Cedric P. <cpa...@aenlever.multimania.com> a écrit :
>
> "gbog" <gb...@caramail.com> a écrit que la visée du beau est indissociable
de l'art, que la définition de l'art ne pouvait pas se passer du beau, et
que ce n'est pas l'art qui est indéfinissable, mais le beau.
>
>>> Dire que l'art est définissable en ajoutant qu'il se définit par son
>>> but qui, lui, est indéfinissable, c'est un simple jeu sur les mots.
>>
>> C'est un petit peu plus utile : ça repousse l'indéfinissabilité
>> d'un cran. Ça défriche un peu. Enfin c'est mon but.
>
> Je dirais que ça la conserve, tout en rajoutant une proposition
> problématique supplémentaire... dispensable selon moi.
Je vais changer d'angle de vue et le serrer sur la notion de visée. En
fait, si je me trompe en disant que l'art est indissociable de la visée du
beau, c'est plus à cause de la notion de visée que de la notion de beau. Là
encore, je cherche à intégrer la point de vue chinois, qui se passe de toute
référence à la finalité. Il y a pour eux des processus et des résultats.
Pour faire court, je pense que celui qui vise le beau ne le trouvera pas.
L'artiste peut avoir presque n'importe quelle intention dans sa création
(intention laudative pour l'art religieux, reflexive pour l'art conceptuel,
imitative pour l'art figuratif, éthique pour d'autres...), mais l'intention
de créer de la beauté n'en est pas une. C'est le résultat (l'oeuvre) qui
doit, selon moi, avoir affaire avec la beauté. Si tel tableau n'est pas
ressenti par moi comme beau, comment pourrais-je l'admettre en tant
qu'oeuvre d'art ? (je précise bien que le beau n'est pas définissable, lui,
et qu'on peut très bien trouver belle une crotte de chien en gros plan, ou
même, en se forçant beaucoup, un morceau de John Cage.)
[Résumé de l'enjeux : selon moi, l'artemporain refuse d'admettre la
finitude de son matériau. Exemple : il y a un nombre limité de mélodies
possible, c'est mathématique, c'est mon présupposé. Les zartistes croient
échapper à l'impasse en niant la mélodie en musique (par le sérialisme ou la
musique concrête, par exemple). C'est refuser la dure réalité. Je crois
qu'il vaudrait mieux admettre la finitude et se contenter de citer les
mélodies existantes en les accomodant à une sauce personnelle. C'est un peu
ce que fait le rap.]
>> [gbog:] Les
>> peintres chinois ne consacrent-ils pas toute leur vie à peindre un
>> simple bambou ? (Tu l'as noté : je généralise et j'exagère, mais la
>> réflexion reste valable, selon moi.)
>
> Cela correspond à une attitude spirituelle qui a peu à voir avec la
> conscience de la finitude d'un art. Par ailleurs, ce que tu disais
> pour la musique s'applique moins au dessin.
Moui... Y a quand même une certaine limitation des thèmes, si on reste
dans l'art figuratif. Que peindre aujourd'hui qui n'ait pas été déjà peint
par les maîtres ? Soit on fuit dans les carrés blancs ou rayés ou raturés,
soit on accepte de re-re-repeindre un pot de fleurs ou un visage, une
bataille ou un paysage. Dans les grands lignes, pour moi, celui qui cherche
à peindre des trucs tout noirs ou entièrement abstraits, c'est un artiste
qui n'a pas suffisament confiance dans sa personalité d'artiste, qui sait
bien qu'il fera toujours moins bien (mais pareil) que Vermeer, et qui ne
veut pas s'y résigner. Manque d'inspiration.
On passe à autre chose : La prolifération et la « loisirification » de
l'art et de la culture, surtout par la numérisation.
>> Ce qui changerait au niveau global, selon toi, c'est
>> l'envahissement du loisir consommatoire ? C'est pas faux.
>
> Disons que c'est au moins un facteur aggravant.
>
>> l'oeuvre de l'esprit
>> (musique, écrit, image, film) étant souvent numérisable, donc
>> infiniment disponible (duplicable sans perte et sans frais), elle
>> devient un objet qui échappe à la problématique de la rareté,
>> c'est-à-dire à l'économie de marché.
>
> je ne suis pas d'accord. Sa prolifération a des aspects positifs comme
> l'accès généralisé bien sûr, mais tend d'une part à supprimer le
> besoin de faire tout effort vers l'oeuvre, et d'autre part ne nuit
> absolument pas à l'économie de marché : la prolifération de produits
> est une solution à la problématique de la rareté, elle s'inscrit tout
> à fait dans le cadre de l'économie. Supprimer la rareté est
> économique en soi !
Ah ménon ménon ! Ce qui n'est pas rare (parce qu'infiniment disponible)
devient forcément gratuit. Mon litre d'essence n'est pas le tien. Si je te
le donne, je le perd. Il a donc un prix, dans un marché. Mon fichier mp3 de
Lara Dion, si je te le donne (aka "duplique"), je ne le perd pas. Il n'a pas
de prix, il est hors-marché.
> Par contre cette problématique de rareté, comme tu dis, est au moins
> en partie créée par l'économie... les besoins ne sont évidemment pas
> seulement remplis mais créés par la multiplicité des offres, sans
> copter que des évolutions économiques créent de la rareté (la
> recherche de rendement ne favorisant pas en soi la diversité). Enfin,
> L'oeuvre est infiniment disponible, donc indéfiniment vendable.
Oui, mais son prix tend vers le zéro absolu. Le prix d'une motte de
beurre ou d'un composant électronique peut tendre vers le très bas, grâce à
l'augmentation de la productivité, mais pas vers zéro. Le dégonflement de la
bulle internet est une excellente nouvelle : j'y vois l'enseignement que le
vrai moteur d'internet est la gratuité. (J'en cause plus précisément sur fma
: http://minilien.com/?c898mutYtL)
Donc, en gros, on peut en effet s'inquiéter de la prolifération des
oeuvres de l'esprit et de leur vulgarisation extrême, voir dans la
démocratisation de l'art une perte de son essence. Je suis le premier à
regretter que la musique se déconnecte de l'instrumentiste, c'est-à-dire du
jeux, de la joie transmissible de jouer de la musique. Depuis l'invention
satanoïde de la fixation de la musique, même les plus grands jouent pour un
micro et le résultat est une suite de sons mis en conserve. Les meilleures
plaques sont celles qu'enregistrèrent les pionniers qui n'avaient pas encore
conscience d'enregistrer pour la postérité. Depuis, on fait attention au
moindre bruit d'archet et on oublie ce qu'est la musique...
Mais on peut voir le coté positif de cette prolifération : la propriété
intellectuelle est sapée, l'utopie nécessaire de la gratuité est à nos
portes. Qui ne cherche pas une sortie à la logique marchande qui dévore tout
? Bernard Maris dans Marianne : « Premier principe collectif : la Terre est
patrimoine de l'humanité », « Deuxième principe collectif : le savoir est
gratuit », « la notion de brevet est inadmissible », etc.
Attention, il faut séparer deux choses dans le brevet ou le droit
d'auteur. Je crois que l'extension marchande de ces droits est condamnée à
moyen terme, et que c'est une bonne nouvelle. Reste qu'on peut conserver le
principe de base, à savoir que l'auteur d'une invention ou d'une mélodie
peut réclamer la reconnaissance de ce fait : on doit continuer d'imputer
l'oeuvre à l'auteur, sans pour autant que cette imputation se traduise en
propriété rémunérée. Bref, les mp3 sont gratuits et Superneuneu peut les
copier et les donner à ses copains tant qu'il veut, mais il ne doit pas
pouvoir se faire passer pour l'auteur de la Passion selon Saint Matthieu.
--
Le Maître dit : « Il n'y a pas à sortir de là, je n'ai jamais vu quelqu'un
qui aimât la vertu autant que le sexe. »
(Les Entretiens de Confucius, trad. P. Ryckmans)
> Je mets ce message aussi sur frap, pour tenter de renouer la discusse
> avec A. Moreau.
Hop!
> Je vais changer d'angle de vue et le serrer sur la notion de visée. En
> fait, si je me trompe en disant que l'art est indissociable de la visée du
> beau, c'est plus à cause de la notion de visée que de la notion de beau. Là
> encore, je cherche à intégrer la point de vue chinois, qui se passe de toute
> référence à la finalité. Il y a pour eux des processus et des résultats.
> Pour faire court, je pense que celui qui vise le beau ne le trouvera pas.
Oui!
AMHA le beau est imprenable et qui veut le comprendre ne peut le faire
de mannière par trop volontaire. La vue imprenable, n'en déplaise aux
hôteliers, ne se vend pas si facilement et il ne suffit pas de le
vouloir et l'acquérir, quand bien même on en aurait les moyens. Autant
pour l'artiste qui produit que pour le collectionneur qui consomme.
La beauté est accidentelle. On peut, par contre, préparer l'accident en
dérapage contrôlé qui va faire rentrer dans le décor, sans y perdre trop
de plumes. Histoire de voir les formes du dit décor et se qui s'en
dégage en relation avec.
> L'artiste peut avoir presque n'importe quelle intention dans sa création
> (intention laudative pour l'art religieux, reflexive pour l'art conceptuel,
> imitative pour l'art figuratif, éthique pour d'autres...), mais l'intention
> de créer de la beauté n'en est pas une.
Oui!
> C'est le résultat (l'oeuvre) qui
> doit, selon moi, avoir affaire avec la beauté. Si tel tableau n'est pas
> ressenti par moi comme beau, comment pourrais-je l'admettre en tant
> qu'oeuvre d'art ? (je précise bien que le beau n'est pas définissable, lui,
> et qu'on peut très bien trouver belle une crotte de chien en gros plan, ou
> même, en se forçant beaucoup, un morceau de John Cage.)
Et si le beau était à l'oeuvre, plutôt que dans l'oeuvre? Et si nos
jugements étaient excédés par l'apparition toujours surprenante de
l'inconnu découvert par un artiste probable. Le beau qui oeuvre ne
s'arrête pas au fini d'un objet qui se veut exemplaire d'une définition
possible du dit beau.
>
> [Résumé de l'enjeux : selon moi, l'artemporain refuse d'admettre la
> finitude de son matériau. Exemple : il y a un nombre limité de mélodies
> possible, c'est mathématique, c'est mon présupposé. Les zartistes croient
> échapper à l'impasse en niant la mélodie en musique (par le sérialisme ou la
> musique concrête, par exemple). C'est refuser la dure réalité. Je crois
> qu'il vaudrait mieux admettre la finitude et se contenter de citer les
> mélodies existantes en les accomodant à une sauce personnelle. C'est un peu
> ce que fait le rap.]
Le fini est infaillible (ce en quoi il est une faillite à coup sûr,
question de temps). Ca tient le coup, un moment. Mais ça ne tient pas la
route très longtemps, sauf de façon symptomatique (un fait divers
remarquable).
Comprendre que le non fini est à l'oeuvre dans la création, c'est saisir
l'infini d'une création toujours possible. Les artistes créent plus de
fenêtres et portes que de murs. Le beau "casse la baraque" de sa propre
définition, quand celle-ci est admise et ne pose plus question.
> On passe à autre chose : La prolifération et la « loisirification » de
> l'art et de la culture, surtout par la numérisation.
>
> >> Ce qui changerait au niveau global, selon toi, c'est
> >> l'envahissement du loisir consommatoire ? C'est pas faux.
> >
> > Disons que c'est au moins un facteur aggravant.
> >
> >> l'oeuvre de l'esprit
> >> (musique, écrit, image, film) étant souvent numérisable, donc
> >> infiniment disponible (duplicable sans perte et sans frais), elle
> >> devient un objet qui échappe à la problématique de la rareté,
> >> c'est-à-dire à l'économie de marché.
> >
> > je ne suis pas d'accord. Sa prolifération a des aspects positifs comme
> > l'accès généralisé bien sûr, mais tend d'une part à supprimer le
> > besoin de faire tout effort vers l'oeuvre, et d'autre part ne nuit
> > absolument pas à l'économie de marché : la prolifération de produits
> > est une solution à la problématique de la rareté, elle s'inscrit tout
> > à fait dans le cadre de l'économie. Supprimer la rareté est
> > économique en soi !
>
> Ah ménon ménon ! Ce qui n'est pas rare (parce qu'infiniment disponible)
> devient forcément gratuit. Mon litre d'essence n'est pas le tien. Si je te
> le donne, je le perd. Il a donc un prix, dans un marché. Mon fichier mp3 de
> Lara Dion, si je te le donne (aka "duplique"), je ne le perd pas. Il n'a pas
> de prix, il est hors-marché.
Ce qui est en jeu c'est la valeur des productions artistiques en
fonction des nouveaux moyens de reproduction et diffusion. Ce qui n'a
pas de prix a aussi tous les prix possibles. Avec le net et les
capacités de duplications à l'infini, la valeur de l'objet est excédée,
loin d'être niée, elle est en creux, comme en absence : elle est devenue
une matrice qui va revaloriser le contenu même de l'objet. Le contenu
(l'essence même de l'objet, ce qu'il dit, ce qu'il transporte comme
sens) ne s'apauvrit pas avec sa propre multiplication.
S'il ne correspond plus au critère du marché (rareté qui fait la valeur)
il correspond à une économie qui est beaucoup plus proche de l'objet
lui-même et sa forme tient le coup parce qu'en bonne forme justement,
une forme qui n'en fini pas d'évoluer dans nos regards à chaque fois
surpris par l'imprenable. Pas de fin de partie. Le jeu continue hors
limite de l'objet. Véritablement un processus économique, un transport,
proche du transport amoureux (qui ne peut supporter l'arrêt du fétiche).
> > Par contre cette problématique de rareté, comme tu dis, est au moins
> > en partie créée par l'économie... les besoins ne sont évidemment pas
> > seulement remplis mais créés par la multiplicité des offres, sans
> > copter que des évolutions économiques créent de la rareté (la
> > recherche de rendement ne favorisant pas en soi la diversité). Enfin,
> > L'oeuvre est infiniment disponible, donc indéfiniment vendable.
Oui!
> Oui, mais son prix tend vers le zéro absolu. Le prix d'une motte de
> beurre ou d'un composant électronique peut tendre vers le très bas, grâce à
> l'augmentation de la productivité, mais pas vers zéro. Le dégonflement de la
> bulle internet est une excellente nouvelle : j'y vois l'enseignement que le
> vrai moteur d'internet est la gratuité.
Non pas tant la gratuité que le libre accès. (il y a souvent confusion
entre les deux). La gratuité est un concept marketing conforme à
l'économie de marché. L'accés libre procède d'une nouvelle économie post
et pré libérale. D'avant et d'après le capitalisme.
> Mais on peut voir le coté positif de cette prolifération : la propriété
> intellectuelle est sapée, l'utopie nécessaire de la gratuité est à nos
> portes. Qui ne cherche pas une sortie à la logique marchande qui dévore tout
> ? Bernard Maris dans Marianne : « Premier principe collectif : la Terre est
> patrimoine de l'humanité », « Deuxième principe collectif : le savoir est
> gratuit », « la notion de brevet est inadmissible », etc.
Nuance : il n'est pas question de nier la propriété intellectuelle ou de
faire l'apologie du gratuit. Mais de reconsidérer le droit des auteurs
en rapport avec le public (auteur de la réception des oeuvres). Le
marché est unilatéral et nous cible comme le fait un chasseur sur
pigeons voyageurs. Ce serait vraiment dommageable de faire mouche : ce
que nous transportons, les oeuvres de l'esprit, à nos pattes accrochées,
arrêteraient là leur course, tomberaient au sol et nous avec. Ciblés et
touchés et raides morts. Le message n'atteint pas son destinataire, le
sens est stoppé, le marché peut vendre les reliques, les corps empaillés
et le savoir-faire qui fait le carton.
> Attention, il faut séparer deux choses dans le brevet ou le droit
> d'auteur. Je crois que l'extension marchande de ces droits est condamnée à
> moyen terme, et que c'est une bonne nouvelle.
hum... Les droits voisins, par exemple, ont été mis en place pour
renforcer le copyright et l'étendre.
> Reste qu'on peut conserver le
> principe de base, à savoir que l'auteur d'une invention ou d'une mélodie
> peut réclamer la reconnaissance de ce fait : on doit continuer d'imputer
> l'oeuvre à l'auteur, sans pour autant que cette imputation se traduise en
> propriété rémunérée. Bref, les mp3 sont gratuits et Superneuneu peut les
> copier et les donner à ses copains tant qu'il veut, mais il ne doit pas
> pouvoir se faire passer pour l'auteur de la Passion selon Saint Matthieu.
Exactement : c'est le principe du copyleft et des licences libres qui,
loin de nier les droits des auteurs, les reformulent en intelligence
avec le matériau numérique et réticulaire (dans le cas du net). Elles
obligent à indiquer les auteurs (et dans le cas de plusieurs auteurs
succéssifs aussi).
--
Antoine Moreau
> [Résumé de l'enjeux : selon moi, l'artemporain refuse d'admettre la
> finitude de son matériau. Exemple : il y a un nombre limité de mélodies
> possible, c'est mathématique, c'est mon présupposé. Les zartistes croient
> échapper à l'impasse en niant la mélodie en musique (par le sérialisme ou la
> musique concrête, par exemple). C'est refuser la dure réalité. Je crois
> qu'il vaudrait mieux admettre la finitude et se contenter de citer les
> mélodies existantes en les accomodant à une sauce personnelle. C'est un peu
> ce que fait le rap.]
C'est bien de vouloir partir de postulats simples. Ce serait mieux s'ils
n'étaient pas faux à la base ! ;-)
Il n'y a pas "un nombre fini de mélodies", sauf peut-être si tu
n'acceptes comme mélodie que ce qu'on peut lire sur une partition. Si tu
considères simplement le son d'une scie, pour prendre un instrument
basique, tu devrais t'apercevoir que la gamme de fréquence n'est pas
discrète mais continue, donc infinie; autrement dit, et pour utiliser ta
métaphore mathématique, on peut toujours trouver un son entre deux sons.
Ce qui ruine immédiatement tout ton bel échaffaudage (ooh! ;-))
Un élément intéressant à prendre en considération, sur ce sujet précis
autant que celui plus général qui fait l'objet du post, c'est que tout
langage n'est qu'une approximation, un pis-aller pour se comprendre, et
que le langage est toujours inadéquat pour communiquer (d'où un nombre
incalculable de morts). Mais ce n'est pas le medium qui est en cause...
> Il n'y a pas "un nombre fini de mélodies", sauf peut-être si tu
> n'acceptes comme mélodie que ce qu'on peut lire sur une
> partition. Si tu considères simplement le son d'une scie,
> pour prendre un instrument basique, tu devrais t'apercevoir
> que la gamme de fréquence n'est pas discrète mais continue,
> donc infinie; autrement dit, et pour utiliser ta métaphore
> mathématique, on peut toujours trouver un son entre deux sons.
> Ce qui ruine immédiatement tout ton bel échaffaudage (ooh! ;-))
pour aller dans le même sens : le clavier "bien tempéré" propose que le do
dièse et le ré bémol soient une même note... L'invention simplifiait les
instruments, mais c'était une faute, et les violonistes par exemple
continuent à jouer deux notes différentes dans ce cas. Dans la musique
arabe ou indienne, la gamme est plus étendue puisque l'octave n'est pas
divisé en 7 notes mais en 16 ou 17. En fait, la musique tempérée a
énormément appauvri le répertoire après le 18e siècle, et il a fallu pas
mal de chemin (musique contemporaine mais surtout sans doute dans la
musique électronique, le jazz et plus encore dans la mode des musiques
"d'ailleurs") pour que les oreilles d'aujourd'hui parviennent à écouter la
musique baroque qui n'était plus jouée par aucun ensemble orchestral
puisque la gamme très réduite de l'orchestre du 19e ne permettait plus de
jouer une telle musique autrement que faux.
Il n'y a pas de valeurs harmoniques universelles en musique, les habitudes
d'une famille harmonique peuvent rendre insupportables l'écoute d'une autre
famille harmonique, et ça ne signifie pas qu'il y ait un "bien" d'un côté
et un "mal" de l'autre, ni au contraire que tout se vaut, que rien n'a de
valeur dans l'absolu.
--
Mercredi 10 juillet, ouverture de : http://www.letorchonbrule.org
Hé hé... comment veux-tu qu'un postulaxiome soit faux ?...
Mais discutons-en :
> Il n'y a pas "un nombre fini de mélodies", sauf peut-être si tu
> n'acceptes comme mélodie que ce qu'on peut lire sur une partition. Si
> tu considères simplement le son d'une scie, pour prendre un instrument
> basique, tu devrais t'apercevoir que la gamme de fréquence n'est pas
> discrète mais continue, donc infinie; autrement dit, et pour utiliser
> ta métaphore mathématique, on peut toujours trouver un son entre deux
> sons.
Oui, évidemment. Et je sais aussi que la musique indienne se fonde sur
un paquet de micro-poils de tons qui font l'expressivité de cette musique.
Mais là, tu élargis trop la notion de mélodie. Même dans un système musical
différent du nôtre, on a un nombre fini de degrés. Sur la scie, le type va
en général te jouer un truc genre do doo mi sol sool dosolmi sol doo, et
c'est ça que tu saisira comme mélodie. S'il utilise le continuum harmonique
de la scie (ou du violon), ce sera en termes de transitions ou de mélismes.
S'il fait juste des ouaaaaouaaa ououaaou comme loups à la pleine lune, ça ne
sera pas une mélodie, tu ne reconnaitras pas un « air » dont tu pourrais te
souvenir. Il y a une forte convergence de critères biologiques (dans
l'oreille) et mécaniques (vibrateur + résonateur) conduisant à ce que
l'échelle sur laquelle la mélodie est construite soit discrète, donc finie.
C'est une question de discrimination par l'oreille avec des histoires de
seuils, couplée à la série qu'engendre le développement en harmoniques d'un
son. Brefle, selon moi, le coté gradué de l'échelle des tons est un
universal humain. (Bien sûr, il y a plein de façons différentes de graduer
l'échelle.)
Mais je m'avance un peu, on peut se contenter de parler des « mélodies
dans la musique occidentale », c'est-à-dire se restreindre à notre culture.
Il y a aussi un nombre fini de combinaisons rythmiques, si on admet qu'une
mélodie ne peut dépasser dix minutes de long... (En fait, une "vraie"
mélodie se contente de quelques secondes et de quelques notes...) Ta
suggestion de la partition montre bien que c'est moâ qu'a raison (non mais
!) : on peut considérer que l'ensemble des mélodies est contenu dans
l'ensemble des musiques qu'on peut écrire sur une page de partition, par
exemple. Le second ensemble étant fini, le premier l'est aussi. Le second
ensemble, qui est combinatoire, est très grand et on pourrait à la limite le
considérer comme infini (d'une taille telle qu'on ne puisse le parcourir,
humainement parlant). Le problème est qu'on restreint de beaucoup cet
ensemble pour arriver à celui des mélodies « potables ». Mon postulaxiome
très ambitieux est que cet ensemble-là est, lui, assez restreint et qu'on
peut en faire le tour, humainement parlant.
Tu me diras : ménon ménon ! l'important dans une mélodie n'est pas sa
transcription sur une partoche ! c'est tout les petits plus qu'ajoute le
type qui la joue, les mélismes et les variations. Ce à quoi je te répondrais
: pardon pardon, cher Stéphane, mais la mélodie c'est justement le
trucbidule qu'on reconnait comme identique entre deux interprétations
différentes. Ce roblaireau de Bruel a repris ma mélodie franchouillarde
préférée et ça passe ad nauseam sur TF1 : Je zappe quand j'entend ce truc
atroce. N'empêche, l'identité de la mélodie y est, et c'est précisément tel
enchainement de notes selon tel rythme, c'est-à-dire ce qui est écrit sur la
partoche.
> Ce qui ruine immédiatement tout ton bel échaffaudage (ooh! ;-))
Je crois que mon effachaudage tient encore un peu debout... Et
d'ailleurs
il tient aussi sur mon expérience perso. Quand je gratouille et que je
cherche quelques notes, j'en trouve assez vite qui me plaisent, mais je suis
quasiment certain que cette séquence rythmée de notes a déjà été écrite sur
une partoche par quelqu'un. Il reste peut-être encore quelques mélodies
inédites, mais à mon avis pas des masses, et on n'est pas loin d'avoir fait
le tour. (D'ailleurs, c'est un grand huit : les mélodies qui sonnent neuves
sont les plus archaïques, celles de la musique du moyen-âge par exemple.)
> Un élément intéressant à prendre en considération, sur ce sujet précis
(Ouaouh ! Tout ces beaux accents ! Merci pour mes oeils)
> autant que celui plus général qui fait l'objet du post, c'est que tout
> langage n'est qu'une approximation, un pis-aller pour se comprendre,
> et que le langage est toujours inadéquat pour communiquer (d'où un
> nombre incalculable de morts). Mais ce n'est pas le medium qui est en
> cause...
Si le langage était si inadéquat que tu le dis, comment qu'on causerait
? Approximation ou pis-aller, le langage reste le moyen efficace de la
communication entre les zêtres. Ne voir que son inadéquation radicale (on a
pas de communication avec l'être, disait Montaigninou, mais aucun rapport),
c'est refuser de voir son efficacité. Regarde-là, cette efficacité : Tu l'as
SOUS les yeux [Ici].
Exemple :
ceci est au-dessus
de cela.
Ça marche, non ? Tu es d'accord avec l'énoncé ? C'est un lieu commun,
c'est-à-dire un moment d'efficacité maximale pour le langage. Forcément,
plus c'est évident et tautologique, moins il y a de choses vraiment
exprimées. Le langage et la communication deviennent utiles quand on sort du
lieu commun, vers le domaine où il risque de devenir inadéquat. N'empêche :
il vaut mieux partir de la zone d'efficacité et tendre vers l'extérieur que
l'inverse. C'est ce que disait (en gros et entre autres) Confucius, le
maître de l'antique pensée mainstream nouachie :
--
Le Maître dit : « Sans principes communs, ce n'est pas la peine de
discuter. »
(Les Entretiens de Confucius)
Oups, j'étais persuadé que je répondais à Stéphane *Ninin* (qui n'a pas
d'accents sur son clavier).
> Le Maître dit : « Sans principes communs,
> ce n'est pas la peine de discuter. »
> (Les Entretiens de Confucius)
un peu réac Kong Tseu, comme toujours : vu sa position de "maître", ça
signifie "on discute tant qu'on est sur mon terrain"
Je ne comprends pas toutes tes phrases, mais je retiens que la beauté
est accidentelle. Oui, c'est un insaisissable, qu'on découvre souvent où on
ne l'attendait pas, sur lequel les théories se cassent et se casseront
toujours les dents. N'empêche, c'est le seul moyen que j'aie pour qualifier
une oeuvre comme étant du domaine de l'art. Je ne vois pas comment s'en
passer. Si un bon film me semble mériter la qualification, c'est en fonction
de son esthétique. Je peux dire d'un film éthique qu'il est nécessaire, d'un
film autoreflexif qu'il est intéressant, d'un film « romanesque » qu'il est
captivant ; mais rien de tout ça ne me permet d'en parler comme d'une oeuvre
d'art.
> [...]
>> [Résumé de l'enjeux : selon moi, l'artemporain refuse d'admettre
>> la finitude de son matériau. Exemple : il y a un nombre limité de
>> mélodies possible, c'est mathématique, c'est mon présupposé. Les
>> zartistes croient échapper à l'impasse en niant la mélodie en
>> musique (par le sérialisme ou la musique concrête, par exemple).
>> C'est refuser la dure réalité. Je crois qu'il vaudrait mieux
>> admettre la finitude et se contenter de citer les mélodies
>> existantes en les accomodant à une sauce personnelle. C'est un peu
>> ce que fait le rap.]
>
> Le fini est infaillible (ce en quoi il est une faillite à coup sûr,
> question de temps). Ca tient le coup, un moment. Mais ça ne tient pas
> la route très longtemps, sauf de façon symptomatique (un fait divers
> remarquable).
> Comprendre que le non fini est à l'oeuvre dans la création, c'est
> saisir l'infini d'une création toujours possible. Les artistes créent
> plus de fenêtres et portes que de murs. Le beau "casse la baraque" de
> sa propre définition, quand celle-ci est admise et ne pose plus
> question.
Je pense que tu es encore prisonnier du stérile volontarisme de
l'innovation en art. Quand je parle de finitude du matériau, je veux dire
que les artistes doivent accepter de piétiner, se remettre au figuratif et
aux pots de fleurs. Au fond, je me demande si les grands noms du panthéon ne
sont pas finalement aussi des pompeurs géniaux, qui ont su à la fois résumer
leur époque et jouer des prototypes canoniques. En cinéma, difficile
d'imaginer un scénar vraiment original. Je crois qu'on peut encore, sans
tomber dans le rimèque, le pastiche ou le recyclage bidon, faire de grands
films sur les grands thèmes classiques (Roméo & Juliette, par exemple).
>> [...]
>> Ce qui n'est pas rare (parce qu'infiniment
>> disponible) devient forcément gratuit. Mon litre d'essence n'est pas
>> le tien. Si je te le donne, je le perd. Il a donc un prix, dans un
>> marché. Mon fichier mp3 de Lara Dion, si je te le donne (aka
>> "duplique"), je ne le perd pas. Il n'a pas de prix, il est hors-
>> marché.
>
> Ce qui est en jeu c'est la valeur des productions artistiques en
> fonction des nouveaux moyens de reproduction et diffusion. Ce qui n'a
> pas de prix a aussi tous les prix possibles.
Bip ! : Jeu de mot brouilleur de cartes. Ce qui n'a pas de prix (parce
que duplicable sans perte ni frais), vaut zéro euro, point.
> Avec le net et les
> capacités de duplications à l'infini, la valeur de l'objet est
> excédée, loin d'être niée, elle est en creux, comme en absence : elle
> est devenue une matrice qui va revaloriser le contenu même de
> l'objet. Le contenu (l'essence même de l'objet, ce qu'il dit, ce
> qu'il transporte comme sens) ne s'apauvrit pas avec sa propre
> multiplication.
Ben non, en effet : le contenu est inchangé, puisque la duplication est
sans perte.
> S'il ne correspond plus au critère du marché (rareté
> qui fait la valeur) il correspond à une économie qui est beaucoup
> plus proche de l'objet lui-même et sa forme tient le coup parce qu'en
> bonne forme justement, une forme qui n'en fini pas d'évoluer dans nos
> regards à chaque fois surpris par l'imprenable. Pas de fin de partie.
> Le jeu continue hors limite de l'objet. Véritablement un processus
> économique, un transport, proche du transport amoureux (qui ne peut
> supporter l'arrêt du fétiche).
Je ne vois pas bien comment tu réintroduis l'économique ici... Je
cherche justement à sauver la culture de la marchandisation. (Enfin non, je
cherche à expliquer comment on pourrait la sauver, comment elle va se sauver
toute seule.)
>>> Par contre cette problématique de rareté, comme tu dis, est au moins
>>> en partie créée par l'économie... les besoins ne sont évidemment pas
>>> seulement remplis mais créés par la multiplicité des offres, sans
>>> copter que des évolutions économiques créent de la rareté (la
>>> recherche de rendement ne favorisant pas en soi la diversité).
>>> Enfin, L'oeuvre est infiniment disponible, donc indéfiniment
>>> vendable.
>
> Oui!
>
>> Oui, mais son prix tend vers le zéro absolu. Le prix d'une motte
>> de beurre ou d'un composant électronique peut tendre vers le très
>> bas, grâce à l'augmentation de la productivité, mais pas vers zéro.
>> Le dégonflement de la bulle internet est une excellente nouvelle : j'y
>> vois l'enseignement que le vrai moteur d'internet est la gratuité.
>
> Non pas tant la gratuité que le libre accès. (il y a souvent confusion
> entre les deux).
Confusion voulue de ma part : je souhaite que ce qui est infiniment
disponible soit en libre accès, aka gratuit (que ça vale zéro euro).
> La gratuité est un concept marketing conforme à
> l'économie de marché.
Va dire ça aux investisseurs des start-up... Nan, franchement, j'ai lu
les textes du gourou linusque itself, et j'adhère à cet état d'esprit, mais
la distinction gratuité/libre-accès me semble... gratuite. (Parce que je
pense que ce qui a un coût nul doit être gratuit.)
> L'accés libre procède d'une nouvelle économie
> post et pré libérale. D'avant et d'après le capitalisme.
Moui... je pense plutôt que c'est purement post-capitaliste. Surtout
post-industriel, en fait.
>> Mais on peut voir le coté positif de cette prolifération : la
>> propriété intellectuelle est sapée, l'utopie nécessaire de la
>> gratuité est à nos portes. Qui ne cherche pas une sortie à la
>> logique marchande qui dévore tout ? Bernard Maris dans Marianne : «
>> Premier principe collectif : la Terre est patrimoine de l'humanité
>> », « Deuxième principe collectif : le savoir est gratuit », « la
>> notion de brevet est inadmissible », etc.
>
> Nuance : il n'est pas question de nier la propriété intellectuelle ou
> de faire l'apologie du gratuit. Mais de reconsidérer le droit des
> auteurs en rapport avec le public (auteur de la réception des
> oeuvres). Le marché est unilatéral et nous cible comme le fait un
> chasseur sur pigeons voyageurs. Ce serait vraiment dommageable de
> faire mouche : ce que nous transportons, les oeuvres de l'esprit, à
> nos pattes accrochées, arrêteraient là leur course, tomberaient au
> sol et nous avec. Ciblés et touchés et raides morts. Le message
> n'atteint pas son destinataire, le sens est stoppé, le marché peut
> vendre les reliques, les corps empaillés et le savoir-faire qui fait
> le carton.
Là, j'ai rien compris, mais alors rien :)
>> Attention, il faut séparer deux choses dans le brevet ou le droit
>> d'auteur. Je crois que l'extension marchande de ces droits est
>> condamnée à moyen terme, et que c'est une bonne nouvelle.
>
> hum... Les droits voisins, par exemple, ont été mis en place pour
> renforcer le copyright et l'étendre.
>
>> Reste qu'on peut conserver le
>> principe de base, à savoir que l'auteur d'une invention ou d'une
>> mélodie peut réclamer la reconnaissance de ce fait : on doit
>> continuer d'imputer l'oeuvre à l'auteur, sans pour autant que cette
>> imputation se traduise en propriété rémunérée. Bref, les mp3 sont
>> gratuits et Superneuneu peut les copier et les donner à ses copains
>> tant qu'il veut, mais il ne doit pas pouvoir se faire passer pour
>> l'auteur de la Passion selon Saint Matthieu.
>
> Exactement : c'est le principe du copyleft et des licences libres qui,
> loin de nier les droits des auteurs, les reformulent en intelligence
> avec le matériau numérique et réticulaire (dans le cas du net). Elles
> obligent à indiquer les auteurs (et dans le cas de plusieurs auteurs
> succéssifs aussi).
Ouaip. Mais l'essentiel est que ça coûte zéro-z-euro. C'est ça qui
permet d'entrevoir une utopie collective qui peut nous sortir du vilain
capitalisme hégémoniqueTM.
--
Le Maître dit : « Au service du souverain, déployez votre zèle avant de
penser aux prébendes. »
(in Les Entretiens de Confucius)
Oui, Confucius est « un peu réac », surtout sur les femmes. On peut lui
pardonner si on se souvient qu'il n'est plus si jeune, avec ses deux
millénaires et demi aux prunes... Mais, dans cette citation, il y a du vrai,
qui ne me semble pas réac : ce n'est pas la peine de discuter sans principes
communs, sans accord préalable et tacite sur un certain nombre de choses (le
sens des mots, l'objet de la discussion, ce qu'est une discussion). Le seul
fait d'admettre en commun le principe du respect de l'interlocuteur, c'est
pas négligeable, c'est même le minimum, non ? C'est réac ?
Suivi sur frap.
--
Le Maître dit : « Dans la poursuite de la vertu suprême, ne vous laissez pas
devancer par votre maître. »
> dans cette citation, il y a du vrai, qui ne me semble pas réac :
> ce n'est pas la peine de discuter sans principes communs,
> sans accord préalable et tacite sur un certain nombre de
> choses (le sens des mots, l'objet de la discussion, ce qu'est
> une discussion). Le seul fait d'admettre en commun le principe
> du respect de l'interlocuteur, c'est pas négligeable, c'est
> même le minimum, non ? C'est réac ?
le respect de l'interlocuteur est une donnée très variable il me semble.
Pas un très bon exemple... Quand au reste il tombe sous le sens, si un mot
signifie "concombre" pour un et "tigre" pour l'autre, ça ne facilite pas
les échanges, mais que fais-tu de la valeur enrichissante du dialogue entre
personnes au départ complètement différentes ? L'intérêt du dialogue est-il
dans l'état d'esprit des "dialogants" et dans leur entente préalable ou ne
réside-t-il pas dans l'échange de points de vue ?
> Le Maître dit : « Dans la poursuite de la vertu suprême, ne vous laissez
pas
> devancer par votre maître. »
> (in Les Entretiens de Confucius)
traduction : faites ce que je dis, pas ce que je fais.
> [Beau] Si un bon film me semble mériter la qualification,
> c'est en fonction de son esthétique. Je peux dire d'un
> film éthique qu'il est nécessaire, d'un film autoreflexif
> qu'il est intéressant, d'un film « romanesque » qu'il est
> captivant ; mais rien de tout ça ne me permet d'en parler
> comme d'une oeuvre d'art.
comment définis-tu "son esthétique" ? Tu parles de ce que le langage
courant appelle "esthétique" (meuble esthétique, chirurgien esthétique,
esthéticienne) ? L'esthétique est la science du beau, pas sa définition ou
sa description. On sait tous ce qu'est le beau, mais on aurait tort de
penser que l'on sait, comme ça, à coup sûr, où le trouver. Ce serait
dommage non seulement parce que c'est faux, que ce qui est beau pour un
peut ne pas l'être pour l'autre, etc., mais surtout parce qu'on se
couperait par avance de toutes sortes de bonnes surprises.
> Je crois qu'on peut encore, sans tomber dans le rimèque,
> le pastiche ou le recyclage bidon, faire de grands films sur
> les grands thèmes classiques (Roméo & Juliette, par exemple).
Romeo+Juliette tu veux dire ? Je l'ai trouvé très artificiel. J'ai vu
ensuite Moulin Rouge (même auteur, Baz Luhman - orthographe pas sûre) et
j'ai compris que c'était le projet : copier-coller, jeu sur les genres, les
époques, irrespect généralisé, c'est certainement intéressant, mais pas
plus que ça à mon avis, l'anachronisme est un vieux gag.
Ces derniers temps j'ai vu des tas de films aux scénarios plutôt originaux,
et dépassant ce simple sentiment d'originalité par les thèmes qu'il remuent
et la manière dont ils le font, y compris parmi les plutôt grosses
productions : Fight Club, Magnolia, Human Nature, Memento... Aucun n'a un
"grand thème classique", ils sont tous à leur échelle plutôt réussis.
> Va dire ça aux investisseurs des start-up... Nan,
> franchement, j'ai lu les textes du gourou linusque
> itself, et j'adhère à cet état d'esprit, mais la distinction
> gratuité/libre-accès me semble... gratuite. (Parce que je
> pense que ce qui a un coût nul doit être gratuit.)
Dans mon pays la Norvège (j'adore dire ça) il y a une petite route sur un
plateau généralement désert mais très beau ou passent disons quatre ou cinq
personnes chaque jour. C'est une route privée, c'est à dire une route
aménagée par le propriétaire du terrain. A l'entrée il y a une petite
cabanne et un écriteau expliquant que si on peut aider le propriétaire,
c'est gentil. Il y a une corbeille - pas une tirelire, une corbeille avec
quelques pièces et billets. Pour un français, c'est une route gratuite, et
même pire, c'est une corbeille pleine de sous à 10km de tout être humain,
une cagnote en libre accès. Pourtant, ce n'est pas une route gratuite,
c'est une route qui a coûté argent et sueur, pour laquelle on est invité à
contribuer, si on le peut, si on le veut. Le propriétaire ne demande pas
l'aumône, juste un peu d'aide pour le service qu'il rend.
Tu comprends le rapport ?
> Le Maître dit : « Au service du souverain, déployez
> votre zèle avant de penser aux prébendes. »
baisse la tête t'auras l'air d'un coureur, dans une hiérarchie, le fort
donne l'aumône mais ne se laisse rien prendre.
> Le Maître dit : « Sans principes communs,
> ce n'est pas la peine de discuter. »
> (Les Entretiens de Confucius)
~~~~~~~~
> "gbog" <gb...@caramail.com> a écrit
>
>> dans cette citation, il y a du vrai, qui ne me semble pas réac :
>> ce n'est pas la peine de discuter sans principes communs,
>> sans accord préalable et tacite sur un certain nombre de
>> choses (le sens des mots, l'objet de la discussion, ce qu'est
>> une discussion). Le seul fait d'admettre en commun le principe
>> du respect de l'interlocuteur, c'est pas négligeable, c'est
>> même le minimum, non ? C'est réac ?
>
> le respect de l'interlocuteur est une donnée très variable il me
> semble. Pas un très bon exemple...
Pourquoi ? Dans un sens pas trop ambitieux, le respect de
l'interlocuteur me semble très simple à cerner et à mettre en pratique,
malgré toutes les différences.
> Quand au reste il tombe sous le
> sens, si un mot signifie "concombre" pour un et "tigre" pour l'autre,
> ça ne facilite pas les échanges, mais que fais-tu de la valeur
> enrichissante du dialogue entre personnes au départ complètement
> différentes ? L'intérêt du dialogue est-il dans l'état d'esprit des
> "dialogants" et dans leur entente préalable ou ne réside-t-il pas
> dans l'échange de points de vue ?
L'intérêt du dialogue réside évidemment dans l'échange de point de vue
de personnes différentes. Mais sa condition d'existence réside dans les
fameux principes communs. Sans ces principes, ça tourne forcément à l'aigre
ou au stérile et ça « n'en vaut pas la peine ».
>> Le Maître dit : « Dans la poursuite de la vertu suprême, ne vous
>> laissez pas devancer par votre maître. »
>> (in Les Entretiens de Confucius)
>
> traduction : faites ce que je dis, pas ce que je fais.
Non, traduction : le maître n'est qu'un guide provisoire, un repère à
dépasser.
--
Le Maître dit : « Visez la Voie ; misez sur la vertu ; fondez sur le bien et
délassez-vous avec les arts. »
(Je n'ai pas retrouvé celle où il dit qu'on reconnait le sage à ce qu'il met
ses préceptes en pratique. J'ai entendu dire que les sages chinois n'étaient
pas comme nos Rousseau and co. qui méritent, eux, le reproche que tu fais.)
> L'intérêt du dialogue réside évidemment dans l'échange
> de point de vue de personnes différentes. Mais sa
> condition d'existence réside dans les fameux principes
> communs. Sans ces principes, ça tourne forcément
> à l'aigre ou au stérile et ça « n'en vaut pas la peine ».
j'ai des valeurs personnelles qui me semblent extrèmement éloignées de
celles de mes chats, mes moyens de communication aussi, pourtant, sur
certains points, on se comprend, on a quelques besoins naturels en commun
notamment, à commencer par le besoin de manger (ceci dit, le chat trouve
bizarre qu'on ne comprenne pas quand il a faim, mais si on a faim nous, ça
ne l'intéresse a priori pas du tout). Nos échanges sont rudimentaires, mais
ils existent. Qui te dit que deux personnes amants qui aiment les mêmes
choses et parlent la même langue s'aiment pour les mêmes raisons ? On peut
dire ce que l'on aime, ce que l'on pense, mais à un certain niveau de
questions, on est démuni de réponses et on finit par dire "parce que".
