayant été pleinement réalisé par Patrice Gélinet, hier en début
d'après midi, sur France Inter- mon propos se contentera de commenter
quelques aspects de cette "oeuvre" parmi les plus contestables.
D'abord, le casting semble avoir été réalisé par une bande d'aveugles:
le Louis XVI présenté hier soir ne ressemble en rien à l'original:
celui-ci était assez jouflu, avec un large front, un regard doux, un
visage avenant. La copie relève de l'usurpation: un jeune dynamique au
tempérament parfois colérique, et possédant cinquante kilogrammes de
moins que le Bourbon qu'il est sensé incarner: pas de ventre
proéminent, pas de double menton...
De plus, l'anecdotique et le croustillant occupent une place
importante: ainsi cette chasse qui se termine par un pétage de plomb
du roi; ainsi cette ébauche de scène coquine, où Marie-Antoinette
baisse sa robe et se laisse tripoter par le roi, dont les doigts sont
maculés de sang. Ridicule, et improbable.
Par ailleurs, les auteurs de ce téléfilm n'hésitent pas à déformer,
voire à écorcher l'Histoire:
- pour la journée du 5 octobre 1789, l'accent est mis sur la présence
d'hommes travestis, et sur la manipulation des parisiennes. Rien n'est
dit à propos de la fête organisée à Versailles cinq jours auparavant,
durant laquelle des cocardes tricolores auraient été détruites,
provocant la colère des Parisiens;
- l'accent est mis à plusieurs reprises sur le fait que Louis XVI
n'aurait pas voulu quitter le royaume, mais se réfugier à Montmédy
afin de rédiger une nouvelle constitution... cette idée est simplement
fausse, le roi ayant fui pour se mettre sous la protection de
l'empereur d'Autriche;
- le téléfilm laisse entendre que Louis XVI refuse que les gardes
tirent sur la foule, donnant ainsi l'image d'un roi soucieux du
bonheur de ses sujets. La réalité est que l'Etat, y compris sous ce
roi, est extrêment violent à l'égard du peuple. Ce fait explique
certainement l'attitude barbare des révolutionnaires, dès le 14
juillet 1789: décapitations notamment de Launay, puis quelques jours
après de Foulon et de Berthier, puis massacres dans les prisons...
- il fait l'impasse sur le retour du roi à Paris, sur le mensonge
organisé par l'Assemblée, selon laquelle il aurait été enlevé.
Enfin, le téléfilm se termine d'une manière curieuse: d'abord l'on
passe directement de l'arrestation du roi à son exécution! Rien n'est
dit à propos de la journée du 10 août 1792 et des causes de
l'insurrection ayant abouti à l'incarcération du roi, qui relèvent
pourtant de la haute trahison (le refus de lever des soldats pour
défendre la Patrie). L'exécution elle-même est très mal rendue: l'on a
l'impression qu'elle se déroule sur une petite place, au pied d'un
palais, au milieu des arbres, alors qu'elle s'est produite sur
l'actuelle place de la Concorde. Le film laisse à Louis XVI le temps
d'exprimer ses sentiments, alors que les témoignages affirment le
contraire, les roulements de tambour étant déclenchés pour empêcher le
roi de parler. Ensuite sont passés en revue les destinées des hommes
célèbres de la révolution: Camille Desmoulins et sa femme, Danton,
Robespierre... pourquoi un tel passage? Où est l'intérêt historique de
mettre l'accent sur la mort violente de ces révolutionnaires dans une
étude consacrée à la fuite du roi?
La critique serait bien moins virulente si ce téléfilm n'avait pas de
prétentions scientifiques (d'autres longs métrages abordent le même
sujet, sans vouloir pour autant reconstituer scientifiquement cet
épisode révolutionnaire: notamment "La nuit de Varennes" d'Ettore
Scola: ce joli film est une fiction qui met dans la même voiture
Restif de la Bretonne et Casanova!). Ce "docu-fiction" reflète à
merveille la situation actuelles des sciences humaines, méprisées par
la caste politico-médiatique dirigeante, qui considère que n'importe
qui peut écrire l'Histoire, sans respecter aucune règle de méthode ni
de déontologie, et en méprisant la recherche.
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