J'ai dû arrêter de voler il y a bientôt quatre ans. A l'époque, le triangle
St-Hilaire Granier Prapoutel Bastille St-Hilaire (oui, c'est bien un
triangle messieurs les géomètres) n'était plus une nouveauté.
Où en sont les perfs des voiles, les records qui sont tombés, Trekking
a-t-il coulé tous ses concurrents, Murillo a-t-il épousé Sandy Cochepain...
bref, j'aimerais connaître les derniers cancans du milieu. Merci !
Ci-dessous un texte que Noël Bertrand n'a pas osé publier. J'espère qu'il
vous amusera.
Pascal
Stone Kiplouff : Autan, suspentes, on vole !
Soleil de rêve à Tahiti, promesses de soaring de carte postale dans les doux
zéphyrs tropicaux, atterrissages sur la plage, sable blanc et lagon bleu. Ma
copine me suggère une promenade sur les berges vallonnées alentours, car
elle aime découvrir de jolis sites en ballade. Nous secouons les mites de
nos habits, car les boules antimites de nos valises semblent inefficaces.
Puis nous sortons, non sans avoir soigneusement refermé à clef, car il faut
se méfier des types de Papeete. Deux sympathiques vahinés fleuries nous
accompagnent jusqu'au déco le plus proche. Quelques pierres tranchantes
affleurent : les pilotes doivent prendre garde à ne pas faire déchirer le
Nylon. La solution serait de poser de la moquette du Caire. Du sommet le
paysage est comme dans les livres : tièdes alizés, flots limpides et
cocotiers. Pour cette première prise de contact avec l'aérologie indigène je
n'ai pas monté la voile. Je discute simplement avec les habitués, entre deux
verres de l'eau de feu locale, qui fait bien planer elle aussi ! Même le
curé du coin s'est mis au parapente : « depuis que ce sport a pris, personne
ne vient à la messe avec foi. C'est en vol que mes ouailles cherchent les
sources du bonheur » confesse-t-il. Une grande partie du clergé s'est mise
aussi à voler. Je vois en effet près de cent curés en long (le déco est
étroit) qui attendent leur tour de décoller. Tout est si différent ici ! C'
est en roulant un matin à Paris que j'ai eu cette envie d'ailleurs.
Nous laissons ces braves gens et nous mettons à la recherche d'une ferme
pour goûter aux produits régionaux. Nous croisons justement une touriste qui
revient de la ferme pleine d'espoir. Les paysans, affectueux, caressent le
cou de leurs boufs. Nous devisons sur l'agriculture locale. « Voulez-vous qu
'on vous envoie dans nos cultures » nous proposent-ils ? Nous déclinons avec
effusion et en venons à parler de vol libre. Ce sujet a emballé la fille
cachée derrière l'écurie. Elle nous apprend qu'une compétition amicale est
organisée d'ici peu, mais incapable de nous en dire plus, elle nous envoie
chez l'élève moniteur du village. Où habite-t-il ? « L'aspirant habite
Javell, le hameau derrière l'église. » A quand la compet ? « On m'a laissé
le choix pour la date, c'est pour demain car la météo est prometteuse ». L'
équipe du village manque de pilotes. Le recrutement des volontaires est pour
le moins pittoresque : en échange d'une remise de peine, les gens passibles
d'une condamnation sont sélectionnés d'office, mais les accusés refusent qu'
on les enrôle. Ils ont peur et on les comprend : la première fois on s'en
souvient tous !
Les vacances s'annoncent prometteuses. Nous rentrons au gîte où un délicat
fumet nous accueille, qui nous met en appétit : « des nouilles cuisent au
jus de cane » commente le chef. Déjeuner en amoureux, les yeux dans les
yeux, mais mon esprit revient à cette amicale. Moi qui avait promis à ma
copine de lui consacrer mon temps ! Encore un amour qui va être sacrifié sur
l'autel d'Éole ! Elle sent que j'ai la tête ailleurs. « Tu veux participer à
la compet. » me prend-elle en flagrant délit de désertion sentimentale.
Meuuuh non .-Ne change pas de mine, réponds ! -Après tout il peut être
intéressant de se confronter à des pilotes de tradition libériste
différente, dans une aérologie inconnue, une expérience nouvelle est
toujours une progression vers La Connaissance de La Vérité Du Grand Tout . »
mauvaisefoisé-je. « Je refuse, tu m'avais promis ! » Son éclat est démenti
par ses yeux rieurs. « Je plaisante, fais-toi plaisir », m'autorise-t-elle.