Si des jésuites portuguais de l'âge baroque ne s'étaient pas emmerdés à
essayer de communiquer avec des chinois - pas commodes à l'époque
puisqu'ils ont vite compris les ambitions de pouvoir des religieux
occidentaux - tu n'aurais pas ton Kong Tseu et tu ne l'appellerais pas
Confucius (un papa romain ? ;-)) d'ailleurs.
La communication a autant besoin d'envie de communication que de moyens de
communication, l'envie précédant l'action et donc les moyens que se donne
l'action dans ce cas précis. De même, une oeuvre d'art n'a pas forcément à
se livrer au public comme sur un plateau de Fast Food, elle peut aussi ne
fonctionner que si le public a envie qu'elle fonctionne, question de bonne
volonté et d'équillibre de part et d'autre.
> Le Maître dit : « Visez la Voie ; misez sur la vertu ; fondez
> sur le bien et délassez-vous avec les arts. »
> (Je n'ai pas retrouvé celle où il dit qu'on reconnait le sage
> à ce qu'il met ses préceptes en pratique. J'ai entendu dire
> que les sages chinois n'étaient pas comme nos Rousseau
> and co. qui méritent, eux, le reproche que tu fais.)
Arh, Rousseau, le pauvre, qui devient "Rousseau ans co" en plus.
Rousseau a fait une chose révolutionnaire que Kong Tseu n'aurait jamais
fait (ce mandarin orgueilleux qui n'acceptait de dispenser son savoir qu'à
l'empereur) : expliquer sa vie avec honnêteté. Aujourd'hui ça paraît banal,
on cherchera même le détail sordide... A l'époque, c'était fort. Si Kong
Tseu avait abandonné sa progéniture, à mon avis, il ne s'en serait pas
vanté, en tout cas il n'aurait jamais demandé qu'un autre que lui même le
juge comme, justement, Rousseau :
<<Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution
n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans
toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi. Moi seul. Je sens
mon cour et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que
j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je
ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait
de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut
juger qu'après m'avoir lu.>> (Intro des Confessions)
...Facile de juger quelqu'un sur les pièces qu'il a lui-même apportées à un
procès pour lequel il s'est volontairement constitué l'accusé. Enfin, la
vision qu'a Rousseau du développement et de la pédagogie ne lui vient pas
de son expérience de la paternité qui serait formidable (je me méfie des
parents qui se jugent formidables) ou du sentiment d'avoir toutes les
vertus, elle lui vient de son expérience de la pédagogie puisqu'il a été
précepteur, des souvenirs de sa formation d'homme bien sûr et pourquoi pas
de ses regrets. Faire de la philosophie, ce n'est pas prendre ses actions
pour de l'or en barre, ce serait justement me semble la pire des erreurs.
> L'intérêt du dialogue réside évidemment dans l'échange
> de point de vue de personnes différentes. Mais sa
> condition d'existence réside dans les fameux principes
> communs. Sans ces principes, ça tourne forcément
> à l'aigre ou au stérile et ça « n'en vaut pas la peine ».
j'ai des valeurs personnelles qui me semblent extrèmement éloignées de
celles de mes chats, mes moyens de communication aussi, pourtant, sur
certains points, on se comprend, on a quelques besoins naturels en commun,
à commencer par le besoin de manger (ceci dit, le chat trouve
bizarre qu'on ne comprenne pas quand il a faim, mais si on a faim nous, ça
ne l'intéresse a priori pas du tout). Nos échanges sont rudimentaires, mais
ils existent. Qui te dit que deux amants qui aiment les mêmes choses et
parlent la même langue s'aiment pour les mêmes raisons ? On peut
dire ce que l'on aime, ce que l'on pense, mais à un certain niveau de
questions, on est démuni de réponses et on finit par dire "parce que".
Si des jésuites portuguais de l'âge baroque ne s'étaient pas emmerdés à
essayer de communiquer avec des chinois - pas commodes à l'époque
puisqu'ils ont vite compris les ambitions de pouvoir des religieux
occidentaux - tu n'aurais pas ton Kong Tseu et tu ne l'appellerais pas
Confucius (un papa romain ? ;-)) d'ailleurs.
La communication a autant besoin d'envie de communication que de moyens
de communication, l'envie précédant l'action et donc les moyens que se
donne
l'action dans ce cas précis. De même, une oeuvre d'art n'a pas forcément à
se livrer au public comme sur un plateau de Fast Food, elle peut aussi ne
fonctionner que si le public a envie qu'elle fonctionne, question de bonne
volonté et d'équillibre de part et d'autre.
> Le Maître dit : « Visez la Voie ; misez sur la vertu ; fondez
> sur le bien et délassez-vous avec les arts. »
> (Je n'ai pas retrouvé celle où il dit qu'on reconnait le sage
> à ce qu'il met ses préceptes en pratique. J'ai entendu dire
> que les sages chinois n'étaient pas comme nos Rousseau
> and co. qui méritent, eux, le reproche que tu fais.)
Arh, Rousseau, le pauvre, qui devient "Rousseau ans co" en plus.
Pardon pardon. J'ai entendu dire que Kong Tseu n'a eu que rarement
l'occasion de dispenser son savoir à l'empereur. Il semble avoir lu plutôt
que c'était un obscur professeur ayant des soucis de notoriété, et l'avoue
lui-même à demi-mot dans ses Entretiens. Merci de me donner la source de ton
affirmation, que je puisse réviser l'opinion que j'avais sur l'honorable
vieillard. Ma soif de connaissance ne saurait se passer ton aide généreuse à
son parachèvement, et j'aurais le plus grand des plaisirs à présenter de
modestes tentatives de réponses aux autres points de notre échange, et ainsi
avoir l'impudence d'oser contribuer à sa fécondité.
--
Le Maître dit : « L'honnête homme cultive l'harmonie, mais pas la
conformité. L'homme de peu cultive la conformité, mais pas l'harmonie. »
(XIII. 23. Les Entretiens de Confucius)
gbog a ecrit...
>
> [Résumé de l'enjeux : selon moi, l'artemporain refuse d'admettre la
> finitude de son matériau. Exemple : il y a un nombre limité de mélodies
> possible, c'est mathématique, c'est mon présupposé. Les zartistes croient
> échapper à l'impasse en niant la mélodie en musique (par le sérialisme ou la
> musique concrête, par exemple). C'est refuser la dure réalité. Je crois
> qu'il vaudrait mieux admettre la finitude et se contenter de citer les
> mélodies existantes en les accomodant à une sauce personnelle. C'est un peu
> ce que fait le rap.]
Mort de rire. Ca me rappelle ces musiciens qui se refusent a composer
parce que "tout a deja ete ecrit".
Bon, au lieu de tergiverser sur les pouiemes de ton ou le son continu,
des questions simples :
* C'est a quelle date exactement qu'on a ecrit la derniere melodie
originale?
* Si elle n'a pas ete ecrite, c'est a quelle date qu'on va l'ecrire
(dans un an, dans 10 ans, dans un million d'annees)?
* Quel est l'interet d'affirmer que le nombre de melodies est fini si
on n'a aucun element de reponse a ces questions?
Et bien sur, ne tiens surtout pas compte d'autres facteurs, du genre,
on connait une minuscule part de la musique qui a ete creee avant nous
et autour de nous, donc supposer que le rap est *deja* la seule
alternative a l'originalite est ridicule... Fonde-toi bien sur des
verites vraies, du genre la melodie est le seul truc important dans
toutes les musiques qui ne sont pas du rap. Les pauvres musiciens de
jazz qui croient improviser alors qu'ils redecouvrent tous les jours
les trois malheureuses melodies qui existent!
Bien sur, je sais que tu sais que je caricature. Mais il n'en reste
pas moins qu'un ensemble "fini" mathematiquement n'a aucun interet
dans la vie reelle s'il est infini en pratique.
De meme je vois pas pourquoi on se fait chier a ecrire des romans, il
suffit de lire ce qui a deja ete lu. Ben oui, la aussi nombre fini de
possibilites. Pis avant d'inventer une langue continue...
Pour les tableaux, par contre, tu me bluffes. C'est quoi un tableau
original, un sujet original, ou alors une forme originale, ou alors un
traitement original? Un petit peu de traitement? Et si je rajoute des
ombres de vieillesse a la Joconde, c'est un tableau original? Il est
ou le nombre fini de possibilites?
Qui te permet de dire qu'un artiste qui peint un carre blanc fait ca
par peur d'affronter les classiques sur leur terrain? Peut-etre qu'il
a peur d'affronter les prehistoriques sur leur terrain et que c'est
pour ca qu'il evite de peindre une antilope dans une grotte. Peut-etre
(va savoir!) qu'un carre blanc lui permet de communiquer mieux ce
qu'il a a dire qu'une vierge a l'enfant, c'est tordu les artistes.
Un dernier truc, gbog... ou sont les exemples cinematographiques?
Le cinema, c'est continu ou discret?
Mort de rire.
--
JRobinss, qui va maintenant signer toutes ses melodies "ourgh le
pithecanthrope", passque y'a pas de raison de spolier le vrai createur
>>
>> (Ouaouh ! Tout ces beaux accents ! Merci pour mes oeils)
>
> Oups, j'étais persuadé que je répondais à Stéphane *Ninin* (qui
> n'a pas
> d'accents sur son clavier).
>
>
>
Je n'ai rien fait, moi !!! (Je ne fait que lire...)
--
Stephane Ninin
stefnin...@yahoo.fr
Les cons, ca ose tout... C'est meme a ca qu'on les reconnait.
> Pardon pardon. J'ai entendu dire que Kong Tseu n'a eu que
> rarement l'occasion de dispenser son savoir à l'empereur.
> Il semble avoir lu plutôt que c'était un obscur professeur ayant
> des soucis de notoriété, et l'avoue lui-même à demi-mot dans
> ses Entretiens.
Il ne faut pas croire tout ce que les chinois disent hein, une affirmation
comme "je suis un misélable velmisseau" (Lucky Luke) signifie "je te chie
dessus, nabot".
Le nom "Tseu" signifie "fils", et ne peut être donné que par l'empereur,
parce que paradoxalement quand l'empereur appelle un gars "fils", ça
signifie "maître". Je ne sais pas si Kong ne s'est occupé que de
l'ampereur, mais sa philosophie ne s'adresse qu'à l'empereur, il s'agît de
la bonne gouvernance et de la morale de vie qui doit l'accompagner. Le fait
est que ça a marché puisque les différents empereurs se sont conformés au
confucianisme pendant deux mille ans. Ca m'amuse toujours que ça soit lu
par tant de gens comme d'un truc fait pour eux, car pourquoi pas, mais
c'est comme un livre de cuisinier royal d'il y a trois siècles, on n'y
trouve aucune recette utilisable, juste des principes, parce que la recette
pour un cuisinier de cette époque était moins une affaire de temps de
cuisson, de manière de faire et d'ingrédients que de quantités, d'économie
et de gestion du personnel et des convives.
> Merci de me donner la source de ton affirmation, que je
> puisse réviser l'opinion que j'avais sur l'honorable
> vieillard. Ma soif de connaissance ne saurait se passer
> ton aide généreuse à son parachèvement, et j'aurais
> le plus grand des plaisirs à présenter de modestes
> tentatives de réponses aux autres points de notre échange,
> et ainsi avoir l'impudence d'oser contribuer à sa fécondité.
J'ai appris le chinois (classique) dans Kong Tseu, j'ai à présent oublié le
chinois et confucius, mais je dois t'avertir que ta lecture est faussée par
la traduction. Il faut savoir que la majorité des textes de Kong Tseu sont
illisibles pour les chinois modernes, et que les traductions telles que
celles que tu as sont bonnes à jeter à la poubelle. Imagine que souvent,
une phrase comme celle que tu cites plus bas s'écrit en fait en chinois
comme ceci :
homme harmonie, pas homme désordre
parce que le mot "homme", "humanité", s'écrivent pareil (un Y à l'envers)
et se comprennent dans le contexte (comme tous les mots en chinois
classique qui sont adjectifs, verbes ou noms selon le contexte).
Je n'ai pas mes sources en main alors je ne sais pas ce que vaut exactement
la traduction que tu cites (mais une bonne traduction de Kong Tseu
s'accompagne toujours de dizaines de pages de commentaires), mais je
parierai que le concept de "conformité" qui est quand même le but de toute
la pensée confucianiste (et à son époque, inventer une forme de morale pour
les souverains était sans doute un service public) n'apparaît pas dans le
texte original et est une interprétation du couillon qui a traduit.
Je ne critique pas le fait pour un occidental de baser son éthique sur les
principes traduits à contre-sens d'un chinois qui s'adressait à un public
bien différent, les malentendus de ce type sont source d'amusement et
permettent même la naissance d'idées. C'est un peu comme le succès de
Mireille Matthieu au japon.
> Le Maître dit : « L'honnête homme cultive l'harmonie, mais
> pas la conformité. L'homme de peu cultive la conformité,
> mais pas l'harmonie. »
> (XIII. 23. Les Entretiens de Confucius)
l'homme de peu n'est donc pas honnête hommeL
bon je suis un peu injuste, c'est la traduction qui est mauvaise ici,
"l'homme de peu" n'est pas à comprendre au sens économique, c'est plutôt
celui qui est démuni du "ren", l'humanisme (concept confucianiste difficile
à expliquer et n'ayant rien à voir avec l'humanisme de la renaissance,
c'est parfois traduit par l'humanité - en tant qu'adjectif)
> Tiens, gbog, j'avais arrete de lire tes longues interventions, et
> voila que je tombe sur ca...
>
Hmm... Un petit follow-up c'aurait ete top. Si, si...
>
> Bon, au lieu de tergiverser sur les pouiemes de ton ou le son continu,
> des questions simples :
> * C'est a quelle date exactement qu'on a ecrit la derniere melodie
> originale?
Yesterday.
> * Si elle n'a pas ete ecrite, c'est a quelle date qu'on va l'ecrire
> (dans un an, dans 10 ans, dans un million d'annees)?
> * Quel est l'interet d'affirmer que le nombre de melodies est fini si
> on n'a aucun element de reponse a ces questions?
>
Je ne vois pas l'interet de cette derniere question.
>
> Bien sur, je sais que tu sais que je caricature. Mais il n'en reste
> pas moins qu'un ensemble "fini" mathematiquement n'a aucun interet
> dans la vie reelle s'il est infini en pratique.
>
On va juste corriger ca par "si le temps pris pour 'l'explorer' est tres
grand devant l'esperance de vie de l'humanite"
et ca sera moins choquant deja. ;)
> Pour les tableaux, par contre, tu me bluffes. C'est quoi un tableau
> original, un sujet original, ou alors une forme originale, ou alors un
> traitement original? Un petit peu de traitement? Et si je rajoute des
> ombres de vieillesse a la Joconde, c'est un tableau original? Il est
> ou le nombre fini de possibilites?
> Qui te permet de dire qu'un artiste qui peint un carre blanc fait ca
> par peur d'affronter les classiques sur leur terrain?
Il parlait de tableaux *noirs*.
> Peut-etre qu'il a peur d'affronter les prehistoriques
> sur leur terrain et que c'est pour ca qu'il evite de peindre
> une antilope dans une grotte.
> Peut-etre (va savoir!) qu'un carre blanc lui permet
> de communiquer mieux ce qu'il a a dire qu'une vierge a l'enfant,
> c'est tordu les artistes.
>
> Un dernier truc, gbog... ou sont les exemples cinematographiques?
> Le cinema, c'est continu ou discret?
>
Qu'on me corrige si je me trompe...
(d'ou le crosspost sur fr.sci.maths,
vu que j'ai un leger trou de memoire question cardinal)
Donc, vu qu'il s'agit de l'ensemble des suites finies (mais de longueurs
quelconque) d'elements d'un ensemble fini,
je dirais que le cinema est continu.
Un film etant par contre discret bien evidemment,
sauf si Christophe Lambert joue dedans, auquel cas il est de cardinal nul.
> JRobinss, qui va maintenant signer toutes ses melodies "ourgh le
> pithecanthrope", passque y'a pas de raison de spolier le vrai createur
>
Enchante, moi c'est Neanderthal.
>Un élément intéressant à prendre en considération, sur ce sujet précis
>autant que celui plus général qui fait l'objet du post, c'est que tout
>langage n'est qu'une approximation, un pis-aller pour se comprendre, et
>que le langage est toujours inadéquat pour communiquer (d'où un nombre
>incalculable de morts). Mais ce n'est pas le medium qui est en cause...
J'abonde dans ton sens à un détail près.
Le langage n'est pas qu'un moyen de communication donc imparfait.
Il participe aussi à notre vision du monde.
Et le langage ca se construit, en même temps que l'on se construit et
cela hors de la langue s'il le faut.
En clair je pense que les morts viennent de notre solitude originel
dans la compréhension du monde et qu'en cela le langage n'est pas le
seul fautif.
> Antoine Moreau <a...@antoinemoreau.net> a écrit :
> > Oui!
> > AMHA le beau est imprenable et qui veut le comprendre ne peut le faire
> > de mannière par trop volontaire. La vue imprenable, n'en déplaise aux
> > hôteliers, ne se vend pas si facilement et il ne suffit pas de le
> > vouloir et l'acquérir, quand bien même on en aurait les moyens. Autant
> > pour l'artiste qui produit que pour le collectionneur qui consomme.
> > La beauté est accidentelle. On peut, par contre, préparer l'accident
> > en dérapage contrôlé qui va faire rentrer dans le décor, sans y
> > perdre trop de plumes. Histoire de voir les formes du dit décor et se
> > qui s'en dégage en relation avec.
>
> Je ne comprends pas toutes tes phrases,
(Le langage est fait aussi pour cela : montrer le dégradé obscur qui,
par contraste, fait ressortir le clair).
> mais je retiens que la beauté
> est accidentelle. Oui, c'est un insaisissable, qu'on découvre souvent où on
> ne l'attendait pas, sur lequel les théories se cassent et se casseront
> toujours les dents.
Voilà : l'obscur de l'accident qui montre une autre route que celle
balisée par les feux du savoir certain. Crash, la beauté mèle chair et
métal, esprit et technique, corps et cadavre (exquis pour certain).
La croyance en la clarté du langage (son utilité communicationnelle) ne
produit que chair inerte, esprit conforme et corps instrumentalisé.
> N'empêche, c'est le seul moyen que j'aie pour qualifier
> une oeuvre comme étant du domaine de l'art. Je ne vois pas comment s'en
> passer. Si un bon film me semble mériter la qualification, c'est en fonction
> de son esthétique. Je peux dire d'un film éthique qu'il est nécessaire, d'un
> film autoreflexif qu'il est intéressant, d'un film « romanesque » qu'il est
> captivant ; mais rien de tout ça ne me permet d'en parler comme d'une oeuvre
> d'art.
Savoir si oui ou non c'est une oeuvre d'art est de moindre importance
que de sentir si oui ou non cette production de l'esprit a des capacités
de formation. C'est à dire ce que ça forme en nous et qui indirectement
peut échouer en "oeuvre d'art", trace de cette formation par les formes
(jugées par toi dénuées d'art).
Il me semble que la relation d'objet est indirecte.
Inversement : il y a un nombre considérables d'oeuvres d'art qui ne
forment rien, dont le travail de formation est absent et ces oeuvres
meurent, il n'y a, directement et indirectement aucun à venir. (et
pourtant tout a été fait en soit disant "bonne et due forme", mais las,
aucun risque n'a été pris, aucune limite n'a été frôlée.
> > Le fini est infaillible (ce en quoi il est une faillite à coup sûr,
> > question de temps). Ca tient le coup, un moment. Mais ça ne tient pas
> > la route très longtemps, sauf de façon symptomatique (un fait divers
> > remarquable).
> > Comprendre que le non fini est à l'oeuvre dans la création, c'est
> > saisir l'infini d'une création toujours possible. Les artistes créent
> > plus de fenêtres et portes que de murs. Le beau "casse la baraque" de
> > sa propre définition, quand celle-ci est admise et ne pose plus
> > question.
>
> Je pense que tu es encore prisonnier du stérile volontarisme de
> l'innovation en art. Quand je parle de finitude du matériau, je veux dire
> que les artistes doivent accepter de piétiner, se remettre au figuratif et
> aux pots de fleurs.
De quels pots de fleur parles tu? Ceux de Gasiorowski ou de JP Reynaud
(qui lui a une formation d'horticulteur).
Je ne comprends pas pourquoi il faudrait accepter de piétiner. Et je ne
parle pas de volontarisme, non non, mais plutôt d'accueil de ce qui va
venir troubler notre volonté de bien faire (l'enfer! l'enfer est pavé de
bonnes intentions...)
C'est cela, à mon sens, la valeur qu'on peut donner à ce qui nous paraît
beau : l'incroyable et l'inimaginable quand nous ne croyons que le
croyable (tu parles d'une croyance...) et l'imaginable (tu parles d'une
imagination...)
> Au fond, je me demande si les grands noms du panthéon ne
> sont pas finalement aussi des pompeurs géniaux, qui ont su à la fois résumer
> leur époque et jouer des prototypes canoniques. En cinéma, difficile
> d'imaginer un scénar vraiment original. Je crois qu'on peut encore, sans
> tomber dans le rimèque, le pastiche ou le recyclage bidon, faire de grands
> films sur les grands thèmes classiques (Roméo & Juliette, par exemple).
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'être original, nouveau (ce à quoi
portent crédit les avant gardes de la tabula rasa), mais plutôt inventer
(c'est à dire découvrir, comme on le fait d'un trésor qu'on invente) ce
qui se trouve sous nos yeux et que notre recherche de valeurs nous
empêche souvent de percevoir.
Ainsi on va découvrir la beauté esthétique et sociale du moyen-age, la
beauté du dialogue Platonicien, la beauté des arts premiers etc.
Il n'y a rien d'original à cela, il y a juste la reconnaissance des
formes et le décrassage culturel nécessaire pour prendre distance.
> > Ce qui est en jeu c'est la valeur des productions artistiques en
> > fonction des nouveaux moyens de reproduction et diffusion. Ce qui n'a
> > pas de prix a aussi tous les prix possibles.
>
> Bip ! : Jeu de mot brouilleur de cartes. Ce qui n'a pas de prix (parce
> que duplicable sans perte ni frais), vaut zéro euro, point.
Ta certitude donne un coup d'arrêt aux possibilités de découvertes que
charrie la notion du mot "valeur" associé à "prix". Encore un bout de
chemin et nous pourrions inventer un système économique (qu'on pourrait
prendre pour inédit et dont on pourrait vérifier qu'il existait déjà en
partie).
> > S'il ne correspond plus au critère du marché (rareté
> > qui fait la valeur) il correspond à une économie qui est beaucoup
> > plus proche de l'objet lui-même et sa forme tient le coup parce qu'en
> > bonne forme justement, une forme qui n'en fini pas d'évoluer dans nos
> > regards à chaque fois surpris par l'imprenable. Pas de fin de partie.
> > Le jeu continue hors limite de l'objet. Véritablement un processus
> > économique, un transport, proche du transport amoureux (qui ne peut
> > supporter l'arrêt du fétiche).
>
> Je ne vois pas bien comment tu réintroduis l'économique ici... Je
> cherche justement à sauver la culture de la marchandisation. (Enfin non, je
> cherche à expliquer comment on pourrait la sauver, comment elle va se sauver
> toute seule.)
L'économie de marché domine partout, l'économie propre à l'art est
"invitée" à se conformer (première déformation) à elle, sous peine de ne
pas exister. Il n'empêche : c'est dans ce rapport de force que la
pratique artistique peut demeurer en forme, fidèle à sa tradition de
création de formes et sens. C'est aussi une lutte de classes.
La classe des artistes, ces sous prolétaires de la Culture sont les
serfs contemporains du Pouvoir démocratico-tyranique. Les
intellos-précaires peuvent être compris dans cette classe créative ainsi
que d'autres inventeurs. Que pour le moment, la soumission est quasi
totale et les idoles veillent à tenir la classe créative loin du fait
culturel, tant que celle-ci ne se sera pas soumise entièrement à son
cadre économique.
Pour se sortir de cette situation, amha, le moyen age est très
intéressant comme repère historique. Je conseil la lecture de "Culture
populaire et culture des élites" de R Muchembled, Flammarion. La
répression culturelle qu'ont exercé le Pouvoir absolu de Louis XIV et
l'Eglise contre la culture populaire fut terrible. Talibanistiques
chasses aux sorcières ( des bonnes femmes aux recettes de bonne fame (de
bonne augure) et qui transmettaient les récits des veillées, les
hsitoires, les contes). L'arrêt progressif des fêtes et coutumes qui
tissaient la vie sociale économique et culturelle, remplacées par des
spectacles qui tenaient en respect le bon peuple. Fini la messe de
l'âne, fini la fête des fous, fini les jeux (qq fois brutaux c'est vrai)
et idioties drôlatiques (qq fois tragiques, c'est encore vrai) : place à
la raison des Lumières à la police de la pensée, à la centrale
culturelle et cultuelle.
> > La gratuité est un concept marketing conforme à
> > l'économie de marché.
>
> Va dire ça aux investisseurs des start-up... Nan, franchement, j'ai lu
> les textes du gourou linusque itself, et j'adhère à cet état d'esprit, mais
> la distinction gratuité/libre-accès me semble... gratuite. (Parce que je
> pense que ce qui a un coût nul doit être gratuit.)
"Metro" (le canard gratuit diffusé dans le métro parisien) a dans une de
ses pubs très bien dit, avec un cynisme brutal : "Métro, le quotidien
qui vous est très cher". !!!
(no comment...)
> > Nuance : il n'est pas question de nier la propriété intellectuelle ou
> > de faire l'apologie du gratuit. Mais de reconsidérer le droit des
> > auteurs en rapport avec le public (auteur de la réception des
> > oeuvres). Le marché est unilatéral et nous cible comme le fait un
> > chasseur sur pigeons voyageurs. Ce serait vraiment dommageable de
> > faire mouche : ce que nous transportons, les oeuvres de l'esprit, à
> > nos pattes accrochées, arrêteraient là leur course, tomberaient au
> > sol et nous avec. Ciblés et touchés et raides morts. Le message
> > n'atteint pas son destinataire, le sens est stoppé, le marché peut
> > vendre les reliques, les corps empaillés et le savoir-faire qui fait
> > le carton.
>
> Là, j'ai rien compris, mais alors rien :)
Qu'est-ce que j'ai bien pu vouloir dire? Sans doute que je me suis mal
exprimé alors.
M'enfin, je n'ai pas toujours l'envie d'être très clair, de la même
façon que je ne crois pas au bien fondé de la transparence. A toi de
voir. Je ne suis pas totalement responsable de ce que j'écris, il y a
aussi le lecteur. J'ajoute tout de suite : ceci n'autorise pas non plus
de dire n'importe quoi, je m'en voudrais de déblatérer follement, malgré
toute l'admiration que je peux avoir pour les folles expressions,
qu'Artaud me pardonne de le traiter de fol.
> >> Reste qu'on peut conserver le
> >> principe de base, à savoir que l'auteur d'une invention ou d'une
> >> mélodie peut réclamer la reconnaissance de ce fait : on doit
> >> continuer d'imputer l'oeuvre à l'auteur, sans pour autant que cette
> >> imputation se traduise en propriété rémunérée. Bref, les mp3 sont
> >> gratuits et Superneuneu peut les copier et les donner à ses copains
> >> tant qu'il veut, mais il ne doit pas pouvoir se faire passer pour
> >> l'auteur de la Passion selon Saint Matthieu.
> >
> > Exactement : c'est le principe du copyleft et des licences libres qui,
> > loin de nier les droits des auteurs, les reformulent en intelligence
> > avec le matériau numérique et réticulaire (dans le cas du net). Elles
> > obligent à indiquer les auteurs (et dans le cas de plusieurs auteurs
> > succéssifs aussi).
>
> Ouaip. Mais l'essentiel est que ça coûte zéro-z-euro. C'est ça qui
> permet d'entrevoir une utopie collective qui peut nous sortir du vilain
> capitalisme hégémoniqueTM.
Non, car c'est croire que nous pouvons l'atteindre frontalement,
radicalement, tabula-rasament. Héritiés d'un passé plein d'illusions,
nous pourrions accepter, sans autre choix, le réalisme capitaliste. A
moins d'opérer indirectement, plus subtilement que par les grosses
ficelles manichéennes, donner du temps aux opérations à l'oeuvre, sans
la force de la volonté, mais avec la confiance de ce qui est, toujours
et encore, en puissance.
--
Antoine Moreau
> J'ai appris le chinois (classique) dans Kong Tseu, j'ai à présent oublié le
> chinois et confucius, mais je dois t'avertir que ta lecture est faussée par
> la traduction. Il faut savoir que la majorité des textes de Kong Tseu sont
> illisibles pour les chinois modernes, et que les traductions telles que
> celles que tu as sont bonnes à jeter à la poubelle. Imagine que souvent,
> une phrase comme celle que tu cites plus bas s'écrit en fait en chinois
> comme ceci :
> homme harmonie, pas homme désordre
> parce que le mot "homme", "humanité", s'écrivent pareil (un Y à l'envers)
> et se comprennent dans le contexte (comme tous les mots en chinois
> classique qui sont adjectifs, verbes ou noms selon le contexte).
Très intéressant! On voit bien que le langage supposé être sensé et
communicant n'est jamais sûr. Que ce soit à cause des traductions d'une
langue à l'autre ou du décalage dans le temps et de la subjectivité.
La foi qu'on peut porter au langage pour ce qui est de son aspect
communication repose sur une illusion salutaire. Salutaire car sans
cette illusion, nous n'existerions pas comme animal parlant.
Mal animal mal parlant que nous sommes! ;-)
(que nous sommes mal!)(mal nous en prend mais bien fait pour la pomme
d'Adam)
--
Antoine Moreau
jean-noel et/ou nathalie Lafargue <lafa...@club-internet.fr> a écrit
:
>
> "gbog" <gb...@caramail.com> a écrit
>
>> Pardon pardon. J'ai entendu dire que Kong Tseu n'a eu que
>> rarement l'occasion de dispenser son savoir à l'empereur.
>> Il semble avoir lu plutôt que c'était un obscur professeur ayant
>> des soucis de notoriété, et l'avoue lui-même à demi-mot dans
>> ses Entretiens.
>
> Il ne faut pas croire tout ce que les chinois disent hein, une
> affirmation comme "je suis un misélable velmisseau" (Lucky Luke)
> signifie "je te chie dessus, nabot".
Je sais bien. Et je ne puis affirmer croire « ce que les Chinois
disent », puisque je ne peux lire que des traductions. Dois-je comprendre
que tout ce que j'ai lu sur ce sujet est faux ? Qu'Étiemble, Simon Leys,
François Jullien, Granet, Joseph Needham, Robert Van Gulik et tout les
autres m'ont induit en erreur ?
> Le nom "Tseu" signifie "fils", et ne peut être donné que par
> l'empereur, parce que paradoxalement quand l'empereur appelle un gars
> "fils", ça signifie "maître". Je ne sais pas si Kong ne s'est occupé
> que de l'ampereur, mais sa philosophie ne s'adresse qu'à l'empereur,
> il s'agît de la bonne gouvernance et de la morale de vie qui doit
> l'accompagner.
Lao-tseu aussi se préoccupe de « gouvernance ».
> Le fait est que ça a marché puisque les différents
> empereurs se sont conformés au confucianisme pendant deux mille ans.
Le peuple chinois aussi, non ? Avec son pendant taoïste, le
confucianisme a formé et soutenu pendant 2000 ans une civilisation
remarquable... avec des défauts, mais je préfère en voir les qualités.
> Ca m'amuse toujours que ça soit lu par tant de gens comme d'un truc
> fait pour eux, car pourquoi pas, mais c'est comme un livre de
> cuisinier royal d'il y a trois siècles, on n'y trouve aucune recette
> utilisable, juste des principes, parce que la recette pour un
> cuisinier de cette époque était moins une affaire de temps de
> cuisson, de manière de faire et d'ingrédients que de quantités,
> d'économie et de gestion du personnel et des convives.
« Le Maître parlait rarement de profit. Il célébrait la volonté celeste
et l'humanité. » (IX. 1. Trad. P. Ryckmans)
>> Merci de me donner la source de ton affirmation, que je
>> puisse réviser l'opinion que j'avais sur l'honorable
>> vieillard. Ma soif de connaissance ne saurait se passer
>> ton aide généreuse à son parachèvement, et j'aurais
>> le plus grand des plaisirs à présenter de modestes
>> tentatives de réponses aux autres points de notre échange,
>> et ainsi avoir l'impudence d'oser contribuer à sa fécondité.
>
> J'ai appris le chinois (classique) dans Kong Tseu, j'ai à présent
> oublié le chinois et confucius, mais je dois t'avertir que ta lecture
> est faussée par la traduction. Il faut savoir que la majorité des
> textes de Kong Tseu sont illisibles pour les chinois modernes, et que
> les traductions telles que celles que tu as sont bonnes à jeter à la
> poubelle.
Il faudrait donc en proposer une autre. Mais, je répète : les sinologues
que j'ai cité ci-dessus se plantent ? Quel autre point de vue sur la sagesse
chinoise proposerais-tu ?
> Imagine que souvent, une phrase comme celle que tu cites
> plus bas s'écrit en fait en chinois comme ceci :
> homme harmonie, pas homme désordre
> parce que le mot "homme", "humanité", s'écrivent pareil (un Y à
> l'envers) et se comprennent dans le contexte (comme tous les mots en
> chinois classique qui sont adjectifs, verbes ou noms selon le
> contexte). Je n'ai pas mes sources en main alors je ne sais pas ce
> que vaut exactement la traduction que tu cites
Celle de Pierre Ryckmans, collection Connaissance de l'Orient, préface
d'Étiemble.
> (mais une bonne traduction de Kong Tseu s'accompagne
> toujours de dizaines de pages de commentaires),
Ils y sont.
> mais je parierai que le concept de "conformité" qui
> est quand même le but de toute la pensée confucianiste
Oui, se conformer aux rites et à la musique.
> (et à son
> époque, inventer une forme de morale pour les souverains était sans
> doute un service public) n'apparaît pas dans le texte original et est
> une interprétation du couillon qui a traduit.
Merci pour lui ! Faudrait voir la citation chinoise exacte (Entretiens,
XIII. 23.)
Ce qui me semble très intéressant dans ces Entretiens, c'est justement
que Confucius atténue souvent son « dogmatisme » par des remarques telles
que celle que j'ai cité. Il dit qu'il faut suivre les rites et la musique,
et ceci « sans relâche », mais il ajoute plus loin que la conformité aux
rites est insuffisante pour faire un « honnête homme ». Dans toute la pensée
chinoise que j'ai pu comprendre, il n'y a pas un seul des travers
rationnalistes que l'on peut trouver chez Kant, Descartes et tout ceux qui
ont voulu accrocher la philo aux maths. C'est ça qui me semble très fécond.
> Je ne critique pas le
> fait pour un occidental de baser son éthique sur les principes
> traduits à contre-sens d'un chinois qui s'adressait à un public bien
> différent, les malentendus de ce type sont source d'amusement et
> permettent même la naissance d'idées. C'est un peu comme le succès de
> Mireille Matthieu au japon.
>
>> Le Maître dit : « L'honnête homme cultive l'harmonie, mais
>> pas la conformité. L'homme de peu cultive la conformité,
>> mais pas l'harmonie. »
>> (XIII. 23. Les Entretiens de Confucius)
>
> l'homme de peu n'est donc pas honnête homme
Bin oui.
> bon je suis un peu injuste, c'est la traduction qui est mauvaise ici,
> "l'homme de peu" n'est pas à comprendre au sens économique,
Je n'ai jamais pensé qu'il fallait l'entendre au sens économique. Le
trouducteur non plus, il me semble.
> c'est
> plutôt celui qui est démuni du "ren", l'humanisme (concept
> confucianiste difficile à expliquer et n'ayant rien à voir avec
> l'humanisme de la renaissance, c'est parfois traduit par l'humanité -
> en tant qu'adjectif)
C'est en effet expliqué ainsi dans les commentaires.
--
Le Maître rejetait absolument quatre choses : les idées en l'air ; les
dogmes ; l'obstination ; le Moi.
(IX. 4. in Les Entretiens de Confucius)
C'est normal : ça fait longtemps que je n'écrivais plus de longues
intervention.
> gbog a ecrit...
>>
>> [Résumé de l'enjeux : selon moi, l'artemporain refuse d'admettre
>> la finitude de son matériau. Exemple : il y a un nombre limité de
>> mélodies possible, c'est mathématique, c'est mon présupposé. Les
>> zartistes croient échapper à l'impasse en niant la mélodie en
>> musique (par le sérialisme ou la musique concrête, par exemple).
>> C'est refuser la dure réalité. Je crois qu'il vaudrait mieux
>> admettre la finitude et se contenter de citer les mélodies
>> existantes en les accomodant à une sauce personnelle. C'est un peu
>> ce que fait le rap.]
>
> Mort de rire. Ca me rappelle ces musiciens qui se refusent a composer
> parce que "tout a deja ete ecrit".
Ils ont tort ?
> Bon, au lieu de tergiverser sur les pouiemes de ton ou le son continu,
> des questions simples :
> * C'est a quelle date exactement qu'on a ecrit la derniere melodie
> originale?
N. S. P.
> * Si elle n'a pas ete ecrite, c'est a quelle date qu'on va l'ecrire
> (dans un an, dans 10 ans, dans un million d'annees)?
N. S. P.
> * Quel est l'interet d'affirmer que le nombre de melodies est fini si
> on n'a aucun element de reponse a ces questions?
L'intérêt, de mon coté, c'est de tenter de comprendre un peu mieux le
monde. Ainsi, je vois que la musique contemporaine est chiante à mourir
(quand elle reste audible). Je me demande pourquoi. Je me demande pourquoi
on a inventé le sérialisme, pourquoi on a décidé d'imposer des règles
mathématiques pour casser la modalité classique. Vilain rétrophile que je
suis, je me dis que la musique d'avant était mieux, avec ses mélodies. J'ai
l'impression très forte que les compositeurs ont tenté d'échapper du carcan
modal-mélodique.
Emmettre la supposition qu'il devient de plus en plus difficile de
trouver une mélodie originale me permet de m'expliquer tout ça relativement
simplement. D'où une compréhension du monde qui s'en trouve légèrement
améliorée, pour moi. Si tu trouves un moyen d'expliquer mieux l'impasse de
l'art contemporain, je suis preneur. Si tu trouves que la zique
contemporaine est tout à fait écoutable, que c'est un plaisir des oreilles,
qu'elle va dans la bonne direction, alors il sera plus difficile d'en
discuter.
> Et bien sur, ne tiens surtout pas compte d'autres facteurs, du genre,
> on connait une minuscule part de la musique qui a ete creee avant nous
> et autour de nous, donc supposer que le rap est *deja* la seule
> alternative a l'originalite est ridicule... Fonde-toi bien sur des
> verites vraies, du genre la melodie est le seul truc important dans
> toutes les musiques qui ne sont pas du rap. Les pauvres musiciens de
> jazz qui croient improviser alors qu'ils redecouvrent tous les jours
> les trois malheureuses melodies qui existent!
Le Jazz ? Excellent exemple, qui me conforte dans ma position : il y a
un nombre relativement limité de thèmes jazz et les musiciens en sont, soit
à reprendre ces thèmes à leur sauce, ce qui est très bien, soit à faire la
musique la plus stridente et inaudible possible, et c'est le freejazz (que
j'aime pas trop, tu l'as deviné d'avance).
> Bien sur, je sais que tu sais que je caricature. Mais il n'en reste
> pas moins qu'un ensemble "fini" mathematiquement n'a aucun interet
> dans la vie reelle s'il est infini en pratique.
J'ai bien vu cette différence. Je maintiens la possibilité que
l'ensemble des mélodies soit fini en pratique.
> De meme je vois pas pourquoi on se fait chier a ecrire des romans, il
> suffit de lire ce qui a deja ete lu.
Excellente remarque. Pourquoi, en effet, se faire chier ?
> Ben oui, la aussi nombre fini de
> possibilites. Pis avant d'inventer une langue continue...
Sauf que là, la finitude mathématique du livre en tant que somme finie
de caractères discrets est évidemment humainement infinie, vu l'explosion
combinatoire.
> Pour les tableaux, par contre, tu me bluffes. C'est quoi un tableau
> original, un sujet original, ou alors une forme originale,
On peut en effet se le demander. C'est le sens de ce que je dis.
> ou alors un
> traitement original? Un petit peu de traitement? Et si je rajoute des
> ombres de vieillesse a la Joconde, c'est un tableau original? Il est
> ou le nombre fini de possibilites?
C'est les thèmes qui sont limités.
> Qui te permet de dire qu'un artiste qui peint un carre blanc fait ca
> par peur d'affronter les classiques sur leur terrain?
Moué.
> Peut-etre qu'il
> a peur d'affronter les prehistoriques sur leur terrain et que c'est
> pour ca qu'il evite de peindre une antilope dans une grotte. Peut-etre
> (va savoir!) qu'un carre blanc lui permet de communiquer mieux ce
> qu'il a a dire qu'une vierge a l'enfant, c'est tordu les artistes.
Les artiste sont tordus, certes. Mais, ce qui me déplait, c'est les
tordus qui se croient artiste pour la seule raison qu'ils sont tordus.
> Un dernier truc, gbog... ou sont les exemples cinematographiques?
> Le cinema, c'est continu ou discret?
Les thèmes sont limités (l'amour, la mort, la guerre, le cocu, etc.). Le
traitement et les variantes sont illimités.
> Mort de rire.
> --
> JRobinss, qui va maintenant signer toutes ses melodies "ourgh le
> pithecanthrope", passque y'a pas de raison de spolier le vrai createur
Voilà, c'est exactement le résultat que je voulais obtenir. La
reconnaissance par les auteurs de l'impossibilité de se réclamer,
aujourd'hui, d'une vraie et pure innovation. (Suivi sur frcd)
--
Le Maître dit : « Je transmets et je n'invente rien. Je suis de bonne foi et
j'aime l'Antiquité. En ceci j'ose me comparer au vénérable Peng. »
(VII. 1. Les Entretiens de Confucius)
>Très intéressant! On voit bien que le langage supposé être sensé et
>communicant n'est jamais sûr. Que ce soit à cause des traductions d'une
>langue à l'autre ou du décalage dans le temps et de la subjectivité.
>La foi qu'on peut porter au langage pour ce qui est de son aspect
>communication repose sur une illusion salutaire. Salutaire car sans
>cette illusion, nous n'existerions pas comme animal parlant.
Il n'y a pas que la langue comme langage, l'art est aussi un langage
riche de nuances.
Mais c'est un langage que l'on construit, a la différence de la langue
qui est apprise et doit être conforme, pour justement, se comprendre.
Si l'on fait le procès de la langue c'est qu'a un certain niveau de
reflexion elle ne suffit plus.
Pardon mais l'art est l'art, et le langage est le langage. Quel discours
y a-t-il dans une nature morte ? On peut trouver des liens entre art et
langage, mais dire que l'art EST langage me paraît le réduire beaucoup trop.
L'art est bien plus. Et bien moins aussi.
> Mais c'est un langage que l'on construit, a la différence de la langue
> qui est apprise et doit être conforme, pour justement, se comprendre.
> Si l'on fait le procès de la langue c'est qu'a un certain niveau de
> reflexion elle ne suffit plus.
Effectivement, l'art est plus immédiat et il permet d'atteindre
certaines choses que le langage n'attrapera jamais dans son filet. Il est
plus universel, aussi.
--
IX. 7. Lao dit : « Le Maître a dit que son échec dans la vie publique
l'avait obligé à cultiver ses divers talents. »
> Pardon mais l'art est l'art, et le langage est le langage.
> Quel discours y a-t-il dans une nature morte ? On
> peut trouver des liens entre art et langage, mais dire
> que l'art EST langage me paraît le réduire beaucoup trop.
