jr nous a livré un sophisme d'anthologie :
>> ah, je comprends tout : on importe des immigrés pour avoir des
>> consommateurs. La relance par la consommation, ils disent.
> C'est un aspect dont on parle trop peu, en effet. Les salaires, allocs et
> RSA que touchent les immigrés vont rarement sur des comptes en Suisse ni
> même sur des comptes d'épargne tout court, ni en voitures allemandes. À peu
> près tout va chez Carouf, les proprios immobiliers et la TVA.
Maurice Allais, dont les modèles analytiques & les équations
prédictives
furent couronnés par le Nobel d'économie (oui, je sais, le "prix à la
mémoire d'Alfred"... et puis économétrie serait plus précis) utilisait
la parabole du train pour infirmer ce genre de "raisonnement".
Imaginez, disait-il, un train de 10 wagons qui va de Paris à Calais
(ou à Bordeaux, Marseille ou Lyon)
Sa capacité théorique d'accueil est de 800 passagers (80 par voiture)
Il n'y a que 750 personnes à bord.
Dix passagers de plus, voire 20 ou 30, n'induiront en dépense
d'énergie supplémentaire qu'un coût marginal nul ou très proche de
zéro.
Et rapporteront un peu d'argent à la SNCF.
Mais peut-on en extrapoler une progression arithmétique ?
Encore plus de passagers ==> Plus de gains pour la SNCF ?
La réponse est non car la progression va se heurter à divers effets
de seuil, au-delà desquels, elle ruinera le transporteur.
Démonstration :
Avec 51 passagers de plus, il faut un wagon supplémentaire.
Avec 131 => 2 wagons, pour 450 => 5 wagons, et si les gains en billets,
fonction du nombre de passagers suivent une progression arithmétique,
le coût de l'énergie dépensée pour tracter ces wagons supplémentaires
va suivre une progression géométrique.
À 3 wagons de plus, le gain global est nul.
À 5, on perd de l'argent car la dépense d'énergie + le personnel
supplémentaire + l'usure et l'amortisement du matériel avec un charge
de travail accrue de 50% > 450 tickets vendus.
À partir de 6 wagons de plus, il faut une deuxième motrice.
C'est le premier effet de seuil.
La perte d'argent augmente de ce fait puis se stabilise momentanément
car avec la 7ème, 8 ème, 9 ème voiture ajoutées, le raisonnement
spécieux du coût marginal négligeable/passager supplémentaire
fonctionne à nouveau.
Avec 15 wagons rajoutés et jusqu'à 25 en plus, il faut une loco
en pousse pour appuyer les 2 tracteurs.
Non seulement l'énergie dépensée et l'usure du matos sont
considérables,
mais on ne peut maintenir la même vitesse <=> maniabilité avec 35
wagons
comme avec 10, les accélérations - freinages exigent plus de temps,
les règles de sécurité (espacement entre les trains) sont plus lourdes,
et ce convoi va perturber le reste du trafic.
Faisant perdre encore plus d'argent sous forme de manques à gagner
collatéraux.
Au-delà de 35 wagons, il faudra scinder en 2 trains de 18 voitures
et 2 locos chacun, et les Gribouilles resserviront le raisonnement
du coût marginal négligeable/passager supplémentaire...
Sinon une des 4 locos du méga-train grillera, celui-ci s'immobilisera
en rase campagne, désorganisant l'ensemble du trafic et induisant
des coûts aléatoires faramineux : réparations, envoi à la casse
et remplacements, transports de substitution, remboursement des
billets,
procès, fermeture provisoire de la ligne...
Mais il y a aussi la solution de la fuite en avant !
Rajouter indéfiniment des wagons donc des locos à de nouveaux trains
non rentables, doubler les voies, les tripler même, agrandir les gares,
embaucher et former du personnel, et fermer les yeux sur les quidams
qui "grillent le dur"...
Ajouter la pétaudière à l'usine à gaz et préférer la pagaille à
l'émeute
encore que les deux soient cumulables.
Tout en se glorifiant du nombre record de passagers transportés
et du fait que, plus il y a de voyageurs, plus c'est profitable
pour les ventes de sandwiches, de sodas et de bonbons.
Voilà où en est la situation économique de la France de 2015.
--
« Très peu de gens savent réfléchir, mais tous ont des opinions.
Celles des autres dont ils deviennent des défenseurs intolérants.
Car ce qu'ils détestent le plus chez ceux qui pensent autrement,
C'est l'outrecuidance de prétendre penser par eux-mêmes. »
Arthur Schopenhauer
http://christian.navis.over-blog.com/2015/01/manuel-de-rhetorique-a-usage-des-perroquets.html