« Oui, tu paraissais taquine », fis-je, surpris et soulagé. Notre budget est
hélas trop restreint pour payer l'inscription que nous offrent généreusement
des ouvriers charpentiers. Nous sommes émus de la philanthropie des ouvriers
charpentiers. L'après-midi nous jouons les touristes. Luxe oblige, nous
dînons au restaurant. En Français éternellement insatisfaits nous nous
plaignons des steaks trop durs. « Quand il y a des femmes à dîner les parts
sont plus fermes » plaide le cuistot. Le vin n'est pas fameux non plus :
il n'a pas de goût votre blanc ». Les pommes de terre, en revanche, sont
excellentes : « que vos frites sont belles ! » s'enthousiasme ma copine
bordelaise. Le pousse-café hélas, manque de pêche, ce qui lui déplaît : les
femmes n'aiment pas le marc trop doux. On s'offre un petit vol du soir dans
une atmosphère parfumée d'embruns et de fruits de la passion, puis nous
bivouaquons à la belle étoile car l'hôtel est bruyant et les filles de
Bordeaux n'aiment pas le bruit des motels.
Au matin nous sommes frais et dispos pour le briefing qui se déroule dans
une ambiance très bon enfant, seulement troublée par l'arrivée d'une masse
de perturbateurs, une bande de jeunes désabusés (forcément on est le 8 mai
95 !) : Sabine et ses potes. Elle est mignonne (ses fards sont de véritables
caresses ) mais très revendicatrice : « - le parapente est un sport de
nantis, Tahitiens, Tahitiennes, on vous ment, on vous spolie . - Hey, les
révolutionnaires, il fallait vous réveiller pour le 7 mai ! Quand on court
après une élection, mieux vaut remettre les urnes en boîte ! » Puis tout
rentre dans l'ordre : l'organisateur sort Sabine pour l'apaiser, puis il
nous distribue des dossards en tissu. Pour ma part je touche un bon de
cretonne. Au niveau du matériel, une seule obligation : suspentes latines !
Une équipe paraît avoir fait sienne la devise des grognards : audace ! Les
membres d'une autre équipe ne semblent pas très rassurés, mais ils n'ont pas
le droit à la parole : « plus ils reculent, plus ils seront engueulés » m'
informe un observateur averti. Les officiels prennent place sur le banc de
la table de marque. La course est à but couru : on donne le départ une fois
que tous les participants ont pris l'air, le vainqueur est celui qui
franchit le premier la dernière balise. Les conditions sont inquiétantes :
des avions militaires franchissent le mur du son au dessus du déco. Les
bangs des aviatrices font frémir l'élite des pilotes. De plus le vent est
fort. Le shérif, très populaire, (il est connu dans le milieu qu'on peut
être parapentiste et policier !) ne pénètre plus. La foule l'acclame :
reculé pour la 5ème fois, encore battu ! » La manche est annulée, mais
impossible de prévenir les pilotes à la radio car une panne de micro
brouille l'écoute. Que faire ? Découvrir une panne c'est une question de
pif. En fait il ne s'agit que d'un problème d'alimentation et nettoyer les
piles de la boite suffira pour que tout rentre dans l'ordre.
Le ciel s'obscurcit dangereusement. Je pose aux "B", car lorsque l'aiguille
du vario sort du cadran je nourris des inquiétudes ! Je reprends contact
avec la dure réalité des choses terrestres et me foule la cheville, déjà
fragilisée par de nombreux atterrissages ébauchés dans des conditions peu
recommandées dans les manuels de savoir survivre. C'est bien connu, trop de
luxations conduisent à la fêlure. Une charmante infirmière prend soin de moi
et me met au lit. Elle me demande ce qu'il faudra pour l'alité, je réponds
que ce sera bon. L'infirmier, jaloux, veut m'amputer après m'avoir fait
boire, pour m'anesthésier sans doute. Je vide mon litre sur le fou et je m'
enfuis.
La suite de notre villégiature est idyllique : vols exotiques et colorés,
biplaces sous les palmiers., mais se termine. Retour dans la métropole après
avoir demandé à l 'aéroport un billet pour rentrer, Vittel-Bordeaux .
Dans le texte initial les contrepétries étaient en italique et le
copier-coller les a joyeusement ignorées. J'en ai compté 45 vite fait, sans
doutes certaines m'ont-elles échappé. Heu...désolé.