> L'art est bien plus. Et bien moins aussi.
euh... Une nature morte peut-être très bavarde, comme les "vanités" du 17e
qui sont précisément une forme de discours sur la vie et la mort. Tu
utilise le mot "langage" pour "parole dite avec la bouche ou éventuellement
transcrite" et "art" pur "peinture effectuée au cours des cinq derniers
siècles", ce qui est, pour le coup, réducteur. Un langage c'est un système
permettant de s'exprimer. La délectation des formes, de la lumière et des
couleurs est une chose que la parole peut exprimer, que la littérature peut
exprimer, chacune selon ses moyens, et que la peinture aussi sait exprimer.
Si un sens est transmis d'un récepteur à un émetteur, alors il y a médium,
et ce médium peut être aussi appelé "langage" sans contre-sens. Pour la
définition de "art", je ne vais pas écrire une tartine, je n'ai plus de
définition, si ce n'est que j'accepte comme art tout ce qui est produit
avec l'intention d'en être, et aussi tout ce qui n'a pas de raison d'être
nommé autrement. En passant, le mot "art" n'est pas un jugement de valeur.
Le mot "chef d'oeuvre" est un jugement de valeur, accepter comme étant de
l'art quelque chose que tu n'aimes pas mais que son auteur revendique comme
art devrait aller de soi, mais chacun a des limites dans sa définition de
l'art...
http://www.arpla.univ-paris8.fr/~canal2/archeo/cauquelin/
> Effectivement, l'art est plus immédiat et il permet d'atteindre
> certaines choses que le langage n'attrapera jamais dans son
> filet. Il est plus universel, aussi.
excuse-moi mais ça ne veut rien dire du tout. Pourquoi l'art serait-il
immédiat ? Même si l'on réduisait l'art à la peinture des cinq derniers
siècles ça n'aurait pas de sens, il faut parfois avoir vu toute l'oeuvre
d'un peintre pour apprécier son travail. Il faut parfois tourner longtemps
autour d'un tableau pour l'aimer. Quand à l'universalité de l'art, elle
n'existe pas : pour les papous, l'art ne peut être qu'en 3D, pour un de mes
voisins, l'art ne peut être que visuel, pour d'autres la photo peut être de
l'art, le cinéma,... Quand aux Pygmées, ils n'ont aucun art "visuel" et ne
créent que par le biais de la musique.
> Je sais bien. Et je ne puis affirmer croire « ce que les
> Chinois disent », puisque je ne peux lire que des
> traductions. Dois-je comprendre que tout ce que
> j'ai lu sur ce sujet est faux ? Qu'Étiemble, Simon
> Leys, François Jullien, Granet, Joseph Needham,
> Robert Van Gulik et tout les autres m'ont induit
> en erreur ?
non, apparemment, tu t'es enduit d'erreur tout seul, parce que tu quotes
des phrases de Kong Tseu telles que tu veux les comprendre en faisant
abstraction du contexte et du commentaire dont tu me dis pourtant que tu
disposes. Note que les chinois le font aussi. Note que c'est ce qu'on fait
en inteprétant un passage biblique aussi.
> Lao-tseu aussi se préoccupe de « gouvernance ».
bien sûr, la plupart des philosophes chinois se préoccupaient de ça, du
besoin de sagesse et de discernement, de la place du souverain (qui doit
être sympa et chercher à arranger ce qui peut l'être selon Kong Tseu et qui
ne doit rien glander, de peur de boulverser l'ordre du monde et sa propre
"voie", selon Lao Tseu, pour résumer). Il y a d'autres genres de
philosophes chinois qui ne sont malheureusement pas trop traduits ici (en
général pour la simple raison qu'on ne les connaît que par bribes de toute
façon) et qu'on pourrait rapprocher des cyniques grecs : ça n'a pas
intéressé les religieux européens dont la vision de la chine a influencé
toute la sinophilie jusque aujourd'hui.
> « Le Maître parlait rarement de profit. Il célébrait la
> volonté celeste et l'humanité. » (IX. 1. Trad. P. Ryckmans)
voilà encore une traduction énervante. Sans savoir le paragraphe de départ,
je vois que le vocabulaire employé est tendancieux. Les chinois qui ont
quand même la réputation d'être terriblement repliés sur eux-mêmes ne se
sont jamais intéressé à ce que nous ici appelons "l'humanité" (le genre
humain), il s'agit ici d'humanisme, ou d'humanité en tant qu'adjectif (un
homme emprunt d'une grande humanité). Quand à la volonté céleste, je parie
plutôt pour l'ordre céleste, les chinois n'ont pas de dieux (ils sont
plutôt animistes ou carrément athées), ils croient à un ordre mais pas à un
responsable de l'ordre. Lu dans le contexte judéo-chrétien qui est le
nôtre, tout ça change complètement de sens, on y comprend une morale
paléo-chrétienne...
> Il faudrait donc en proposer une autre. Mais, je répète :
> les sinologues que j'ai cité ci-dessus se plantent ?
> Quel autre point de vue sur la sagesse
> chinoise proposerais-tu ?
je ne suis pas assez érudit pour en remontrer à ces traducteurs, mais je
sais, et eux aussi le savent, que la grande majorité de ce qu'on appelle la
philosophie chinoise est intraduisible parce qu'incompréhensible hors de
son contexte, de sont des notes de sténo, le chinois antique utilisait un
idéogramme pour un mot, et sans savoir comment il se prononçait, on ne peut
qu'en deviner le contexte. Et puis les traductions me semblent
tendancieuses dans leur forme (vocabulaire religieux judéo-chrétien) et
dans leur présentation (proposées comme pendant oriental de ce que nous
nommons ici philosophie)
> Dans toute la pensée chinoise que j'ai pu comprendre, il n'y a
> pas un seul des travers rationnalistes que l'on peut trouver
> chez Kant, Descartes et tout ceux qui ont voulu accrocher
> la philo aux maths. C'est ça qui me semble très fécond.
Descartes s'intéressait à la raison ? Il fallait bien que quelqu'un le
fasse ! Je ne vois pas pourquoi un philosophe devrait s'interdire le
rationalisme. Certains comme Nietsche (que je n'adore pas forcément) ont
proposé une philosophie plus intuitive, s'adressant plus aux trippes,... la
diversité des approches nous donne le choix. Ce que les chinois ont et que
nous n'avons pas (sauf à faire entrer Machiavel dans le champ
philosophique), c'est une philosophie du pragmatisme : ce qu'il faut faire,
comment, pourquoi, est-ce que ça permet de gagner une guerre ou de rendre
une région prospère, etc.
Par ailleurs, une philosophie qui se base sur la croyance que le soleil ne
se lêve pas si l'empereur n'effectue pas tel et tel rite,... hum... Je
trouve que c'est une mauvaise base, étant évidemment influencé par le
rationalisme de la philosophie de Descartes.
> "l'homme de peu" n'est pas à comprendre au sens économique,
> Je n'ai jamais pensé qu'il fallait l'entendre au sens économique.
> Le trouducteur non plus, il me semble.
bien, mais en français, les "gens de peu", ce sont les souffreteux !
Par ailleurs, qu'entends-tu exactement par "trouducteur" ? Est-ce un
mot-valise injurieux ou une faute de frappe ?
>
> [Résumé de l'enjeux : selon moi, l'artemporain refuse d'admettre
> la
> finitude de son matériau. Exemple : il y a un nombre limité de
> mélodies possible, c'est mathématique, c'est mon présupposé. Les
> zartistes croient échapper à l'impasse en niant la mélodie en musique
> (par le sérialisme ou la musique concrête, par exemple). C'est refuser
> la dure réalité. Je crois qu'il vaudrait mieux admettre la finitude et
> se contenter de citer les mélodies existantes en les accomodant à une
> sauce personnelle. C'est un peu ce que fait le rap.]
>
1) Qu'appelles tu melodie exactement ?
Quant a moi, je considererais qu'une melodie est une suite de notes
non periodique
(ie qui ne peut pas etre decomposee en la repetition, a 2 ou + reprises,
d'une meme suite de note de longueur plus faible)
2) Pour faire simple... et desole d'avance pour le HS:
(je sais, cela va en enerver cetain)
Considerons un ensemble de "notes" fini,
que l'on peut simplifier arbitrarement
(allez, 2) ainsi que la pause (espace ' ') (pouquoi pas ?).
Ne tenons pas compte de la longueur de ces pauses
qui pourrait etre aussi codee,
(et supposons le nombre de durees possibles finie aussi).
Considerons maintenant l'ensemble des partitions d'une page,
et choisissons des pages tres petites,
mes pauvres oreilles n'etant sensibles qu'aux rythmes les plus simples:
Les partitions possibles sont au nombre de 3^2=9,
, 0, 1,0 ,1 ,00,01,10,11.
Ce qui limiterait le nombre de melodies a 9.
En revenant a notre definiton de melodie...
Est ce que la suite de notes '1110' est une melodie ?
Elle tient sur deux pages,
mais ne peut pas se decomposer en la repetition
d'une seule melodie d'une page. Bref, c'est une melodie.
Le nombre de melodie est-il fini ?
Demontrons que non... c'est en fait assez simple:
considerons l'ensemble des melodies:
01,0001,000001,00000001,(00)...n fois de suite...01, etc...
On a un nombre infini (denombrable) de telles melodies
(non periodiques)...
(j'aurais pu choisir un exemple de construction plus complexe,
la trivialite de celui ci, et la faible qualite sonore de la chose,
qui inspira Morricone pour Mission to Mars,
n'enleve rien a la demonstration il me semble...) :)
Autrement dit, le probleme est, dans la bibliotheque de Borges,
qu'en effet, tout livre peut etre ecrit avec ceux,
en nombre finis, de la bibliotheque:
mais tout livre peut etre ecrit par une serie de combinaisons
telles que l'ensemble des livres
que l'on peut effectivement ecrire
avec de telles combinaisons est infini.
--
Stephane Ninin
stefnin...@yahoo.fr
"Hein ? qu'est ce que tu dis ?" (Van Gogh)
J'ai mis quelques citation innocentes de Confucius et tu m'attribues à
tort une volonté de leur donner tel ou tel sens qu'elles n'auraient pas. En
clair, tu crois que je crois ceci ou cela. Procès d'intention ou
malentendu ?
> Note que les chinois le font aussi.
Oui, c'est du grand art. Confucius réussi le tour de force de
transformer des contines salaces en maximes de moralité austère.
Premier interlude montrant le Confucius austère.
~~~~~~~~
XII.l. Yan Hui interrogea Confucius sur la vertu suprême. Le Maître dit:
« Pour pratiquer la vertu suprême, il faut se dominer et rétablir les rites.
Qui pourrait un jour se dominer et rétablir les rites verrait le monde
entier s'incliner devant sa vertu suprême. Pour pratiquer la vertu suprême,
sur qui s'appuyer, sinon sur soi-même? »
Yan Hui dit: « Pourriez-vous m'indiquer une méthode pratique? » Le
Maître dit: « Ne regardez rien de contraire aux rites; n'écoutez rien de
contraire aux rites; ne dites rien de contraire aux rites ; ne faites rien
de contraire aux rites. » Yan Hui dit: « Bien que je ne sois pas doué, je
vais tâcher de faire comme vous dites. »
~~~~~~~~
Second interlude montrant que Confucius n'était pourtant pas si austère
(tout est dans le long soupir) :
~~~~~~~~
XI.26. Zilu, Zeng Dian, Ran Qiu et Gongxi Chi étaient assis autour de
Confucius. Le Maître dit: « Oubliez un instant que je suis votre aîné. Vous
avez souvent le sentiment que le monde ne reconnaît pas vos mérites, mais si
vous aviez l'occasion de déployer vos talents, que souhaiteriez-vous
faire? » Zilu répondit d'un élan: « Donnez-moi un État pas trop petit, mais
coincé entre des voisins puissants, envahi par des armées ennemies et ravagé
par la famine; je prendrais le pouvoir, et en trois ans, je ranimerais le
moral de la population et je remettrais le pays sur ses pieds! »
Le Maître sourit. « Et toi, Ran Qiu? »
L'autre répondit: « Donnez-moi un domaine de soixante ou soixante-dix
lieues, ou disons plutôt, de cinquante ou soixante lieues. J e prendrais les
choses en main, et en trois ans j'assurerais la prospérité des habitants.
Mais pour ce qui est de leur développement spirituel, là bien sûr il
faudrait attendre l'intervention d'un vrai sage.
-- Gongxi Chi, et toi? »
L'autre répondit: « J e ne dis pas que j'en serais capable, mais je
souhaiterais essayer ceci: dans les cérémonies du temple ancestral, à
l'occasion d'une rencontre diplomatique par exemple, portant chasuble et
barrette, j'aimerais pouvoir jouer le rôle d'un modeste acolyte.
-- Et toi, Dian? »
Zeng Dian, qui avait continué tout ce temps-Ià à jouer de la cithare en
sourdine, pinça une dernière note, et déposa son instrument, Il se redressa
et dit: « Après ces beaux discours, je crains que mon choix ne paraisse
incongru. » Le Maître dit : « Qu'à cela ne tienne! Il s'agit simplement pour
chacun de confier les souhaits de son creur. » L'autre reprit: « Vers la fin
du printemps, en tunique légère, j'aimerais aller me baigner dans la rivière
Yi avec cinq ou six compagnons et six ou sept jeunes garçons; ensuite on
irait humer la brise sur la terrasse des Danses de la Pluie, puis on
rentrerait tous ensemble en chantant. »
Le Maître poussa un long soupir et dit: « Ah, comme je te comprends! »
Les trois premiers disciples prirent congé; Zeng Dian s'attarda. Il
demanda: « Que pensez-vous de leurs souhaits à tous trois? » Le Maître dit:
« Chacun a simplement parlé selon son coeur. » L'autre reprit: « Maître,
pourquoi avez-vous souri aux paroles de Zilu? -- On gouverne un pays par les
rites. Il tient un langage de fier-à-bras; c'est pourquoi j'ai souri. --
Quant à Ran Qiu, ce qu'il avait en tête, en fait, n'était-ce pas un
véritable État? -- Bien sûr: où aurait-on jamais vu un territoire de
soixante ou soixante-dix lieues, voire de cinquante ou soixante lieues, qui
ne fût un véritable État? -- Et Gongxi Chi, ne rêvait-il pas d'un
gouvernement lui aussi? -- Une rencontre diplomatique dans un temple
ancestral: de quoi pourrait-il s'agir, sinon d'une affaire d'État? Et si
Gongxi Chi ne devait y remplir qu'une fonction d'acolyte, qui donc pourrait
y jouer le premier rôle ? »
> Note que c'est ce qu'on fait en inteprétant un passage
> biblique aussi.
Oui.
>> Lao-tseu aussi se préoccupe de « gouvernance ».
>
> bien sûr, la plupart des philosophes chinois se préoccupaient de ça,
> du besoin de sagesse et de discernement, de la place du souverain
> (qui doit être sympa et chercher à arranger ce qui peut l'être selon
> Kong Tseu et qui ne doit rien glander, de peur de boulverser l'ordre
> du monde et sa propre "voie", selon Lao Tseu, pour résumer). Il y a
> d'autres genres de philosophes chinois qui ne sont malheureusement
> pas trop traduits ici (en général pour la simple raison qu'on ne les
> connaît que par bribes de toute façon) et qu'on pourrait rapprocher
> des cyniques grecs : ça n'a pas intéressé les religieux européens
> dont la vision de la chine a influencé toute la sinophilie jusque
> aujourd'hui.
Les Jésuites ont beaucoup tiré la couverture à eux, certes. Mais j'ai
l'impression qu'on est un peu sorti de cette mentalité.
>> « Le Maître parlait rarement de profit. Il célébrait la
>> volonté celeste et l'humanité. » (IX. 1. Trad. P. Ryckmans)
>
> voilà encore une traduction énervante. Sans savoir le paragraphe de
> départ,
Essaye http://www.chinapage.org/ana9.html
> je vois que le vocabulaire employé est tendancieux. Les
> chinois qui ont quand même la réputation d'être terriblement repliés
> sur eux-mêmes ne se sont jamais intéressé à ce que nous ici appelons
> "l'humanité" (le genre humain), il s'agit ici d'humanisme, ou
> d'humanité en tant qu'adjectif (un homme emprunt d'une grande
> humanité).
C'est dans ce sens que je l'entends, et le traducteur aussi je pense. Le
sens qui te gêne aurait pris une majuscule : l'Humanité (tous les hommes)
n'est pas l'humanité (la générosité, le ren).
> Quand à la volonté céleste, je parie plutôt pour l'ordre
> céleste, les chinois n'ont pas de dieux (ils sont plutôt animistes ou
> carrément athées), ils croient à un ordre mais pas à un responsable
> de l'ordre. Lu dans le contexte judéo-chrétien qui est le nôtre, tout
> ça change complètement de sens, on y comprend une morale paléo-
> chrétienne...
C'est vrai que le mot « volonté » est un peu étonnant, j'admets. J'ai
entendu dire que, n'ayant ni être, ni individualité, ni liberté, les Chinois
ne concevaient pas de volonté, ni personnelle ni suprême, mais un processus
spontané auquel il faut se conformer (d'où l'opportunisme comme valeur
morale)
>> Il faudrait donc en proposer une autre. Mais, je répète :
>> les sinologues que j'ai cité ci-dessus se plantent ?
>> Quel autre point de vue sur la sagesse
>> chinoise proposerais-tu ?
>
> je ne suis pas assez érudit pour en remontrer à ces traducteurs, mais
> je sais, et eux aussi le savent, que la grande majorité de ce qu'on
> appelle la philosophie chinoise est intraduisible parce
> qu'incompréhensible hors de son contexte,
Cela doit-il m'empêcher de m'y intéresser ? Est-ce parce que le chinois
est intraduisible qu'il faudrait ne pas lire ce que les sinologues écrivent
sur la sagesse chinoise ?
> de sont des notes de sténo,
> le chinois antique utilisait un idéogramme pour un mot, et sans
> savoir comment il se prononçait, on ne peut qu'en deviner le
> contexte.
Il y a les gloses, qui peuvent aider, non ? S'il y a quelques sentences
de Confucius qui sont ambiguës et dont on le saura peut-être jamais le sens
originel, est-ce qu'ont doit pour autant penser qu'on ne gagne rien à
s'intéresser à ce monsieur d'un autre temps et d'un autre pays ?
> Et puis les traductions me semblent tendancieuses dans leur
> forme (vocabulaire religieux judéo-chrétien) et dans leur
> présentation (proposées comme pendant oriental de ce que nous nommons
> ici philosophie)
Pourquoi ? Le fait que la « philosophie » chinoise soit sans ontologie
me
semble très intéressant. Sans doute parce que je ne me pose, moi non plus,
aucune question sur l'être...
Troisième interlude à propos de la pensée chinoise :
~~~~~~~~
Les divers courants de la pensée chinoise dérivent tous d'une commune
source cosmologique. Cette cosmologie (résumée schématiquement dans le plus
ancien, le plus précieux, mais aussi le plus obscur des traités canoniques,
le Livre des mutations [le fameux Yi-King]) considère que l'infinité des
phénomènes est en état de flux perpétuel ; cette création permanente résulte
elle-même du mariage de deux forces antithétiques et complémentaires. Ces
deux forces -- ou ces deux pôles -- constituent une diversification de
l'Avoir. L'Avoir est lui-même un produit du Non-Avoir (WU) que, par un
contresens courant, on s'obstine à traduire « le Néant », alors que la
notion se rapproche plutôt de ce que la philosophie occidentale appelle
l'Etre. Les penseurs chinois ont jugé avec sagesse que l'Etre ne se peut
appréhender que de façon négative : en effet, l'Absolu que l'on pourrait
définir et nommer, qui aurait des qualifications et des propriétés, qui
donnerait prise à une description, ne saurait être l'Absolu véritable, mais
relève seulement du domaine de l'Avoir, avec son kaléidoscope éphémère et
mouvant des phénomènes. Le processus qu'on vient d'esquisser ne forme pas un
enchaînement mécanique, une séquence causale; c'est un cercle organique à
l'intérieur duquel les diverses phases existent simultanément. Si les textes
plus anciens semblent impliquer une antériorité du Non-Avoir sur l'Avoir,
les commentaires ultérieurs décrivent leurs relations comme un échange, une
dialectique d'opposés-complémentaires, s'engendrant l'un l'autre. L'Etre est
le substrat fécond, le champ où germe l'Avoir, ou, si vous voulez, le vide
est l'espace nourricier des phénomènes. On ne peut donc appréhender l'Etre
qu'en creux, en cernant son absence -- un peu comme un sceau gravé
/intaglio/ livre son message en blanc, ne révélant son dessin que grâce à l'
absence de matière. Cette notion selon laquelle l'Absolu ne saurait être
suggéré que par le vide est d'une importance particulière pour l'esthétique
chinoise, comme nous verrons plus loin.
La pratique des arts constitue une mise en oeuvre concrète de cette
vocation d'universalité, de cette suprême mission d'harmonie, que la sagesse
chinoise assigne à l'honnête homme : il s'agit pour celui-ci de dégager et
retrouver l'unité des choses, de mettre le monde en ordre, de s'accorder au
dynamisme de la création.
Les arts comprennent essentiellement la poésie, la peinture et la
calligraphie ; pour être complet il faudrait également mentionner la musique
(qui, pour les lettrés chinois, se ramène à la seule cithare qin) -- mais à
celle-ci, mon incompétence m'empêchera malheureusement de faire plus
amplement référence.
L'honnête homme cultive les arts afin d'accomplir son humanité. Pour
cette raison, les arts, à la différence des artisanats (sculpture, gravure,
architecture, musique des instruments vulgaires etc.), ne sauraient
constituer une activité professionnelle ou spécialisée. On est naturellement
compétent en matière de poésie, de peinture et de calligraphie dans la
mesure où l'on est honnête homme, et l'on ne saurait atteindre cette
compétence à moins d'être honnête homme. Par définition même, ces activités
ne peuvent donc être pratiquées que par des non-professionnels : dans le
métier de vivre, ne sommes-nous pas tous des amateurs ?
~~~~~~~~
(Extrait de La Forêt en feu, pp. 13 et suiv., de Simon Leys.)
>> Dans toute la pensée chinoise que j'ai pu comprendre, il n'y a
>> pas un seul des travers rationnalistes que l'on peut trouver
>> chez Kant, Descartes et tout ceux qui ont voulu accrocher
>> la philo aux maths. C'est ça qui me semble très fécond.
>
> Descartes s'intéressait à la raison ? Il fallait bien que quelqu'un le
> fasse ! Je ne vois pas pourquoi un philosophe devrait s'interdire le
> rationalisme.
Parce que la logique hypothético-déductive a montré ses limites, selon
moi. Son champ est en fait réduit à la pure logique mathématique.
> Certains comme Nietsche (que je n'adore pas forcément)
> ont proposé une philosophie plus intuitive, s'adressant plus aux
> trippes,... la diversité des approches nous donne le choix.
... dont le choix de s'intéresser à la sagesse chinoise.
> Ce que
> les chinois ont et que nous n'avons pas (sauf à faire entrer
> Machiavel dans le champ philosophique), c'est une philosophie du
> pragmatisme : ce qu'il faut faire, comment, pourquoi, est-ce que ça
> permet de gagner une guerre ou de rendre une région prospère, etc.
En effet. C'est aussi ce que je cherche en Chine : une sagesse pratique
plutôt qu'une philosophie spéculative.
> Par ailleurs, une philosophie qui se base sur la croyance que le
> soleil ne se lêve pas si l'empereur n'effectue pas tel et tel
> rite,... hum...
> Je trouve que c'est une mauvaise base, étant
> évidemment influencé par le rationalisme de la philosophie de
> Descartes.
Ce n'est pas une « base », mais plus ou moins une conséquence, en forme
d'image, d'une intuition que tout se tient, tout est en correspondance.
>> "l'homme de peu" n'est pas à comprendre au sens économique,
>> Je n'ai jamais pensé qu'il fallait l'entendre au sens économique.
>> Le trouducteur non plus, il me semble.
>
> bien, mais en français, les "gens de peu", ce sont les souffreteux !
Nan, ce sont les « gens de peu de foi » :)
> Par ailleurs, qu'entends-tu exactement par "trouducteur" ? Est-ce un
> mot-valise injurieux ou une faute de frappe ?
Un gag en écho à tes piques contre le vénérable Ryckmans, traducteur des
Entretiens de Confucius.
--
XV.35. Le Maître dit: « Pour le peuple, la vertu suprême est quelque chose
de plus fondamental que l'eau et le feu. J'en ai vu qui périssaient pour
s'être jetés dans l'eau ou le feu ; je n'en ai jamais vu qui périssaient
pour s'être jetés dans la vertu suprême. »
... selon un discours linéaire...
> La délectation des
> formes, de la lumière et des couleurs est une chose que la parole
> peut exprimer, que la littérature peut exprimer, chacune selon ses
> moyens, et que la peinture aussi sait exprimer. Si un sens est
> transmis d'un récepteur à un émetteur, alors il y a médium, et ce
> médium peut être aussi appelé "langage" sans contre-sens.
Avec une entorse au coté linéaire du langage. Ce qui m'embête, c'est le
flou que ça introduit sur des notions relativement simples, sans que
l'apport de sens ne justifie l'amalgame. Si tout est langage, le mot devient
complêtement flou et sans contours, donc inutile.
> Pour la
> définition de "art", je ne vais pas écrire une tartine, je n'ai plus
> de définition, si ce n'est que j'accepte comme art tout ce qui est
> produit avec l'intention d'en être, et aussi tout ce qui n'a pas de
> raison d'être nommé autrement.
Si je chie dans la rue avec la volonté de faire oeuvre d'art, c'est de
l'art ? Pareil : j'ai une idée un peu plus étroite de l'art que toi. Je
perds en extension ce que je gagne en compréhension.
> En passant, le mot "art" n'est pas un
> jugement de valeur. Le mot "chef d'oeuvre" est un jugement de valeur,
> accepter comme étant de l'art quelque chose que tu n'aimes pas mais
> que son auteur revendique comme art devrait aller de soi, mais chacun
> a des limites dans sa définition de l'art... http://www.arpla.univ-
> paris8.fr/~canal2/archeo/cauquelin/
>
>> Effectivement, l'art est plus immédiat et il permet d'atteindre
>> certaines choses que le langage n'attrapera jamais dans son
>> filet. Il est plus universel, aussi.
>
> excuse-moi mais ça ne veut rien dire du tout. Pourquoi l'art serait-il
> immédiat ?
Parce qu'il permet de "communiquer" sans le filtre des mots et du
langage. Les mots, c'est comme une peau qui s'interpose entre moi et le
monde. L'art permet de trouer cette peau. C'est ça que je voulais dire par
"immédiat".
> Même si l'on réduisait l'art à la peinture des cinq
> derniers siècles ça n'aurait pas de sens, il faut parfois avoir vu
> toute l'oeuvre d'un peintre pour apprécier son travail. Il faut
> parfois tourner longtemps autour d'un tableau pour l'aimer.
N'empêche, même s'il faut 20 ans pour aimer telle toile, une fois cette
initiation opérée, la toile te parle directement, sans le secours des mots.
> Quand à
> l'universalité de l'art, elle n'existe pas : pour les papous, l'art
> ne peut être qu'en 3D, pour un de mes voisins, l'art ne peut être que
> visuel, pour d'autres la photo peut être de l'art, le cinéma,...
> Quand aux Pygmées, ils n'ont aucun art "visuel" et ne créent que par
> le biais de la musique.
Quand je dis que l'art est plus universel, tu l'entends comme une
affirmation que l'art est universel. Non, ce n'est pas ça que je voulais
dire. Je voulais dire que, l'art se passant des mots (donc des barrières
linguistiques, principale barrière culturelle), il peut plus facilement
toucher plus de monde.
--
xv.39. Le Maître dit: « Mon enseignement s'adresse à tous, indifféremment. »
> Un langage c'est un système permettant de s'exprimer.
> ... selon un discours linéaire...
et avec des ponpons et de la dentelle aussi ? Tant qu'on y est à inventer
une définition précise de "language"
Ou es-ce que tu as trouvé cette absurde notion de "discours linéaire" ???
Je ne comprends même pas le "linéaire"... tu veux dire qu'il y a une
question de temps en jeu dans le langage ? C'est vrai de tous les langages.
Quand au "discours", il utilise le langage avant que le langage soit un
discours lui-même (ce qu'il est effectivement aussi comme ça a été dit plus
tôt).
> Si tout est langage, le mot devient complêtement
> flou et sans contours, donc inutile.
le mot est le principal vecteur de notre langue qui est, elle un langage.
> Si je chie dans la rue avec la volonté de faire oeuvre
> d'art, c'est de l'art ? Pareil : j'ai une idée un peu plus
> étroite de l'art que toi. Je perds en extension ce que
> je gagne en compréhension.
se faire plus bête pour mieux comprendre, voilà qui est bizarre.
Si tu veux chier dans la rue et appeller ça de l'art, libre à toi, pour ma
part, ça n'est pas un problème, le plaisir que j'ai à regarder un Vermeer
ne s'en trouvera pas modifié. Je trouverai juste ça un peu ringard parce
que "l'art pour l'art", "l'art aux limites de l'art", c'est un truc des
années 60, on est post-modernes maintenant hein.
> Quand je dis que l'art est plus universel, tu l'entends
> comme une affirmation que l'art est universel. Non,
> ce n'est pas ça que je voulais dire. Je voulais dire
> que, l'art se passant des mots (donc des barrières
> linguistiques, principale barrière culturelle), il peut
> plus facilement toucher plus de monde.
tu fais la confusion entre "art" et "art visuel", mais même ainsi, ça ne
tient pas debout. Un tableau figuratif ne sera pas appréhendé de la même
façon par quelqu'un qui en comprend les codes (la perruque est-elle à
rouleaux ou à marteaux et qu'est-ce que ça implique socialement ? cet
animal est il imaginaire ? Que fait cette dame avec une tête sur un plateau
? à quel tableau ancien ce tableau récent fait référence ?... ) et
quelqu'un qui ne les comprend pas parce qu'ils n'appartiennent pas à se
culture.
Que la "grammaire" des formes, des couleurs, des rythmes, soit relativement
"immédiate", si tu veux, mais tout l'art du monde ne se résume pas à l'art
abstrait et la peinture n'est pas du papier peint.
Ton idée d'universalité plus grande ou d'immédiateté empruntent un chemin
torve : d'abord tu considères que "art" signifie "art visuel", voire
"image" et exclut tout ce qui se base sur la parole ou la littérature. Que
l'image se regarde en un flash, en un clin d'oeil. Ensuite tu prends
apparemment à ton compte l'adage "un image vaut mieux qu'un long discours",
adage qui refuse à l'image d'être discursive, alors que si on lui demande
d'expliquer quelque chose, elle le devient forcément.
Réfléchis aux contre-exemples de tes affirmations, tu verras leur fausseté.
« Langage ».
> Ou es-ce que tu as trouvé cette absurde notion de "discours linéaire"
> ??? Je ne comprends même pas le "linéaire"...
Je vais essayer de t'aider : est linéaire ce qui se présente comme une
suite de trucs présentés les uns après les autres.
> tu veux dire qu'il y a
> une question de temps en jeu dans le langage ?
Oui, et une question de séquence. Une phrase est un fil sur lequel
s'enfilent les mots comme des perles. Tu peux trouver des contre-exemples...
en poésie moderne. Mais alors il n'y a plus vraiment de discours.
> C'est vrai de tous les
> langages. Quand au "discours", il utilise le langage avant que le
> langage soit un discours lui-même (ce qu'il est effectivement aussi
> comme ça a été dit plus tôt).
C'est-à-dire ?
>> Si tout est langage, le mot devient complêtement
>> flou et sans contours, donc inutile.
>
> le mot est le principal vecteur de notre langue qui est, elle un
> langage.
Et ?
>> Si je chie dans la rue avec la volonté de faire oeuvre
>> d'art, c'est de l'art ? Pareil : j'ai une idée un peu plus
>> étroite de l'art que toi. Je perds en extension ce que
>> je gagne en compréhension.
>
> se faire plus bête pour mieux comprendre, voilà qui est bizarre.
C'est la Voie de la simplicité.
> Si tu veux chier dans la rue et appeller ça de l'art, libre à toi,
> pour ma part, ça n'est pas un problème, le plaisir que j'ai à
> regarder un Vermeer ne s'en trouvera pas modifié. Je trouverai juste
> ça un peu ringard parce que "l'art pour l'art", "l'art aux limites de
> l'art", c'est un truc des années 60, on est post-modernes maintenant
> hein.
C'est chouette, le pomodernisme... faire le plus flou possible pour
épater les copains...
>> Quand je dis que l'art est plus universel, tu l'entends
>> comme une affirmation que l'art est universel. Non,
>> ce n'est pas ça que je voulais dire. Je voulais dire
>> que, l'art se passant des mots (donc des barrières
>> linguistiques, principale barrière culturelle), il peut
>> plus facilement toucher plus de monde.
>
> tu fais la confusion entre "art" et "art visuel",
Non. C'est toi qui fait cette confusion. Un rythme est pas tellement
visuel, pourtant il peut toucher identiquement des gens qui cause volapük ou
espagnol.
> mais même ainsi, ça ne tient pas debout.
Si si.
> Un tableau figuratif ne sera pas appréhendé de
> la même façon par quelqu'un qui en comprend les codes (la perruque
> est-elle à rouleaux ou à marteaux et qu'est-ce que ça implique
> socialement ? cet animal est il imaginaire ? Que fait cette dame avec
> une tête sur un plateau ? à quel tableau ancien ce tableau récent
> fait référence ?... ) et quelqu'un qui ne les comprend pas parce
> qu'ils n'appartiennent pas à se culture.
Dans un tableau figuratif, disons une scène de torture par un primitif
flamand, je me fous royalement de savoir ce que la forme des plis de la robe
ou de la perruque de la Reine peut bien signifier, je vois seulement une
scène, belle et atroce. Tout le reste n'est que littérature...
> Que la "grammaire" des formes, des couleurs, des rythmes, soit
> relativement "immédiate", si tu veux,
Ah ! Tu vois quand tu veux.
> mais tout l'art du monde ne se
> résume pas à l'art abstrait et la peinture n'est pas du papier peint.
> Ton idée d'universalité plus grande ou d'immédiateté empruntent un
> chemin torve : d'abord tu considères que "art" signifie "art visuel",
Non.
> voire "image" et exclut tout ce qui se base sur la parole ou la
> littérature.
Oui. Dans ma tentative de mieux comprendre l'art en écartant tout ce
qu'il n'est pas, j'exclus évidemment tout ce qui est littérature.
> Que l'image se regarde en un flash, en un clin d'oeil.
Pas forcément. Mais c'est un tout cohérent qui se reconstruit dans la
tête du recepteur sans qu'il s'en aperçoive.
> Ensuite tu prends apparemment à ton compte l'adage "un image vaut
> mieux qu'un long discours", adage qui refuse à l'image d'être
> discursive, alors que si on lui demande d'expliquer quelque chose,
> elle le devient forcément.
Tout ce qui explique est un discours ?
> Réfléchis aux contre-exemples de tes
> affirmations, tu verras leur fausseté.
Voilà une belle preuve de rationalisme bidon. Je n'ai jamais prétendu
affirmer des vérités absolues, mais des généralités. La différence ? La
différence est que la généralité souffre les exceptions. À part 1 + 1 = 2,
je connais très peu de vérités absolues qui soient utiles. Je ne suis même
pas sûr que c'en soit une. Si tu tiens à ce qu'on reste dans le domaine des
vérités absolues, faudrait qu'on cause en Prolog. Pour ma part, le domaine
des généralités, du probable, etc., me semble bien plus intéressant, parce
que c'est celui de l'humain. Tes contre-exemples, tu peux te les mettre où
tu veux.
--
xv .37. Le Maître dit: « L'honnête homme est droit, mais pas rigide. »
J'ai précisé en réponse à Sacha. En gros, définition extérieure : une
séquence linéaire de notes qui est finie ; définition intérieure : quelque
chose qu'on peut siffloter et qu'on peut mémoriser.
Problème : tu supposes qu'une mélodie peut avoir un nombre infini de
notes, donc une durée infinie. Je conteste : la mémoire musicale commune ne
permet pas de dépasser un certain nombre de notes. Y a des contre-exemples,
des types qui retiennent sans problème une suite de dix mille éléments. Mais
je parle « en général ».
> On a un nombre infini (denombrable) de telles melodies
> (non periodiques)...
> (j'aurais pu choisir un exemple de construction plus complexe,
> la trivialite de celui ci, et la faible qualite sonore de la chose,
> qui inspira Morricone pour Mission to Mars,
> n'enleve rien a la demonstration il me semble...) :)
Non non. Tu fais de la techno sans le savoir, comme Monsieur Jourdain
sur son pot.
>
> Autrement dit, le probleme est, dans la bibliotheque de Borges,
> qu'en effet, tout livre peut etre ecrit avec ceux,
> en nombre finis, de la bibliotheque:
> mais tout livre peut etre ecrit par une serie de combinaisons
> telles que l'ensemble des livres
> que l'on peut effectivement ecrire
> avec de telles combinaisons est infini.
Oui mais Borges est un blagueur, qui dit souvent l'inverse de ce qu'il
veut dire, ama mia.
> Oui, et une question de séquence. Une phrase est un fil
> sur lequel s'enfilent les mots comme des perles.
> Tu peux trouver des contre-exemples...
> en poésie moderne. Mais alors il n'y a plus vraiment de discours.
mais une phrase n'est pas un langage ! Qu'une phrase ait un minimum
d'ordre, évidemment, mais un discours peut être construit avec une
introduction, un développement et une conclusion comme il peut très bien
partir de la fin.
> > Quand au "discours", il utilise le langage avant que le
> > langage soit un discours lui-même (ce qu'il est
> > effectivement aussi comme ça a été dit plus tôt).
> C'est-à-dire ?
le langage construit la pensée mais il est aussi et d'abord là pour lui
permettre de s'exprimer.
> C'est chouette, le postmodernisme... faire le plus flou
> possible pour épater les copains...
hein ? Le principe du post-modernisme c'est de dépasser la croyance en un
dépassement des croyances. C'est marrant en soi du coup puisque ça
s'annule. Ta vision des capacités d'invention et de créativité est assez
post-moderne, mais version ras les pâquerettes toutefois puisque tu finis
par prescrire une ininvention générale sous prétexte que rien qui vaille le
coup ne peut plus être inventé.
> Non. C'est toi qui fait cette confusion. Un rythme est
> pas tellement visuel, pourtant il peut toucher identiquement
> des gens qui cause volapük ou espagnol.
un rythme peut être visuel, pourquoi pas ? Entends-tu uniquement "rythme
musical" en parlant de rythme ?
> Dans un tableau figuratif, disons une scène de torture
> par un primitif flamand, je me fous royalement de savoir
> ce que la forme des plis de la robe ou de la perruque de
> la Reine peut bien signifier, je vois seulement une
> scène, belle et atroce. Tout le reste n'est que littérature...
c'est ton droit de le prendre comme ça, mais le peintre lui n'a pas peint
pour rien, il avait quelque chose à dire, et il faut un peu d'iconologie
pour comprendre que tel homme torturé est un saint, que tel autre est un
avertissement aux pêcheurs, par exemple. La beauté d'une scène, sa laideur,
ne sont pas des phénomènes optiques, et si tu crois que ton oeil est
"neuf", tu es plus naïf que lui.
> Oui. Dans ma tentative de mieux comprendre l'art en
> écartant tout ce qu'il n'est pas, j'exclus évidemment
> tout ce qui est littérature.
que de certitudes, c'est formidable. Si l'art n'est rien de tout ce qui
porte un autre nom, il ne reste plus grand chose. Certains tableaux
figuratifs - de tous les siècles - comportent une partie purement visuelle,
mais aussi un texte. Considères-tu que le texte fait partie du tableau ?
A quel moment de l'histoire de l'humanité considères-tu que les formes
artistiques ont été figées ?
La peinture, la sculpture, la gravure, la photographie, ce sont des
techniques, on peut les définir facilement, mais l'art, c'est un concept,
pas une technique, ses supports d'élection changent sans cesse, ça a été la
céramique, l'architecture, la peinture et à présent le cinéma, pourtant ces
techniques n'ont rien en commun.
> > Que l'image se regarde en un flash, en un clin d'oeil.
> Pas forcément. Mais c'est un tout cohérent qui se
> reconstruit dans la tête du recepteur sans qu'il s'en aperçoive.
de même qu'une phrase que je t'écris se reconstruit dans ta tête sans que
tu t'en apperçoives à moins que tu aies un problème de vue, une dyslexie ou
quoi que ce soit qui te rende la lecture pénible.
> Tout ce qui explique est un discours ?
oui. Dis-moi, ton dictionnaire, est-ce qu'il est en carton fort avec une
reliure en mousse, de gros dessin chamaré et un seul mot par page ? Si ce
n'est pas le cas, aurais-tu de temps en temps le courage de l'ouvrir avant
de poser des questions ? Par ailleurs, quand tu disais que l'on ne peut
communiquer qu'en s'entendant au préalable, tu es la preuve qu'on peut
essayer sans que ce soit le cas.
> Voilà une belle preuve de rationalisme bidon. Je n'ai
> jamais prétendu affirmer des vérités absolues, mais des
> généralités. La différence ? La différence est que la
> généralité souffre les exceptions. À part 1 + 1 = 2,
> je connais très peu de vérités absolues qui soient utiles.
1 + 1 = 2 dans l'arithmétique euclydienne, mais il existe d'autres modèles
mathématiques (paraît-il, je ne suis en fait pas matheux) et puis tout
dépend de ce qu'on additionne (une mauvaise idée plus une mauvaise idée
peut donner une bonne idée, ou une mauvaise, par exemple, mais pas
forcément deux idées)
> Pour ma part, le domaine des généralités, du probable,
> etc., me semble bien plus intéressant, parce que c'est
> celui de l'humain. Tes contre-exemples, tu peux te les
> mettre où tu veux.
hein ? Fais gaffe, je viens de la banlieue et je regarde les films de Bruce
Lee alors t'as même pas intérêt à me traiter.
Les contre-exemple "exceptionnels" valent d'être toujours indiqués, et ce
n'est pas un grand effort s'ils sont si peu nombreux. S'ils sont très
nombreux, c'est qu'ils prouvent que les généralités sont bonnes à jeter.
Quelqu'un qui n'a jamais écouté autre chose en musique que quelqu'un qui
chante pourra dire "la musique, c'est quand on chante", mais ça sera faux,
la musique a une définition plus large.
> xv .37. Le Maître dit: « L'honnête homme est droit, mais pas rigide. »
il venait en effet d'être surpris par un de ses disciples au bordel.
>
> Problème : tu supposes qu'une mélodie peut avoir un nombre infini
> de
> notes, donc une durée infinie.
Non, je suppose qu'une melodie peut avoir autant de notes que je veux.
Pas necessairement non fini.
Mais je comprends ton point de vue, et l'idee de l'objection.
J'ai dit ça ?
> Qu'une phrase ait un minimum
> d'ordre, évidemment, mais un discours peut être construit avec une
> introduction, un développement et une conclusion comme il peut très
> bien partir de la fin.
Même s'il est à l'envers ou bouclé sur lui-même, un discours est pour
moi un truc linéaire, un fil.
On est pas d'accord sur le mot « discours ». Tu sembles douter plus bas
qu'on aie les principes communs nécessaires à la discussion. C'est possible.
Voici ce que me dit mon Petit Robert de compète, en mode plan :
~~~~~~~~
discours [diskuY] n. m.
1¨ Vieilli Propos que l'on tient.
2¨ Cour. Développement oratoire fait devant une réunion de personnes.
3¨ (1637) Écrit littéraire didactique qui traite d'un sujet en le
développant méthodiquement.
4¨ (v. 1613) Le discours : l'expression verbale de la pensée.
<> Rhét. La suite des paroles ordonnées qui constituent un discours, un
sermon.
<> (déb. XXe) Ling. Exercice de la faculté du langage.
<> Didact. Analyse de (du) discours, prenant pour unité d'observation la
phrase ou une unité plus étendue.
