Les complices de génocide, ça ose tout.
L’encre du verdict de la Cour internationale de Justice était à peine
sèche que de nombreux partisans d’Israël annonçaient couper les
vivres à l’UNRWA, l’agence qui s’occupe des réfugiés palestiniens
et de l’aide humanitaire à Gaza. Le sens du timing. Mais des
génocidaires israéliens ne devraient pas s’en tirer à si bon compte.
La propagande ne fait plus recette et les actions se multiplient.
Quand un crime est commis, il n’y a pas que les auteurs qui sont
inquiétés. Les complices doivent également rendre des comptes : celui
qui laisse tourner le moteur devant la banque, celui qui planque le matos,
celui qui fournit des faux papiers ou même celui qui livre des armes en
contournant le Congrès ou qui agite son droit de véto dès qu’une
demande de cessez-le-feu pointe le bout de sa résolution au Conseil de
Sécurité.
Et c’est là où le verdict rendu le 26 janvier par la Cour
internationale de Justice sonne comme autre chose qu’un coup d’épée
dans l’eau. La plus haute instance juridique des Nations unies a
ordonné à Israël de prendre toutes les mesures nécessaires pour
prévenir un risque de génocide à Gaza. Certes, il ne fallait pas
s’attendre à ce que Benyamin Netanyahu et ses sbires lèvent le pied.
Le droit international est à Israël ce que le Code de la route est aux
chauffards : un concept relativement abstrait. D’ailleurs, depuis que la
CIJ a reconnu le risque de génocide à Gaza et ordonné des mesures
conservatoires, Israël a mené des frappes meurtrières aux abords des
hôpitaux Nasser et Al-Amal qui abritent des milliers de réfugiés ; deux
journalistes palestiniens – ces petites choses insignifiantes pour RSF
– ont été tués, ce qui porte le bilan à 122 journalistes morts en
115 jours de guerre ; des ministres israéliens ont réclamé la
recolonisation de Gaza ; des ministres israéliens ont bloqué l’entrée
de l’aide humanitaire à Gaza.
Des armes en veux-tu en voilà
Israël n’allait pas se plier aux injonctions de la justice. Comme tout
ce qui déplaît aux dirigeants sionistes, la CIJ a même été qualifiée
d’antisémite. En revanche, le verdict de vendredi dernier offre un
formidable moyen de pression pour le vaste mouvement de solidarité qui
défend les droits des Palestiniens à travers le monde. S’il y a risque
de génocide, il y a risque de complicité de génocide. Et pour certains
gouvernements, les faits sont accablants.
Depuis le début de la guerre, les États-Unis ont ainsi livré plus de
10.000 tonnes de matériel militaire à Israël. L’Allemagne a
multiplié par dix ses livraisons d’armes. Le magazine Der Spiegel vient
en outre de révéler que Berlin s’apprêtait à envoyer quelque 10.000
obus de 120 millimètres. Même la Belgique qui tente d’adopter une
position plus mesurée dans le concert des nations européennes a été
prise la main dans le sac : 16.000 tonnes de poudre à munition exportées
vers Israël. Quant à la France, mystère ! Si l’on sait que 15,3
millions d’euros d’armement ont été vendus en 2022 selon les
derniers chiffres officiels, le ministre des Armées se montre plus
circonspect sur les livraisons depuis le début de la guerre. Fidèle à
la doctrine du « en même temps » de son patron Macron, Sébastien
Lecornu indique que la France « n’exporte pas et n’exportait pas
avant les événements dramatiques du 7 octobre de matériels létaux
susceptibles d’être employés contre des populations civiles dans la
bande de Gaza ». Mais en même temps, Lecornu reconnaît que la France «
exporte des équipements militaires à Israël afin de lui permettre
d’assurer sa défense, comme l’article 51 de la Charte des Nations
unies lui en donne le droit. »
Je lui dirai des mots bleus
Les serials killers qui hantent les chancelleries occidentales risquent
peu d’être rongés par les remords pour finalement se plier aux
injonctions de la justice. Comme le souligne l’avocat Jan Fermont,
l’un des principes fondamentaux pour rendre effectives les décisions et
les règles du droit international, ce n’est pas le bon vouloir des
édiles, c’est l’action des peuples. Et aux États-Unis, le peuple
s’en donne à cœur joie, ne laissant aucun répit à « Génocide Joe
». Un rassemblement électoral en Caroline du Sud ? Des cris «
Cessez-le-feu maintenant ! » viennent plomber la parade triomphaliste du
président-candidat. Il débarque à l’aéroport de Dallas ? Un comité
d’accueil agite des drapeaux palestiniens sur le tarmac. Un speech en
Virginie ? Constamment interrompu par des pacifistes, le président doit
s’y reprendre à treize fois pour venir au bout de ses palabres. Et
lorsque le convoi présidentiel met les voiles, c’est sous les chants de
“Genocide Joe has got to go” et “f*ck Joe Biden”.
Il n’y a pas que des mots doux. En Californie, des associations ont
saisi le tribunal fédéral d’Oakland. Le président Biden, son ministre
des Affaires étrangères Blinken et le ministre de la Guerre Austin sont
poursuivis pour complicité de génocide. Les audiences ont commencé
vendredi dernier. Devant le tribunal, le message de bienvenue était aussi
explicite qu’incontournable.
http://tinyurl.com/27jk3vo8