Bons vols
Ben, ca a pas mal progresse : une voile de debutant taquine les 7.5 de finesse
(ce qui commence a etre problematique pour poser quand on n'a pas d'experience !).
Cote records je suis pas trop au courant, c'est pas mon truc, mais Pierre Bouilloux
continue ses impressionnats vols-bivouac. Trekking se maintient, Airwave a disparu
recemment, Advance se maintient malgre un couac sur sa Sigma 4 trop pointue. De
nouvelles marques interessantes ont fait leur apparition : FreeX, Ozone, Mac Para,
Gin Gliders, ...
Et pour le carnet rose, Murillo n'a pas, a ma connaissance, epouse Sandy. En revanche,
Bertrand "Zebulon" Roche a epouse Claire Bernier, c'etait meme le principal evenement
du dernier Parapente Mag ! ;o) Un cador et une championne du monde, ca promet une
belle descendance !
> Ci-dessous un texte que Noël Bertrand n'a pas osé publier. J'espère qu'il
> vous amusera.
>
Super ! :-)))
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Benoit LEPRETTRE Signal Processing Engineer
Schneider Electric SA, Grenoble, France
Note : The opinions here are mine, not my company's
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L'ami Benoit ayant apprécié ma prose, voici les 2 autres articles que
j'avais pondus. Le premier était paru dans "Vol Libre", en février 96, un
numéro où N. Bertrand manquait cruellement de matière.
Pascal
Stone Kiplouf : Je n'y connais rien mais j'en parle
Me voici promu journaliste sportif (.) et bénévole (hélas). A ce propos je
signale que je suis corruptible et que j'ai un peu de temps pour des essais
de voile. Je plaisante, rédac' chef ! A vol libre on ne déconne pas avec la
déontologie. (Là je lèche un peu mais mes ambitions carriéristes exigent ce
genre de gymnastique très "maison blanche" !
Cher(e) lecteueur(ice) inconnu(e) et néanmoins ami(e), tu as compris à la
lecture de ce pseudonyme au subtil calembour bilingue que les lignes qui
vont suivre ne racontent un cross fabuleux, style Lachens-Mt Blanc-Ballon d'
Alsace et retour par les Pyrénées via l'Atlantique, après le survol d'une
mer de nuages en compagnie d'une famille de marmottes sur fond de soleil de
minuit et de thermique de lune, dans des couleurs à faire frémir l'oreille
de Van Gogh. Et je le regrette. Intensément
J'ai carte blanche sauf qu'il ne faut pas dire du mal d'autrui. De qui,
alors ? C'est la seule censure. Censure ? Mon sang se coagule à l'idée qu'on
me changeât une seule virgule ! Carte blanche mais pour dire quoi ? Je n'ai
rien à dire ! Parler de rien c'est déjà dire quelque chose, mais ce n'est
pas comme ça que je réussirai dans la vie ! Guy Degrenne on lui a dit ça et
il est aujourd'hui le premier (vu à la télé). Moi quand je suis le premier,
c'est à me poser ! La concurrence fait bien des articles avec du vide, mais
pas vol libre quand même ! (après ça s'ils ne m'embauchent pas .)
Donc toi, veinard(e), tu as fait un vol superbe mais plus loin tu as volé,
plus il te faudra pour être poli(e) assurer la conversation à la personne
qui t'a pris(e) en stop. Que dire après t'être extasié(e) "sincèrement" sur
:
- la musique top funk dance techno qui hurle à t'en faire regretter les
suaves harmonies des bruits des enchaînements
fermeture-ouverture-fermeture .
- la ligne "futuriste et originale" de la catastrophe roulante où tu
regrettes d'avoir pris place car en plus du plancher mangé aux mites ce c.
roule comme un dingue et ça serait stupide de survivre à une autorotation d'
anthologie pour finir dans une consternante banalité contre un platane,
comme tous ces morts du week-end sans imagination .
- l'espèce de monstre mi-otarie mi-Gremlins qui a l'air de lui servir de
progéniture .
- la boule de poils "adorable" que tu surveilles des fois qu'il lui
prendrait l'idée de lever la patte sur ta voile .
En exclusivité pour toi et après des recherches courageuses, vol libre (c'
est décidé je leur demande une augmentation) te livre ses poncifs d'or,
toujours disponibles en 48 s chrono pour ton chauffeur du moment :
- on ne saute pas, on décolle !