5¨ Philos., log. Pensée discursive*, raisonnement (opposé à intuition).
~~~~~~~~
J'entends « discours » dans le sens 4¨. Tu sauras sans doute m'expliquer
quel sens tu donnes à ce mot, et pourquoi tu te révulses quand je prétends
que le langage s'inscrit dans un discours linéaire, qu'une nature morte ne
tient pas un discours linéaire, or c'est une oeuvre d'art, donc l'art n'est
pas à proprement parler un langage, cqfd. Quand on dit « l'art est
langage », c'est une métaphore (mais pas une généralité). Si je dis que
l'art n'est pas un langage, ça ne veut pas dire qu'il n'y a aucun rapport
non plus. Y a de nombreux liens externes, y a même une connection interne :
la poésie, qui est la partie de l'art qui est généralement un discours et
s'inscrit dans le langage.
Si je regarde un tableau, si j'écoute une musique, je ne me demande pas
« qu'est-ce l'auteur veut dire ? », car s'il avait quelque chose à dire, il
l'aurait dit. Je me demande plutôt quelque chose comme « qu'est-ce qu'il
veut montrer, donner à entendre ? quel sont ses choix ? ». En fait non : je
ne pose de question à personne, même pas à l'oeuvre elle-même. Devant un
tableau, je regarde. Devant une sonate, j'écoute. Point. (Si je me demande
ce que l'auteur a voulu dire, c'est que je me fais chier, au fond.)
>>> Quand au "discours", il utilise le langage avant que le
>>> langage soit un discours lui-même (ce qu'il est
>>> effectivement aussi comme ça a été dit plus tôt).
>>
>> C'est-à-dire ?
>
> le langage construit la pensée mais il est aussi et d'abord là pour
> lui permettre de s'exprimer.
Je ne vois pas bien le rapport.
>> C'est chouette, le postmodernisme... faire le plus flou
>> possible pour épater les copains...
>
> hein ? Le principe du post-modernisme c'est de dépasser la croyance
> en un dépassement des croyances. C'est marrant en soi du coup puisque
> ça s'annule. Ta vision des capacités d'invention et de créativité est
> assez post-moderne,
Ouaouh ! Je suis post-moderne, moi ? C'est trop me flatter...
> mais version ras les pâquerettes toutefois
> puisque tu finis par prescrire une ininvention générale sous prétexte
> que rien qui vaille le coup ne peut plus être inventé.
Je dis, osant me comparer au vénérable (de la) Peng, que l'innovation en
art ne « vaut » pas le coup. Si tu connais un postmo lisible qui explique un
peu ça, je suis preneur... D'ailleurs, si tu connais un postmo lisible tout
court, je suis preneur aussi. (Foucault, c'en est ? j'ai un bouquin de lui)
Je précise un truc : en sciences, il est évident que le progrès existe,
que l'innovation vaut le coup. Dans le domaine de la politique ou de la
morale, c'est moins sûr, mais je crois quand même qu'il y a aussi des
progrès et que l'innovation est souhaitable. (Il suffit de penser que
l'esclavage est aboli, que la condition féminine est améliorée. Malgré les
embûches et le travail qui reste à faire, on peut prétendre qu'on a un peu
progressé dans la bonne direction.) Mais, dans le domaine de l'art, je crois
qu'aucune véritable innovation puisse être considérée comme un progrès. Le
jazz vient après le classique, certes. Mais est-il mieux pour autant ? Le
fait qu'il vienne après ne dit pas qu'il soit mieux, ni moins bien, que ce
qu'il y avait avant. C'est différent, et c'est tout. Ni progression ni
régression. Il n'y a pas de « progrès » en art, voilà pourquoi je dis que
l'innovation ne « vaut pas la peine ».
>> Non. C'est toi qui fait cette confusion. Un rythme est
>> pas tellement visuel, pourtant il peut toucher identiquement
>> des gens qui cause volapük ou espagnol.
>
> un rythme peut être visuel, pourquoi pas ? Entends-tu uniquement
> "rythme musical" en parlant de rythme ?
Non. Mais tu coupes un peu trop les messages, je crois. Dans ma phrase,
ça me semblait clair que j'utilisais l'exemple du rythme pour montrer que
ton accusation de ne voir que le visuel en art était infondée. Je remets le
passage :
~~~~~~~~
>> gbog :
>> Quand je dis que l'art est plus universel, tu l'entends
>> comme une affirmation que l'art est universel. Non,
>> ce n'est pas ça que je voulais dire. Je voulais dire
>> que, l'art se passant des mots (donc des barrières
>> linguistiques, principale barrière culturelle), il peut
>> plus facilement toucher plus de monde.
>
> jneonL :
> tu fais la confusion entre "art" et "art visuel",
gbog :
Non. C'est toi qui fait cette confusion. Un rythme est pas tellement
visuel, pourtant il peut toucher identiquement des gens qui cause volapük ou
espagnol.
~~~~~~~~
>> Dans un tableau figuratif, disons une scène de torture
>> par un primitif flamand, je me fous royalement de savoir
>> ce que la forme des plis de la robe ou de la perruque de
>> la Reine peut bien signifier, je vois seulement une
>> scène, belle et atroce. Tout le reste n'est que littérature...
>
> c'est ton droit de le prendre comme ça, mais le peintre lui n'a pas
> peint pour rien, il avait quelque chose à dire, et il faut un peu
> d'iconologie pour comprendre que tel homme torturé est un saint, que
> tel autre est un avertissement aux pêcheurs, par exemple. La beauté
> d'une scène, sa laideur, ne sont pas des phénomènes optiques, et si
> tu crois que ton oeil est "neuf", tu es plus naïf que lui.
Je ne crois pas que mon oeil est neuf, je crois que ça ne m'intéresse
pas, en tant que récepteur d'art, qu'on m'explique mon oeil. Si je ne
comprends pas tel tableau, je regarde un autre, il y en tellement... Il faut
un manuel d'utilisation, pour apprécier une oeuvre d'art ? Non, le boulot de
l'artiste est un très grande partie celui de mettre son intuition à portée
du récepteur, c'est une forme de don. Mettre volontairement des barrières,
crypter, c'est pour moi presque toujours cacher un manque d'inspiration,
c'est sans plus d'intérêt que celui de réussir un mot croisé.
>> Oui. Dans ma tentative de mieux comprendre l'art en
>> écartant tout ce qu'il n'est pas, j'exclus évidemment
>> tout ce qui est littérature.
>
> que de certitudes, c'est formidable. Si l'art n'est rien de tout ce
> qui porte un autre nom, il ne reste plus grand chose.
Il reste l'art vraiment art, le noyau, le plus important. Quelque chose
de l'ordre du don du beau, de la joie de le recevoir. (Je sens que ça va
bien te plaire... Mais j'ajoute de suite que je sais bien que c'est plus
compliqué. Seulement, je reporte cette complication d'un cran, dans la
définition impossible du beau.)
> Certains
> tableaux figuratifs - de tous les siècles - comportent une partie
> purement visuelle, mais aussi un texte. Considères-tu que le texte
> fait partie du tableau ?
Oui s'il est écrit dedans. Mais est-ce qu'il est nécessaire de
comprendre ce texte pour aimer le tableau, pour le trouver beau ?
> A quel moment de l'histoire de l'humanité
> considères-tu que les formes artistiques ont été figées ?
Pfffiou... J'en sais rien du tout. Y a un phénomène étrange : tous les
grand classiques français se regroupent sur une période très courte. Je sais
plus quand exactement, mais c'est l'époque de Racine et tutti quanti.
Peut-être qu'ils ont d'un coup largement exploré le champ. Mais ils n'ont
fait aussi que pomper allègrement les antiquités grecques, alors...
> La peinture, la sculpture, la gravure, la photographie, ce sont des
> techniques, on peut les définir facilement, mais l'art, c'est un
> concept, pas une technique, ses supports d'élection changent sans
> cesse, ça a été la céramique, l'architecture, la peinture et à
> présent le cinéma, pourtant ces techniques n'ont rien en commun.
Oui, et l'art les réuni sous quel chapeau ? Je te le donne en mille : un
beau chapeau, avec marqué « beau » dessus.
>>> Que l'image se regarde en un flash, en un clin d'oeil.
>> Pas forcément. Mais c'est un tout cohérent qui se
>> reconstruit dans la tête du recepteur sans qu'il s'en aperçoive.
>
> de même qu'une phrase que je t'écris se reconstruit dans ta tête sans
> que tu t'en apperçoives à moins que tu aies un problème de vue, une
> dyslexie ou quoi que ce soit qui te rende la lecture pénible.
La lecture d'interlocuteurs affables m'est toujours un grand plaisir.
>> Tout ce qui explique est un discours ?
>
> oui. Dis-moi, ton dictionnaire, est-ce qu'il est en carton fort avec
> une reliure en mousse, de gros dessin chamaré et un seul mot par page
> ? Si ce n'est pas le cas, aurais-tu de temps en temps le courage de
> l'ouvrir avant de poser des questions ?
J'ai un dico de compète, avec un V6 de 5000 cm³, je te mets la
définition complète de « discours », pour l'occasion :
~~~~~~~~
discours [diskuY] n. m.
. 1503; lat. discursus, d'apr. cours
1¨ Vieilli Propos que l'on tient. Þ conversation, dialogue, entretien. Le
discours qu'il m'a tenu. « C'est à vous, s'il vous plaît, que ce discours
s'adresse » (Molière). Discours futiles, frivoles. Þ babil, bavardage. Faire
de grands discours creux. Þ palabre. - Mod. (opposé à action, fait, preuve)
Cela aura plus d'effet que tous les discours. Assez de discours, des faits !
2¨ Cour. Développement oratoire fait devant une réunion de personnes. Þ
allocution, causerie, conférence, exposé, harangue, improvisation,
proclamation; fam. laïus, speech, topo. Introduction, exposition,
développement, conclusion d'un discours. Discours religieux. Þ homélie,
instruction, prêche, 1. prédication, prône, sermon. Discours à la louange,
pour la défense, la justification de qqn. Þ apologie, éloge, panégyrique,
plaidoyer. Discours qui accuse. Þ catilinaire, philippique, réquisitoire. -
Faire, lire, improviser, prononcer un discours. Discours prononcé du haut de
la chaire (ex cathedra), d'une tribune. « Il se remémorait jusque dans le
détail ce discours qu'il avait improvisé » (Romains). Discours politique
télévisé. Les petites phrases, les allusions d'un discours (politique).
Discours inaugural, de clôture. Discours du trône. Les discours d'une
campagne électorale. Discours-programme d'un ministre. Discours de
réception, prononcé par un nouvel académicien.
3¨ (1637) Écrit littéraire didactique qui traite d'un sujet en le
développant méthodiquement. Þ exposé, traité. « Le Discours de la méthode »,
de Descartes.
4¨ (v. 1613) Le discours : l'expression verbale de la pensée. Þ parole;
langage. Les parties du discours : les catégories grammaticales
traditionnelles (nom, article, adjectif, pronom, verbe, adverbe;
préposition, conjonction, interjection).
à Rhét. La suite des paroles ordonnées qui constituent un discours, un
sermon. Les six parties traditionnelles du discours. Þ exorde, proposition;
narration, preuve, réfutation; péroraison. « C'est la suite du discours qui
fit seulement comprendre [¼] que, par un procédé oratoire habile, le Père
avait donné en une seule fois [¼] le thème de son prêche entier » (Camus).
à (déb. XXe) Ling. Exercice de la faculté du langage. Þ parole (II, 2o). -
Énoncé* (2o) linguistique observable (phrase et suite de phrases prononcées;
texte écrit), par opposition au système abstrait que constitue la langue*.
Occurrence d'un mot en discours. - Discours rapporté, direct*, indirect*. -
Énoncé pris en charge explicitement par un narrateur. Opposition du discours
et du récit.
à Didact. Analyse de (du) discours, prenant pour unité d'observation la
phrase ou une unité plus étendue. Þ énonciation, stylistique.
5¨ Philos., log. Pensée discursive*, raisonnement (opposé à intuition). -
L'univers du discours : l'ensemble du contexte.
~~~~~~~~
> Par ailleurs, quand tu disais
> que l'on ne peut communiquer qu'en s'entendant au préalable, tu es la
> preuve qu'on peut essayer sans que ce soit le cas.
> [...]
>> Pour ma part, le domaine des généralités, du probable,
>> etc., me semble bien plus intéressant, parce que c'est
>> celui de l'humain. Tes contre-exemples, tu peux te les
>> mettre où tu veux.
>
> hein ? Fais gaffe, je viens de la banlieue et je regarde les films de
> Bruce Lee alors t'as même pas intérêt à me traiter.
C'est çui qui dit qui y est.
> Les contre-exemple "exceptionnels" valent d'être toujours indiqués,
> et ce n'est pas un grand effort s'ils sont si peu nombreux.
Tu te dédis. N'assénais-tu pas « Réfléchis aux contre-exemples de tes
affirmations, tu verras leur fausseté » ?
> S'ils sont très nombreux, c'est qu'ils prouvent que les
> généralités sont bonnes à jeter.
Oui. Tu parlais de quelle affirmation de ma part qui aurait tant de
contre-exemples qu'ils ne seraient plus des exceptions ? Laquelle de mes
généralités te semble douteuse au point qu'elle serait fausse ? (Moi même je
doute des généralités que j'écris, j'essaie de les peser, toute généralité
est soumise au doute, mais il faut bien accepter un jour de la lancer comme
hypothèse de travail, sinon on reste dans la logique pure ou la poésie. La
logique pure peut se décliner par ordinateur, aucun intérêt pour la
discussion. La poésie est un autre mode que la discussion, c'est plutôt une
sorte de communion. C'est dans le domaine des généralités qu'on utilise la
pensée, une discussion traite forcément de généralités, sauf rares
exceptions sur fr.sci.math et fral...)
> Quelqu'un qui n'a jamais écouté autre chose en
> musique que quelqu'un qui chante pourra dire "la musique, c'est quand
> on chante", mais ça sera faux, la musique a une définition plus large.
>
>> xv .37. Le Maître dit: « L'honnête homme est droit,
>> mais pas rigide. »
>
> il venait en effet d'être surpris par un de ses disciples au bordel.
:)
Imaginer Confucius au bordel, c'est comme imaginer le Pape en train de
se branler...
--
xv.42. Le musicien Mian vint le visiter. Au pied des marches, le Maître dit:
« Attention à la marche. » Le conduisant à son siège, le Maître dit: « Voici
votre siège. » Quand tous furent assis, le Maître lui expliqua: « Untel est
assis ici, Untel est assis là. »
Quand Mian eut pris congé, Zizhang demanda: « Est-ce ainsi qu'il faut
s'adresser à un musicien? » Le Maître répondit : « Oui, c'est ainsi que l'on
doit guider un musicien. »
(Commentaire perso et presto : les musiciens, les poètes, les artistes sont
comme des petits enfants qui ont besoin qu'on les aide avec la plus grande
aménité, dans ce bas monde, car ils s'occupent des choses du Ciel. Nan, je
ne suis pas croyant, ni athée.)
--
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> Je ne crois pas que mon oeil est neuf, je crois que ça ne m'intéresse
> pas, en tant que récepteur d'art, qu'on m'explique mon oeil. Si je ne
> comprends pas tel tableau, je regarde un autre, il y en tellement... Il faut
> un manuel d'utilisation, pour apprécier une oeuvre d'art ? Non, le boulot de
> l'artiste est un très grande partie celui de mettre son intuition à portée
> du récepteur, c'est une forme de don. Mettre volontairement des barrières,
> crypter, c'est pour moi presque toujours cacher un manque d'inspiration,
> c'est sans plus d'intérêt que celui de réussir un mot croisé.
Sangdieu, ces diatribes qui n'en finissent pas sont terribles pour le
lecteur moderne et pressé ! Mon regard fatigué a quand même achoppé sur
ce paragraphe que tu me pardonneras de targuer d'élucubration de la pire
espèce.
Tu es tout à fait autorisé à appréhender l'art à ta façon, et à zapper
sans réfléchir (même si au vu de ta tendance à la glose et la
péroraison, ça m'étonne un peu) devant la moindre chose d'apparence
absconse.
Mais de là à ériger cet obscurantisme rétrograde en précepte, c'est un
peu fort, nom d'un camembert ! Qu'est-ce qui te rend apte à juger de ce
qu'est ou n'est pas le boulot (au sens mission) d'un artiste ? D'une
phrase, tu balayes des vies entières passées à réfléchir, un vrai petit
génocide, tu nous fais, là !
Je n'ai pas vraiment envie d'essayer de rentrer dans les détails de ce
que signifie produire de l'art aujourd'hui, d'abord parce que ça
prendrait trop de temps, et ensuite parce que c'est de toute évidence
tautologique, ça ne peut vraiment s'appliquer qu'à soi-même.
Mais, pour aller vite, même si l'intuition existe, ainsi probablement
qu'une bonne part de mystique (ça doit être la même chose, en fait), ce
n'est pas non plus toute l'histoire (the whole story).
Un exemple simple : imagine une oeuvre, de la peinture (donc quelque
chose d'un abord simple, le regard est déjà éduqué), qui semble
totalement dénuée d'intérêt, une sorte d'aplat gris. La plupart des
spectateurs passent devant presque en courant, ils vont voir d'autres
choses qui attirent plus leur regard de consommateur. Et puis quelques
uns prennent le temps d'écouter ou de lire l'histoire de ces toiles.
Comment elles sont fabriquées, pourquoi, etc. Et ils n'en reviennent
pas. Il y a un niveau où ces toiles visuellement pauvres deviennent
terribles, prennent une dimension homérique.
En sortant de l'expo, seules ces toiles leur restent en tête. Des années
plus tard, bien qu'ils n'aient jamais revu la moindre toile du même
artiste, ils y pensent encore, fréquemment, avec des frissons.
Ils seraient, par contre, bien incapables de citer ne serait-ce qu'un
nom parmi les autres exposants (tout comme ceux qui sont passés devant
sans s'arrêter, d'ailleurs). Maintenant une question simple : qui est
l'artiste ? où est l'art ?
> Même s'il est à l'envers ou bouclé sur lui-même,
> un discours est pour moi un truc linéaire, un fil.
un discours c'est l'expression de quelque chose, d'accord ?
mais que fait-on si cette chose varie pendant le discours ? Que fait-on
d'un discours qui mélange plusieurs propos contradictoires ? (le discours
de Raffarin à l'assemblée, c'était bien un discours non ?)
> J'entends « discours » dans le sens 4¨
et un numéro 4 pour la table 5, un...
le dico n'est pas un menu, il te dit les divers sens d'un mot. Il ne te
demande pas de choisir celui qui te plait, il te dit que le mot n'a pas un
seul sens.
> une nature morte ne tient pas un discours linéaire,
> or c'est une oeuvre d'art, donc l'art n'est pas à proprement
> parler un langage, cqfd.
c'est naze comme démonstration dis donc.
Tu affirmes :
- le langage (L) est un discours (D) linéaire (toi seul connais cette
notion)
- une nature (N) morte ne tient pas un discours (D) linéaire (pas plus
clair)
- une nature (N) morte est de l'art (A) (bon... )
- donc l'art (A) n'est pas un langage (L)
je reprends :
- tout ce qui est L est D
- un N n'est pas un D
- un N fait partie de l'A
- donc l'A ne peut être L
exemple :
- un quadrupède a quatre pattes
- un homme n'a pas quatre pattes
- les hommes sont des animaux
- les animaux ne sont jamais quadrupèdes
... hum... Je n'appelle pas ça une démonstration valable, ça ne le serait
pas même si tes termes n'étaient pas flous et sujets à caution.
A présent, la nature morte, je te l'ai déjà dit mais tu t'en fiches, c'est
un genre relativement bavard, au 17e siècle une nature morte avait
forcément un sens idéologique fort : une corde de guitare cassée exprimait
clairement (ce n'est pas une interprétation psychanalytique) la brieveté de
la vie. Un dé montrait la conscience qu'il convenait d'avoir en les aléas
de la vie... Un fruit, une fleur, pouvaient vouloir dire que malgré
l'éphèmèreté de la vie et des plaisirs, il ne fallait pas les refuser,
carpe diem... Et quand les flamands (catholiques) peignaient de la
nouriture en abondance c'était sans doute bien pour dire aux hollandais
(protestants, iconoclastes et austères) ce qu'ils pensaient du refus du
plaisir (le sens est le même que dans le film "le festin de babette" ou
dans "le chocolat"). Aujourd'hui, nous ne comprenons plus bien ces choses
et nous prenons ces tableaux comme des expressions sans pensée, sans
discours : les temps ont changé, c'est bien normal, et alors ? Cela
change-t-il les intentions de l'artiste ?
> Si je regarde un tableau, si j'écoute une musique, je ne me
> demande pas « qu'est-ce l'auteur veut dire ? »
mais ça c'est très bien, mais c'est ton histoire mec, parce que si l'auteur
a lui cherché à dire quelque chose, ce fait reste vrai que tu le veuilles
ou non. On dit que la musique n'exprime rien par exemple, eh bien j'ai un
copain qui est mort de rire en écoutant la techno d'Aphex Twin : alors que
je prends la musique que j'entends au premier degré, lui y entend des
références et des citations comiques d'artistes sensés être ringards pour
les amateurs de techno. Or en me faisant expliquer les dits morceaux,
j'admets que, effectivement, on reconnaît des pastiches de ceci ou de cela,
impossibles à entendre en première écoute pour le non-spécialiste que je
suis, et globalement pas très parlants. Pourtant il est manifeste que
l'intention de l'artiste était bien là où l'ami en question l'entendait.
Est-ce qu'en passant à côté d'un discours pas évident je me plantais ? Non,
parce que c'est le problème de l'artiste : s'il veut réellement et
précisément dire quelque chose, il faut qu'il le fasse de façon claire.
Pourtant l'intention existe, pourquoi la nier ? Pourquoi refuser son
existence ?
> Devant une sonate, j'écoute. Point. (Si je me demande
> ce que l'auteur a voulu dire, c'est que je me fais chier, au fond.)
et derrière une sonate, tu fais quoi ? Et une musique soutenue par un
livret précis, héroïque, pathétique, tu en fais quoi ? Et la chanson, qui
mèle littérature et expression musicale, tu supposes que les deux parties
ne vont pas ensemble, que ces associations sont le fruit du hasard,
toujours ? Tu n'es pas tenu de comprendre ce qui est mal dit, mais si une
certaine émotion nait chez tous les auditeurs au même moment, c'est bien
qu'il y a quelque chose qui a été exprimé.
> Ouaouh ! Je suis post-moderne, moi ? C'est trop me flatter...
Il y a la théorie post-moderne (Lyotard, etc.) qui est une chose, et il y a
le fait postmoderne (venu de l'architecture d'abord) qui est de considérer
l'idéologie du modernisme comme une notion démodée, périmée, naïve, ou que
sais-je, et ça on est en plein dedans.
> Je dis, osant me comparer au vénérable (de la) Peng, que
> l'innovation en art ne « vaut » pas le coup.
il y a des gens qui regardent les bateaux rouiller, d'autres qui changent
la peinture de temps en temps, d'autres qui construisent de nouveaux
bateaux et la plupart des gens qui se contentent de commenter. Cherche pas
à comprendre, ça te va mal de toute façon.
> Mais, dans le domaine de l'art, je crois qu'aucune véritable
> innovation puisse être considérée comme un progrès.
l'idéologie moderne prétend(ait) que le progrès était la valeur sacrée de
l'histoire de l'art. C'était une erreur, sans doute, la course au plus
haut, plus fort, aboutit à atteindre ses limites et une fois arrivé là on
n'a rien gagné de précis. Pour autant, faut-il refuser la progression des
arts ? Est-ce gênant de se débarasser de son chevalet pour acheter un
Macintosh ? Mozart a-t-il trahi ses maîtres en se mettant au piano forte ?
Masaccio a-t-il eu tort de vouloir amener l'art vers une forme d'illusion
optique/spatiale ? Vermeer a-t-il déconné de travailler avec une chambre
noire ? Un photographe va-t-il trop loin en se disant artiste ? Les
différents "progrès" ne tendent pas vers un but, ils se complètent, ils
permettent aux artistes de toujours inventer, d'oser,...
> Je remets le passage : [...]
tu n'as pas peur de faire long et chiant hein... Je te reprenais sur
l'affirmation qu'un rythme n'est pas quelque chose de visuel, enfin laisse
tomber.
> Je ne crois pas que mon oeil est neuf, je crois que ça ne
> m'intéresse pas, en tant que récepteur d'art, qu'on
> m'explique mon oeil. Si je ne comprends pas tel tableau,
> je regarde un autre, il y en tellement...
très bien, mais est-ce que ce voeu que tu fais pour toi-même doit servir de
définition à l'art ? Certains artistes font des oeuvres qui demandent des
efforts au spectateur. Peut-être que c'est dommage, que ça ne marche pas
bien, mais ça, c'est le problème de l'artiste, pas le problème de la
définition de l'art.
Quand je disais que tu étais naïf de penser que ton oeuil est "neuf", ce
n'est pas pour défendre un art qui demande un mode d'emploi, en fait.
Vas donc voir cette image :
http://www.hyperbate.com/images/perception.jpg
elle est intéressante, elle fait partie d'un livre de A.Delorme nommé "la
psychologie de la perception" : lorsque cette image est montré à un
européen, il ne voit pas la même chose que lorsqu'elle est montrée à un
africain (à des pourcentages en tout cas sans ambiguïté), parce que la
perception qui est faite d'une image dépend de la culture de cette
personne. Il ne s'agit pas ici d'optique mais bien d'interprétation
culturelle, la lecture d'une image n'est jamais une action neutre,
universellement partagée.
Est-ce que de savoir ça est génant ? Savoir que l'on aime une personne pour
des raisons de compatibilité olfactive-hormonale ou que l'on aime une
couleur parce que ceci ou cela déflore-t-il le plaisir de vivre ça
simplement ? Je ne crois tout simplement pas qu'il en soit capable.
> Il faut un manuel d'utilisation, pour apprécier une oeuvre d'art ?
> Non, le boulot de l'artiste est un très grande partie celui de
> mettre son intuition à portée du récepteur, c'est une forme de don.
> Mettre volontairement des barrières, crypter, c'est pour moi
> presque toujours cacher un manque d'inspiration,
> c'est sans plus d'intérêt que celui de réussir un mot croisé.
et la vocation du téléphone est d'écouter les opéras à distance ? oui.
L'art soutenu par une forme de théorie fait peur aujourd'hui, alors qu'il y
a des exemples de tous temps. Imagine que du début du 18e jusques à la fin
du IIIe empire, l'amateur d'art se baladait avec, en mains, le
"dictionnaire de la fable", de Chompre, ouvrage qui explicitait les scènes
mythologiques des tableaux pour que le public comprenne les scènes
montrées. Toute une école de la peinture plus optique, plus immédiate, les
védutistes, les réalistes, les impressionistes, s'est battue contre cette
vision littéraire. C'était très bien de vouloir ce changement, mais est-ce
qu'il faut alors jeter aux flammes Poussin qui pensait qu'un tableau ne
pouvait être beau sans un sujet noble ? Le chateau de Versailles ? Est-ce
qu'il faut refuser aux oeuvres crées avec ces sujets "littéraires" leurs
qualités non-essentiellement visuelles ?
> [...] je reporte cette complication d'un cran, dans la
> définition impossible du beau.)
mais la définition du beau n'est pas impossible !
Le beau, c'est la délectation, c'est d'apprécier une expérience
sensorielle, intellectuelle ("un beau nuage", "une belle idée"). Par contre
on ne peut pas dire, comme ça, vite fait, ce qui est beau ou pas, parce que
ça engage trop de choses et que le sentiment de beauté, on le tire de
soi-même.
> > Certains tableaux figuratifs - de tous les siècles - comportent
> > une partie purement visuelle, mais aussi un texte.
> > Considères-tu que le texte fait partie du tableau ?
> Oui s'il est écrit dedans. Mais est-ce qu'il est nécessaire de
> comprendre ce texte pour aimer le tableau, pour le trouver beau ?
peut-être pas, et est-il essentiel que ceci soit rouge, que ce personnage
soit comme ci ou comme ça ?
> Pfffiou... J'en sais rien du tout. Y a un phénomène étrange :
> tous les grand classiques français se regroupent sur une
> période très courte. Je sais plus quand exactement,
> mais c'est l'époque de Racine et tutti quanti.
le XVIIe, sensé effectivement être notre âge d'or : c'est le siècle de
Louis XIV, le roi qui a vécu le plus vieux en fait, Racine avait trente ans
de moins que Corneille, Molière était mort à la naissance de Saint Simon...
Dans "Si versailles m'était compté", Guitry met tous ces gens dans une
pièce, mais c'est une blague, ils étaient de générations différentes, ils
n'ont pas du tout vécu le même 17e siècle. Ce qui est classique, c'est
Louis IV ! Et que fais-tu des lumières - qui eux se fréquentaient et où un
réel effet d'émulation a existé -, Voltaire, Rousseau, Diderot, Marivaux,
de Laclos... pas classiques ? Et puis cinquante ans plus tard, Stendhal,
Hugo, Sand, Chateaubrilland, Dumas, Balzac... C'est une blague ? Et avant
louis IV ? Rabelais, Du Bellay, Ronsard, Brantôme, Montaigne ???
> Peut-être qu'ils ont d'un coup largement exploré le champ.
> Mais ils n'ont fait aussi que pomper allègrement les
> antiquités grecques, alors...
je te renvoie au débat de l'époque sur "les anciens et les modernes" :
cette époque est une des plus boulversées de l'histoire européenne d'un
point de vue religieux, elle s'est grandement ingéniée à relire les anciens
tout d'abord pour leur rendre hommage (premier choc : quel écrivain grec
est agrée par l'église avant Saint-Jean-l'apôtre ?) et pour les revisiter,
les dépoussiérer.
[techniques de l'art]
> Oui, et l'art les réuni sous quel chapeau ? Je te le
>donne en mille : un beau chapeau, avec marqué
> « beau » dessus.
mais un tableau qui n'est pas beau est-il de l'art ? Si il l'est, faut-il
que l'intention de non-beauté soit volontaire ?
> > Les contre-exemple "exceptionnels" valent d'être
> > toujours indiqués, et ce n'est pas un grand effort
> > s'ils sont si peu nombreux.
> Tu te dédis. N'assénais-tu pas « Réfléchis aux
> contre-exemples de tes affirmations, tu verras leur fausseté » ?
je ne dis pas "il existe de miniscules contre exemples qui ne vont pas dans
le sens de tes généralités", je veux dire que tes généralités ne
fonctionnent pas tant on peut leur objecter de contre-exemples. Tu ne
cherches pas à avoir raison mais à évacuer ce qui va contre tes
convictions, ce n'est pas pareil.
Par exemple, comptabilises-tu l'architecture parmi les arts ? Si oui, en
quoi est-ce immédiat ? Comprend-on un bâtiment quelconque en ne se basant
que sur son aspect extérieur ?
> Laquelle de mes généralités te semble douteuse au point qu'elle serait
fausse ?
trop nombreuses pour être énumérées. Je crois que tu confonds "généralités"
et "opinions générales sur la façon dont tu voudrais que les choses soient
pour les comprendre de la façon pour laquelle tu te sens préparé".
> Imaginer Confucius au bordel, c'est comme imaginer
> le Pape en train de se branler...
Berk, c'est dégueulasse, la vie privée du pape ne m'intéresse pas trop.
> (Commentaire perso et presto : les musiciens, les poètes, les
> artistes sont comme des petits enfants qui ont besoin qu'on
> les aide avec la plus grande aménité, dans ce bas monde,
> car ils s'occupent des choses du Ciel. Nan, je ne suis pas
> croyant, ni athée.)
"le ciel" ce n'est pas une notion "divine" chez les chinois, c'est plutôt
"l'ordre cosmique", donc l'ordre et aussi l'harmonie, donc ton utilisation
de "le ciel" est assez chinoise.
Ma lecture de ton passage, ce serait d'aller un peu plus loin : l'artiste
n'a pas besoin de conseils sur son travail, ou encore, l'art est la limite
du sage. C'est une vision romantique et européenne mais la vision de l'art
des chinois a longtemps été très proche de celle qui a cours chez nous
depuis quelques siècles.
Le lecteur post-moderne n'est pas pressé, lui : )
> Mon regard fatigué a quand même achoppé
> sur ce paragraphe que tu me pardonneras de targuer d'élucubration de
> la pire espèce.
Tant que tu m'apportes quelques arguments et que j'ai le sentiment de
pouvoir construire dessus -- ou même détruire (mes échafaudages) --, je ne
serais qu'un grand merci plein de reconnaissance sincère envers toi. Pour le
reste, tu peux targuer tout ce que tu veux. Mais si on arrive a rester
en-deçà de l'acrimonie, c'est mieux.
> Tu es tout à fait autorisé à appréhender l'art à ta façon, et à zapper
> sans réfléchir (même si au vu de ta tendance à la glose et la
> péroraison, ça m'étonne un peu) devant la moindre chose d'apparence
> absconse.
Ce n'est pas l'absconsité en soi qui me rebute, c'est le cryptage
gratuit, l'absconsité volontaire.
> Mais de là à ériger cet obscurantisme rétrograde en précepte, c'est un
> peu fort, nom d'un camembert ! Qu'est-ce qui te rend apte à juger de
> ce qu'est ou n'est pas le boulot (au sens mission) d'un artiste ?
Tu me demandes ce qui m'autorise à juger une oeuvre, un artiste ou un
courant ? Mais, ni rien ni personne, palsambleu ! Pour quelle raison
faudrait-il présenter patte blanche ? Est-ce que, par rapport à moi, Picasso
ou Jack Lang sont plus « apte à juger » ce qui est ou non le boulot d'un
artiste ? Je ne vois pas pourquoi il faudrait être dans telle ou telle
position par rapport à l'art pour en juger. Ça revient à la question de la
source de la connaissance. Réponse : il n'y a pas de source ultime de la
connaissance. Seule la critique et le constat de l'erreur peuvent infirmer
une connaissance. Ta question n'est pas pertinente.
Tu pourrais, dans le cas d'une affirmation de ma part telle que « les
musiciens contemporains bidouillent des ordis parce qu'ils n'ont pas
d'inspiration », me demander si j'ai quelqu'expérience de la chose. Et je te
répondrais [OUI], en l'eau-cul-rance. Sur l'artemporain coté visuel, j'avoue
ne pas connaître tellement plus que ce qu'on peut voir à la télé (Buren),
voir dans les musées ou entendre à la radio France-culcul.
> D'une phrase, tu balayes des vies entières passées à réfléchir, un
> vrai petit génocide, tu nous fais, là !
Allons allons, ne glissons pas vers les mots fâcheux...
> Je n'ai pas vraiment envie d'essayer de rentrer dans les détails de ce
> que signifie produire de l'art aujourd'hui, d'abord parce que ça
> prendrait trop de temps, et ensuite parce que c'est de toute évidence
> tautologique, ça ne peut vraiment s'appliquer qu'à soi-même.
Ma question profonde reste celle-ci : l'art vraiment art peut-il se
détacher du beau ? comment puis-je dire que je trouve que tel machin est une
oeuvre d'art si je ne le trouve pas beau ? (Je reprécise que pour moi, le
beau peut se trouver dans une crotte de chien en gros plan autant que dans
un Boticelli, ou même un Botéro.)
> Mais, pour aller vite, même si l'intuition existe, ainsi probablement
> qu'une bonne part de mystique (ça doit être la même chose, en fait),
> ce n'est pas non plus toute l'histoire (the whole story).
En effet, il y a aussi beaucoup d' « artisanat ».
> Un exemple simple : imagine une oeuvre, de la peinture (donc quelque
> chose d'un abord simple, le regard est déjà éduqué), qui semble
> totalement dénuée d'intérêt, une sorte d'aplat gris.
Quelque chose de « fade » ?
Ça tombe bien : je suis en train de lire « L'Éloge de la fadeur », par
François Jullien, le philosopho-sinologue.
> La plupart des
> spectateurs passent devant presque en courant, ils vont voir d'autres
> choses qui attirent plus leur regard de consommateur.
Oui, c'est en effet un peu con de courir voir les « grands noms » ou les
truc rose vif. N'empêche : si ton tableau « fade » n'est pas pour autant
uniforme, s'il contient des formes et des traits, il y a toutes les chances
pour que je le regarde avec intérêt. Surtout si tout ceux qui l'entourent
sont des gribouillis fluos et qu'il fait contraste.
> Et puis quelques
> uns prennent le temps d'écouter ou de lire l'histoire de ces toiles.
> Comment elles sont fabriquées, pourquoi, etc.
Tout ceci (livrets explicatifs, histoire) est très intéressant, mais
c'est -- du point de vue de l'art -- tout à fait anecdotique. La seule chose
qui (m')importe, c'est les formes et les couleurs, l'aspect brut et physique
(pour un tableau, j'entends).
> Et ils n'en reviennent
> pas. Il y a un niveau où ces toiles visuellement pauvres deviennent
> terribles, prennent une dimension homérique.
> En sortant de l'expo, seules ces toiles leur restent en tête. Des
> années plus tard, bien qu'ils n'aient jamais revu la moindre toile du
> même artiste, ils y pensent encore, fréquemment, avec des frissons.
> Ils seraient, par contre, bien incapables de citer ne serait-ce qu'un
> nom parmi les autres exposants (tout comme ceux qui sont passés devant
> sans s'arrêter, d'ailleurs).
Petite sentence fleurie de la fin de l'après-midi : « Le nom de
l'artiste ? Mais on s'en fout, bordel à queue ! »
> Maintenant une question simple : qui est l'artiste ? où est l'art ?
: ))
« Question simple », dis-tu !
Si elle est si simple, je réponds simplement, au raz des paquerettes :
l'art est une production de l'homme qui est belle, l'artiste est celui qui
est au service de l'art.
--
VII.12. Le Maître dit : « S'il existait une méthode honnête pour devenir
riche, au besoin je me ferais bien palefrenier. Mais comme pareille méthode
n'existe pas, autant suivre mes propres inclinations. »
> Tant que tu m'apportes quelques arguments et que j'ai le sentiment de
> pouvoir construire dessus -- ou même détruire (mes échafaudages) --, je ne
> serais qu'un grand merci plein de reconnaissance sincère envers toi. Pour le
> reste, tu peux targuer tout ce que tu veux. Mais si on arrive a rester
> en-deçà de l'acrimonie, c'est mieux.
Ça va, il n'y a pas trop de risque... :-) Même si ta façon de découper
les posts en rondelles pour y répondre par petits bouts n'est pas facile
à suivre, et te fait généralement partir dans cinquante directions à la
fois. Ça doit être une technique ninja d'attaque jésuite...
> Ce n'est pas l'absconsité en soi qui me rebute, c'est le cryptage
> gratuit, l'absconsité volontaire.
Si tu parles du discours [d'une partie] de la critique, évidemment c'est
une autre histoire.
> Est-ce que, par rapport à moi, Picasso ou Jack Lang sont plus « apte à
> juger » ce qui est ou non le boulot d'un artiste ?
Ça m'embête d'être celui qui t'annonce ça, mais : oui.
> Je ne vois pas pourquoi il faudrait être dans telle ou telle
> position par rapport à l'art pour en juger. Ça revient à la question de la
> source de la connaissance. Réponse : il n'y a pas de source ultime de la
> connaissance. Seule la critique et le constat de l'erreur peuvent infirmer
> une connaissance. Ta question n'est pas pertinente.
Atchoum. Rien compris. Super Jean-No, au secours !?
> Ma question profonde reste celle-ci : l'art vraiment art peut-il se
> détacher du beau ? comment puis-je dire que je trouve que tel machin est une
> oeuvre d'art si je ne le trouve pas beau ? (Je reprécise que pour moi, le
> beau peut se trouver dans une crotte de chien en gros plan autant que dans
> un Boticelli, ou même un Botéro.)
Tu devrais faire attention avant de proférer des insanités comme
"Boté...(non je peux pas)", j'ai failli vomir sur mon clavier.
Blague à part, je soupçonne que cette interrogation n'est pas vraiment
sincère, qu'en fait, ce qui t'intéresse vraiment, c'est plutôt la
rhétorique. Mais pour y répondre quand même, je crois que c'est le
contraire : ce n'est pas la notion d'art qui est sous-jacente de la
notion de beauté mais bien l'inverse : tout ce qu'on trouve être de
l'art devient beau (àmha et tout, SGDG, et avec les réserves d'usage)
> > Et puis quelques
> > uns prennent le temps d'écouter ou de lire l'histoire de ces toiles.
> > Comment elles sont fabriquées, pourquoi, etc.
>
> Tout ceci (livrets explicatifs, histoire) est très intéressant, mais
> c'est -- du point de vue de l'art -- tout à fait anecdotique. La seule chose
> qui (m')importe, c'est les formes et les couleurs, l'aspect brut et physique
> (pour un tableau, j'entends).
Ici, ce qui est important, c'est ton (m'). C'est *ta* façon de voir les
choses. Vu de la mienne, elle paraît un poil chétive (pas que je sois
forcément plus haut, mais loin, c'est clair)
> Si elle est si simple, je réponds simplement, au raz des paquerettes :
> l'art est une production de l'homme qui est belle, l'artiste est celui qui
> est au service de l'art.
Tu as collectionné des almanachs Vermot, dans une vie antérieure, non ?
Je vois je vois... On est autoritariste, mmh ?... Est-ce qu'on demande à
celui qui propose ou réfute une théorie mathématique quels diplômes il a
obtenu pour savoir si sa proposition est intéressante et juste ? Est-ce
qu'il faut impérativement avoir fait polytechnique pour trouver un joli
théorème ? Non, on regarde ce qu'il propose et c'est là qu'on voit si c'est
intéressant. Bien sûr, avoir fait polytechnique peut conduire à ça, mais le
jugement critique lui-même sur la proposition du type ne peut pas tenir
compte des diplômes. Pour moi, en art, c'est assez similaire : l'avis d'un
benêt sur tel tableau m'intéresse *à priori* autant que celui d'un grand
ponte de l'art, même s'il se trouve à postériori que l'avis du ponte est
souvent un chouilla-poil plus profond...
>> Je ne vois pas pourquoi il faudrait être dans telle ou telle
>> position par rapport à l'art pour en juger. Ça revient à la question
>> de la source de la connaissance. Réponse : il n'y a pas de source
>> ultime de la connaissance. Seule la critique et le constat de
>> l'erreur peuvent infirmer une connaissance. Ta question n'est pas
>> pertinente.
>
> Atchoum. Rien compris.
C'est ce que j'essaie d'expliquer avec l'analogie ci-dessus.
> Super Jean-No, au secours !?
>
>> Ma question profonde reste celle-ci : l'art vraiment art peut-il
>> se détacher du beau ? comment puis-je dire que je trouve que tel
>> machin est une oeuvre d'art si je ne le trouve pas beau ? (Je
>> reprécise que pour moi, le beau peut se trouver dans une crotte de
>> chien en gros plan autant que dans un Boticelli, ou même un Botéro.)
>
> Tu devrais faire attention avant de proférer des insanités comme
> "Boté...(non je peux pas)", j'ai failli vomir sur mon clavier.
C'était fait exprès : les toiles de Botéro me font penser à des étrons
de chiens. Enfin presque... Je m'entends... En revanche, j'aime bien
le Douanier Rousseau...
> Blague à part, je soupçonne que cette interrogation n'est pas vraiment
> sincère, qu'en fait, ce qui t'intéresse vraiment, c'est plutôt la
> rhétorique.
La discussion m'intéresse, point ne le nié-je, ainsi que les fioritures
de langage. Mais j'explique justement que tout discours me paraît superflu
devant une oeuvre d'art. Je crois que la relation créée est d'un autre
ordre, plus profond, non linéaire, infra-logos. D'où la « mystique », le
coté « foi » dans l'art. En musique, c'est assez facile à déceler. Tu peux
être complêtement « pris » par un morceau de Schubert. La musique prend
quasiment le contrôle de ton cerveau. Tu oublies tout, les notes, l'histoire
de l'auteur, jusqu'à son nom, jusqu'à la musique même. Quel discours
y-a-t-il là ? Est-ce que Schubert dit quelque chose ? Dans quelques cas, la
musique peut vaguement « dire » un sentiment (patriotique, guerrier, joyeux,
malheureux, etc.) mais, franchement, ça me semble anecdotique. On peut
eventuellement dire que la musique te « parle » sans mots, mais c'est une
métaphore, une oxymore, un tour de langue qui donne trop de place à une
personnalisation du rapport avec l'oeuvre. Pour moi, une oeuvre d'art peut
n'avoir pas d'auteur précis, ce n'est pas l'essentiel.
> Mais pour y répondre quand même, je crois que c'est le
> contraire : ce n'est pas la notion d'art qui est sous-jacente de la
> notion de beauté mais bien l'inverse : tout ce qu'on trouve être de
> l'art devient beau (àmha et tout, SGDG, et avec les réserves d'usage)
Moui... c'est un peu facile d'inverser... pas sûr que ça permetter d'y
voir plus clair.
>>> Et puis quelques
>>> uns prennent le temps d'écouter ou de lire l'histoire de ces toiles.
>>> Comment elles sont fabriquées, pourquoi, etc.
>>
>> Tout ceci (livrets explicatifs, histoire) est très intéressant,
>> mais c'est -- du point de vue de l'art -- tout à fait anecdotique.
>> La seule chose qui (m')importe, c'est les formes et les couleurs,
>> l'aspect brut et physique (pour un tableau, j'entends).
>
> Ici, ce qui est important, c'est ton (m'). C'est *ta* façon de voir
> les choses.
Ah bin ça, c'est normal que ce soit mon point de vue. J'essaye seulement
d'échanger des points de vue, par exemple pour voir jusqu'où je peux aller
dans ma direction et quand je trouve la limite où je tombe dans
l'invraisemblable.
> Vu de la mienne, elle paraît un poil chétive (pas que je
> sois forcément plus haut, mais loin, c'est clair)
>
>> Si elle est si simple, je réponds simplement, au raz des
>> paquerettes : l'art est une production de l'homme qui est belle,
>> l'artiste est celui qui est au service de l'art.
>
> Tu as collectionné des almanachs Vermot, dans une vie antérieure, non
> ?
Question simple = réponse simple, non ?
--
VII.24. Le Maître dit : « Mes amis, vous croyez que je vous cache quelque
chose ? Je ne vous cache rien. Tout ce que je fais, je vous le montre. Je
suis comme ça. »
> VII.24. Le Maître dit : « Mes amis, vous croyez que je vous
> cache quelque chose ? Je ne vous cache rien. Tout ce que
> je fais, je vous le montre. Je suis comme ça. »
je connais un artiste-performer qui fait caca devant tout le monde et qui
dit pareil.
> VII.12. Le Maître dit : « S'il existait une méthode honnête
> pour devenir riche, au besoin je me ferais bien palefrenier.
> Mais comme pareille méthode n'existe pas, autant suivre
> mes propres inclinations. »
"j'aimerais bien réussir dans la vie sans arnaquer personne mais comme y'a
pas moyen, que c'est pas tellement dans ma nature, et qu'il faut bien
manger..."
Oui, selon un fil de plastique coloré.
> mais que fait-on si cette chose varie pendant le discours ? Que fait-
> on d'un discours qui mélange plusieurs propos contradictoires ?
Un scoubidou.
> (le discours de Raffarin à l'assemblée, c'était bien
> un discours non ?)
Oui, un scoubidou mal tressé.
[...]
>> le langage s'inscrit dans un discours linéaire,
>> une nature morte ne tient pas un discours linéaire,
>> or c'est une oeuvre d'art, donc l'art n'est pas à proprement
>> parler un langage, cqfd.
>
> c'est naze comme démonstration dis donc.
> Tu affirmes :
> - le langage (L) est un discours (D) linéaire
> - une nature (N) morte ne tient pas un discours (D) linéaire
> - une nature (N) morte est de l'art (A) (bon... )
> - donc l'art (A) n'est pas un langage (L)
> je reprends :
> - tout ce qui est L est D
> - un N n'est pas un D
> - un N fait partie de l'A
> - donc l'A ne peut être L
> exemple :
> - un quadrupède a quatre pattes
> - un homme n'a pas quatre pattes
> - les hommes sont des animaux
> - les animaux ne sont jamais quadrupèdes
Je vois que tu aimes autant que moi les pinailleries : )
Mais une petit erreur s'est glissée dans ta formalisation. Je vais faire
simple :
L = D
N <> D
N = A
Donc A <> L
Autrement dit, si tout art était un langage, toute oeuvre d'art serait
un discours, ce qui est faux puisqu'une nature morte n'est pas un discours.
Mais foin de balivernes, rien de tout ça n'a de sens puisque la
formalisation s'applique aux énoncés scientifiques. Or on parle
d'art. Tu devrais plutôt m'opposer que la nature morte est une
exception à la règle qui serait que l'art est, en général, un langage.
Seulement, le problème, c'est que je crois (mais c'est discutable) que la
nature morte est ce qui peut, dans sa gratuité même, nous faire toucher au
plus près ce qu'est l'art. Un peu comme l'art chinois, dans lequel j'ai cru
comprendre qu'on pouvait voir un effacement de l'auteur devant l'oeuvre, en
usant des thèmes traditionnels. Le peintre qui pose son bambou
journalier exactement comme l'ont fait ses augustes prédécesseurs me semble
plus proche de l'essence du lard que le type qui cherche à faire du neuf par
tous les moyens. Le nouveau ne me gêne pas en soi, c'est le volontarisme en
la matière que je trouve un peu stérile.
> ... hum... Je n'appelle pas ça une démonstration valable, ça ne le
> serait pas même si tes termes n'étaient pas flous et sujets à caution.
> A présent, la nature morte, je te l'ai déjà dit mais tu t'en fiches,
Mais non. Sinon je ne répondrais pas.
> c'est un genre relativement bavard, au 17e siècle une nature morte
> avait forcément un sens idéologique fort : une corde de guitare
> cassée exprimait clairement (ce n'est pas une interprétation
> psychanalytique) la brieveté de la vie. Un dé montrait la conscience
> qu'il convenait d'avoir en les aléas de la vie... Un fruit, une
> fleur, pouvaient vouloir dire que malgré l'éphèmèreté de la vie et
> des plaisirs, il ne fallait pas les refuser, carpe diem... Et quand
> les flamands (catholiques) peignaient de la nouriture en abondance
> c'était sans doute bien pour dire aux hollandais (protestants,
> iconoclastes et austères) ce qu'ils pensaient du refus du plaisir (le
> sens est le même que dans le film "le festin de babette" ou dans "le
> chocolat").
Tout ça est très instructif. Si si. J'apprends des choses. Mais, buté
que je suis, je réitère : toutes ces connaissances sont-elles nécessaires
pour « goûter » l'art, pour aimer sincèrement telle toile ?
> Aujourd'hui, nous ne comprenons plus bien ces choses et
> nous prenons ces tableaux comme des expressions sans pensée, sans
> discours : les temps ont changé, c'est bien normal, et alors ? Cela
> change-t-il les intentions de l'artiste ?
Je ne sais quoi répondre...
>> Si je regarde un tableau, si j'écoute une musique, je ne me
>> demande pas « qu'est-ce l'auteur veut dire ? »
>
> mais ça c'est très bien, mais c'est ton histoire mec, parce que si
> l'auteur a lui cherché à dire quelque chose, ce fait reste vrai que
> tu le veuilles ou non.
Certes. Ai-je nié qu'il arrivait aux artistes de vouloir dire quelque
chose ? J'avance seulement que là n'est pas l'essentiel. L'essentiel me
semble plus dans le « comment ».
> On dit que la musique n'exprime rien par
> exemple, eh bien j'ai un copain qui est mort de rire en écoutant la
> techno d'Aphex Twin
C'est vrai que c'est assez hilarant. J'adore ce que fait ce type... Et
c'est une musique qu'on peut faire écouter à presque n'importe quelle type
de zicosse (du rap au baroque), il l'écoutera avec intérêt. (J'ai testé pour
vous.)
> : alors que je prends la musique que j'entends au
> premier degré, lui y entend des références et des citations comiques
> d'artistes sensés être ringards pour les amateurs de techno.
Oui, et c'est toi qui est le plus « près » de la musique. Connaître les
citations, c'est seulement un « plus », pour la seconde écoute. Si le disque
ne pouvait pas être écouté et apprécié sans cette connaissance préalable, ce
serait pour moi très dommage.
> Or en me
> faisant expliquer les dits morceaux, j'admets que, effectivement, on
> reconnaît des pastiches de ceci ou de cela, impossibles à entendre en
> première écoute pour le non-spécialiste que je suis, et globalement
> pas très parlants. Pourtant il est manifeste que l'intention de
> l'artiste était bien là où l'ami en question l'entendait. Est-ce
> qu'en passant à côté d'un discours pas évident je me plantais ? Non,
> parce que c'est le problème de l'artiste : s'il veut réellement et
> précisément dire quelque chose, il faut qu'il le fasse de façon
> claire.
Là on est d'accord, il me semble.
> Pourtant l'intention existe, pourquoi la nier ? Pourquoi
> refuser son existence ?
Je ne la nie pas. Je pense qu'elle est accessoire, du point de vue de
l'oeuvre et de son récepteur. Il faut probablement à beaucoup d'artistes une
telle intention pour le mettre en branle et le pousser à créer, c'est donc
utile dans ce sens-là. Mais pas nécessaire. Je crois à l'existence d'art
sans intention, sans discours. Il me semble que c'est ce que je préfère,
dans l'art. (Qui est ici tellement cerné qu'il devient presque opposé à la
littérature, à Proust.)
>> Devant une sonate, j'écoute. Point. (Si je me demande
>> ce que l'auteur a voulu dire, c'est que je me fais chier, au fond.)
>
> et derrière une sonate, tu fais quoi ? Et une musique soutenue par un
> livret précis, héroïque, pathétique, tu en fais quoi ? Et la chanson,
> qui mèle littérature et expression musicale, tu supposes que les deux
> parties ne vont pas ensemble, que ces associations sont le fruit du
> hasard, toujours ?
Un exemple que je trouve assez probant, pour la chanson, c'est le disque
Front Populaire de chez Frémeaux & associés. Que des vieilles gravure bien
craquante. Eh bien, il semble que les plus belles chansons de cette époque
ne pas sont les plus « engagées », mais celle qui chantaient les petits
hôtels, les amourettes en banlieue et les congés payés.
Ah les vieilles plaques... c'est mon péché mignon...
cf. http://gbog.free.fr/Musiques/Quebec/index.htm
http://gbog.free.fr/Musiques/Quebec/p10_Le_cotillon_blanc.htm
est marrante, chtrouve. (faut cliquer sur le nom du fichier .mp3)
Mais la plus belle, c'est une antiquité :
http://gbog.free.fr/Musiques/Quebec/p04_A_la_claire_fontaine.htm
> Tu n'es pas tenu de comprendre ce qui est mal dit,
> mais si une certaine émotion nait chez tous les auditeurs au même
> moment, c'est bien qu'il y a quelque chose qui a été exprimé.
>
>> Ouaouh ! Je suis post-moderne, moi ? C'est trop me flatter...
>
> Il y a la théorie post-moderne (Lyotard, etc.) qui est une chose, et
> il y a le fait postmoderne (venu de l'architecture d'abord) qui est
> de considérer l'idéologie du modernisme comme une notion démodée,
> périmée, naïve, ou que sais-je, et ça on est en plein dedans.
Ouaip.
>> [Je coupe quelque mots un peu aigres.]
>
>> Mais, dans le domaine de l'art, je crois qu'aucune véritable
>> innovation puisse être considérée comme un progrès.
>
> l'idéologie moderne prétend(ait) que le progrès était la valeur
> sacrée de l'histoire de l'art. C'était une erreur, sans doute, la
> course au plus haut, plus fort, aboutit à atteindre ses limites et
> une fois arrivé là on n'a rien gagné de précis.
Dans mes bras ! J'encadre. C'est bien une erreur moderne.
> Pour autant, faut-il
> refuser la progression des arts ? Est-ce gênant de se débarasser de
> son chevalet pour acheter un Macintosh ?
Non. Mais, si on croit que ça va donner de l'inspiration...
> Mozart a-t-il trahi ses
> maîtres en se mettant au piano forte ? Masaccio a-t-il eu tort de
> vouloir amener l'art vers une forme d'illusion optique/spatiale ?
> Vermeer a-t-il déconné de travailler avec une chambre noire ? Un
> photographe va-t-il trop loin en se disant artiste ?
Non, pas forcément.
> Les différents
> "progrès" ne tendent pas vers un but, ils se complètent, ils
> permettent aux artistes de toujours inventer, d'oser,...
Oui mais le progrès se fait « sans eux », si tu veux. Il n'ont qu'à
suivre le mouvement, ne pas se positionner en fonction (devant ou derrière)
ce que tu appelles "progrès", qui n'est qu'un courant évolutif de techniques
qui vont et viennent. De même qu'il ne peut pas y avoir, au fond, d'« art
des masses » (car la notion de masse est sociale), il ne peut pas y avoir,
selon moi, d'« art progressiste », ou d'« avant-garde » (dans le sens
volontariste). Se vouloir d'avant-garde, c'est une aberration. On peut se
trouver « par hasard » dans l'avant-garde, mais ce n'est pas vraiment
important. De même, un artiste peut être ultra-réac, c'est con de sa part,
mais c'est indifférent du point de vue de l'art.
>> Je remets le passage : [...]
>
> tu n'as pas peur de faire long et chiant hein...
Plus c'est long plus c'est bon, non ?
> Je te reprenais sur l'affirmation qu'un rythme n'est pas
> quelque chose de visuel, enfin laisse tomber.
C'était sans doute mal formulé. J'ai oublié de préciser « rythme
*musical* » et tu m'as coincé. Pour moi, le sens habituel de ce mot est
musical et je précise dans les cas contraires.
>> Je ne crois pas que mon oeil est neuf, je crois que ça ne
>> m'intéresse pas, en tant que récepteur d'art, qu'on
>> m'explique mon oeil. Si je ne comprends pas tel tableau,
>> je regarde un autre, il y en tellement...
>
> très bien, mais est-ce que ce voeu que tu fais pour toi-même doit
> servir de définition à l'art ? Certains artistes font des oeuvres qui
> demandent des efforts au spectateur. Peut-être que c'est dommage, que
> ça ne marche pas bien, mais ça, c'est le problème de l'artiste, pas
> le problème de la définition de l'art.
> Quand je disais que tu étais naïf de penser que ton oeuil est "neuf",
> ce n'est pas pour défendre un art qui demande un mode d'emploi, en
> fait. Vas donc voir cette image :
> http://www.hyperbate.com/images/perception.jpg
Oui, c'est marrant. Les africains voient un colis et les autres une
fenêtre, c'est ça ? C'est censé démontrer que tout ce qui est visuel est
déterminé par la culture ? Si je montre une svatiska, ça sera pareil...
> elle est intéressante, elle fait partie d'un livre de A.Delorme nommé
> "la psychologie de la perception" : lorsque cette image est montré à
> un européen, il ne voit pas la même chose que lorsqu'elle est montrée
> à un africain (à des pourcentages en tout cas sans ambiguïté), parce
> que la perception qui est faite d'une image dépend de la culture de
> cette personne. Il ne s'agit pas ici d'optique mais bien
> d'interprétation culturelle, la lecture d'une image n'est jamais une
> action neutre, universellement partagée.
Je parie que si tu montres une femme souriant à son nourisson, tu crées
une émotion universellement comprise et partagée. N'y a p'têt pas beaucoup
d'universaux comme ça, mais je crois qu'y en a.
> Est-ce que de savoir ça est génant ? Savoir que l'on aime une
> personne pour des raisons de compatibilité olfactive-hormonale ou que
> l'on aime une couleur parce que ceci ou cela déflore-t-il le plaisir
> de vivre ça simplement ?
Non, ça ne me gêne pas des masses. Mais je ne vois pas bien le rapport.
C'est que tout est « signe », c'est ça ? Et « signe culturel », donc ? Donc
tout oeuvre d'art est un grouillement de signaux culturels qu'on pourrait
voir comme un langage ? Ça, c'est l'option sémiotico-trucbidule. Moi je veux
bien, mais alors ça annule tout l'art abstrait, non ? Et puis même, ça
revient à dire que ce dont je jouis devant une oeuvre d'art, c'est de ce
grouillement de sens. Or moi je prétends jouïr des formes, avant tout des
formes. La musique est surtout ça : des formes, des dessins dans l'espace
harmonique, des motifs. Quel sens y-a-t-il de caché dans dosolmido ?
Regardons un Kandinsky http://minilien.com/?9aZHRtN1hY
Supposons que je le trouve beau. Est-ce parce que j'y vois un soleil qui
symbolise le père ? Une pyramide qui symbolise le savoir ? Une lame de
couteau qui me coupe le coeur en deux ? Un triangle rectangle qui me
rappelle les cours de terminale ? Non, je ne crois pas. C'est seulement
l'harmonie des formes et des couleurs disposées qui peut m'y faire adhérer.
Là dessus, regardons des chinoiseries :
http://www.oac.cdlib.org/dynaweb/ead/bampfa/chinese_ead/ (cliquer sur
"collection content")
Il me semble que je peux trouver n'importe lequel de ces rouleau fort
beau. En particulier celui-là : http://minilien.com/?oKsvqO29Aq C'est
forcément mieux en vrai, en plus. Si je trouve que c'est « de l'art », je
mens ? Comment pourrais-je aimer ça puisque je n'ai aucun repère culturel ?
C'est ma question : si l'art est langage, donc un scoubidou de signes
culturels, comment pourrais-je aimer un totem du Bénin, un raga indien, un
paysage chinois ?
Bon, j'ai lu le reste avec intérêt. Je coupe, sinon ça va dépasser les
dix tonnes d'octets.
--
VII.27. Le Maître pêchait à la ligne, mais pas au filet. À la chasse, il ne
tirait jamais un oiseau qui s'était posé.
(Le sage est rempli de sollicitude pour les oiseaux posés, mais les dégomme
avec joie quand ils s'envolent, pour les dévorer ensuite à belles dents...)
Scuze, je ne peux pas être au four et au moulin. Vu qu'on parle à coté
de ce qu'on peut appeler l'« essence de l'art », je ne veux pas doublonner.
Je voudrais préciser plutôt le coté économique.
Le savoir doit être gratuit. Droits d'auteur et brevets ne devraient
porter que sur l'apposition du nom, et ne conduire à aucune prétention en
numéraire. Si j'ai fait un bô morceau de musique, si j'ai eu une idée
géniale, je suis HYPER content que des gens viennent se servir et je les
paierais presque pour qu'ils utilisent et fassent fructifier ce que j'ai
créé. La seule basse prétention que je me permette est de souhaiter un peu
de renommée. La distribution pour zéro euro de ma création est ce que je
peux souhaiter de mieux pour le destinataire et pour moi. Pourquoi les idées
auraient-elle un prix ? Sont-elles « rares » ? Ne sont-elles pas
indéfiniment duplicables sans frais ? La propriété intellectuelle devrait
être nue, dépatrimonialisée, portant seulement sur le droit à l'imputation
de l'oeuvre.
Voilà en gros l'« utopie » d'Onc Bernard, si j'ai bien compris. Tu
achoppes sur le mot « gratuité », et je connais les argument du type fameux
de la FSF dont j'ai paumé le nom. Lui est encore dans une optique de survie
où le freeware doit s'imposer en s'accrochant à l'économie classique. On
peut donc vendre Linux, en gros. Mais, à terme, ce qu'il faudrait c'est ne
pas vendre ce qui n'est pas rare, donc tout ce qui est « propriété
intellectuelle ». Je sais bien que c'est ambitieux, mais faut c' qu'y
faut...
Je réponds à deux trois trucs au passage :
...
>> Là, j'ai rien compris, mais alors rien :)
>
> Qu'est-ce que j'ai bien pu vouloir dire? Sans doute que je me suis mal
> exprimé alors.
>
> M'enfin, je n'ai pas toujours l'envie d'être très clair,
C'est pas très sympa pour le lecteur... C'est presque un devoir moral,
de faire le plus clair qu'on peut. C'est pas toujours possible, mais c'est
quand même un souci qu'on ne peut pas perdre de vue, sauf à riper en mode
poétique ou en écriture automatique. (Tu me diras, ça peut m'arriver aussi.)
...
>> Ouaip. Mais l'essentiel est que ça coûte zéro-z-euro. C'est ça
>> qui permet d'entrevoir une utopie collective qui peut nous sortir du
>> vilain capitalisme hégémoniqueTM.
>
> Non, car c'est croire que nous pouvons l'atteindre frontalement,
> radicalement, tabula-rasament.
C'est vrai. Mais une utopie est toujours un horizon. Faut vérifier qu'il
n'y a pas de gouffre entre l'horizon et nous, c'est sûr, mais je pense qu'on
ne peut pas se passer d'horizon utopique. À la fois l'utopie et l'idéologie
sont très dangereuses, à la fois elles sont très nécessaires à la société
(pour qu'elle tienne debout et qu'elle avance).
Et y a aussi le mp3, qui n'est pas une utopie et qui peut faire changer
beaucoup les choses. Ça peut aussi rien changer, mais je serais surpris. La
gratuité de la propriété intellectuelle, c'est par là qu'elle peut
s'engouffrer. La technique des réseaux risque de rendre tout contrôle
impossible, à moins d'instaurer une sorte de douane dans les tuyaux, et
d'imposer par décret un système d'exploitation contrôlé par l'État.
Heureusement, grâce aux Ricains, on n'ira pas à priori dans cette direction.
Donc, je prédis l'effondrement de l'industrie musicale sur elle-même pour
bientôt. 40 % de cédé sont des pirates en Espagne, je crois... La
marchandisation de la culture peut d'ores et déjà numéroter ses abattis...
--
VII.30. Le Maître dit : « La vertu suprême est-elle vraiment inaccessible ?
Je désire la vertu suprême -- et la vertu suprême est là. »
> >> Est-ce que, par rapport à moi, Picasso ou Jack Lang sont plus « apte
> >> à juger » ce qui est ou non le boulot d'un artiste ?
> >
> > Ça m'embête d'être celui qui t'annonce ça, mais : oui.
>
> Je vois je vois... On est autoritariste, mmh ?... Est-ce qu'on demande à
> celui qui propose ou réfute une théorie mathématique quels diplômes il a
> obtenu pour savoir si sa proposition est intéressante et juste ?
Hé bien, encore oui, hein. Le monde est ainsi fait que les gens se
méfient naturellement de l'inconnu. Si tu ne fais pas partie des pairs,
on va plutôt te faire passer pour un illuminé ou pire quand tu vas
avancer ta théorie qui détruit la relativité générale, avant d'essayer
de voir si tes calculs tiennent la route. Les scientifiques sont souvent
assez minables de ce point de vue.
En plus, ça n'aurait rien à voir : je ne parle pas de diplôme, mais
d'expérience et de travail. Je crois que les ossements de Picasso
contiennent encore davantage d'art et de pertinence sur l'art que toi
(ou moi).
Pour les ossements de Jack Lang, je suis moins sûr, quand même. :-)
> La discussion m'intéresse, point ne le nié-je, ainsi que les fioritures
> de langage. Mais j'explique justement que tout discours me paraît superflu
> devant une oeuvre d'art. Je crois que la relation créée est d'un autre
> ordre, plus profond, non linéaire, infra-logos.
Ça, c'est parce que nous sommes sur la frontière entre l'ancien monde et
le nouveau monde. Pour les nouveaux hommes (les mutants), le "nouvel"
art qui ne parle pas aux yeux, ou pas seulement, entre directement en
relation avec le cortex. C'est assez infra-légo aussi comme expérience,
mais au niveau supérieur, t'vois ? Tes [arrières petits] enfants
connaîtront peut-être ça si la lignée n'a pas périclité avant.
> > Mais pour y répondre quand même, je crois que c'est le
> > contraire : ce n'est pas la notion d'art qui est sous-jacente de la
> > notion de beauté mais bien l'inverse : tout ce qu'on trouve être de
> > l'art devient beau (àmha et tout, SGDG, et avec les réserves d'usage)
>
> Moui... c'est un peu facile d'inverser... pas sûr que ça permetter d'y
> voir plus clair.
Il n'est pas question d'être simple ou d'essayer d'y voir clair : c'est
une évidence pour moi.
> Ah bin ça, c'est normal que ce soit mon point de vue. J'essaye seulement
> d'échanger des points de vue, par exemple pour voir jusqu'où je peux aller
> dans ma direction et quand je trouve la limite où je tombe dans
> l'invraisemblable.
Tu peux arrêter, c'est fait. ;-)
--
sholby (littéralement au sot du lit)
http://sholweb.free.fr/
> > Un exemple simple : imagine une oeuvre, de la peinture (donc quelque
> > chose d'un abord simple, le regard est déjà éduqué), qui semble
> > totalement dénuée d'intérêt, une sorte d'aplat gris.
>
> Quelque chose de « fade » ?
>
> Ça tombe bien : je suis en train de lire « L'Éloge de la fadeur », par
> François Jullien, le philosopho-sinologue.
Excellent livre qui te fera mieux comprendre et aimer Opalka ou Ryman et
d'autres encore. Et John Cage.
(à propos de la toile monochrome gris dont parle Jean-Noël, Il y a
l'excellent travail de Lucas L'Hermitte : une toile monochrome gris
faite par petites touches (au pigment) et son double, faite de mémoire
par rapport à la première (hors de la vue pour ce faire) et qui tente
d'en être l'exacte copie conforme) (si on ne sait pas ça, on passe à
côté de cette recherche aussi subtile que profonde et splendide)
--
Antoine Moreau
> Le savoir doit être gratuit.
Je comprends bien ce que tu veux (et ce que tu veux dire) mais le mot
"gratuit" est impropre pour qualifier ce qui est plutôt le libre accés.
Rien n'est gratuit, sauf les actes les plus fous, comme celui,
surréaliste décrit par Breton : "prendre un fusil et tirer au hasard
dans la foue". Nanterre ! Durne ! Guerre ! : voilà la gratuité et qu'on
paie de sang. Ton gratuit coûte aussi : du temps, de l'effort, de
l'attention. Ce n'est pas gratuit. Ce concept de gratuité, comme je ne
cesse d'essayer de te le faire comprendre est un concept marchand. Le
free software n'est pas le freeware. Le libre n'est pas le gratuit. Le
gratuit c'est du post-marketing cool. Une agressivité supplémentaire
dirigée par le néo-libéralisme libertarien. Une avant garde offensive et
qui offre, dans l'actualité de son acte gratuit, de la dope à la
mitraillette et qui accorche le chaland.
> Droits d'auteur et brevets ne devraient porter que sur l'apposition du
> nom, et ne conduire à aucune prétention en numéraire.
Simpliste.
> Si j'ai fait un bô morceau de musique, si j'ai eu une idée géniale, je
> suis HYPER content que des gens viennent se servir et je les paierais
> presque pour qu'ils utilisent et fassent fructifier ce que j'ai créé.
En faisant du gratuit un dogme inconditionnel tu paies beaucoup de ta
personne, un peu comme les puritains protestants iconoclastes et qui par
leur austérité sacrifiaient le plaisir et le sale du matériel (dont
l'argent est la quintessence). La question n'et pas dans gratuit/payant
mais bel et bien, s'il te plait, dans libre et non libre (d'accès, de
jouissance, d'utilisation, etc)
> La seule basse prétention que je me permette est de souhaiter un peu de
> renommée. La distribution pour zéro euro de ma création est ce que je peux
> souhaiter de mieux pour le destinataire et pour moi. Pourquoi les idées
> auraient-elle un prix ?
Ne confondons pas une idée et sa réalisation matérielle. Pas la même
chose. Les idées n'appartiennent à personne en propre, leur réalisation
ont une histoire dans laquelle on retrouve un ensemble d'auteurs (même
si le mythe du créateur a fabriqué "l'auteur original").
> Sont-elles « rares » ? Ne sont-elles pas indéfiniment duplicables sans
> frais ? La propriété intellectuelle devrait être nue, dépatrimonialisée,
> portant seulement sur le droit à l'imputation de l'oeuvre.
Nuances... ce que fait le copyleft est proche de ce que tu veux défendre
(malheureusement maladroitement) avec le "gratuit".
> Voilà en gros l'« utopie » d'Onc Bernard, si j'ai bien compris.
Je suis entièrement d'accord avec ce que vise Onc' Bernard, la nostalgie
communiste en moins. Le gratuit est un idéalisme trompe l'oeil et qui
est incapable de tenir ses promesses tout comme le communisme fut un
idéalisme et qui n'a pas tenu, c'est le moins qu'on puisse dire, ses
promesses. Lire le retour du libre Gide :
http://www.gidiana.net/Comptes_rendus/Presse_URSS/CR_Cremieux_Ret_URSS.h
tml
> Tu achoppes sur le mot « gratuité »,
Et comment!...
> et je connais les argument du type fameux de la FSF dont j'ai paumé le
> nom.
RMS
> Lui est encore dans une optique de survie où le freeware
Erreur! la FSF n'a rien à voir avec le freeware (qui lui est dans
l'illusion de la gratuité).
> doit s'imposer en s'accrochant à l'économie classique. On peut donc vendre
> Linux, en gros. Mais, à terme, ce qu'il faudrait c'est ne pas vendre ce
> qui n'est pas rare, donc tout ce qui est « propriété intellectuelle ». Je
> sais bien que c'est ambitieux, mais faut c' qu'y faut...
Tu n'as pas compris ce qu'était l'économie du libre (version GPL de la
FSF et LAL de Copyleft Attitude (cette dernière ayant encore à faire ses
preuves pour l'aspect financier, faut du temps), qui loin d'être un
pragmatisme à la Open Source, ne verse pas non plus dans l'idéalisme
inconséquent de la gratuité.
> Je réponds à deux trois trucs au passage :
>
> ... >> Là, j'ai rien compris, mais alors rien :) > > Qu'est-ce que
> j'ai bien pu vouloir dire? Sans doute que je me suis mal > exprimé alors.
> > > M'enfin, je n'ai pas toujours l'envie d'être très clair,
>
> C'est pas très sympa pour le lecteur...
Le lecteur est plus clair que moi, souvent. C'est lui qui me permet
d'écrire à nouveau. Si j'écrivais clairement de fait, qu'aurais-je
besoin d'écrire encore? Et la mienne de clarté n'est pas la même que le
lecteur (toi et tout le monde).
> C'est presque un devoir moral, de faire le plus clair qu'on peut.
Je fais de mon mieux et je fais aussi de mon mieux pour ne pas obeir à
ce désir absolu de clarté et de transparence. De l'ombre, de l'ombre
pour se protéger des Lumières aveuglantes et cuisantes!
> >> Ouaip. Mais l'essentiel est que ça coûte zéro-z-euro. C'est ça qui
> >> permet d'entrevoir une utopie collective qui peut nous sortir du vilain
> >> capitalisme hégémoniqueTM.
> >
> > Non, car c'est croire que nous pouvons l'atteindre frontalement,
> > radicalement, tabula-rasament.
>
> C'est vrai. Mais une utopie est toujours un horizon. Faut vérifier
> qu'il n'y a pas de gouffre entre l'horizon et nous, c'est sûr, mais je
> pense qu'on ne peut pas se passer d'horizon utopique. À la fois l'utopie
> et l'idéologie sont très dangereuses, à la fois elles sont très
> nécessaires à la société (pour qu'elle tienne debout et qu'elle avance).
Utopie... Là encore. Nulle utopie! Nulle part... Non non, L'accès libre
est un topos, un lieu à dégager entre nous et tout de suite, c'est réel.
C'est réel quand tout nous fait nous appliquer à la réalité, au réalisme
capitalisme contemporain. Peinture d'époque pompeuse et pauvre en art.
Vois celle du réalisme socialiste : nos images contemporaines, pour
beaucoup de celles qui nous sont balancées, sont du même ordre.
Propagande! Faux! Instruments de domination!
> Et y a aussi le mp3, qui n'est pas une utopie et qui peut faire
> changer beaucoup les choses. Ça peut aussi rien changer, mais je serais
> surpris. La gratuité de la propriété intellectuelle, c'est par là qu'elle
> peut s'engouffrer. La technique des réseaux risque de rendre tout contrôle
> impossible, à moins d'instaurer une sorte de douane dans les tuyaux, et
> d'imposer par décret un système d'exploitation contrôlé par l'État.
> Heureusement, grâce aux Ricains, on n'ira pas à priori dans cette
> direction. Donc, je prédis l'effondrement de l'industrie musicale sur
> elle-même pour bientôt. 40 % de cédé sont des pirates en Espagne, je
> crois... La marchandisation de la culture peut d'ores et déjà numéroter
> ses abattis...
Je cite le très documenté et très bien torché livre d'Ariel Kyrou
"Techno Rebelle" et qui vient de sortir ( site aussi :
http://www.technorebelle.net )
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1787-2002. Éloge du pillage Du sampling comme un jeu ou un acte
artistique
1990. Un cocorico engage la danse. Une voix de prof, détournée en un
clin d'oeil aux fêtes pirates : " Le son traditionnel des étés anglais
"... Un avion s'envole. Une question tombe : " Comment était le ciel
lorsque vous étiez jeune ? ". Tandis que sonne l'harmonica d'"Il était
une fois dans l'Ouest", piqué sans l'aval d'Ennio Morricone, Rickie Lee
Jones répond de sa voix de déesse, elle aussi dérobée à quelque
interview radio... Et la chanteuse de jazz de raconter les nuages
duveteux
de l'Arizona de son enfance. Un synthé à la Tangerine Dream bouillonne
de plaisir à ces précieuses paroles répétées à foison, le groove se
complète d'un roulement de percussions. Après cette folle minute de
natures évoquées et de bribes transcendées, The Orb lance la ritournelle
de "Little Fluffy Clouds", squelette de sucrerie rythmique à la guitare
trafiquée, volé cette fois au "Electric Counterpoint" de Steve Reich...
Entre ambient bariolé, house sophistiquée et dub pour orgie planante,
"Little Fluffy Clouds" devient un hymne de fins de rave. Carton
planétaire. Au détour de la question d'un journaliste, Steve Reich
découvre qu'il a été piraté par The Orb. Le grand compositeur de musique
minimaliste défend le principe du droit d'auteur. Mais là, il ne sait
que faire. Il en parle à son label, Elektra Nonesuch, et renonce à
poursuivre en justice ces jeunes bandits qui piochent sans jamais citer
leurs sources chez lui comme partout ailleurs, de films télé en disques
impossibles... Malgré le succès du titre d'ambient house, il laisse
courir, comme s'il reconnaissait la patte de ces nouveaux alchimistes,
auteurs d'une création originale à partir d'une ribambelle d'éléments
sonores. Il se souvient que lui aussi, dans les années 60 pour "It's
Gonna Rain" et "Come Out", s'est emparé de diatribes de rues pour tisser
ses premières arabesques de musiques répétitives. S'il ne proteste pas,
c'est aussi parce qu'il connaît l'histoire de la musique, la sienne et
celle des autres...
" C'est une vieille tradition de la musique classique de citer d'autres
oeuvres, dit-il. Moi-même, j'ai récemment cité Wagner dans l'une des
miennes. Au Moyen âge, on utilisait des chansons populaires comme base
pour la messe (comme "L'Homme Troué" ou "Mille Regrets"). La différence,
c'est qu'on faisait rejouer l'emprunt avec des instruments, alors que
pour les DJ c'est plus facile : on enregistre et on combine. Mais le
principe reste le même. " (1)
Oublions la technique et posons-nous la question de la citation sans
autorisation. En explorant l'histoire, nous pouvons alunir en 1787, à
Prague, où Mozart lance sa première de "Don Giovanni" par un pot-pourri,
un remix pourrait-on dire, d'airs d'opéras joués auparavant dans la
ville... Il " met en scène Don Juan et Leporello qui, comme deux
disc-jockeys (DJs) avant la lettre, se repassent les tubes, récupérant
les oeuvres existantes sur le mode de la distraction. " (2) Et Mozart de
reprendre à sa sauce "Una cosa rara" de Martin y Soler ou un " menuet de
chasse tiré de l'opéra de Giuseppe Sarti, "Fra i due litiganti il terzo
gode". " Le créateur cite ouvertement, interprète et arrange son
pillage sans en prévenir les victimes. Ce jeu participe de la création,
et personne ne le remet en cause... À l'instar de Bach comme des griots
africains, des chanteurs de blues ou de nos arrières grands parents
bretons, Mozart s'inspire selon deux modes : d'un côté, il incorpore,
comme s'il écrivait entre guillemets le thème ou la chanson d'origine ;
de l'autre, il mâche et digère ses nourritures d'hier et d'aujourd'hui
pour mieux inventer son futur qui est peut-être aussi le nôtre...
Alors, pourquoi diable ce qui était juste de Guillaume Dufey à Mozart
(soit cinq siècles !) ne le serait-il pas du temps de The Orb et Future
Sound of London ? Lorsque dans les années soixante un compositeur de
musique concrète marie Stravinsky et Beethoven sur une seule et même
bande magnétique, l'acte ne suscite aucun opprobre, mais l'esthétique
n'a rien à y voir : cet artiste savant ne fait pas de profit, et ses
recherches sont payées par l'État au travers d'une commande ou des
subsides d'un laboratoire, là où The Orb expérimente au coeur de la
jungle urbaine et dérobe trente secondes du sel créatif d'un compositeur
vivant. Mozart, s'il salue lui aussi des contemporains, profite comme le
chercheur en musique concrète d'un mécène, et son audience se réduit aux
spectateurs d'un soir, à Prague puis, un an plus tard, à Vienne. Son
marché potentiel est riquiqui, alors que celui de The Orb, groupuscule
sans prince ni financier pour le soutenir, ressemble à un immense océan,
pullulant de poissons-lunes, de maquereaux et de requins pour lesquels
une oeuvre est une propriété privée, et donc une promesse en dollars. Là
est désormais l'enjeu majeur : non plus esthétique mais économique.
L'enregistrement à grande échelle, Walter Benjamin l'a démontré,
transforme une oeuvre rare et presque rituelle en un bien accessible à
tous. Devenant reproductible, l'art perd de son " aura ". Mais cette
nouvelle donne change-t-elle l'essence de la démarche artistique ? À
deux cents ans d'intervalle, le constat tient toujours : un artiste qui
ne digère pas ses influences pour mieux les dépasser, et qui se contente
de répéter ou réciter les tables de la loi, n'a pas plus d'intérêt qu'un
télécopieur ! Or l'art de la citation ne date pas d'aujourd'hui. Selon
quelle règle réactionnaire faudrait-il réserver sa pratique aux seuls
artistes reconnus comme Steve Reich ? Nous ne pouvons plus suivre Adorno
dans sa condamnation pure et simple des " musiques fétiches ",
entièrement dévolues aux circuits de la marchandise (3). Certes, le
jugement de valeur reste indispensable, et le rapport au marché un
critère clef d'appréciation. Mais à condition d'admettre l'inexistence
de toute frontière absolue entre musique sérieuse et musique de
divertissement, musique instituée et musique sauvage, ce mur ayant
littéralement explosé avec le free jazz, la libération psychédélique et
l'entrée en dissidence pop des rejetons de l'art et des musiques
contemporaines. Par leur recherche et la mise en scène subtile de leurs
objets musicaux de contrebande, les hors-la-loi de The Orb ne se hissent
pas au niveau d'exigence intellectuelle d'un Stockhausen, mais ils
agissent en artistes, et c'est pourquoi Steve Reich n'a pas crié au
voleur...
Pendant longtemps, à la façon d'un Mozart et de son "Don Giovanni",
toute citation supposait le jeu d'un instrument ou d'un orchestre. Puis
sont arrivées les premières techniques d'enregistrement et la capacité
d'utiliser magnétophones à bande ou platines analogiques. D'où les
expériences de Pierre Schaeffer et Pierre Henry avec une porte qui
grince ou un chien dont on marche sur la queue. D'où, également, les
premiers mariages de musiques anachroniques montées en boucle comme sur
le prémonitoire "Canaxis" d'Holger Czukay et Rolf Dammers en 1968, dont
la composition repose exclusivement sur l'échantillonnage en mode manuel
(et sans permission) d'un cocktail hétéroclite : " Les boucles
proviennent d'harmonies européennes, les choeurs également, et, sur le
tout, se greffent des voix asiatiques, explique Czukay. Autant dire que
cela a été composé à l'encontre de toutes les lois musicales de
l'époque. On me disait qu'il était impossible de mêler des voix
orientales au système harmonique occidental, et que c'était
contre-nature, incompatible, que ça ne pouvait pas fonctionner. Eh bien,
j'ai voulu prouver le contraire ! J'ai été moi-même surpris du résultat,
qui fonctionne parfaitement. " (4)
Dix ans plus tard, ce genre d'exercice de manipulation est encore de
l'ordre de la recherche ou du delirium. En 1979, c'est à peine si la
presse note la sortie d'un album solo de Holger Czukay, qui devient
pourtant chez les aficionados un objet de culte : "Movies", ballet
éclatant et romantique de jazz en mode dub, d'ondes radio, de guitares
décalquées, de collages hallucinants, de claviers enfantins et
d'improbables sonorités arabisantes. Le genre de dinguerie où se
télescopent une pub relaxante, un cor anglais, une gratte hawaïenne, une
danseuse du ventre extasiée, un coq rieur et une dame d'opéra triturée.
" Je me suis amusé comme un fou à chercher comment les différents
univers tirés de films ou captés à partir de radios pourraient se marier
en une pièce de musique comme si tout ça avait été conçu ensemble dès
l'origine ", se souvient l'ancien bassiste de Can. Détail non
négligeable : il lui a fallu deux ans pour boucler cette affaire d'amour
et d'humour. Un autre disque comparable apparaît, avec plus de
visibilité, au début de l'année 1981 : "My Life In The Bush of Ghosts"
de Brian Eno et David Byrne déroule un funk mutant à partir des voix et
vocalises de prêcheurs, de chanteurs ou de politiciens arabes piqués à
la radio. Mais, malgré son relatif succès, cet album appartient encore à
ce monde des bricoleurs géniaux, de touche-à-tout décalés du marché qui
montent et démontent leurs expériences pop avec la ferveur de savants
fous à l'humour décapant...
Un nouveau moment se dessine en 1981 avec le premier émulateur, qui
stocke des sons et offre la possibilité de les rejouer en une touche de
clavier, puis surtout avec la norme MIDI (Musical Interface for Digital
Instrument) trois ans plus tard, qui interface synthétiseurs et
ordinateurs, reliant instruments digitaux et musiques ou bruits
capturés. Le son, converti en valeurs numériques et muté en mémoire,
devient une matière taillable et corvéable à merci, filtrée, mixée,
accélérée ou ralentie, déstructurée de mille façons, etc. Et lorsque le
coût de ces échantillonneurs, claviers multipistes et boîtes à rythmes
en mode MIDI devient abordable, cette petite révolution technologique
ouvre un espace où s'engouffrent les DJ de Chicago et de Londres...
L'amateur, simple passeur de disques, se met à rêver de musiques à
danser conçues à la maison... Un mur se dressait entre lui et le
professionnel, autant financier que statutaire. Cette barrière
disparaît, et rien n'est plus symbolique de ce renversement que le
succès de " Pump Up The Volume" en 1987 : un gigantesque collage de
bribes de funk et de pop tous azimuts secoue les pistes des clubs et des
raves, envahit les radios du mouvement acid house comme Kiss FM et
devient illico numéro 1 dans les charts britanniques !