- non ce n'est pas un deltaplane dans le sac à dos !
- le saut a une durée variable
- les vents ne sont pas favorables
- non il n'y a pas de trou d'air
- c'est assez cher mais le matériel d'occasion est mois cher que le neuf
- oh oui, il y a beaucoup de différence entre le delta et le parapente
- non ce n'est pas un parachute
- non ce n'est pas dangereux
- aujourd'hui il ne fait pas assez beau pour qu'il y ait des ascendances
Et pour conclure cruellement en semant le doute :
- ce n'est pas parce qu'il fait beau qu'il y a des ascendances
Sans oublier d'affirmer, si l'orage s'est levé et que les arbres sont
couchés par terre :
- ce n'est pas du vent, c'est du nuage
Par contre, s'il te demande le pourquoi du comment que ça tient en l'air et
que tu n'as pas trop saisi l'influence de la charge alaire sur le carré de
la R.F.A., tu le renvoies à l'excellent tome II de L'ABC de pilotage du non
mois excellent H. Aupetit (là aussi je flagorne un peu, mais il faut
toujours être copain avec les savants. On n'est jamais trop prudent). En
écrivant gros ça doit tenir une page. Ouf. Comment ? Tu veux plus de rêve ?
Heu, je ne sais pas, moi . Un petit cross ? Oui ? Bon. Alors vite fait sur
le gaz, comme si on n'y était :
"4 mai. Déco à 12 h en face sud-ouest de . d'une montagne, un peu tôt,
alors je travaille dans du zéro serré, heureusement mon proto monoélévateur
monosuspente est hyper maniable. Ça finit par déclencher, +3, +4, jusqu'à
3200 m. Le paysage est fabuleux, la caresse du vent (relatif, restons
scientifiques !) sur le visage ., que d'émotions devant la beauté sublime,
des sensations magiques qu'on ne peut pas décrire avec des mots. J'enroule
avec un condor nain, un moins que ce ne soit un moineau géant. Ça tient en
thermodynamique jusqu'à la falaise à côté du pic. C'est superbe et généreux
comme le lion du même métal. Si Dieu n'existe pas il faut l'inventer
dard-dard (hommage à San-Antonio) pour le remercier d'avoir fait toutes ces
merveilles. Transition jusqu'au massif bien connu d'en face, au-dessus de
chez Fernand. A partir de là, c'est toi qui décides, c'est toi le chef.
Option 1 : je pose dans une vallée très sauvage. Accueil chaleureux par un
couple de jeunes gens très beaux très comme il faut, qui ont largué leur
excellente situation (avocats, médecins, chercheurs, maire de Grenoble,
grand reporter à vol libre .) pour une vie plus en harmonie avec la nature,
une osmose avec les éléments, faire corps avec Gaia. On philosophe de bar,
retour à la terre, Rousseau, tout ça. Rencontre enrichissante au détour d'un
chemin, le hasard est un grand maître, nous sommes bien peu de choses devant
cette nature infinie. Plafond en novembre, Noël en décembre ; Noël en l'air,
Pâques au cimetière . On sympathise, je deviens le parrain des enfants à
venir, le tonton Dédé. On s'aime en cour dans le thermique du bonheur .
Option 2 : je me refais hyper bas, je passe la cluse, je remonte jusqu'au
silence ouaté des nuages molletonnés pour découvrir un paysage qui n'en
finit pas d'être enchanteur. J'ai des images plein la tête, des arbres, des
prés tendres à l'herbe grasse, des rochers sculptés par l'artistique main de
l'érosion, des oiseaux multicolores et chamarrés, des chamois bondissants,
des bouquetins agiles, des lacs sauvages et authentiques qui scintillent de
mille reflets mordorés, etc. etc. jusqu'à l'océan indien.
Option 3 : l'orage se lève en deux minutes. Je suis sous le vent avec un
seul caisson d'ouvert et la tête dans les autres. Je centrifuge les oreilles
et les "B" en même temps et ça monte à + 15, je recule, double une Porsche
sur l'autoroute, je largue ma voile à moitié gelée et ça monte encore, l'
aiguille du vario fait deux tours de cadran et je finis par m'assommer
contre Météosat. Je prends un bain d'ozone ionosphérique et je chute
interminablement en espérant ne pas avoir changé d'espace-temps ! J'évite in
extremis de m'empaler sur l'Everest et j'atterris dans un énorme tas de
neige dont je me demande encore ce qu'il faisait sur la plage d'Acapulco.