Pour leurs breaks, les DJ hip-hop " se contentaient " de piocher, sur
les toupies de vinyles, quelques secondes du " Funky Drummer " de James
Brown, et personne ne mouftait. On ne parlait pas encore de vol. Cette
fois, des artistes reconnaissent clairement des extraits de leur labeur
dans un titre au firmament des ventes, le "Pump Up The Volume" de
M/A/R/R/S, réunion d'un DJ, Dave Dorell, et de deux frères connus sous
le nom Colourbox, groupe qui mêlait déjà pop, soul, new wave et ersatz
de films. Ce n'est pas une surprise : le premier et unique procès n'est
pas intenté à M/A/R/R/S par des poètes de la mélodie dépités qu'on les
ait piratés, mais par une triplette de poids lourds de l'industrie du
tube, Stock, Aitken et Watterman. La même année, plus fort, c'est Abba
qui sonne la trompette des gros vendeurs de soupe : le quatuor suédois "
obtient la destruction de tous les exemplaires en stock de "1987 - What
The Fuck Is Going On", un disque du groupe Justified Ancients of Mu Mu,
ainsi que la confiscation du master. Motif invoqué : le plagiat d'un
titre, "Dancing Queen". Le 31 décembre, les Justified Ancients of Mu Mu
se sabordent avec force déclarations publiques : "Nous saluons par cet
autodafé la grande nullité de (l'industrie de) la musique et proclamons
le nihilisme divin". " (5)
Les Justified Ancients of Mu Mu, alias Bill Drummond et Jimi Cauty,
mettent le débat sur un terrain politique et économique. Vous parlez de
propriété intellectuelle et d'intégrité artistique ? Arrêtez de vous
foutre de notre gueule, semblent-ils expliquer aux majors en un bel
éclat de rire, vos cris d'horreur esthétique ne sont qu'un cache-sexe :
tout ça n'est qu'une histoire de pognon ! Le lendemain de leur autodafé,
les deux Anglais renaissent de leurs cendres sous une nouvelle identité,
Timelords, et décochent un tube, "Doctorin' The Tardis" qui pille avec
joie et mauvais goût les musiques de Gary Glitter et d'un feuilleton de
la télévision britannique. Cette provocation terminée, ils publient un
manifeste : "Le manuel du sample ou Comment décrocher la première place
des charts en s'amusant", se glissent dans la peau sans équivoque de KLF
ou Kopyright Liberation Front, et n'en finissent pas de créer des hymnes
pour fêtes sauvages qui trustent le ciel des hit parades...
Automne 1990. Les KLF sont en concert à l'occasion d'une convention
européenne des clubs à Amsterdam. Ils interprètent une version de
vingt-trois minutes de l'un de leurs tubes, "What Time Is Love", puis,
soudainement, débranchent tous leurs appareils et lancent à la foule en
délire leurs platines, samplers, mixeurs, amplis et autres guitares. Les
organisateurs, stupéfaits, demandent aux vigiles d'intervenir pour
sauver leur matos... Drummond s'interpose, et se prend une torgnole,
tandis que Cauty fait exploser la table de mixage. Le message de KLF au
public est simple : samplez sans égards aux triceratops de l'industrie !
Sortez de votre léthargie de consommateurs ! Créez vos propres
happenings, soyez des acteurs de votre vie, pas des moutons ! Un message
bien au-delà des airs à danser et siffler, que ni Dada ni
l'International Situationniste n'auraient renié. Suite logique et fin
provisoire de l'aventure : en juillet 1992, les deux provocateurs de KLF
prononcent l'auto-dissolution du groupe, puis se réincarnent en décembre
1993 sous la forme de la "K-Foundation", dont l'objet est l'organisation
de l'autodafé d'un chèque d'un million de livres Sterling, résultat
financier des immenses succès commerciaux de feu KLF qui brûle sous
l'oeil de caméras... Gainsbarre es-tu là ?
En 1987, alors que l'Angleterre vibre de mille folies musicales, les
deux jeunes inconnus de Coldcut sortent un incroyable "Say Kid, What
Time Is It ?", sans doute l'un des premiers singles anglais construit
uniquement avec des samples... Puis ils pondent "Beats & Pieces !", funk
anarchiste construit d'une mosaïque de voix et de bouts de sons comme un
collage dada ou surréaliste... Dix ans plus tard, dans leur album "Let
us
Play", ils orchestrent un remix de "Beats & Pieces" et proposent à leurs
auditeurs de sampler leurs sons et images par la grâce d'un CD
multimédia associé au laser audio. Art du sample. Art du vinyle. Art du
remix. Le sampling est " le plus beau jeu depuis l'invention du Scrabble
", affirme Matt Black de Coldcut. Jeu d'esthète dont chaque lettre ou
chaque Lego est un ersatz sonore, mot sur orbite ou capture de musique,
extrait de film ou rythme célèbre. Mais aussi jeu de société, jeu de
pistes contre l'industrie du disque et ses avocats du copyright, dérive
policière que décrit à merveille Norman Cook, alias Fatboy Slim : " J'ai
écumé tellement de discothèques à la recherche du bon gimmick que je
peux dire la provenance de ce qu'on entend dans la plupart des disques
d'aujourd'hui. Mais, pour l'instant, je suis de l'autre côté et ces
"spécialistes" sont les ennemis. Entre eux et moi, c'est le jeu du chat
et de la souris et je trouve la poursuite très excitante. " (6)
Chez Norman Cook comme chez KLF, ce jeu n'a d'abord été qu'une histoire
de puzzle libertaire. Sous le patronyme de Beats International, il
sample. "Dub Be Good To Me" fait un malheur en 1990, et les avocats de
Clash lui tombent sur le dos. Avec au final plus de dettes que de
recettes ! Le jeu se complique en conséquence, l'obligeant à de
multiples subterfuges. Mais Fatboy Slim n'est pas KLF. Parfait exemple
des ambiguïtés des ludions du circuit pop, Norman Cook joue sur les deux
tableaux : d'un côté il s'assume en pirate, et de l'autre, récompensé
fin 1999 du grand prix de l'Académie Charles Cros pour son album "You've
Come a Long Way, Baby", il est distribué par Sony Music !
Norman Cook, finalement, est une sorte de mercenaire, un corsaire malin
et talentueux bien plus qu'un pirate, car n'hésitant pas à se vendre à
ceux qu'il pille par ailleurs. Au XVIIe siècle, les Renegados de la
République de Salé (en Tunisie) refusaient la tyrannie des rois et le
statut de matelot, prolétaire de la mer taillable et corvéable à merci,
et anticipaient le rêve démocratique par leur défi des hiérarchies et
leurs utopies concrètes. L'histoire officielle a fait de tout pirate un
barbare à la barbe sanguinolente et a mis dans le même panier le
flibustier se battant pour son indépendance et le corsaire prêtant son
sabre aux princes les plus généreux... (7) Il n'y a pas de piraterie
digne
de ce nom sans un désir de résistance. Et c'est pourquoi les Cubistes et
les Dadaïstes étaient des pirates, tout comme les orfèvres ambient de
Future Sound of London qui ajoutent à la patte d'un Fatboy Slim une
dimension essentielle : le besoin quasiment thérapeutique de
s'approprier les bêtises du temps présent, de dévorer les objets de
notre dictature soft, qu'ils soient sonores, musicaux ou audiovisuels,
pour mieux les détourner.
Par leurs gestes de détournement et de réappropriation, KLF, Coldcut,
Future Sound of London et les plus doués des archanges révoltés du
sampling font danser notre mémoire collective. Ils bloquent nos
téléviseurs, nos ordinateurs et nos communications électroniques. Ils
décident d'un arrêt sur image. Ils interrompent la marche du temps, le
manipulent, répétant cent fois un mot ou une déflagration, le font
tourner au ralenti puis le laissent repartir. Ils creusent une distance
salutaire en une époque dont les acteurs semblent oublier de prendre
leur temps (8). Agissant de la sorte, enfin, ces pirates saluent le
peintre Asger Jörn, qui achetait à la fin des années 50 des croûtes,
puis jetait sur ces toiles d'une banalité à pleurer des canards
siphonnés et autres sauvageries artistiques. Ils retrouvent le William
Burroughs de 1959, inventant par hasard la technique du cut-up en
rassemblant les morceaux épars de colonnes de journaux. Plus
profondément encore dans l'histoire de l'art, ils rejoignent sans le
savoir André Grosz, Raoul Haussman et Hannah Höch à la Foire Dada de
Berlin de 1921, ou plutôt devant les tribunaux pour " insulte aux forces
armées " suite à la création d'une poupée et de photomontages à partir
de généraux prussiens, coupés, découpés, transmutés en monstres
universels...
Selon la loi française, celui qui veut sampler tel ou tel extrait
d'oeuvre doit, en amont de son acte, en demander l'autorisation à
l'auteur ou aux ayants droit, à l'éditeur ainsi qu'à tous les artistes
interprètes. Que sa motivation soit politique ou commerciale, intéressée
ou désintéressée, il doit payer, en amont s'il vous plaît ! Conclusion
de Negativland, groupe de musique industrielle farouchement indépendant,
condamné pour avoir ironiquement samplé et remixé des titres de U2 : "
Combien de nos prérogatives artistiques devrions-nous accepter
d'abandonner pour pouvoir exercer notre activité dans le cadre d'une
culture régie par les propriétaires ? L'art souhaite parfois s'orienter
dans des directions dangereuses, c'est un risque en démocratie ; mais
elles ne doivent certainement pas être dictées par ce que les hommes
d'affaires veulent bien autoriser. Regardez le dictionnaire : les
artistes ne sont pas définis comme des hommes d'affaires ! Quand les
avocats d'affaires ferment à double tour les portes de l'expérimentation
aux artistes, est-on dans une situation saine ? N'est-ce pas plutôt la
recette de la stagnation culturelle ? " (9)
En 1989, l'artiste canadien John Oswald sort un CD iconoclaste,
"Plunderphonics", avec en couverture un montage de Michael Jackson
modifié par la grâce d'un corps de femme nue. Distribué gratuitement,
l'album se compose de remixes, aussi savants que cocasses, de musiques
ressassées, tombées dans les oreilles publiques, et portées par des
musiciens, compositeurs ou ayants droit évidemment richissimes :
Metallica, James Brown, les Beatles, Dolly Parton, Glenn Gould,
Stravinsky et bien sûr Michael Jackson, dont le "Bad" se mue en un "Dab"
pas piqué du sampling. Littéralement outrés, le Bambi du funk, ses
représentants et les sbires de Sony exigent et obtiennent la mise au
pilon de ce disque hors commerce. Est-ce normal ? Ne serait-ce pas au
contraire une urgence critique, un devoir civique que de détourner ces
airs de musique ou ces pubs du métro et des médias auxquels personne ne
peut échapper ? Les images, les pubs et même les oeuvres vendues et
entendues des milliards de fois devraient passer automatiquement du
régime du copyright au " copyleft "...
Le copyleft, ou " gauche d'auteur ", est une application des principes
des logiciels libres au monde de l'art. Le code source de son programme
étant ouvert, accessible à tous, chacun peut utiliser, améliorer ou
détourner à son gré un logiciel libre. De la même façon, la mise d'une
création sous copyleft permet au spectateur de se muter en acteur. S'il
veille à respecter quelques règles, comme la mention explicite de
l'artiste et de l'oeuvre d'origine, il a toute licence pour la remixer,
la piquer, la picorer, la détourner, l'étirer, la tordre, la distordre,
la citer, la voler, la digérer, la vomir ou encore la laisser divaguer.
Plus de séparation entre les créateurs et les spectateurs, les auteurs
et les lecteurs. Le public s'improvise artiste. Et les artistes se
pillent les uns les autres en toute impunité. Et que le monde se
transforme en une immense fête pirate, et que tous dansent, et que tous
créent des vinyles, et que tous se copient, et que le DJ se confonde au
pompeur, et que l'observateur entre dans le tableau, et qu'il pousse des
ailes sur la laine des moutons ! À la nuance de la mention d'origine, ce
système du copyleft serait une extension à l'échelle de la planète de
l'anti-copyright qui ouvrait dans les années soixante chaque numéro de
la revue de l'Internationale Situationniste : " Tous les textes publiés
dans "Internationale Situationniste" peuvent être librement reproduits,
traduits ou adaptés, même sans indication d'origine. " D'ailleurs,
depuis ses débuts, Coldcut n'applique pas le copyright, mais pratique
sans le savoir le copyleft : " Pilleurs, bricoleurs, touche-à-tout,
Jonathan Moore et Matt Black sont parmi les premiers à avoir mis en
pratique ce qu'ils faisaient subir par ailleurs à la musique des autres
: l'archivage, la mise à disposition des sons consultables et
utilisables par chacun. " (8) Finalement, l'histoire de la musique
électronique depuis un siècle n'est faite que de ça : des collages, des
erreurs et des détournements.
(1) Extraits d'une interview réalisée pour Nova Mag par Vincent Borel et
Ariel Kyrou, et accessible à partir du 15 juin dans son intégralité sur
http://www.technorebelle.net (2) Extrait du livre de Peter Szendy,
"Écoute, Une Histoire de nos oreilles" (Éditions de Minuit, 2001). (3)
Lire Theodor W. Adorno, "Le caractère fétiche dans la musique" (Éditions
Allia, 1973, 2001). (4) Extrait de l'interview d'Holger Czukay par
Benoît Sabatier, "Holger Czukay, Tribalisme électronique", du numéro
spécial d'Art Presse, "Techno, Anatomie des cultures électroniques"
(1998). (5) Extrait de l'article de Vincent Tarrière, "Le Sampling
est-il un acte de piraterie ?" dans "L'Année du disque 1999" (MBC
Consulting, 2000). (6) Extrait d'interview tiré de Libération du 5 et 6
décembre 1998. (7) Le livre de Peter Lamborn Wilson (alias Hakim Bey),
"Utopies pirates, Corsaires maures et Renegados" (Éditions Dagorno,
1998), est la référence sur le sujet. (8) Hommage à Christophe Kihm pour
"Coldcut, More Beats and Pieces" du numéro spécial d'Art Presse,
"Techno, Anatomie des cultures électroniques" (1998), article qui a
inspiré certaines de ces réflexions et dont est tiré l'extrait choisi
sur Coldcut... (9) Extrait d'un article signé du groupe Negativland,
"Droit de Citation", tiré dans sa version française de l'anthologie
"Libres enfants du savoir numérique" (Éditions de l'Éclat, 2000)
d'Olivier Blondeau et Florent Latrive, et dans sa version originale du
site du groupe, http://www.negativland.com/fairuse.html
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Antoine Moreau
> Le savoir doit être gratuit. Droits d'auteur et brevets ne
> devraient porter que sur l'apposition du nom, et ne conduire
> à aucune prétention en numéraire. Si j'ai fait un bô morceau
> de musique, si j'ai eu une idée géniale, je suis HYPER
> content que des gens viennent se servir et je les paierais
> presque pour qu'ils utilisent et fassent fructifier ce que j'ai
> créé.
..Et si je produis un bon vin, je suis hyper-content que les gens le
boivent, et si j'ai inventé un super-gâteau, que je commercialise, je suis
hyper-content que mon concurrent en reprenne la recette. Si je suis
écrivain, je suis ravi de voir mes livres édités par plusieurs éditeurs qui
ne me donneront jamais un franc de ce qu'ils gagnent sur mon dos. Peace and
Love.
Les droits d'auteur et les brevets c'est plus compliqué que de dire "tout
devrait être gratuit". Quand les questions de brevets sont directement
responsables de milliers de morts, comme c'est le cas avec les molécules
pharmaceutiques "brevetées", quand une société est propriétaire d'un
morceau de la composition des êtres humains, ça commence à être inquiétant.
Mais ce sont des cas limite. Les artistes se sont pas mal battus dans
l'histoire pour trouver un bête moyen de gagner leur vie en exerçant leur
profession. Le fait est qu'ils ne maîtrisent toujours pas le truc (si peu
d'artistes ou d'écrivains vivent de leur profession). Les musiciens ont
aussi mis très longtemps avant de se faire respecter en tant qu'auteurs, au
départ, un musicien ne pouvait être compositeur, il était "performer" avant
tout, ou alors fonctionnaire de l'église...
La littérature, la musique, les idées, le savoir, ce sont des marchandises,
pas des marchandises comme les autres bien sûr, elles sont immatérielles,
ou plutôt peuvent prendre plusieurs formes matérielles et comme ça a été
dit souvent, se dupliquent, et puis elles ont quelque chose de noble dû à
cette virtualité (virtualité => la vertu, donc le fait de n'être jamais
compromis), enfin un je-ne-sais-quoi qui fait qu'on trouve normal de payer
une tomate et pas forcément normal de payer pour écouter une chanson. Il y
a aussi l'idée répandue que les métiers artistiques sont déjà une
récompense par eux-mêmes, qu'ils ne sont pas vraiment du boulot (pas usant
quoi)... et les artistes en rajoutent souvent une couche en disant "je
travaille en m'amusant" ou "je m'amuse et on me paye pour ça", mais c'est
faux, bien souvent.
Je comprends très bien qu'on veuille que la "culture" soit une chose
"gratuite" ou "libre", mais c'est le choix des artistes, c'est tout, se
prendre pour Robin des bois parce qu'on pirate un disque sous prétexte
qu'un minuscule échantillon de musiciens gagnent vraiment bien leur vie,
franchement... Et puis écrire une partition, faire un logiciel, c'est du
temps, beaucoup de temps, si c'est libre, gratuit, c'est parce que c'est
"donné", "offert", (une belle action donc) par parce que c'est légitime que
le consommateur n'aie pas à payer pour ce qu'il consomme.
> Mais une petit erreur s'est glissée dans ta
> formalisation. Je vais faire simple :
> L = D
> N <> D
> N = A
> Donc A <> L
tu as un problème, on dirait les exemples amusants de Lewis Caroll "comment
comprendre pourquoi le raisonnement d'un prêtre ou d'un bonimenteur est
faux"
N = A veur dire que N est A mais aussi que A est N, comme si tout ce qui
est Art (A) est de la Nature-Morte (N). Je suis le premier à me moquer de
l'application de la logique mathématique à d'autres champs, mais il y a des
limites, confondre une chose et un ensemble dont fait partie cette chose,
c'est pas logique, ça revient à ça : Bill Bronx est en prison. Bill Bronx
est américain. Donc tous les américains sont en prison.
> Tout ça est très instructif. Si si. J'apprends des choses.
> Mais, buté que je suis, je réitère : toutes ces
> connaissances sont-elles nécessaires pour « goûter »
> l'art, pour aimer sincèrement telle toile ?
as-tu besoin de voir du dedans l'estomac d'une fille pour en tomber
amoureux ? Non normalement (note : éviter les gens qui répondent oui).
Est-ce que cette fille peut donc se débarasser de son estomac ou autre
organe a priori non dévolu à la séduction ? Probable que non.
non, ça sera pas pareil.
Une Swastika est un symbole, ça fait déjà appel à l'abstraction et à
l'interprétation et c'est facile de comprenre que ça n'ait pas la même
connotation ici ou là. Dans cette image, ce qui est montré c'est une image
non symbolique, réclamant pour être comprise d'avoir une culture du dessin
2D évoquant à une échelle réduite une situation spatiale ce qui concerne la
terre entière aujourd'hui à part les Papous ou certaines tribus d'Amazonie.
Donc, notre regard (européen, africain) est également préparé au type
d'image. Mais l'oeil s'attend à une fenêtre pour un européen et à un paquet
(ou un bidon plutôt) pour les africains. Pourtant les africains connaissent
les fenêtres et les européens connaissent les bidons.
> Je parie que si tu montres une femme souriant à son
> nourisson, tu crées une émotion universellement
> comprise et partagée. N'y a p'têt pas beaucoup
> d'universaux comme ça, mais je crois qu'y en a.
les sciences cognitives montrent que le mécanisme qui amène la
compréhension d'un sourire ne se fait pas le jour de la naissance, et aussi
que ce mécanisme est assez complexe, mais effectivement, c'est un
universel, ou pas loin de ça, sans doute. Un des rares.
> Donc toute oeuvre d'art est un grouillement de signaux culturels qu'on
pourrait
> voir comme un langage ? Ça, c'est l'option sémiotico-trucbidule. Moi je
veux
> bien, mais alors ça annule tout l'art abstrait, non ? Et puis même, ça
> revient à dire que ce dont je jouis devant une oeuvre d'art, c'est de ce
> grouillement de sens. Or moi je prétends jouïr des formes, avant tout des
> formes. La musique est surtout ça : des formes, des dessins dans l'espace
> harmonique, des motifs. Quel sens y-a-t-il de caché dans dosolmido ?
>
> Regardons un Kandinsky http://minilien.com/?9aZHRtN1hY
> Supposons que je le trouve beau. Est-ce parce que j'y vois un soleil
qui
> symbolise le père ? Une pyramide qui symbolise le savoir ? Une lame de
> couteau qui me coupe le coeur en deux ? Un triangle rectangle qui me
> rappelle les cours de terminale ? Non, je ne crois pas. C'est seulement
> l'harmonie des formes et des couleurs disposées qui peut m'y faire
adhérer.
Facile de voir un soleil, des montagnes, même si ce n'est pas du tout ce
que cherchait le peintre, par contre, où vois-tu que le soleil signifie "le
père" ? Quand je te dis discursivement, langagièrement, oralement,
littérairement, "le soleil brille", tu m'entends parler de mon père ??? Je
crois que ton problème de définition du langage c'est que tu attends que
tous les langages servent à dire la même chose. Or il faut la peinture pour
parler de certaines choses que l'écriture ne sait pas dire efficacement, et
vice versa. Ca ne signifie pas que le langage pictural fonctionne comme le
langage mathématique ou le langage parlé ni que ceux-ci aient les mêmes
buts.
> Il me semble que je peux trouver n'importe lequel de ces
> rouleau fort beau. En particulier celui-là :
> http://minilien.com/?oKsvqO29Aq C'est forcément mieux
> en vrai, en plus. Si je trouve que c'est « de l'art », je mens ?
> Comment pourrais-je aimer ça puisque je n'ai aucun repère
> culturel ? C'est ma question : si l'art est langage, donc un
> scoubidou de signes culturels, comment pourrais-je aimer
> un totem du Bénin, un raga indien, un paysage chinois ?
ton paysage chinois, que tu ne connais pas, t'intéresse tout de même grace
à ta propre expérience du paysage, si il était à l'envers tu le lirais
différemment, mais même en le lisant à l'endroit, tu ne le comprends pas
comme quelqu'un qui connaît le modèle éventuel
Tu es dans une logique de consommation que je récuse violemment. Le
temps, vu qu'on finira tous chômeurs (lire la Fin du Travail de Rifkin),
c'est une denrée dont le prix va baisser pour arriver à zéro zeuros...
Bon, je répondrais plus précisément à ça et autre la semaine prochaine.
Bon ouiquenne.
--
VII.19. Le gouverneur de She interrogea Zilu sur Confucius, mais Zilu ne
trouva rien à dire. Le Maître dit à Zilu : « Que ne lui avez-vous répondu :
C'est un homme qui, dans son enthousiasme, en oublie de manger, et dans sa
joie oublie les soucis ; il ne sent pas l'approche de la vieillesse... »
> Mais une petit erreur s'est glissée dans ta
> formalisation. Je vais faire simple :
> L = D
> N <> D
> N = A
> Donc A <> L
tu as un problème, on dirait les exemples amusants de Lewis Caroll "comment
comprendre pourquoi le raisonnement d'un prêtre ou d'un bonimenteur est
faux"
N = A veut dire que N est A mais aussi que A est N, comme si tout ce qui
est Art (A) est de la Nature-Morte (N). En vérité, N est un élément de A.
Je suis le premier à me moquer de l'application de la logique mathématique
à d'autres champs, mais il y a des limites, confondre une chose et un
ensemble dont fait partie cette chose, c'est pas logique, ça revient à ça :
Bill Bronx est en prison. Bill Bronx est américain. Donc tous les
américains sont en prison.
> Tout ça est très instructif. Si si. J'apprends des choses.
> Mais, buté que je suis, je réitère : toutes ces
> connaissances sont-elles nécessaires pour
>« goûter » l'art, pour aimer sincèrement telle toile ?
as-tu besoin de voir du dedans l'estomac d'une fille pour en tomber
amoureux ? Non normalement (note : éviter les gens qui répondent oui).
Est-ce que cette fille peut donc se débarasser de son estomac ou autre
organe a priori non dévolu à la séduction ? Probable que non.
Est-ce que certaines choses ne sont "aimables" que si on les connaît bien ?
Oui pourquoi pas.
> Connaître les citations, c'est seulement un « plus », pour la seconde
> écoute. Si le disque ne pouvait pas être écouté et apprécié sans cette
> connaissance préalable, ce serait pour moi très dommage.
Pour Picabia, on ne comprend et on n'aime que ce qu'on a déjà vu ou entendu
une fois.
> Je crois à l'existence d'art sans intention, sans discours.
je me rappelle d'une fameuse lettre de Pissarro à ses amis anarchistes qui
lui commandaient "des dessins révolutionnaires" (je crois que le terme
était révolutionnaires, ça pourrait être n'importe quoi dans le contexte).
Pour eux il était clair que de tels dessins représenteraient des ouvriers,
un truc social,... Pissarro a envoyé des dessins de troncs d'arbre en
disant qu'il ne pourrait pas faire plus révolutionnaires que ça, or il
était très sérieux en le disant. Je crois qu'en entendant dire que la
peinture a un discours (des mots, une grammaire, une syntaxe... ) tu te
figures avec effroi un fatras symbolique et verbeux. Rien de tout ça, ton
dessin chinois ne représente sans doute que ce qu'il a l'air de
représenter, et c'est très bien.
Ca va avec ton exemple de musiques front popu, qu'on peut étendre à
d'autres époques, des musiques apparemment sans implication particulière
ont à un moment catalysé la contestation de 68, la fameuse "libération
sexuelle", alors que les chansons réellement "engagées" et "explicites"
n'ont pas dit grand chose à ceux qui les écoutaient. Aznavour a fait
pleurer tous les Arméniens à une époque, Enrico Macias a ému tous les pieds
noirs, l'un ou l'autre sans faire des chansons qui rappellent des malheurs
passés, c'est pourtant ce que ça a remué.
> > Pour autant, faut-il refuser la progression des arts ?
> > Est-ce gênant de se débarasser de
> > son chevalet pour acheter un Macintosh ?
> Non. Mais, si on croit que ça va donner de l'inspiration...
ce ne sera jamais l'outil qui créera, c'est la seule chose certaine, mais
les outils ne sont pas neutres et ils portent avec eux d'autres idées,
d'autres possibilités, d'autres difficultés et d'autres facilités, d'autres
automatismes aussi.
> Oui, c'est marrant. Les africains voient un colis et les autres une
> fenêtre, c'est ça ? C'est censé démontrer que tout ce qui est visuel est
> déterminé par la culture ? Si je montre une svatiska, ça sera pareil...
non, ça sera pas pareil.
Une Swastika est un symbole, ça fait déjà appel à l'abstraction et à
l'interprétation et c'est facile de comprenre que ça n'ait pas la même
connotation ici ou là. Dans cette image, ce qui est montré c'est une image
non symbolique, réclamant pour être comprise d'avoir une culture du dessin
2D évoquant à une échelle réduite une situation spatiale ce qui concerne la
terre entière aujourd'hui à part les Papous ou certaines tribus d'Amazonie.
Donc, notre regard (européen, africain) est également préparé au type
d'image. Mais l'oeil s'attend à une fenêtre pour un européen et à un paquet
(ou un bidon plutôt) pour les africains. Pourtant les africains connaissent
les fenêtres et les européens connaissent les bidons.
> Je parie que si tu montres une femme souriant à son
> nourisson, tu crées une émotion universellement
> comprise et partagée. N'y a p'têt pas beaucoup
> d'universaux comme ça, mais je crois qu'y en a.
les sciences cognitives montrent que le mécanisme qui amène la
compréhension d'un sourire ne se fait pas le jour de la naissance, et aussi
que ce mécanisme est assez complexe, mais effectivement, c'est un
universel, ou pas loin de ça, sans doute. Un des rares. En grèce, pour dire
"oui", on secoue la tête latéralement en disant "nêê" (quelque chose du
genre), ce qui est déroutant. Des gestes basiques comme la poignée de
mains, les saluts, ne sont pas du tout perçus pareil partout.
> Regardons un Kandinsky http://minilien.com/?9aZHRtN1hY
> Supposons que je le trouve beau. Est-ce parce que j'y vois
> un soleil qui symbolise le père ?
> Une pyramide qui symbolise le savoir ? Une lame de
> couteau qui me coupe le coeur en deux ? Un triangle
> rectangle qui me rappelle les cours de terminale ?
> Non, je ne crois pas. C'est seulement l'harmonie des
> formes et des couleurs disposées qui peut m'y faire
> adhérer.
Facile de voir un soleil, des montagnes, même si ce n'est pas du tout ce
que cherchait le peintre, par contre, où vois-tu que le soleil signifie "le
père" ? Quand je te dis discursivement, langagièrement, oralement,
littérairement, "le soleil brille", tu m'entends parler de mon père ??? Je
crois que ton problème de définition du langage c'est que tu attends que
tous les langages servent à dire la même chose. Or il faut la peinture pour
parler de certaines choses que l'écriture ne sait pas dire efficacement, et
vice versa. Ca ne signifie pas que le langage pictural fonctionne comme le
langage mathématique ou le langage parlé ni que ceux-ci aient les mêmes
buts.
> Il me semble que je peux trouver n'importe lequel de ces
> rouleau fort beau. En particulier celui-là :
> http://minilien.com/?oKsvqO29Aq C'est forcément mieux
> en vrai, en plus. Si je trouve que c'est « de l'art », je mens ?
> Comment pourrais-je aimer ça puisque je n'ai aucun repère
> culturel ? C'est ma question : si l'art est langage, donc un
> scoubidou de signes culturels, comment pourrais-je aimer
> un totem du Bénin, un raga indien, un paysage chinois ?
ton paysage chinois, que tu ne connais pas, t'intéresse tout de même grace
à ta propre expérience du paysage, si il était à l'envers tu le lirais
différemment, mais même en le lisant à l'endroit, tu ne le comprends pas
comme quelqu'un qui connaît le modèle éventuel, et personne n'a raison : ni
le chinois du nord à qui ce paysage rappelle des choses, ni toi à qui ça
rappelle des peintures chinoises, chacun fait ce qu'il peut avec son
background. Pourtant il n'est pas indifférent que ça représente une chose
et pas une autre.
Quand tu parles de la sculpture africaine, tu la prends pour sa valeur
extérieure, libre à toi, mais c'est pareil que si un japonais s'amusait à
détourner une scène religieuse chrétienne, sans comprendre ce que le
tableau peut évoquer : la sculpture africaine est à 99% sacrée. Prendre le
sacré des autres pour du gadget décoratif, c'est le principe de l'exotisme,
qui est en soi assez intéressant, mais qui peut vexer.
Les scientifiques sont moins minables, de ce point de vue, que ceux qui
réflechissent sur d'autres problèmes (socio-culturels, par exemple), me
suis-je laissé dire. Tu dis « le monde est ainsi fait ». C'est sûr : le
monde est ainsi fait qu'on ne t'écoute pas si tu n'as pas montré tes
diplomes. Mais moi je dis que, sur certains points, le monde n'est pas fait
de la manière la plus adéquate et la plus juste. On peut envisager de
changer un peu les choses. En particulier ici, sur un forum libre, je ne
vois pas pourquoi je devrais me prétendre d'une autorité quelconque pour
défendre mes propositions sur l'art. D'ailleurs, si ça tombe, je suis Jack
Lang, qui sait...
>>> ce n'est pas la notion d'art qui est sous-jacente de la
>>> notion de beauté mais bien l'inverse : tout ce qu'on trouve être de
>>> l'art devient beau (àmha et tout, SGDG, et avec les réserves
>>> d'usage)
>>
>> Moui... c'est un peu facile d'inverser... pas sûr que ça
>> permetter d'y voir plus clair.
>
> Il n'est pas question d'être simple ou d'essayer d'y voir clair : c'est
> une évidence pour moi.
Pour moi l'évidence est l'inverse : ce qui est beau et fait de main
d'homme est de l'art. On pourrait m'expliquer mille fois que tel machin
tordu (un rideau en toile crème jeté par terre) est de l'art parce que
gniagniagni et gnagnagna, ça ne me fera pas trouver ça beau.
>> Ah bin ça, c'est normal que ce soit mon point de vue. J'essaye
>> seulement d'échanger des points de vue, par exemple pour voir
>> jusqu'où je peux aller dans ma direction et quand je trouve la
>> limite où je tombe dans l'invraisemblable.
>
> Tu peux arrêter, c'est fait. ;-)
Je ne peux pas trop développer mon point de vue ici sous peine de
doublonner avec ce que je répond à jne/onL. Si tu veux bien m'expliquer
mieux pourquoi je dis selon toi des invraisemblablités, il vaut peut-être
mieux que tu me reprennes sur les développements de l'autre message (ce qui
nous permet de passer d'un double dialogue à un simple polylogue...)
Arf... En parlant de mélange de pinceaux... T'y arrives aussi bien que
moi... Mais passons...
Tu ne réponds pas clairement à ma proposition d'expliquer
pourquoi l'art n'est pas un langage. Je recommence donc, sans bidules
logico-foireux :
1/ Si l'art est vraiment un langage, si c'est l'essence de l'art, alors
toute oeuvre d'art tient un discours à celui qui est devant, non ?
2/ Or je prétends qu'il existe des oeuvres d'art sans discours. Je
rappelle mes petits exemples : des natures mortes, Kandinsky, les peintures
chinoises. Dans tout ces cas, il se peut fort bien que l'artiste ait « tenu
un discours » usant de formes ayant pour lui des significations qu'il veut
transmettre. Mais je prétends que la compréhension de la signification
intentionnelle de l'oeuvre n'est pas indispensable à la relation créée entre
l'oeuvre et celui qui la « subit ». En gros, même pour une peinture
rupestre, le fait que ça représente la chasse ou les dieux, ça ne m'aide pas
à sentir si c'est de l'art.
Donc, pour moi, l'art n'est qu'anecdotiquement un langage.
>> Tout ça est très instructif. Si si. J'apprends des choses.
>> Mais, buté que je suis, je réitère : toutes ces
>> connaissances sont-elles nécessaires pour
>> « goûter » l'art, pour aimer sincèrement telle toile ?
>
> as-tu besoin de voir du dedans l'estomac d'une fille pour en tomber
> amoureux ? Non normalement (note : éviter les gens qui répondent oui).
... en effet...
> Est-ce que cette fille peut donc se débarasser de son estomac ou autre
> organe a priori non dévolu à la séduction ? Probable que non.
Oui mais son essence, le fait que je l'aime, n'est pas du tout dans son
estomac, plutôt dans son « visage » (au sens large d'émanation humaine,
féminine même, qui incarne l'humanité dans une forme).
> Est-ce que certaines choses ne sont "aimables" que si on les connaît
> bien ? Oui pourquoi pas.
Bien connaître une oeuvre peut alimenter le feu qu'on éprouve pour elle,
mais elle n'est pas l'étincelle.
>> Connaître les citations, c'est seulement un « plus », pour la seconde
>> écoute. Si le disque ne pouvait pas être écouté et apprécié sans
>> cette connaissance préalable, ce serait pour moi très dommage.
>
> Pour Picabia, on ne comprend et on n'aime que ce qu'on a déjà vu ou
> entendu une fois.
>
>> Je crois à l'existence d'art sans intention, sans discours.
>
> je me rappelle d'une fameuse lettre de Pissarro à ses amis
> anarchistes qui lui commandaient "des dessins révolutionnaires" (je
> crois que le terme était révolutionnaires, ça pourrait être n'importe
> quoi dans le contexte). Pour eux il était clair que de tels dessins
> représenteraient des ouvriers, un truc social,... Pissarro a envoyé
> des dessins de troncs d'arbre en disant qu'il ne pourrait pas faire
> plus révolutionnaires que ça, or il était très sérieux en le disant.
... et je veux bien le croire...
> Je crois qu'en entendant dire que la peinture a un discours (des
> mots, une grammaire, une syntaxe... ) tu te figures avec effroi un
> fatras symbolique et verbeux.
Un peu. Ce fatras peut se trouver dans l'oeuvre ou dans l'explication du
concept. Il montre pour moi un manque d'inspiration flagrant dans le domaine
des formes.
Tiens, j'ai vu Mondrian à Orsay. Typique. Le mec te torche des arbres et
des maisons fort charmants. Progressivement, il vire au glauque, au fluo,
aux petits carrés. Après, il va rechercher son arbre sans jamais le
retrouver. Typique. Qu'est-ce qui lui est passé par la tête ? Y se faisait
chier à peindre de si bôs arbres ? Comment de vagues carrés dont je voudrais
à peine pour la toile cirée de ma cuisine pourrait être un sujet « mieux »
qu'un simple arbre ? Y a pas assez d'arbres différents ? Amha, y a encore
moins de carrés différents...
> Rien de tout ça, ton dessin chinois ne
> représente sans doute que ce qu'il a l'air de représenter, et c'est
> très bien. Ca va avec ton exemple de musiques front popu, qu'on peut
> étendre à d'autres époques, des musiques apparemment sans implication
> particulière ont à un moment catalysé la contestation de 68, la
> fameuse "libération sexuelle", alors que les chansons réellement
> "engagées" et "explicites" n'ont pas dit grand chose à ceux qui les
> écoutaient. Aznavour a fait pleurer tous les Arméniens à une époque,
> Enrico Macias a ému tous les pieds noirs, l'un ou l'autre sans faire
> des chansons qui rappellent des malheurs passés, c'est pourtant ce
> que ça a remué.
On semble sur la même longueur d'onde, là.
>>> Pour autant, faut-il refuser la progression des arts ?
>>> Est-ce gênant de se débarasser de
>>> son chevalet pour acheter un Macintosh ?
>
>> Non. Mais, si on croit
>> que ça va donner de l'inspiration...
>
> ce ne sera jamais l'outil qui créera, c'est la seule chose certaine,
> mais les outils ne sont pas neutres et ils portent avec eux d'autres
> idées, d'autres possibilités, d'autres difficultés et d'autres
> facilités, d'autres automatismes aussi.
Certes oui, et la détermination essentielle d'un outil sur un art est
dans les contraintes qu'il impose. Au lieu de fantasmer la « liberté
retrouvée » de l'artiste grâce à la ductilité de l'ordi, liberté censée
permettre le déploiement de l'inspiration injustement étouffée sous les
contrainte du pinceau, il me semble qu'il faut au contraire chercher
attentivement quelles sont les contraintes du nouveau média. Pour l'ordi, le
légèreté en octets est une contrainte qui peut être très fertile, si on veut
bien l'assumer et en jouer.
...
>> Je parie que si tu montres une femme souriant à son
>> nourisson, tu crées une émotion universellement
>> comprise et partagée. N'y a p'têt pas beaucoup
>> d'universaux comme ça, mais je crois qu'y en a.
>
> les sciences cognitives montrent que le mécanisme qui amène la
> compréhension d'un sourire ne se fait pas le jour de la naissance, et
> aussi que ce mécanisme est assez complexe, mais effectivement, c'est
> un universel, ou pas loin de ça, sans doute. Un des rares. En grèce,
> pour dire "oui", on secoue la tête latéralement en disant "nêê"
> (quelque chose du genre), ce qui est déroutant. Des gestes basiques
> comme la poignée de mains, les saluts, ne sont pas du tout perçus
> pareil partout.
Au Népal, le « oui » est rendu par un balancement de la tête de droite à
gauche et de gauche à droite. (Ce qui, chez nous, rendrait plutôt un doute
genre « mmh mmh, je ne suis pas convaincu »...) Donc, en effet, la part de
culture est loin d'être négligeable.
Mais il peut être intéressant d'essayer d'étendre un peu le drap de
l'universel. Si je te dis que la joie est universelle, tu me diras que les
Papous ont de la joie quand ils enterrent leurs proches. Mais je répondrais
que soit ils expriment de la tristesse autrement que nous, et que c'est
alors la tristesse funéraire qui est universelle, soit ils ont vraiment de
la joie et alors ça montre bien que la joie est universelle, même exprimée
dans un sens qui nous échappe. Bref, les motifs de joie et la forme de son
expression peuvent être culturels, aka relatifs, mais la joie elle-même peut
très bien être universelle. Si les Chinois expriment de la joie en haussant
légèrement le trentième poil du sourcil droit en partant du nez, ça reste de
la joie, quelque chose comme un « oui » impulsif à ce qui est.
Or je pense qu'il faut relier l'art à cette joie. Le caractère essentiel
qui me semble assez universalisable de la relation entre l'oeuvre et celui
qui est devant, c'est cette espèce de oui inconditionné, primal, de l'ordre
de la joie, de l'acceptation brute et pleine d'élan. Ce oui, on peut le
ressentir devant la beauté d'un coucher de soleil, mais aussi devant celle
d'un tableau. C'est ma définition « raz-de-terre » de la beauté. (Comme le
« non » de refus brut est le « principe » du mal, pour moi.)
>> Regardons un Kandinsky http://minilien.com/?9aZHRtN1hY
>> Supposons que je le trouve beau. Est-ce parce que j'y vois
>> un soleil qui symbolise le père ?
>> Une pyramide qui symbolise le savoir ? Une lame de
>> couteau qui me coupe le coeur en deux ? Un triangle
>> rectangle qui me rappelle les cours de terminale ?
>> Non, je ne crois pas. C'est seulement l'harmonie des
>> formes et des couleurs disposées qui peut m'y faire
>> adhérer.
>
> Facile de voir un soleil, des montagnes, même si ce n'est pas du tout
> ce que cherchait le peintre, par contre, où vois-tu que le soleil
> signifie "le père" ?
La symbolique de base.
> Quand je te dis discursivement, langagièrement,
> oralement, littérairement, "le soleil brille", tu m'entends parler de
> mon père ???
Oui. « Soleil cou coupé ». Assasinat du père-soleil...
> Je crois que ton problème de définition du langage c'est
> que tu attends que tous les langages servent à dire la même chose.
En un sens oui. Ce que dit le langage, c'est l'humain, c'est toujours la
même chose (l'amour contrarié, etc.)
> Or
> il faut la peinture pour parler de certaines choses que l'écriture ne
> sait pas dire efficacement, et vice versa. Ca ne signifie pas que le
> langage pictural fonctionne comme le langage mathématique ou le
> langage parlé ni que ceux-ci aient les mêmes buts.
Moui... La peinture ne me semble pas « parler »... Dire d'un tableau que
« ça me parle », c'est une métaphore. D'ailleurs, si ça « te parle », c'est
précisément par l'intérmédiaire des signes culturels acquis. S'il n'y a que
ça, il m'est impossible d'aimer un tableau chinois (et disons que je regarde
mon premier tableau chinois, pour éviter que tu répondes que j'en ai déjà vu
un) ou un totem de l'Île de Pâques. La grande différence du langage et de
l'art, pour moi, c'est justement que ce qui fait vraiment l'art est
universel, alors que le langage est un donné fortement culturel. [Note : ici
comme allieurs, quand je dis universel, je ne parle pas vraiment d'un
universel qui serait atteint mais plutôt une sorte de poussée vers
l'universel.)
> la sculpture africaine
> est à 99% sacrée. Prendre le sacré des autres pour du gadget
> décoratif, c'est le principe de l'exotisme, qui est en soi assez
> intéressant, mais qui peut vexer.
Je ne prends pas du tout les totems pour des babioles décoratives,
attention. Au contraire, je pense que c'est pleinement de l'art (pas
forcément tous, mais c'est un des canaux par lequel s'est exprimé le génie
artistique humain). Et le lien de l'art et du sacré ne m'étonne pas du tout,
ni ne me gêne.
Bon, désolé d'être aussi long.
> Les scientifiques sont moins minables, de ce point de vue[..]
Au fait, je m'aperçois que ce que je dis pourrais passer pour une espèce
de haine stupide de la science et des scientifiques, mais il n'en est
rien : au contraire, j'ai une admiration sans borne pour les
mathématiques et la physique. Ce qui rend d'autant plus déplorables les
petits travers bien humain dont les chercheurs demeurent la proie...
> Mais moi je dis que, sur certains points, le monde n'est pas fait
> de la manière la plus adéquate et la plus juste.
Ça, c'est beau et vrai.
> On peut envisager de changer un peu les choses. En particulier ici, sur un
> forum libre, je ne vois pas pourquoi je devrais me prétendre d'une
> autorité quelconque pour défendre mes propositions sur l'art. D'ailleurs,
> si ça tombe, je suis Jack Lang, qui sait...
Sur un forum comme ailleurs, personne ne songe à t'interdire ce droit.
Mais on a le droit, nous aussi, de te dire qu'il faut plus. La façon
réduite, lorgnettesque, dont tu présentes "le jugement sur l'art" me
paraît un peu similaire à celui qu'ont certaines personnes sur les
sciences. Comme si un mauvais élève de sixième prétendait connaître les
mathématiques, en avoir faire le tour, et prétendait que c'était inutile
et chiant.
> Je ne peux pas trop développer mon point de vue ici sous peine de
> doublonner avec ce que je répond à jne/onL. Si tu veux bien m'expliquer
> mieux pourquoi je dis selon toi des invraisemblablités, il vaut peut-être
> mieux que tu me reprennes sur les développements de l'autre message (ce qui
> nous permet de passer d'un double dialogue à un simple polylogue...)
Mon opinion sur les posts, c'est qu'il vaut mieux se concentrer sur
quelques points précis dans des sous-enfilades séparées que de tout
regrouper dans un mastodonte indigeste et illisible, surtout pour les
(éventuels, improbables, souhaités) nouveaux arrivants qui essayeraient
d'accrocher la converse. En outre, dès qu'il y a plusieurs intervenants,
ça n'empêcherait pas la ramification, n'est-ce pas ?
Sur la question des invraissemblablesses, j'aurais espéré que mon
exemple dans le message <1ff64g7.bh2g7o1c06db1N%sho...@free.fr.nospam>
fut suffisant. Si ce n'est pas le cas je suis très triste. Prétends-tu
que rien ne puisse t'atteindre par la seule force de la théorie
intrinsèque, qu'une enveloppe charnelle luxuriante et plaisante aux yeux
soit la condition sine-qua-none, et que tu sois incapable d'avoir un
avis qui évolue ?
Ce que j'essaye de dire, c'est que personne n'est a priori séduit par ce
qui ressemble à un aplat gris. Mais qu'on peut, parfois, le comprendre,
l'admirer, et en admettre la nature artistique indéniable. Maintenant,
ce qu'il *faut* que j'ajoute, c'est qu'il me ssemble à moi aussi qu'il y
a un paquet de crétins décervelés qui font n'importawak grand modèle en
essayant, justement, de surfer sur la vague de doute qui imprègne toute
la contemporanéité de l'art. ('tin, c'est pas beau ça ? Pour me proposer
un poste chez ArtPress, m'écrire.) Mais la forêt ne doit pas cacher
l'arbre.
Lot de smileys à placer aux endroits adéquats : ;-) ;-) ;-) :-) ;-> ;-/
--
sholby (état critique)
http://sholweb.free.fr/
en cours : http://homepage.mac.com/sholby/peinture/
> Pour moi l'évidence est l'inverse : ce qui est beau et fait de main
> d'homme est de l'art. On pourrait m'expliquer mille fois que tel machin
> tordu (un rideau en toile crème jeté par terre) est de l'art parce que
> gniagniagni et gnagnagna, ça ne me fera pas trouver ça beau.
Tu oublies l'essentiel de l'art : les oeuvres acheiropoïètes qui
traversent avec obstination les siècles et les continents. C'est à dire
les oeuvres non faites de main d'homme et qu'on retrouve dans tout l'art
africain (les si mal nommés "fétiches" qui veut dire "fait main" alors
que, réalisés en transe par les sorciers, les gri-gri africains sont
comme tombés du ciel, non fait de main d'homme précisément) et en
occident, du Saint Suaire de Turin au ready-made. Le "fait de main
d'homme" n'est pas le critère de l'art et de sa beauté.
--
Antoine Moreau
Pffft... t'y crois, toi, au Saint Suaire et à la transe qui fait parler
un dieu par ta main ? Moi non, et pas non plus au ready-made. Il y a
certainement un état de transe qui permet de trouver des formes profondes,
mais ce n'est pas de l'ordre du divin, plutôt de celui de l'humain trop
humain.
Y a deux sortes de beau, le naturel et l'artificiel. L'art est du
domaine de l'artifice, non ?
--
II.22. Le Maître dit : « Je ne vois pas ce qu'on pourrait faire d'un homme
qui ne tient pas parole : comment utiliser un char sans timon, ou une
voiture sans brancards ? »
> Antoine Moreau <a...@antoinemoreau.net> a écrit :
> >
> > gbog <gb...@caramail.com> wrote:
> >
> >> Pour moi l'évidence est l'inverse : ce qui est beau et fait de
> >> main d'homme est de l'art. On pourrait m'expliquer mille fois que
> >> tel machin tordu (un rideau en toile crème jeté par terre) est de
> >> l'art parce que gniagniagni et gnagnagna, ça ne me fera pas trouver
> >> ça beau.
> >
> > Tu oublies l'essentiel de l'art : les oeuvres acheiropoïètes qui
> > traversent avec obstination les siècles et les continents. C'est à
> > dire les oeuvres non faites de main d'homme et qu'on retrouve dans
> > tout l'art africain (les si mal nommés "fétiches" qui veut dire "fait
> > main" alors que, réalisés en transe par les sorciers, les gri-gri
> > africains sont comme tombés du ciel, non fait de main d'homme
> > précisément) et en occident, du Saint Suaire de Turin au ready-made.
> > Le "fait de main d'homme" n'est pas le critère de l'art et de sa
> > beauté.
>
> Pffft... t'y crois, toi, au Saint Suaire et à la transe qui fait parler
> un dieu par ta main ? Moi non, et pas non plus au ready-made. Il y a
Il ne s'agit pas d'y croire ou pas. Ces choses là existent, que tu le
veuille ou non, et nous fonctionnons avec elles.
> Y a deux sortes de beau, le naturel et l'artificiel. L'art est du
> domaine de l'artifice, non ?
Considère la photo. C'est du naturel (la fleur sur la photo) ou de l'artificiel (la photo) ?
Qu'est-ce qui fait que c'est beau ou pas ? La photo (naturelle), le photographe (humain) ?
Qu'est-ce qui transforme la fleur naturelle en art artificiel ?
Pas si simple.
f.g.
--
FiLH photography. A taste of freedom in a conventional world.
Web: http://www.filh.org e-mail gou...@enseirb.fr
FAQ fr.rec.photo : http://frp.parisv.com/
Sitafoto la photo a Bordeaux : http://sitafoto.free.fr/
> II.22. Le Maître dit : « Je ne vois pas ce qu'on pourrait
> faire d'un homme qui ne tient pas parole : comment
> utiliser un char sans timon, ou une voiture sans brancards ? »
je me rappelle, c'est dans "l'année du dragon" : quand il a fini la phrase
un de ses sbires tue le blanchisseur qui lui devait trois cents et qui
n'avait pas su dire la réponse (la réponse était "on fait avec", "on se
démerde").
> Arf... En parlant de mélange de pinceaux...
> T'y arrives aussi bien que moi... Mais passons...
hum hum
Normalement quand on se trompe on ne la ramène pas trop ;-)
> 1/ Si l'art est vraiment un langage, si c'est l'essence
> de l'art, alors toute oeuvre d'art tient un discours à
> celui qui est devant, non ?
si un discours est un texte écrit que l'on lit à haute voix devant une
assemblée en prenant un verre d'eau de temps en temps et qui est applaudi à
la fin, alors une oeuvre d'art n'est pas un discours. Mais un roman non
plus.
> Bien connaître une oeuvre peut alimenter le feu qu'on
> éprouve pour elle, mais elle n'est pas l'étincelle.
mais l'étincelle, c'est pas grand chose, ça ne se suffit pas à soi-même,
une oeuvre, comme une personne est un tout, il y a du bon, du moins bon, du
vital et de l'annecdote, du détail vital et du grand dessein annecdotique
aussi. La connaissance de la complexité d'une oeuvre n'est pas nécéssaire à
son appréciation, à sa compréhension ni même à sa fabrication, ce n'est pas
pour autant que l'oeuvre pourrait s'en passer.
Enfin on parle un peu pour ne rien dire là (preuve que le langage
"littéraire", même élaboré, peut n'avoir aucune utilité directe en termes
de communication)
> Certes oui, et la détermination essentielle d'un outil
> sur un art est dans les contraintes qu'il impose. Au
> lieu de fantasmer la « liberté retrouvée » de l'artiste
> grâce à la ductilité de l'ordi, liberté censée permettre
> le déploiement de l'inspiration injustement étouffée
> sous les contrainte du pinceau, il me semble qu'il
> faut au contraire chercher attentivement quelles sont
> les contraintes du nouveau média. Pour l'ordi, le
> légèreté en octets est une contrainte qui peut être
> très fertile, si on veut bien l'assumer et en jouer.
heureusement qu'il y a des gens qui ont réfléchi à ça en allant un peu plus
loin :-)
l'ordinateur comme moyen d'expression artistique va bien plus loin que le
fait de faire des tableaux avec photoshop ! Le concept de
l'interactivité/réactivité (déjà présent dans l'art cinétique), de la
génération automatique, de l'actualisation (les données se modifient selon
certains critières), de la participation, du réseau et de la
coopération,... tout ça est passionnant !
quelques points de départ
http://www.labart.univ-paris8.fr/ http://www.arpla.univ-paris8.fr/
http://www.maedastudio.com http://artlibre.org/ http://www.numer.org/
http://archee.qc.ca/ http://www.incident.net/ ...
> Or je pense qu'il faut relier l'art à cette joie.
un sentiment (certes universel) comme l'effroi, est assez éloigné de la
joie, c'est pourtant un des moteurs de Goya, par exemple
> > où vois-tu que le soleil signifie "le père" ?
> La symbolique de base.
> > Quand je te dis discursivement, langagièrement,
> > oralement, littérairement, "le soleil brille", tu
> > m'entends parler de mon père ???
> Oui. « Soleil cou coupé ». Assasinat du père-soleil...
psychologie de café du commerce, oui, quand je vois un soleil je pense au
soleil :-)
Ces interprétations, ça va un peu pour rire, mais ce n'est pas très
sérieux. La science en vient à prouver que le temps est un hasard né du big
bang, mais la psychologie continue à faire des ravages en entreprise en
cherchant des pères et des mères dans les dessins tout moches qu'on demande
aux entretiens d'embauche. Si ce n'était pas amusant, ce serait triste.
Je veux bien que la sinusoïde, la "linea serpentina" pour les artistes,
"exprime" quelque chose de différend que ce qu' "exprime" la ligne droite,
je veux bien que l'oeil trouve une forme de perfection dans ce qui respecte
des canons géométrique, que le cercle ait quelque chose de visuellement
"complet", que le carré ait quelque chose de "carré", etc., je veux bien
qu'un arbre nous évoque des choses très différentes d'un autre
> Moui... La peinture ne me semble pas « parler »... Dire d'un
> tableau que « ça me parle », c'est une métaphore. D'ailleurs,
> si ça « te parle », c'est précisément par l'intérmédiaire des
> signes culturels acquis.
comme j'essayais de te le dire, peu de choses dans notre faculté
d'appréhension du monde ne sont pas "culturellement acquis", à part les
sensations élémentaires comme le plaisir et la douleur, le manque et la
satiété, qui nous servent justement d'outil de compréhension, il est
probable que tout soit "culturellement acquis", une des caractéristiques de
l'être humain étant de s'adapter, il naît en ayant tout à apprendre,
contrairement à x animaux qui ont déjà des gestes "embarqués" (moins qu'on
ne pourrait croire cependant, on a découvert que les cris/chants de
plusieurs animaux changeaient selon les régions mais aussi suivaient des
modes passagères ou durables).
Par ailleurs, le discours textuel est lui aussi plus complexe qu'il ne
semble, un texte en apparence neutre peut exprimer de grands sentiments et
vice versa, et tout le monde ne saura pas le lire ainsi, par ignorance du
contexte ou par manque d'outils d'appréciation. Le texte ne dit pas que ce
qu'il dit, comme la peinture, par d'autres moyens.
> S'il n'y a que ça, il m'est impossible d'aimer un tableau chinois
> (et disons que je regarde mon premier tableau chinois, pour
> éviter que tu répondes que j'en ai déjà vu un) ou un totem de
> l'Île de Pâques. La grande différence du langage et de
> l'art, pour moi, c'est justement que ce qui fait vraiment l'art est
> universel, alors que le langage est un donné fortement culturel.
ce matin/cette nuit je me suis couché vers cinq heures (plus de cours à
assurer, je suis complètement décallé ;-)). Bon à cinq heures, les oiseaux
sont déchaînés chez moi (c'est la campagne), ils chantent comme des
malades, les hiboux sont couchés, les chats roupillent, il n'y a pas de
voitures, ils peuvent se lacher. Ils le font tous les matins. Est-ce qu'ils
se causent dans une sorte de morse ? est-ce qu'ils draguent ? est-ce qu'ils
sont juste contents ? est-ce qu'ils complotent ? est-ce qu'ils chantent la
gloire de dieu - sans même en avoir conscience - comme le pensait François
d'Assise ? Je ne sais pas, je n'en sais rien, mais je ne peux nier qu'ils
ont un langage, ce n'est pas parce que je ne les comprends pas, ou parce
que j'aime les écouter sans chercher à savoir ce qu'ils se disent, que leur
langage n'en n'est pas un. A noter au passage, l'histoire de l'art modene
(de Giotto à nos jours) doit beaucoup à François d'Assise, c'est un peu à
sa suite et souvent en lui rendant directement hommage que Giotto ou
Masaccio ont voulu représenter le monde non comme une grammaire
symbolique/icônique, mais pour ce qu'ils en voyaient, argumentant que
rendre hommages aux choses de la création était rendre hommage au créateur,
et grace à ce poète et à ces artistes, entre autres, la chrétienté a pu se
débarrasser (un peu) de ses complexes vis à vis de tout ce qui n'était pas
à l'échelle cosmique et a pu apprécier le corps humain par exemple, et
provoquer la naissance de la médecine, des sciences de l'observation et de
la science "rationaliste"... La peinture de Masaccio n'a pas les apparences
d'un discours, mais elle a (pas toute seule, et d'ailleurs elle était
elle-même le fruit des préoccupations de son époque) provoqué des
changements sans lesquels notre monde actuel serait bien différent.
La peinture figurative "réaliste" (entretenant un rapport au réel, et par
là je n'entends pas spécialement "photographique") tient un discours sur le
réel, sur la beauté, la laideur, sur la nature,... Je peux dire "il est
beau cet arbre", ça ne sera pas une information passionnante. Si je passe
un mois à peindre un arbre en cherchant dans sa structure et dans sa forme
une majesté "perceptible", si je parviens à montrer dans cet arbre des
choses que j'aurais eu du mal à exprimer littérairement, parce que
certaines choses se montrent et ne se disent pas bien, j'aurais eu un
discours, je ne vois pas pourquoi la monstration ne serait pas plus une
forme de discours que l'évocation.
montrer est une façon de dire. Une caractéristique étrange des arts
plastiques est le spectre couvert par ces formes d'expression, de l'icône à
la représentation la plus matérialiste, du plaisir abstrait et "musical"
des formes à la métaphysique de la vision optique... Pour tout embrouiller,
les arts plastiques peuvent jouer sur plusieurs cordes en même temps, se
servir de certains détails comme des marqueurs iconiques et se servir de
certains autres pour leur valeur abstraite optique, voire les deux en même
temps. Je pense que tu as conscience de tout ça, eh bien ce n'est pas parce
que cette "grammaire" est polymorphe, complexe, plus facile à accepter qu'à
comprendre, que ce n'est pas un langage ! L'art depuis Duchamp et sa
descendance (complexe et diverse même si ça n'apparaît pas quand on s'y
intéresse en surface) a étendu encore un peu le champ d'expression des arts
plastiques en sortant un peu du mythe de la "maîtrise", de la dictature du
dessin ou de certaines traditions qui devenaient sclérosantes (qui
n'étaient passionnantes que lorsqu'elles étaient des conquêtes à faire).
Enfin c'est un autre sujet.
> > Tu oublies l'essentiel de l'art : les oeuvres acheiropoïètes qui
> > traversent avec obstination les siècles et les continents. C'est à
> > dire les oeuvres non faites de main d'homme et qu'on retrouve dans
> > tout l'art africain (les si mal nommés "fétiches" qui veut dire "fait
> > main" alors que, réalisés en transe par les sorciers, les gri-gri
> > africains sont comme tombés du ciel, non fait de main d'homme
> > précisément) et en occident, du Saint Suaire de Turin au ready-made.
> > Le "fait de main d'homme" n'est pas le critère de l'art et de sa
> > beauté.
>
> Pffft... t'y crois, toi, au Saint Suaire et à la transe qui fait parler
> un dieu par ta main ?
Bien sûr! Si seul le crédible est croyable, il n'y a pas besoin de
croire pour cela. Il n'y a que l'incroyable qui soit crédible.
Bien sûr, on sait (carbone 14) que le suaire de Turin est un faux. Tout
comme le ready-made est du faux art. Le faux n'est là que pour dire le
vrai, c'est le propre de l'art (celui qui se prétend vrai comme celui
qui excède le vrai par des faux). Du faux plus vrai que nature. Tout ce
qui nous concerne.
Le "non fait de main d'homme" est central dans l'art. Vera Icona,
Véronique, véritable image (ce voile qu'on retrouve d'ailleurs dans le
bout de chiffon qu'agite le torero devant le taureau, rouge et souvent
maculé de sang). Sang pas d'encre, sang non fait de main d'homme. Tout
l'art coule de cette source là et autres sécrétions du corps humain.
> Moi non, et pas non plus au ready-made. Il y a
> certainement un état de transe qui permet de trouver des formes profondes,
> mais ce n'est pas de l'ordre du divin, plutôt de celui de l'humain trop
> humain.
Je vois que tu es un indécrotable croyant qui ne porte crédit qu'à ce
qu'il connait. Que peut-on découvrir dans ces conditions là? Rien qu'on
ne savait déjà. Quand le savoir s'arrête à l'imaginable il n'offre rien
à voir.
> Y a deux sortes de beau, le naturel et l'artificiel. L'art est du
> domaine de l'artifice, non ?
Je ne vois pas ça ainsi. Il n'y a pas 2 sortes de beau, je ne comprends
pas ce raisonnement.
--
Antoine Moreau
« Coin coin coin, coin ! Coin coin : coin. »
Saturnin le canard.
> le monde est ainsi fait qu'on ne t'écoute pas si tu n'as
> pas montré tes diplomes.
pour une raison assez simple : les domaines se complexifient, Léonard et
Alberti ou encore les "encyclopédistes", c'est fini, on ne peut plus être
spécialiste de tout, et l'avis de coin de zinc de l'alcolique lambda sur la
question de savoir si le soleil tourne autour de la terre ou le contraire,
ce n'est pas très intéressant, ça ne fait pas avancer le schlimblick.
Dans chaque domaine des sciences (exceptées dans le domaine médical où
l'absence de diplômes rend la pratique illégale) il existe pourtant des
"amateurs purs", autodidactes, qui sont extrèmement considérés, le monde
n'est pas si figé pour les gens dont l'engagement est absolu.
> D'ailleurs, si ça tombe, je suis Jack Lang, qui sait...
Attrappez-le ! C'est Jack lang !
Il me faudrait un exemple indubitable de cette « chose »-là.
>> Y a deux sortes de beau, le naturel et l'artificiel. L'art est du
>> domaine de l'artifice, non ?
>
> Considère la photo. C'est du naturel (la fleur sur la photo) ou de
> l'artificiel (la photo) ?
La fleur est naturelle, la photo de la fleur est artificielle. Comment
une fleur pourrait-elle ne pas avoir d'odeur, comment pourrait-elle ne pas
osciller légèrement au vent ? La photo de fleur est une image artificielle
de la fleur.
> Qu'est-ce qui fait que c'est beau ou pas ?
> La photo (naturelle), le photographe (humain) ?
Le photographe tente d'« imiter » la beauté naturelle de la fleur par le
moyen de cet artifice qu'est la photo.
> Qu'est-ce qui
> transforme la fleur naturelle en art artificiel ?
La chimie argentique ou la numérisation, selon les cas.
> Pas si simple.
Peut-être que non, peut-être que si. Scuze, je t'ai répondu en mode «
réponse simple à des questions envisagées dans leur simplicité brute ».
C'est pas que je croie avoir raison. C'est que, au fond, c'est peut-être
plus simple qu'on ne peut penser, à condition de rester en mode « première
approche ». Après, il faut sans doute apporter des correctifs ou des
infirmations.
Au fait, toi le photographe, tu connais Bloßfeld ? J'ai vu ça du temps
que j'avais une copine aux Zobarts de Bordeaux. Par rapport aux visages
néo-réalistes interrogateurs ontologétiques de l'Étant-Là qu'on fait
aujourd'hui, de « simples » bébés fougères, ça me semble archi vachement
plus intéressant.
http://www.natuurmuseum.org/tentoonstellingen/wisselend/blossfeldt.htm
http://www.martingrund.de/mikrofotos/bilder/blossfeld/Unbenannt-3.jpg
--
I.16. Le Maître dit : « Ce n'est pas un malheur d'être méconnu des hommes,
mais c'est un malheur de les méconnaître. »
Moi ça me fait penser à du Ricoeur, qui dit en très gros que le fait de
tenir parole est le fondement de l'identité personnelle, qui s'inscrit
forcément dans le temps. « Si je suis encore moi demain, je tiendrais ma
promesse. » Pour certains, le fait de tenir sa parole est un axiome de la
morale petite bourgeoise, liée à l'idée romantique de l'honneur. Pour moi,
c'est un des trucs importants qui fait qu'on est pas des chiens.
--
VII.19. Le gouverneur de She interrogea Zilu sur Confucius, mais Zilu ne
trouva rien à dire. Le Maître dit à Zilu : « Que ne lui avez-vous répondu :
C'est un homme qui, dans son enthousiasme, en oublie de manger, et dans sa
joie oublie les soucis ; il ne sent pas l'approche de la vieillesse. »
Non : )
Je t'assure : il n'y pas de source ultime de la connaissance, aucune
autorité définitive. La seule chose que tu as le droit et le devoir de
faire, c'est d'essayer de réfuter la proposition que j'avance, pour ce
qu'elle est et non à la lumière de mon éventuelle compétence reconnue (par
qui ? par quoi ?). Tu peux montrer aussi que ce que je dis se rapporte à de
fausses questions, donc n'a pas de sens, donc ne porte aucune vérité ni
fausseté. Il est évidemment parfois utile, dans la présentation d'une idée,
de la contextualiser en précisant si l'émetteur de l'idée est un artiste, un
étudiant, un simple érudit ou un clochard céleste. Mais dans tous les cas,
le dernier mot ne peut pas être donné à la présentation de « papiers »
démontrant une quelconque compétence.
...
> Sur la question des invraissemblablesses, j'aurais espéré
> que mon exemple dans le message
> <1ff64g7.bh2g7o1c06db1N%sho...@free.fr.nospam> fut suffisant. Si ce
> n'est pas le cas je suis très triste. Prétends-tu que rien ne puisse
> t'atteindre par la seule force de la théorie intrinsèque, qu'une
> enveloppe charnelle luxuriante et plaisante aux yeux soit la
> condition sine-qua-none, et que tu sois incapable d'avoir un avis qui
> évolue ? Ce que j'essaye de dire, c'est que personne n'est a priori
> séduit par ce qui ressemble à un aplat gris.
Mouais, faudrait que je voie ça. Si c'est vraiment gris uniforme, j'ai
tendance à penser que c'est probablement du foutage de gueule. Si c'est un
tableau avec des formes dedans, même très atténuées, et qu'on peut parler
d'une sorte d'harmonie, alors je suis tout à fait partant. Mais je ne vois
pas bien clairement comment cet exemple peut démolir tout ce que j'avance.
> Mais qu'on peut,
> parfois, le comprendre, l'admirer, et en admettre la nature
> artistique indéniable. Maintenant, ce qu'il *faut* que j'ajoute,
> c'est qu'il me ssemble à moi aussi qu'il y a un paquet de crétins
> décervelés qui font n'importawak grand modèle en essayant, justement,
> de surfer sur la vague de doute qui imprègne toute la contemporanéité
> de l'art. ('tin, c'est pas beau ça ? Pour me proposer un poste chez
> ArtPress, m'écrire.)
Yep !
> Mais la forêt ne doit pas cacher l'arbre.
Elle cache toujours l'arbre. C'est l'inverse, tu cherches à cacher la
forêt de m*** qui croît en dépit du bon sens avec une petit arbre
exceptionnel et gris uniforme qui, lui, serait suffisant pour dire que
l'artemporain n'a pas « perdu » le sens de l'art.
--
II.24. Le Maître dit : « Sacrifier à un dieu qui n'est pas le vôtre, c'est
de la flagornerie. Ne pas agir quand la justice le commande, c'est de la
lâcheté. »
Sauf que c'est toi qui a commencé à balancer des incongruïtés
logico-cafouilleuses, forcément logico-cafouilleuses.
>> 1/ Si l'art est vraiment un langage, si c'est l'essence
>> de l'art, alors toute oeuvre d'art tient un discours à
>> celui qui est devant, non ?
>
> si un discours est un texte écrit que l'on lit à haute voix devant une
> assemblée en prenant un verre d'eau de temps en temps et qui est
> applaudi à la fin, alors une oeuvre d'art n'est pas un discours. Mais
> un roman non plus.
Le roman n'est-il pas une séquence de mots de longueur donnée avec un
premier mot, un second, un troisième ?... le tout organisé selon des
phrases, elles aussi ordonnées en une séquence linéaire ?... Pour moi, cette
linéarité du fil créé entre le roman et le lecteur est un aspect essentiel
de la littérature, et de tout discours. Quand on est devant un tableau, on
reçoit simultanément les formes (et linéairement aussi, mais la simultanéïté
reste l'essentiel), on est dans le non-linéaire. Les avangardistes du
Nouveau Roman et autres Barthes ont essayé de délinéariser le discours.
Finalement, l'expérience la plus convaincante à ce sujet est pour moi les
fameux « livres dont vous êtes le héros »... Mais là encore : on peut
tronçonner le fil, il n'en reste pas moins fil, comme ces vers de vase que
je découpais en tronçon quand j'étais môme.
>> Bien connaître une oeuvre peut alimenter le feu qu'on
>> éprouve pour elle, mais elle n'est pas l'étincelle.
>
> mais l'étincelle, c'est pas grand chose, ça ne se suffit pas à soi-
> même, une oeuvre, comme une personne est un tout, il y a du bon, du
> moins bon, du vital et de l'annecdote, du détail vital et du grand
> dessein annecdotique aussi. La connaissance de la complexité d'une
> oeuvre n'est pas nécéssaire à son appréciation, à sa compréhension ni
> même à sa fabrication, ce n'est pas pour autant que l'oeuvre pourrait
> s'en passer. Enfin on parle un peu pour ne rien dire là (preuve que
> le langage "littéraire", même élaboré, peut n'avoir aucune utilité
> directe en termes de communication)
Hé hé... Tu as l'impression qu'on parle pour ne rien dire... C'est
justement parce qu'on est d'accord. Sauf quand tu dis que l'« étincelle
n'est pas grand chose ». Je dirais pour ma part que c'est essentiel mais
qu'il est difficile d'en dire plus.
>> Pour l'ordi, le
>> légèreté en octets est une contrainte qui peut être
>> très fertile, si on veut bien l'assumer et en jouer.
>
> heureusement qu'il y a des gens qui ont réfléchi à ça en allant un
> peu plus loin :-)
> l'ordinateur comme moyen d'expression artistique va bien plus loin
> que le fait de faire des tableaux avec photoshop ! Le concept de
> l'interactivité/réactivité (déjà présent dans l'art cinétique), de la
> génération automatique, de l'actualisation (les données se modifient
> selon certains critières), de la participation, du réseau et de la
> coopération,... tout ça est passionnant !
> quelques points de départ
> http://www.labart.univ-paris8.fr/ http://www.arpla.univ-paris8.fr/
> http://www.maedastudio.com http://artlibre.org/ http://www.numer.org/
> http://archee.qc.ca/ http://www.incident.net/ ...
J'ai regardé mais je n'ai pas trouvé chaussure à mon pied. Je n'ai pas
dû assez fouiller. Ce serait plus mieux si tu pouvais me donner des exemples
de réussites dans l'art sur ordi, dans l'interactivité. En fait, je doute un
peu de l'interactivité comme « valeur artistique », parce que je n'ai pas
été très convaincu pour l'instant. Je te donne quelques sites que j'aime
bien, malgré tout :
http://cmart.design.ru/
http://surface.yugop.com/
http://www.turux.org/default.html
(voir la série n° 4)
>> Or je pense qu'il faut relier l'art à cette joie.
>
> un sentiment (certes universel) comme l'effroi, est assez éloigné de
> la joie, c'est pourtant un des moteurs de Goya, par exemple.
Oui, mais si un truc ne fait « que » m'effrayer, c'est insuffisant. Il
faut qu'une sorte de beauté s'en dégage et je la reconnais à ce qu'elle me
réjoui (même dans l'effroi). Le monde décrit par Céline est effrayant. Sa
façon de le décrire est « belle ».
>>> où vois-tu que le soleil signifie "le père" ? La symbolique de
>>> base. Quand je te dis discursivement, langagièrement,
>>> oralement, littérairement, "le soleil brille", tu
>>> m'entends parler de mon père ??? Oui. « Soleil cou coupé ».
>>> Assasinat du père-soleil...
>
> psychologie de café du commerce, oui, quand je vois un soleil je
> pense au soleil :-)
> Ces interprétations, ça va un peu pour rire, mais ce n'est pas très
> sérieux.
Je ne voulais pas être sérieux sur ce point, ça tombe bien.
Quelques précisions sur le langage :
> [Les oiseaux chantent]
> Est-ce qu'ils se causent dans une sorte de morse ?
Peut-être, mais le morse n'est pas un langage, c'est un code, comme le
C++ et le Prolog.
> est-ce qu'ils draguent ? est-ce qu'ils sont juste contents ?
> est-ce qu'ils complotent ?
Probable : )
> est-ce qu'ils chantent la gloire de dieu - sans même en
> avoir conscience - comme le pensait François d'Assise ?
Ils chanteraient la gloire de la Nature, plutôt. Mais c'est l'inverse :
la Nature chante en eux comme elle chante pour moi à chaque coucher de
soleil (quand j'ai la chance d'y assister) Par les dix mille bouches, elle
ne dit rien d'autre qu'elle-même. Mais là encore, on métaphorise : la Nature
ne « dit » rien, elle « est ». Vu de chez nous, on peut croire qu'elle parle
alors qu'elle se contente en fait d'être là, tout bonnement, et sa nature
(la nature de la Nature !) est tout simplement que les oiseaux chantent et
les fleurs s'ouvrent au soleil du matin.
> Je ne sais
> pas, je n'en sais rien, mais je ne peux nier qu'ils ont un langage,
> ce n'est pas parce que je ne les comprends pas, ou parce que j'aime
> les écouter sans chercher à savoir ce qu'ils se disent, que leur
> langage n'en n'est pas un.
En fait, on n'a pas la même conception du langage, qui est pour moi un
attribut humain. Les abeilles, les oiseaux communiquent, les singes ont une
forme de culture, mais aucun d'eux n'a pour l'instant montré une réelle
faculté de langage, n'en déplaise aux américaines dévouées qui font parler
les gorilles ou les otaries. Je ne dis pas que c'est impossible, mais c'est
pour moi très loin d'être prouvé.
> A noter au passage, l'histoire de l'art
> modene (de Giotto à nos jours) doit beaucoup à François d'Assise,
Je coupe ton développement. Fort intéressant, ma foi.
> Si je passe un mois à peindre un arbre en
> cherchant dans sa structure et dans sa forme une majesté
> "perceptible", si je parviens à montrer dans cet arbre des choses que
> j'aurais eu du mal à exprimer littérairement, parce que certaines
> choses se montrent et ne se disent pas bien, j'aurais eu un discours,
> je ne vois pas pourquoi la monstration ne serait pas plus une forme
> de discours que l'évocation. Montrer est une façon de dire.
Hé non, pas pour moi. L'art « montre » mais ne « dit » pas, selon mon
point de vue. Transmettre la « majesté perceptible » de ton arbre n'est pas
faisable avec des mots. Transmettre ton tableau avec des mots n'est pas
possible non plus. Ça montre bien pour moi qu'il y a un gouffre entre le
montrer et le dire. Un peu comme celui qu'on peut creuser entre le
comprendre et l'expliquer (je pique l'idée à Ricoeur) : en gros,
l'explication analyse un gros truc en petit bouts plus facile à tenir avec
nos petits doigts et il faut recoller (comprendre) les morceaux après. Si tu
veux, l'art te fait comprendre sans t'expliquer. C'est la propriété
caractéristique de mots de « séparer » les champs de sens, de cerner chaque
chose en la séparant de la voisine. C'est pour ça que je récuse l'analogie
avec le langage.
> [...]
> L'art depuis Duchamp et sa descendance
Qu'on les pende !
> (complexe et diverse même si
> ça n'apparaît pas quand on s'y intéresse en surface) a étendu encore
> un peu le champ d'expression des arts plastiques en sortant un peu du
> mythe de la "maîtrise", de la dictature du dessin ou de certaines
> traditions qui devenaient sclérosantes (qui n'étaient passionnantes
> que lorsqu'elles étaient des conquêtes à faire).
Relis tes classiques chinois : si on a jugé les traditions sclérosantes,
c'est peut-être parce qu'on a voulu trop chercher en largeur ce qui se
trouve en profondeur. A-t-on vraiment fait le tour de l'art « académique » ?
a-ton assez creusé le sillon « classique » ? Est-e qu'il y a un sens à
l'évolution de l'art ?... Mais bon, comme tu dis :
> Les avangardistes du Nouveau Roman et autres Barthes
> ont essayé de délinéariser le discours.
> Finalement, l'expérience la plus convaincante à ce sujet
> est pour moi les fameux « livres dont vous êtes le héros »...
> Mais là encore : on peut tronçonner le fil, il n'en reste
> pas moins fil, comme ces vers de vase que
> je découpais en tronçon quand j'étais môme.
bon, je préfère arrêter la conversation sur la linéarité du discours, elle
n'a strictement aucun sens, renseigne-toi sur la rhétorique, sur la
différence entre micro-structures, macro-structures etc., je vais essayer
d'huiler un dernier boulon avant d'arrêter en te posant cette question : un
roman parle-t-il d'une seule chose ? a-t-il un seul sujet ? Et si non,
comment pourraît-il être linéaire ?
Pour le moment je dois te dire que tu n'as pas la moyenne :-)
> > quelques points de départ
> > http://www.labart.univ-paris8.fr/ http://www.arpla.univ-paris8.fr/
> > http://www.maedastudio.com http://artlibre.org/ http://www.numer.org/
> > http://archee.qc.ca/ http://www.incident.net/ ...
> J'ai regardé mais je n'ai pas trouvé chaussure à mon pied.
> Je n'ai pas dû assez fouiller.
ce sont des sites théoriques surtout, pointant vers d'autres parmi lesquels
justement se trouvent ceux que tu cites. Tu as une page de lien fournie à
http://www.arpla.univ-paris8.fr/~canal5/object/ (menu:liens)
> Ce serait plus mieux si tu pouvais me donner des exemples
> de réussites dans l'art sur ordi, dans l'interactivité. En fait,
> je doute un peu de l'interactivité comme « valeur artistique »,
> parce que je n'ai pas été très convaincu pour l'instant.
c'est un peu faible comme raison ("monsieur John maeda, désolé, mais vous
vous crevez pour rien, car un dénommé gbog n'est pas convaincu") ;-)
je suis aussi assez déçu par le fort petit nombre de productions
intéressantes, mais il suffit qu'il en existe quelques unes pour me
convaincre, au moins, que c'est possible. En fait je consacre une bonne
partie de mon temps à tout ça, je sais à quoi m'en tenir, je n'attends pas
vraiment que tu m'édifies sur le sujet et je manque un peu de courage pour
ce qui est de faire du prosélytisme : crois-moi sur parole, il y a des
choses, pas forcément sur le web dont les contraintes (universalité des
outils, temps d'accès) rendent plein de choses impossibles.
> > un sentiment (certes universel) comme l'effroi, est assez éloigné de
> > la joie, c'est pourtant un des moteurs de Goya, par exemple.
> Oui, mais si un truc ne fait « que » m'effrayer, c'est insuffisant.
> Il faut qu'une sorte de beauté s'en dégage et je la reconnais à ce
> qu'elle me réjoui (même dans l'effroi). Le monde décrit par Céline
> est effrayant. Sa façon de le décrire est « belle ».
et une madonne ou une gondole qui clignote en tournant et en faisant de la
musique, c'est beau, effrayant... ? Les deux justement, et alors ? Et puis
tu ne parlais pas de beauté, tu parlais de joie. Quelqu'un qui parvient à
exprimer une forme de joie par la peinture (Bonnard très très en forme ???
Renoir parfois ?), c'est rare, vraiment rare, ça fait carrément partie des
choses intransmissibles ou presque (par la peinture hein). Le cinéma y
parvient les doigts dans le nez, la chanson aussi. Voilà un sujet
passionnant en tout cas.
Si j'étais toi j'éviterais de chercher des grandes lois "l'art c'est la
joie", même si tu te défiles en ajoutant "quasiment toujours", si une loi
est fausse, il ne faut pas s'accrocher, c'est bien d'avoir tenté, mais
persister, c'est de l'orgueil.
> > [Les oiseaux chantent]
> > Est-ce qu'ils se causent dans une sorte de morse ?
> Peut-être, mais le morse n'est pas un langage, c'est
> un code, comme le C++ et le Prolog.
le morse est un code, ok. Les "langages" de programmation ne sont pas des
langages si tu veux, mais on ne peut pas non plus les appeller "codages",
ce sont des séquences plus ou moins linéaires d'instructions, des
commandes.
Tant qu'à pinnailler.
> Mais là encore, on métaphorise : la Nature
> ne « dit » rien, elle « est ». Vu de chez nous,
> on peut croire qu'elle parle alors qu'elle se contente
> en fait d'être là, tout bonnement, et sa nature
> (la nature de la Nature !) est tout simplement
> que les oiseaux chantent et
> les fleurs s'ouvrent au soleil du matin.
effectivement, et si tu vois le soleil se coucher ce n'est pas parce qu'il
se couche mais parce que tu es là pour le croire. Il n'empêche que les
oiseaux ont une raison de chanter et les fleurs une raison de s'ouvrir, au
moins en tout cas autant de raison que tu n'en as de parler.
> En fait, on n'a pas la même conception du langage, qui
> est pour moi un attribut humain. Les abeilles, les oiseaux
> communiquent, les singes ont une forme de culture, mais
> aucun d'eux n'a pour l'instant montré une réelle faculté
> de langage, n'en déplaise aux américaines dévouées qui
> font parler les gorilles ou les otaries.
> Je ne dis pas que c'est impossible, mais c'est
> pour moi très loin d'être prouvé.
et les guépart sont nuls en saut à la perche donc le guépard ne sait pas
sauter ? Les dauphins sont nuls en crawl donc les dauphins ne nagent pas ?
Si les singes et les otaries n'ont pas besoin de parler ta langue pour ce
qu'ils ont à se dire, ce n'est pas tes oignons, leur langage est limité à
leurs champ d'intérêt. On a quand même identifié une centaine de mots dans
le vocabulaire des dauphins, c'est pas si mal par rapport aux 200 mots et
quelques du langage courant d'un présentateur TV.
Quand un chat a envie de sortir, ou de manger, il sait très bien se faire
comprendre, j'insiste. Je connais aussi des gens vraiment pas doués pour se
faire comprendre, ils utilisent pourtant un langage évolué.
> [...] Ça montre bien pour moi qu'il y a un gouffre entre le
> montrer et le dire.
montrer est une façon de dire et vice versa. La preuve, tu me __dis un truc
et tu dis "ça _montre_ bien". Dans le fait de montrer il y a effectivement
ce que tu appelais à tort l'immédiateté et que tu devrais plutôt appeller
l'évidence (au sens français ou anglais d'ailleurs), pour me dire que ta
preuve est indiscutable, tu dis "ça montre". Pourtant ta preuve n'avait
rien de visuel.
A présent je peux encore essayer d'ébranler tes certitudes grace à Tintin,
si tu as chez toi "vol 737 pour Sidney". Dans une case, on voit le
capitaine Haddock commencer à s'emméler les pieds en haut d'un escalier, à
la descente d'un avion, et dans la suivante, on le voit avec un bandage sur
la tête (quelque chose comme ça, je ne l'ai pas lu depuis longtemps). Or ça
n'étonne personne, personne ne se dit "il manque quelque chose", au
contraire certains croient se rappeller du dessin qui montre précisément la
chute du capitaine. Cette chute se trouve dans la fameuse "intercase", elle
n'est pas dessinée et surtout pas racontée, aucun récitatif ne dit "oh, il
va tomber" ni "là il a un bandeau parce qu'il est tombé". Mais tout le
monde a compris l'incident. Ici l'image a servi à raconter comme tu l'aime,
de façon linéaire, séquencielle,... et sans montrer.
> Si tu veux, l'art te fait comprendre sans t'expliquer.
en parlant à quelqu'un je peux lui faire comprendre plein de choses sans
les lui expliquer. Un roman peut dire plein de choses sans les expliquer.
Expliquer, c'est vraiment le truc qu'on ne fait que sur les forums à 3h00
du matin.
> > [...]
> > L'art depuis Duchamp et sa descendance
> Qu'on les pende !
ça fait beaucoup de gens à pendre et j'ai peur que le mobile ne soit pas
reçevable. Renseigne-toi au lieu de juger sur la foi de... rien.
> Relis tes classiques chinois : si on a jugé les traditions
> sclérosantes, c'est peut-être parce qu'on a voulu trop chercher
> en largeur ce qui se trouve en profondeur. A-t-on vraiment fait
> le tour de l'art « académique » ?
> a-ton assez creusé le sillon « classique » ? Est-e qu'il y a
> un sens à l'évolution de l'art ?...
on n'a jamais fait le tour de rien, un peintre peut refaire x fois le même
tableau avec quelques variantes, toute sa vie, il n'aura jamais fini. On a
fait le tour des choses lorsqu'on a envie de passer à autre chose. Beaucoup
d'artistes d'aujourd'hui ont autre chose à faire que ce que tu voudrais
qu'ils fassent : c'est eux que ça regarde. On ne va pas leur dire "arrêtez
tout, gbog pense que l'art c'est la joie et que vous n'avez pas encore fait
le tour des traditions"... d'un coup, Gbog, ça fait un peu nom de
pithécanthrope.
> > Sur un forum comme ailleurs, personne ne songe à t'interdire ce droit.
> > Mais on a le droit, nous aussi, de te dire qu'il faut plus.