Bref, RAS. Ah, si, j'ai perdu un bouton de manchette.
Sur ce je vais me coucher. Il est 20 h et demain je dois être tip top pour
mon cross Lumbin-St-Hilaire-les antennes-Lumbin. J'espère que c'est F.A.I.
Stone Kiplouff : Déco .nnades de déco
Je venais de foirer mon nième gonflage. Je me retournais doucement, l'air
de rien, avec le furieux espoir de passer inaperçu, chose que je réussis
pourtant à la perfection quand je croise une jolie fille, mais hélas on m'
avait vu. « Papa, papa cria une voix de gosse hilare, le monsieur il est
tombé, t'as vu, il sait pas faire ! » A cet instant, statistiquement, le
papa ainsi pris à partie adopte l'une de ces deux solutions : soit, soucieux
lui aussi de retourner au plus vite dans l'anonymat pour éviter des
retombées diplomatiques fâcheuses avec ce pilote à l'air terrible (je m'
étais laissé pousser la moustache pour faire peur aux policiers de tout
ordre, comme René Coulon), il essaie de faire taire son critique rejeton en
lui chuchotant qu'il a raison, soit, fier et sûr d'une science aussi
curieuse que personnelle il explique à Madame, béate devant son
Robert-Marcel de savant, que les ficelles ont été détendues par un courant d
'air contraire, que c'était dommage car ce jour-là la portance était bonne à
cause des ascendances .
Que pouvais-je alors faire pour éviter de passer pour le dernier des
andouilles devant toute cette foule - car la probabilité de réussir son
décollage est inversement proportionnelle au nombres de spectateurs
incompétents et néanmoins commentateurs- sinon tonitruer une explication
sans forcément en rapport avec la vérité, l'important étant d'incriminer la
voile, le vent, la Bosnie ., en termes technicoténébreux pour bien montrer
qu'on peut rater sa tentative et demeurer un fin technicien ?
Je me remémorais d'urgence toute une palette de "sauve-la-face" qui vont du
sobre "j'avais une clef " jusqu'au "aujourd'hui c'est dur de gonfler avec la
confluence entre le front d'orage et le début de convection
restitutionnelle" en passant par les "sites vicieux" et le "thermique qui
fait un rouleau derrière ce fraisier mal placé", sans oublier les classiques
"c'est une voile que je ne connais pas et qui a des réactions bizarres, la
preuve" et les "subites rafales de vent arrière" bien commodes pour
expliquer les tout-droit-dans-les-souches quand on saute avec la voile à 45°
derrière. En tout cas la foule était impressionnée et mon honneur sauf, même
si les autres pilotes décollaient sans problème ! Obligé de débiter le plus
d'âneries possibles, comme lors des discussions pré ou post-vol, qui ne
manquent pas d'un certain pittoresque (y'a qu'à le dire comme ça .).
Qui n'a pas entendu que :
- l'homologation, quand on y réfléchit vraiment ça ne veut pas dire grand
chose parce que bon, par exemple, un A en fermeture asymétrique signifie 4
secondes pour rouvrir, mais l'important c'est ce que fait la voile pendant
ce temps-là, et qu'il vaut mieux 5 s de calme que 3,5 s d'apocalypse (un peu
comme le petit clic et le grand choc) ?
- le parapente est très facile d'accès et c'est ce qui en fait le piège ?
- on vole mieux si l'on est bien dans sa tête même si l'aile est moins perfo
?
- maintenant tout le monde monte, la différence avec les bêtes de courses se
fait dans les transitions ?
- la voile Z vole au moins aussi bien qu'un delta parce que Bébert, un jour,
dans une transition est arrivé plus haut que le deltiste qui volait à côté ?
- le bolide Y a un super taux de chute mais pas une finesse supérieure à
celle de sa petite sour dans la marque, après la subtile analyse d'un unique
passage dans la dégueulante à Jules qui a déposé tout le monde ?
- l'aile perfo X ne vole pas mieux qu'une aile école parce qu'une fois un
élève est arrivé plus haut que moi sur l'aterro ?
- les voiles de maintenant ne sont pas meilleures que ma voile de 1990 car
je suis toujours en haut de la grappe, mais oh, attention, je pilote ?
Et je te passe les descriptions d'itinéraires de cross où au kilomètre 85
tu trouves toujours la bulle salvatrice entre deux brins d'herbe célèbres et
le sapin après le fameux caillou qui a une forme bien marrante (mais on n'
est pas là pour rigoler) et qui te fait gagner 500 m pour passer ce fichu
col et et et . de toutes façons je ne suis pas concerné parce que je vache
immanquablement à Château-Nardan !
Ne t'offusque pas, Ô penseur des sites qui viens de reconnaître tes poncifs
préférés : avant je jouais au foot, alors imagine les après-match ! Les
lieux communs changent de discipline ; Platini est remplacé par les virages
à plat de nos aéronefs, l'épopée des verts par celle de Bouilloux. On ne s'
ennuie jamais avec les sportifs !
Il est aussi des cas où tu es le (la) seul(e) libériste sur le site, déjà
occupé par la famille joueurs-de-boules-bob-Pernod-Ricard. C'est du vécu.
Nono, par chance pour lui avait déjà pris l'air (c'était au temps où l'on
volait ensemble, avant qu'il ne joue à Didier Favre avec sa voile et ses
abricots secs ) et flânait paisiblement 200 m au-dessus, à quelques 1000 m d
'altitude. C'est alors que Simone, sous ses bigoudis fleuris s'exclame,
admirative et inquiète : "ce qu'il doit avoir froid là-haut !" Et
Robert-Marcel le savant, car c'était lui ou un de ses nombreux frères que l'
on semble condamné à fréquenter pour l'éternité, de répliquer : " Meuh non,
chérie, à cette altitude, le problème c'est le manque d'oxygène !" Et là, tu
prends peur. Peur de la contagion. Tu pries pour que ta voile prenne bien l'
air comme il faut, pour que leur chien arrête de courir et de baver sur ton
aile, pour que la chose qui leur sert de gosse cesse ses dérapages en VTT
qui lestent tes intercaissons de graviers, pour que Simone, à la poursuite
de tout ce petit monde ne s'emmêle pas les tongues dans tes suspentes.
Tu es seul. Face à eux. Il faut fuir, fuir, fuir vers l'azur immaculé !
Mais le pire peut arriver : tu es lâché(e) dans cette arène et ça ne décolle
plus. Pas besoin de réfléchir deux heures, c'est arrière. Ils vont te
happer, te phagocyter, t'approcher, te parler même ! Tu n'as plus qu'une
solution : jouer les inaccessibles d'un autre monde, le monde des volants.
Tu vas au bord de la cassure et tu plisses les yeux (hyper important).
Mystique mystérieux et immobile tu lis les signes que les autres ne
perçoivent pas. Tu analyses. Le chant des grillons est-il bien en si bémol
majeur ? Ça craint, à moins que les chocards aillent par deux. A quoi
ressemblent les toiles d'araignée et les pelures d'oignon ? Bref tu répètes
les élémentaires consignes de sécurité de Gérald Delorme (le savant puisqu'
il écrit des livres. Je ne l'ai pas cité la dernière fois et je n'ai trouvé
que ça pour réparer cet outrageux oubli. Désolé). Au besoin tu découpes leur
chien pour lire dans ses entrailles, tu scrutes le vol des mouettes,
toujours les yeux plissés (je répète mais tu suis pas). Tu déchiffres les
moindres indices de l'horizon, obscurs aux piétons, qui n'osent pas t'
aborder (c'est bien là l'essentiel) dans ta méditation où tu te demandes si
t'as bien fermé le gaz en partant. Et soudain c'est gagné. Le thermique ne
redresse pas la biroute mais la tâche blanche qui monte est signe . que ta
navette vient te chercher. Sauvé ! Enfin, sauvé . Je ne veux pas faire de
mauvais esprit, mais depuis le 7 mai (1995) les conditions sont pourries.
Dieu ferait-il de la politique ?
Bonjour aux plafonds de ma part .
Qu'Eole soit avec vous et avec votre esprit (c'est un scoop mais Vol Libre
est lu aussi dans l'au-delà) (là je fayote un peu).
Beaucoup. Il m'a pris à contrepèt.
FrK
Je ne suis pas sûr d'avoir trouvé toutes les contrepéteries, mais je vais me
faire aider : j'ai une femme à l'esprit aussi vif que mal tourné dont je
sens qu'elle va lire son premier récit de parapente, et avec plaisir, en
plus ! Peut-être va-t-elle même renoncer à se tailler une robe en skytex
bleu pâle dans mon Axon presque neuve !
Merci.
Charles.