>
> Non : )
Si tu interdis à tes interlocuteurs la possibilité d'émettre une opinion
qui soit contradictoire avec la tienne, je ne vois pas l'intérêt qu'il y
a à discuter. :-(
--
sholby
Le discours du roman est un fil qui relie l'auteur au lecteur. Autrement
dit, toutes les choses, tous les sujets du roman qui n'ont certe rien de
linéaire, l'auteur doit les linéariser, les transformer en discours, en fil,
pour les coucher dans le texte (ou le Texte, mais c'est pareil) et le
lecteur reconstitue lesdites choses dans sa tête à lui, comme il peut. Y a
double transmutation : auteur -> discours, puis discours -> lecteur. Je ne
conçois pas un roman qui ne passe pas par cette linéarisation. Peut-être que
ça arrivera, avec les jeux vidéo... (qui sont selon moi le prochain champ à
défricher pour l'art)
Suivant ton bon conseil, j'ai lu du Lyotard. C'est pas inintéressant,
c'est même lisible. Mais, et là j'y vois le même défaut que chez toi, il
attache une importance indûment prépondérante au langage. Le « linguistic
turn » est d'après une gigantesque impasse. Wittgenstein et consorts, ça
fait me penser aux sophistes ou à l'École de Noms chinoise qui s'enlisait
dans des discussions sur le dur et le blanc, sur le cheval blanc qui n'est
pas un cheval, sur le veau orphelin qui n'eut jamais de mère... C'est très
amusant, mais pas tellement plus qu'un mot fléché. Pour ça, je suis d'accord
avec Popper : faudrait essayer de parler le moins possible du langage (c'est
raté, ici)... Parler de langage est un piège, un sable mouvant qui empêche
toute pensée et la noie dans la mise en abîme. Rien de plus « gadget pour
informaticien boutonneux » que cette fameuse mise en abîme, qui fit mouiller
tant de critiques d'art.
> Pour le moment je dois te dire que tu n'as pas la moyenne :-)
Et moi, pour l'instant, je te rétorque que tu es imbibé jusqu'à l'os de
toute une pensée autoreflexive et sophistiquée qui, en fait, n'a pas de sens
en art.
> > > quelques points de départ
> > > http://www.labart.univ-paris8.fr/ http://www.arpla.univ-paris8.fr/
> > > http://www.maedastudio.com http://artlibre.org/ http://www.numer.org/
> > > http://archee.qc.ca/ http://www.incident.net/ ...
> > J'ai regardé mais je n'ai pas trouvé chaussure à mon pied.
> > Je n'ai pas dû assez fouiller.
>
> ce sont des sites théoriques surtout, pointant vers d'autres parmi
lesquels
> justement se trouvent ceux que tu cites. Tu as une page de lien fournie à
> http://www.arpla.univ-paris8.fr/~canal5/object/ (menu:liens)
Ok, merci.
> > Ce serait plus mieux si tu pouvais me donner des exemples
> > de réussites dans l'art sur ordi, dans l'interactivité. En fait,
> > je doute un peu de l'interactivité comme « valeur artistique »,
> > parce que je n'ai pas été très convaincu pour l'instant.
>
> c'est un peu faible comme raison ("monsieur John maeda, désolé, mais vous
> vous crevez pour rien, car un dénommé gbog n'est pas convaincu") ;-)
> je suis aussi assez déçu par le fort petit nombre de productions
> intéressantes, mais il suffit qu'il en existe quelques unes pour me
> convaincre, au moins, que c'est possible. En fait je consacre une bonne
> partie de mon temps à tout ça, je sais à quoi m'en tenir, je n'attends pas
> vraiment que tu m'édifies sur le sujet et je manque un peu de courage pour
> ce qui est de faire du prosélytisme : crois-moi sur parole, il y a des
> choses, pas forcément sur le web dont les contraintes (universalité des
> outils, temps d'accès) rendent plein de choses impossibles.
Le web rend surtout plein de choses possibles...
> > > un sentiment (certes universel) comme l'effroi, est assez éloigné de
> > > la joie, c'est pourtant un des moteurs de Goya, par exemple.
> > Oui, mais si un truc ne fait « que » m'effrayer, c'est insuffisant.
> > Il faut qu'une sorte de beauté s'en dégage et je la reconnais à ce
> > qu'elle me réjoui (même dans l'effroi). Le monde décrit par Céline
> > est effrayant. Sa façon de le décrire est « belle ».
>
> et une madonne ou une gondole qui clignote en tournant et en faisant de la
> musique, c'est beau, effrayant... ? Les deux justement, et alors ? Et puis
> tu ne parlais pas de beauté, tu parlais de joie. Quelqu'un qui parvient à
> exprimer une forme de joie par la peinture (Bonnard très très en forme ???
> Renoir parfois ?), c'est rare, vraiment rare, ça fait carrément partie des
> choses intransmissibles ou presque (par la peinture hein). Le cinéma y
> parvient les doigts dans le nez, la chanson aussi. Voilà un sujet
> passionnant en tout cas.
> Si j'étais toi j'éviterais de chercher des grandes lois "l'art c'est la
> joie", même si tu te défiles en ajoutant "quasiment toujours", si une loi
> est fausse, il ne faut pas s'accrocher, c'est bien d'avoir tenté, mais
> persister, c'est de l'orgueil.
Ce dans quoi je persiste, et tu peux l'appeler de l'orgueil si tu veux,
c'est de chercher à cerner le sujet dont on cause. Dire « l'art c'est la
joie » est forcément trop court. Je précise un peu donc : « l'art, c'est ce
qui suscite un oui inconditionné à quelque chose fait de main d'homme ». (On
se rapproche de Kant, semble-t-il.)
> On a quand même identifié une centaine de mots dans
> le vocabulaire des dauphins,
Abus de langage, métaphore... ce ne sont pas des mots, ni un
vocabulaire, c'est un « prélangage ». M'enfin bon, le sujet du langage
animal ne me passionne guère. Je ne vois pas l'intérêt. Si les fourmis
pouvaient lire Proust, qu'est-ce que ça changerait à notre sujet ?
> > [...] Ça montre bien pour moi qu'il y a un gouffre entre le
> > montrer et le dire.
>
> montrer est une façon de dire et vice versa. La preuve, tu me __dis un
truc
> et tu dis "ça _montre_ bien". Dans le fait de montrer il y a effectivement
> ce que tu appelais à tort l'immédiateté et que tu devrais plutôt appeller
> l'évidence (au sens français ou anglais d'ailleurs), pour me dire que ta
> preuve est indiscutable, tu dis "ça montre". Pourtant ta preuve n'avait
> rien de visuel.
Roooh le vilain pinailleur : ))
Terrible...
Bon, je reconnais que j'aurais dû passer mon explication au peigne fin
et que c'est une erreur d'avoir dit « ça montre bien »...
Mais le point intéressant de ce que tu dis est à propos de l'immédiateté
et de l'évidence. Pour moi, montrer un arbre, c'est en provoquer une
perception immédiate, sans intermédiaire (autre que les cellules des yeux
vers le cerveau), par rapport à la médiateté des mots qu'a un discours
décrivant l'arbre. Cette médiation par les mots est précisément ce qui fait
le propre du discours. Elle passe par une linéarisation.
> A présent je peux encore essayer d'ébranler tes certitudes grace à Tintin,
> si tu as chez toi "vol 737 pour Sidney". Dans une case, on voit le
> capitaine Haddock commencer à s'emméler les pieds en haut d'un escalier, à
> la descente d'un avion, et dans la suivante, on le voit avec un bandage
sur
> la tête (quelque chose comme ça, je ne l'ai pas lu depuis longtemps). Or
ça
> n'étonne personne, personne ne se dit "il manque quelque chose", au
> contraire certains croient se rappeller du dessin qui montre précisément
la
> chute du capitaine. Cette chute se trouve dans la fameuse "intercase",
elle
> n'est pas dessinée et surtout pas racontée, aucun récitatif ne dit "oh, il
> va tomber" ni "là il a un bandeau parce qu'il est tombé". Mais tout le
> monde a compris l'incident. Ici l'image a servi à raconter comme tu
l'aime,
> de façon linéaire, séquencielle,... et sans montrer.
Oui, mais en suggérant. Que veux-tu dire par ton exemple ? Que le
non-dit est autant voire plur important que le dit dans la "reconstitution
mentale" de l'histoire ? Je n'en doute pas un instant. Flaubert a caché dans
quelques point-virgules des pans entiers de ses romans, les plus importants
(les scènes de cul, par ex.).
À part ça, Hergé est un génie des cases et du graphisme. Dans les
Bijoux, la séquence de la télé couleur devenue folle est incroyable. Ça me
fait penser à Keaton.
> > Si tu veux, l'art te fait comprendre sans t'expliquer.
>
> en parlant à quelqu'un je peux lui faire comprendre plein de choses sans
> les lui expliquer. Un roman peut dire plein de choses sans les expliquer.
> Expliquer, c'est vraiment le truc qu'on ne fait que sur les forums à 3h00
> du matin.
'xactement...
--
VI.23. Le Maître dit : « L'homme sage aime l'eau, l'homme bon aime la
montagne. L'homme sage est actif, l'homme bon est tranquille. L'homme sage
est joyeux, l'homme bon vit longtemps. »
Je blaguais, je m'étais même fendu d'un souriard. Tu as le droit de dire
ce que tu veux, moi aussi (dans les limites légales, d'ailleurs). Ce que je
voulais dire, c'est que me demander de préciser quelles compétences ou
expériences me permettent de tenir tel point de vue est illégitime. Si je
disais qu'en fait je ne fais que défendre la position d'Untel qui est très
connu dans le milieu, ça donnerait-il plus de poid à ce que j'avance ? (Je
sais la réponse : dans les faits, oui... mais je trouve ça dommage.)
--
VI.25. Le Maître dit : « Un vase carré qui serait rond : curieuse façon
d'être un vase carré ! »
> Le discours du roman est un fil qui relie l'auteur au
> lecteur. Autrement dit, toutes les choses, tous les
> sujets du roman qui n'ont certe rien de linéaire,
> l'auteur doit les linéariser, les transformer en discours,
> en fil, pour les coucher dans le texte (ou le Texte,
> mais c'est pareil) et le lecteur reconstitue lesdites
> choses dans sa tête à lui, comme il peut.
Tu peux appliquer une description pareille à n'importe quelle réalisation !
L'artiste (l'écrivain, etc.) ordonne, sélectionne, isole ou montre les
choses de façon à ce qu'elles soient perçues par ses "récepteurs" de la
façon qu'il a décidé et en fonction de ses desseins.
> Peut-être que ça arrivera, avec les jeux vidéo...
> (qui sont selon moi le prochain champ à
> défricher pour l'art)
les jeux vidéo d'aujourd'hui coûtent trop chers à fabriquer pour être des
oeuvres d'auteur, et d'ailleurs le concept d'auteur y est mal vu
(l'inventeur des pokemon est toujours simple employé d'une filiale de
nintendo), alors ce n'est pas pour demain j'en ai peur malgré le potentiel,
le marché fait tout pour éviter que les jeux vidéo aient des auteurs.
> Et moi, pour l'instant, je te rétorque que tu es imbibé
> jusqu'à l'os de toute une pensée autoreflexive et
> sophistiquée qui, en fait, n'a pas de sens en art.
ma vision de l'art est au contraire hyper-simple, simpliste, basique :
j'inclus à ma définition tout ce qui vient et s'auto-intutule art, et je me
refuse à juger de ce que j'aime ou pas en fonction de principes, j'en ai
évidemment, j'essaye d'accepter les surprises au maximum et de donner leur
chance aux objets et à leurs auteurs (pour me donner égoïstement la
possibilité d'être étonné, conquis, émerveillé ou que sais-je).
> Le web rend surtout plein de choses possibles...
oui, mais tu ne peux pas faire sur le web une pièce de 10m3 dans laquelle
tes mouvements et les sons que tu émets génèrent des images par exemple.
Les contraintes du web font que ce qui y est immédiatement le plus
intéressant, ce sont les sites graphiques animés un peu tape à l'oeil, on
ne peut pas limiter le champ artistique des outils informatiques à ça.
> Dire « l'art c'est la joie » est forcément trop court.
> Je précise un peu donc : « l'art, c'est ce qui suscite
> un oui inconditionné à quelque chose fait de main
> d'homme ». (On se rapproche de Kant, semble-t-il.)
un oui de qui ? de toi ? de tout le monde ? de presque tout le monde ? d'au
moins une personne ? Et oui, c'est à dire ? Pas clair ton histoire.
> > On a quand même identifié une centaine de mots dans
> > le vocabulaire des dauphins,
> Abus de langage, métaphore... ce ne sont pas des mots,
> ni un vocabulaire, c'est un « prélangage ». M'enfin bon, le
> sujet du langage animal ne me passionne guère. Je ne
> vois pas l'intérêt.
ah non, ils ont bien un vocabulaire certes réduit et je crois sans le
moindre effort de syntaxe mais ils parviennent, par des sons qu'ils
émettent, à se transmettre des informations. C'est la fonction d'un
langage, non ?
> Que veux-tu dire par ton exemple ? Que le non-dit est autant
> voire plur important que le dit dans la "reconstitution mentale"
> de l'histoire ? Je n'en doute pas un instant. Flaubert a caché
>dans quelques point-virgules des pans entiers de ses romans,
>les plus importants (les scènes de cul, par ex.).
c'était un exemple. Parfois, au contraire, un romancier dit des choses pour
en dire d'autres et dévoile par ses histoires la vision qu'il a du monde,
le roman raconte une fiction et cette fiction sert à autre chose... Le
propre du roman est justement de ne pas avoir un seul propos, contrairement
à l'exposé par exemple.
> À part ça, Hergé est un génie des cases et du graphisme.
> Dans les Bijoux, la séquence de la télé couleur devenue
> folle est incroyable. Ça me fait penser à Keaton.
tu veux dire que Hergé est (était) un artiste ? Ce n'est pourtant qu'un
auteur de BD. Non ? Et puis ses oeuvres "racontent", ont un discours, et le
discours ce n'est pas de l'art. Je n'ai pas compris ?
Le passage avec la télé est classiquement interprété comme un hommage
d'hergé à l'art "moderne" (notamment "pop") dont il était amateur.
> VI.23. Le Maître dit : « L'homme sage aime l'eau, l'homme bon
> aime la montagne. L'homme sage est actif, l'homme bon est
> tranquille. L'homme sage est joyeux, l'homme bon vit longtemps. »
donc être bon, c'est ne pas être sage ? trop bon trop con comme on dit ?
Oui. Mais, si on oppose en pensée l'artiste de l'écrivain (si on
s'attache à voir ce qui les oppose, malgré leur similitudes sur le reste),
on peut voir que l'opération de linéarisation dans un texte est typique de
l'écrivain, et que l'artiste peut donc se définir comme celui qui ne
linéarise pas.
>> Peut-être que ça arrivera, avec les jeux vidéo...
>> (qui sont selon moi le prochain champ à
>> défricher pour l'art)
>
> les jeux vidéo d'aujourd'hui coûtent trop chers à fabriquer pour être
> des oeuvres d'auteur, et d'ailleurs le concept d'auteur y est mal vu
> (l'inventeur des pokemon est toujours simple employé d'une filiale de
> nintendo), alors ce n'est pas pour demain j'en ai peur malgré le
> potentiel, le marché fait tout pour éviter que les jeux vidéo aient
> des auteurs.
Dommage... très dommage... mais tu sembles d'accord que le média des
jeux vidéo est un champ très prometteur en art... j'ai souvent révé d'un
Quake qui serait « beau »... Il y a des efforts de faits, quand même. Si tu
connais Half-Life, tu auras peut être remarqué que ce jv est à la hauteur
des films américains, narrativement parlant. En tout cas moi, j'ai été
vraiment pris dans l'intrigue.
Autre piste : le Voyage de Chihiro montre assez bien comment du dessin
2D simpliste (manga-style) peut fort bien porter une certaine beauté
poétique (pour enfants, mais ça ne m'ennuie pas).
>> Et moi, pour l'instant, je te rétorque que tu es imbibé
>> jusqu'à l'os de toute une pensée autoreflexive et
>> sophistiquée qui, en fait, n'a pas de sens en art.
>
> ma vision de l'art est au contraire hyper-simple, simpliste, basique :
> j'inclus à ma définition tout ce qui vient et s'auto-intutule art, et
> je me refuse à juger de ce que j'aime ou pas en fonction de
> principes, j'en ai évidemment, j'essaye d'accepter les surprises au
> maximum et de donner leur chance aux objets et à leurs auteurs (pour
> me donner égoïstement la possibilité d'être étonné, conquis,
> émerveillé ou que sais-je).
On a exactement le même but. Pour moi, être ultra sceptique quant à
l'artemporain habituel, c'est me donner le moyen d'être heureusement surpris
à la première occase. C'est l'inverse qui m'ennuie : si on pense que
l'artemporain c'est forcément génial branché, on sombre de désillusions en
désillusions. Tu penses que je suis « fermé » à tout ça, et c'est vrai que
je n'ai rien fait pour qu'on pense le contraire, mais je suis en fait très
ouvert, en même temps que très méfiant.
>> Le web rend surtout plein de choses possibles...
>
> oui, mais tu ne peux pas faire sur le web une pièce de 10m3 dans
> laquelle tes mouvements et les sons que tu émets génèrent des images
> par exemple. Les contraintes du web font que ce qui y est
> immédiatement le plus intéressant, ce sont les sites graphiques
> animés un peu tape à l'oeil, on ne peut pas limiter le champ
> artistique des outils informatiques à ça.
>
>> Dire « l'art c'est la joie » est forcément trop court.
>> Je précise un peu donc : « l'art, c'est ce qui suscite
>> un oui inconditionné à quelque chose fait de main
>> d'homme ». (On se rapproche de Kant, semble-t-il.)
>
> un oui de qui ? de toi ? de tout le monde ? de presque tout le monde
> ? d'au moins une personne ? Et oui, c'est à dire ? Pas clair ton
> histoire.
Oc, je précise encore un peu. Le « oui » dont il est question est celui
qui naît de la relation entre l'oeuvre et le récepteur de l'oeuvre. Devant
une scène telle que celle d'un enfant qui risque sa vie en courant vers un
précipice, il y a un « nooon ! » qui se forme en toi et qui fait que tu vas
courir tenter de le sauver avant toute réflexion. De même, devant un coucher
de soleil qui rougit tout le ciel ou devant un morceau de musique que tu
aimes, je décèle un « oui » primal, inconditionné, qui précède toute
réflexion.
On peut voir ça ainsi : D'abord, n'y a rien, le vide total. La première
chose qui vienne, ce n'est pas des entités comme le sujet ou l'objet, c'est
une relation pure, un contact. Cette relation permet de discerner deux
éléments, dont l'un est extérieur (l'objet) et l'autre intérieur (le sujet).
Cette relation est polarisée, elle va dans le sens du oui, ou celui du non.
Acceptation ou refus. Les deux directions premières. Le oui détermine le
domaine du beau. Le non celui du mal. En essayant de remonter
rationnellement du beau au mal, on tombe en fait sur le laid, qui n'a rien à
voir. En essayant d'aller du mal au beau, on tombe sur le bien, qui n'a rien
à voir. Au lieu que le bien et le beau se confondent, et qu'ainsi le mal et
le laid se confondent aussi (ce qui est la position moniste religieuse),
c'est tout le contraire : le mal est en relation électrique avec le beau
(les fleurs du mal sont belles) et le bien est le plus souvent laid (la
démocratie est pour moi le bien le plus profond, mais c'est affreusement
laid). J'avais fait un schéma pour expliquer ça mieux... attend, je
cherche... voilà http://minilien.com/?pp59VZ9X3l c'est un peu longuet et il
y a sûrement des corrections à apporter mais tu peux sauter directement aux
schémas du début de la seconde moitié de l'article.
Tu va trouver ça schématique... oui, c'est en effet un schéma... mais il
a l'avantage, pour moi, de bien montrer la disjonction que j'opère entre
éthique et esthétique, de m'expliquer un peu pourquoi le bien est souvent
laid et le mal beau. Ça m'intéresse de savoir ce que tu en penses.
> [...]
>> À part ça, Hergé est un génie des cases et du graphisme.
>> Dans les Bijoux, la séquence de la télé couleur devenue
>> folle est incroyable. Ça me fait penser à Keaton.
>
> tu veux dire que Hergé est (était) un artiste ?
Oui, selon moi oui. Enfin, entre autre.
> Ce n'est pourtant qu'un auteur de BD. Non ?
C'est pas un problème.
> Et puis ses oeuvres "racontent", ont un
> discours, et le discours ce n'est pas de l'art. Je n'ai pas compris ?
L'avantage de la BD, comme la poésie ou la chanson, c'est qu'elle crée
un pont aérien entre l'art « pur » et le discours « pur ». Il y a un génie
graphique chez Hergé, qui, par chance, s'allie à un génie narratif. Du coup,
l'un est au service de l'autre et réciproquement.
> Le passage avec la télé est classiquement interprété comme un hommage
> d'hergé à l'art "moderne" (notamment "pop") dont il était amateur.
P'tête, mais l'avantage de Hergé sur Warhol, c'est qu'il ne se
prétendait pas artiste, lui. C'est une excellente raison pour qu'il en soit
un. Mais, ici, quand je dis artiste, ce n'est pas du Boticelli pour autant.
>> VI.23. Le Maître dit : « L'homme sage aime l'eau, l'homme bon
>> aime la montagne. L'homme sage est actif, l'homme bon est
>> tranquille. L'homme sage est joyeux, l'homme bon vit longtemps. »
>
> donc être bon, c'est ne pas être sage ?
> trop bon trop con comme on dit ?
--
L'honnête homme est sage et bon. L'homme sage et bon aime l'eau et la
montagne, il est actif et tranquille, il est joyeux et vit longtemps.
(gbogucius)
> Dommage... très dommage... mais tu sembles d'accord
> que le média des jeux vidéo est un champ très prometteur
> en art... j'ai souvent révé d'un Quake qui serait « beau »...
Quake a une ambiance et une façon de jouer sur le point de vue qui est
intéressante, mais pour en faire une oeuvre d'art, une oeuvre de fiction,
je ne crois pas que la question soit essentiellement un problème de
décorum, il faut peut-être carrément supprimer le but (gagner) qui fait
qu'un jeu est un jeu, et il faut sans doute qu'il existe un authentique
auteur qui revendique ses choix... Je ne sais pas si tu connais Jeffrey
Shaw, c'est un artiste tout ce qu'il y a de plus contemporain, il faisait
du Quake avant Quake : http://www.jeffrey-shaw.net/ ...
> Autre piste : le Voyage de Chihiro montre assez bien
> comment du dessin 2D simpliste (manga-style) peut
> fort bien porter une certaine beauté poétique (pour
> enfants, mais ça ne m'ennuie pas).
Des dessins 2D simplistes manga style, il y en a des tonnes, et ils n'ont
pas tous une certaine beauté poétique. Qu'est-ce qui est beau là-dedans ?
Peux-tu séparer le dessin du scénario dans un cas comme celui-ci ? Une des
"recettes", si on peut dire, derrière un film comme Chihiro, comparé à la
plupart des disney par exemple, c'est qu'il y a un auteur derrière ce
dessin animé (Miyazaki).
> si on pense que l'artemporain c'est forcément génial
> branché, on sombre de désillusions en désillusions.
mais qui pense ça, personne !
> Tu penses que je suis « fermé » à tout ça, et c'est vrai
> que je n'ai rien fait pour qu'on pense le contraire,
> mais je suis en fait très ouvert, en même temps que
> très méfiant.
ben, on peut très bien rester à la maison pour s'abriter de la pluie sans
pour autant condamner les fenêtres ou fermer les volets (je me comprends).
Ta méfiance n'a pas de raison d'être, les oeuvres ne vont pas te manger.
> J'avais fait un schéma pour expliquer ça mieux... attend, je
> cherche... voilà http://minilien.com/?pp59VZ9X3l c'est un
> peu longuet et il y a sûrement des corrections à apporter
> mais tu peux sauter directement aux schémas du début
> de la seconde moitié de l'article.
hum, les schémas sont jolis mais le raisonnement est spécieux, ce n'est pas
que ces idées de relations soient inintéressantes, mais tu ne cherches pas
de toi-même des preuves, tu sors des exemples, mais ils restent assez
vagues, pour moi tout ça ne tient pas debout - et ce n'est pas un enjeu, je
suis prêt à accepter les systèmes des autres si ils collent un peu et
qu'ils apportent un éclairage, une optique. Tu manques de rigueur !
> L'avantage de la BD, comme la poésie ou la chanson,
> c'est qu'elle crée un pont aérien entre l'art « pur » et le
> discours « pur ». Il y a un génie graphique chez Hergé,
> qui, par chance, s'allie à un génie narratif. Du coup,
> l'un est au service de l'autre et réciproquement.
pourquoi "par chance" ? Est-ce qu'il n'y a pas un lien peut-être même
logique entre son sens du trait épuré à l'extrème (pas fait pour être
regardé attentivement mais bien pour être lu) et son talent de narrateur ?
Est-ce qu'il est 1/2 écrivain et 1/2 "artiste" ? Son travail ne
constitue-t-il pas un tout ?
> P'tête, mais l'avantage de Hergé sur Warhol, c'est
> qu'il ne se prétendait pas artiste, lui. C'est une excellente
> raison pour qu'il en soit un. Mais, ici, quand je dis artiste,
> ce n'est pas du Boticelli pour autant.
ben, à part Botticielli, personne n'est Botticielli, même pas filippino
Lippi (fils de fra lippo lippi et élève de sandro botticielli), et tant
qu'on est dans les évidences, Botticielli n'était pas Hergé.
J'ai pas trouvé de quake-like sur ce site, mais je garde l'adresse.
>> Autre piste : le Voyage de Chihiro montre assez bien
>> comment du dessin 2D simpliste (manga-style) peut
>> fort bien porter une certaine beauté poétique (pour
>> enfants, mais ça ne m'ennuie pas).
>
> Des dessins 2D simplistes manga style, il y en a des tonnes, et ils
> n'ont pas tous une certaine beauté poétique. Qu'est-ce qui est beau
> là-dedans ? Peux-tu séparer le dessin du scénario dans un cas comme
> celui-ci ? Une des "recettes", si on peut dire, derrière un film
> comme Chihiro, comparé à la plupart des disney par exemple, c'est
> qu'il y a un auteur derrière ce dessin animé (Miyazaki).
Oui, on peut voir ça comme ça. Mais le fait qu'il y ait un auteur ne
suffit pas, il faut aussi qu'il soit bon. Ce qui m'a plu dans Chihiro, c'est
le coté anti-tape-à-l'oeil, qui fait vivre le dessins par des tout petits
détails réalistes (le balancement d'un cordon quand on ferme un porte, par
ex.). Les « prouesses techniques » (quand la fillette disparaît peu à peu)
sont toujours pleinement justifées par l'intrigue et non l'inverse.
>> si on pense que l'artemporain c'est forcément génial
>> branché, on sombre de désillusions en désillusions.
>
> mais qui pense ça, personne !
Hum hum... j'en connais un paquet qui s'illusionnent et vénèrent à
priori tout ce qui est contemporain...
>> Tu penses que je suis « fermé » à tout ça, et c'est vrai
>> que je n'ai rien fait pour qu'on pense le contraire,
>> mais je suis en fait très ouvert, en même temps que
>> très méfiant.
>
> ben, on peut très bien rester à la maison pour s'abriter de la pluie
> sans pour autant condamner les fenêtres ou fermer les volets (je me
> comprends). Ta méfiance n'a pas de raison d'être, les oeuvres ne vont
> pas te manger.
Certes non. Mais elles peuvent m'avoir par charlatanerie.
>> J'avais fait un schéma pour expliquer ça mieux... attend, je
>> cherche... voilà http://minilien.com/?pp59VZ9X3l c'est un
>> peu longuet et il y a sûrement des corrections à apporter
>> mais tu peux sauter directement aux schémas du début
>> de la seconde moitié de l'article.
>
> hum, les schémas sont jolis mais le raisonnement est spécieux, ce
> n'est pas que ces idées de relations soient inintéressantes, mais tu
> ne cherches pas de toi-même des preuves, tu sors des exemples, mais
> ils restent assez vagues, pour moi tout ça ne tient pas debout - et
> ce n'est pas un enjeu, je suis prêt à accepter les systèmes des
> autres si ils collent un peu et qu'ils apportent un éclairage, une
> optique. Tu manques de rigueur !
Aide-moi, alors ! Quel genre de preuve penses-tu qu'il manque ? Plutôt
des citations ou des références, non ? C'est sûr que je dois faire un effort
de présentation pour qu'on comprenne mieux, mais je me demande comment je
pourrais « prouver » ce qui n'est qu'une grille de lecture, qui ne
s'applique pas à tout les cas.
>> L'avantage de la BD, comme la poésie ou la chanson,
>> c'est qu'elle crée un pont aérien entre l'art « pur » et le
>> discours « pur ». Il y a un génie graphique chez Hergé,
>> qui, par chance, s'allie à un génie narratif. Du coup,
>> l'un est au service de l'autre et réciproquement.
>
> pourquoi "par chance" ? Est-ce qu'il n'y a pas un lien peut-être même
> logique entre son sens du trait épuré à l'extrème (pas fait pour être
> regardé attentivement mais bien pour être lu) et son talent de
> narrateur ? Est-ce qu'il est 1/2 écrivain et 1/2 "artiste" ? Son
> travail ne constitue-t-il pas un tout ?
Si si, bien sûr. Et ce « tout », c'est de raconter une histoire en bédé.
>> P'tête, mais l'avantage de Hergé sur Warhol, c'est
>> qu'il ne se prétendait pas artiste, lui. C'est une excellente
>> raison pour qu'il en soit un. Mais, ici, quand je dis artiste,
>> ce n'est pas du Boticelli pour autant.
>
> ben, à part Botticielli, personne n'est Botticielli, même pas
> filippino Lippi (fils de fra lippo lippi et élève de sandro
> botticielli), et tant qu'on est dans les évidences, Botticielli
> n'était pas Hergé.
Bien entendu, mais tu voyais ce que je voulais dire, je pense.
--
VII.7. Le Maître dit : « Je n'ai jamais refusé mon enseignement à quiconque
était venu spontanément me le demander, eût-il été pauvre au point de ne
pouvoir m'offrir qu'un petit cadeau de viande séchée. »
> http://www.jeffrey-shaw.net/ ...
> J'ai pas trouvé de quake-like sur ce site, mais je garde l'adresse.
il a fait des installations en réalité virtuelle assez impressionantes.
Parfois il est exposé à la Villette, rarement ailleurs en France où l'on
n'aime pas trop les anglais qui ont le défaut, avec les allemands, de
régner sur l'art contemporain "international".
à propos de La Villette, du 24 au 29 septembre il y aura là-bas une mini
expo d'art "multimédia" dont je mets le programme en fin de post. Malgré
les apparences, j'ai peur que ce soit un truc un peu improvisé (j'ai appris
que j'étais au générique en lisant le communiqué de presse), avec quelques
vieux trucs que tout le monde connaît, quelques trucs un peu amateurs qu'il
faudrait faire murir et des tas de choses qui vont s'achever en catastrophe
cet été, le tout soutenu par un budget de zéro franc zéro centimes.
[Chihiro]
> Oui, on peut voir ça comme ça. Mais le fait qu'il y ait
> un auteur ne suffit pas, il faut aussi qu'il soit bon.
le fait est que Miyazaki est bon, mais si on compare à Disney chez qui tout
le monde a du talent et où ça ne se perçoit quasiment jamais parce que
personne, à l'exception de John Lassetter (Toy Story, Bugs life, Monsters
Inc.) n'est "auteur", on voit que ça a une importance. C'est une tradition
débile du dessin animé et de l'animation de refuser les auteurs (parfois le
générique d'un film disney a trois réalisateurs !), et chaque fois que
cette tradition n'a pas été suivie, ça a donné des films qui avaient
"quelque chose", de Kirikou aux films de Nick Park en passant par l'époque
Carl Barks chez Disney (les courts métrages de Donald que personne n'a
oublié c'était ce monsieur).
> Ce qui m'a plu dans Chihiro, c'est le coté anti-tape-à-l'oeil,
> qui fait vivre le dessins par des tout petits détails réalistes
> (le balancement d'un cordon quand on ferme un porte, par
> ex.). Les « prouesses techniques » (quand la fillette
> disparaît peu à peu) sont toujours pleinement justifées
> par l'intrigue et non l'inverse.
Il y a deux trois utilisations de la 3D qui peuvent légèrement choquer
l'oeil, qui tranchent avec le reste, et aux dires du maître lui-même, ce
n'étaient pas des choix artistiques mais des choix économiques (les
géraniums où la course de la caméra/dragon le long de la paroi de la maison
de la sorcière). J'avoue que je préfère, pour leur homogénéité visuelle,
des films comme Porco Rosso (où la 3D est entièrement repeinte à la main)
ou Majo no Takiyubbin (pas de 3D du tout à ma connaissance) à Mononke Hime
ou Sen to Chihiro. Pour les détails qui tuent, l'évocation de l'enfance,
des choses de tous les jours, je te conseille de voir "mon voisin Totoro",
toujours de Miyazaki, qui parle d'esprits de la forêt et de la vie de
famille... Tout ça sort enfin en DVD dans les deux prochaines années (en
commençant par le moins bon, évidemment, des fois que les gens se mettent à
aimer, "Laputa")
> Hum hum... j'en connais un paquet qui s'illusionnent
> et vénèrent à priori tout ce qui est contemporain...
en théorie alors, pour contrer un discours "réactionnaire", mais dans la
pratique, plus on connaît un domaine et plus on y est sélectif.
> Aide-moi, alors ! Quel genre de preuve penses-tu qu'il
> manque ? Plutôt des citations ou des références, non ?
> C'est sûr que je dois faire un effort de présentation pour
> qu'on comprenne mieux, mais je me demande comment
>je pourrais « prouver » ce qui n'est qu'une grille de lecture,
>qui ne s'applique pas à tout les cas.
je n'ai pas de réponse, ton système semble trop élaboré pour être une
grille "intuitive" et tu pars du principe que chaque chose a son opposé,
son contraire, tout en essayant d'être plus fin mais on fond on n'est pas
si avancés et plus tu précises ton système moins on trouve à quoi le
rattacher.
> > [Hergé] Est-ce qu'il est 1/2 écrivain et 1/2 "artiste" ? Son
> > travail ne constitue-t-il pas un tout ?
> Si si, bien sûr. Et ce « tout », c'est de raconter une histoire en bédé.
et est-ce que ça colle avec ta définition de l'art ?
> > ben, à part Botticielli, personne n'est Botticielli, même pas
> > filippino Lippi (fils de fra lippo lippi et élève de sandro
> > botticielli), et tant qu'on est dans les évidences, Botticielli
> > n'était pas Hergé.
> Bien entendu, mais tu voyais ce que je voulais dire, je pense.
que Botticielli dessine mieux que Hergé ? Bah, oui, et puis Leonard
dessinait mieux que Botticielli, mais Degas dessinait mieux que Leonard et
pourtant moins bien que... L'important se situe-t-il là ?
---------------- du 24 au 29 septembre ----------------
Cité des sciences et de l'Industrie
1. Environnement musical
La cyberculture est née de la musique. Or, aujourd'hui, l'image suit un
chemin parallèle à celui du son tandis que les hybridations entre son et
images se multiplient.
Cet espace montrera comment le numérique permet de créer des environnements
sonores, intégrant ou non des environnements visuels et présentera des
recherches et des créations d' artistes qui travaillent sur l'interactivité
entre le spectateur et le jeu d'une composition musicale.
Partenaires : Centre de recherche en informatique et création musicale
(CICM) de Paris VIII, IRCAM, INA/GRM, Conservatoire national de musique et
de danse
Présentations : programmation du pavillon " espace sonore " (Anne Sedes),
" le Bal " (Xavier Boissarie), La camera musicale (Gwek Bure Soh),
2. Geste et chorégraphies interactives
Ces dernières années ont vu naître le développement d'un champ d'
expérimentations esthétiques et numériques autour du geste et du mouvement.
Cet espace montrera des travaux et créations mettant en ouvre la captation
et l'intégration du geste interactif (capteurs, procédés de motion capture,
etc. ) ainsi que ce qui relève de la simulation et de la représentation du
mouvement dans des univers numériques et virtuels.
Partenaires : CIREN et groupe Media danse, Paris VIII, Institut de l'Image
ENSAM de chalon sur Saône, Lille I, Ecole des Beaux arts de Rennes,
Présentations :
" La Morsure "ou " le Panopticon " (Andrea Davidson), Modules multimédia
expérimentaux du groupe interdisciplinaire " Geste interactif ", Paris
VIII, " Accident de l'ombre " (Dominique Pasqualini), " je suis ici, entrée
libre " (Sylviane Sokolowski), " Xpose processus " et " Xpose performance "
(Beatrice de Fays), " J'efface votre trace, Baptême " (Du Zhen Jun).
3. Le récit interactif
La notion de jeu et le caractère " jouable " d'une ouvre est un domaine
prometteur pour la création numérique. Ce champ rejoint les nouvelles
formes de cinéma faisant appel à l'interactivité. On assiste,
parallèlement, dans l'univers des jeux interactifs à l'émergence de
nouvelles formes de récit interactifs qui laissent présager la naissance d'
un média à part entière sur le modèle du cinéma.
Cet espace montrera des créations interactives traitant de façon non
linéaire des formes plus traditionnelles telles que les images vidéo et le
dessin animé, ainsi que les recherches créatives en matière de jeu vidéo.
Partenaires : CIREN, laboratoire Esthétique de l'interactivité (arts
plastiques), Paris VIII, Atelier de Recherches interactives, École
nationale supérieure des arts décoratifs, École supérieure de l'image d'
Angoulême, Infogame à Valenciennes.
Présentations :
" Tous le jours ", DVD interactif de Donald Abad (ENSAD)
" Web Drama ", films interactifs pour Internet de Atsuko Uda (Japon),
Workshops sur le cinéma interactif 2001-2002, autour du film d'Hitchcock
" North by North West " (Jean-Louis Boissier)
Travaux d'élèves de Jean-Marie Dallet (Angoulême), " Interactive Flat "
(Corentin Deroin, ATI P.VIII ), " Newyorexitnewyork " (Priam Givors, ATI
P.VIII), " Sniper ", " ta garde " " d'autant qu'à plusieurs ", " Idikit "
(Samuel Bianchini).
4. Les sens virtuels
La recherche sur les liens entre la perception sensorielle de l'homme et la
création d'environnements virtuels, de même que sur l'intégration d'
informations virtuelles dans des conduites humaines (réalité augmentée),
ont été dès leur apparition génératrices d'échanges entre les chercheurs et
les artistes.
Cet espace montrera des dispositifs permettant aux créateurs de s'
approprier progressivement les différents sens de l'homme. Cela a commencé
avec l'ouie puis la vision pour aujourd'hui intégrer le toucher (retour d'
effort) et demain le goût et l'odorat. Il montrera aussi des travaux en
matière de réalité augmentée.
Partenaires Ars Electronica, Za production, CEA, Seam Team,
Présentations Pc cave, Cube, manip Haptique, "Chromo 376200 pixels pour une
image " (Alain Josseau), " modélisation d'espace psychologique "
(Ferdinand Corte).
5. Construction génératives
Aujourd'hui un courant artistique utilise la programmation elle même et la
générativité qu'elle permet pour créer de nouvelles formes d'art cela tant
en matière graphique, dans la lignée de John Maeda (MIT), qu'en matière de
littérature et de poésie. Ces ouvres participent du déploiement de l'art
sur Internet d'autant qu'elles requièrent peu de bande passante.
Cet espace montrera des créations d'objets singuliers en matière de signe
graphique et de typographie ainsi que des créations de poésie générative.
Partenaires École des Beaux-Arts d'Aix en Provence (Douglas Stanley),
laboratoire Esthétique de l'interactivité (arts plastiques) Paris VIII,
Atelier de Recherches interactives, École nationale supérieure des arts
décoratifs, groupe Paragraphe Paris VIII, École supérieure d'art et de
design d'Amiens.
Présentations
Expériences de générateur littéraire (étudiants de Jean-Pierre Balpe, Paris
VIII), Expériences graphiques et sonores comportementales (élèves de
Douglas Stanley, Aix en Provence)
Modules interactifs orientés objets (Thierry Guibert, élèves de Jean-Noël
Lafargue à Paris VIII et à l'École d'Amiens), " incident.net " (Gregory
Chatonsky), " Galaxia on Line " (Gurvan Mattelard), " Daisychain " (ouvre
collective Aix), " Morphoscopie du transitoire " (Tania Ruiz),
6. Collection et mise en mémoire
Avec les bases de données et les moteurs de recherche le numérique donne un
nouvel élan au musée imaginaire et à la mémoire du patrimoine, tandis que
le travail de l'artiste comme du médiateur ou du bibliothécaire prend la
forme d'un jeu de piste d'une chasse au trésor dans l'énorme masse des
informations textuelles, visuelles, sonores accumulées.
Cet espace montrera certains travaux artistiques reclassant les objets à
partir de banques de données ou utilisant la collection comme jeu, ainsi
que différents travaux de type hypermédia sur le patrimoine, l'archéologie
ou les musées.
Partenaires département hypermédia, département arts plastiques Paris VIII,
association Vidéomuseum, IBM
Présentations
Sélection de sites Internet de musées par Liliane Terrier, Paris VIII,
Vidéomuseum, site et CD-ROM de collections d'art moderne et contemporain,
numérisation du musée de l'Hermitage.
Ok. Tu le rappeleras au bon moment ?
> Carl Barks chez Disney
> (les courts métrages de Donald que personne n'a oublié c'était ce
> monsieur).
Pour moi, y avait dans le vieux Disney Parade (je crois que c'est le
nom) une inspiration formidable. C'était de vrais clips, mais en mille fois
mieux, avec des souris qui courent sur le piano, un quartet d'éléphants qui
jouent de leur trompe et une dame rhino en tutu qui chantait, le tout dans
une cacophonie de jazz et de bestioles dessinées. Aujourd'hui, y a un clip
sur trente qui me plaît un peu. Je ne sais pas si c'est le filtre et la
patine du temps, mais quasiment chaque truc que je vois de cette époque est
un petit bijou d'inventivité dans les rapports sons-image. Ces mecs
s'éclataient, ça se sent, comme ceux du jazz. La joâe, ch'te dis, y a que ça
de vrai...
> ...Sen to Chihiro. Pour les détails qui
> tuent, l'évocation de l'enfance, des choses de tous les jours, je te
> conseille de voir "mon voisin Totoro", toujours de Miyazaki, qui
> parle d'esprits de la forêt et de la vie de famille... Tout ça sort
> enfin en DVD dans les deux prochaines années (en commençant par le
> moins bon, évidemment, des fois que les gens se mettent à aimer,
> "Laputa")
J'ai aps de deuveudeu mais je note le voisin Rototo. J'espère que c'est
bien scato (un truc qui m'a plu dans Chihiro). Le scato, y en a qui
accrochent pas, mais moi je suis friand, sauf quand c'est le scato de
l'artemporain (décidément...) Par exemple, j'ai découvert Aristophane y a
pas très longtemps, c'est démentiel. C'est rare qu'un bouquin dur à lire te
colle une banane géante sur la gueule à presque chaque page. Dans les deux
cas que je cite, je trouve que ce qui est primordiale, c'est l'absence
totale de transgression volontaire. J'ai vu à la télé des arbres de noëls
avec des petites culottes à la place des boules, dans une expo. Marrant,
mais débile. Ça veut choquer. On sent le mec qui veut passer à la télé par
tout les moyens (d'ailleurs ça a marché). Je trouve ça con. Le scato est un
créneau possible, mais sans cette volonté de trangression minable qui rend
le machin archi-glauque. D'ailleurs, il n'y a plus tellement de tabous à
transgresser... M'enfin... c'est pas demain que je vais me réconcillier avec
l'artemporain. Dans ta liste, y a cité l'Ircam. Je connais un pneu. Sauf
leur respect, c'est un peu des guignols. Chercher l'inspiration musicale
dans des équations de math, pfff, quel connerie... Un truc marrant en zique
: pour moi, le seul a avoir un peu réussi à innover (sans pomper les Chinois
ou les Balinais), c'est le vieux Schaeffer, parce qu'on reconnait bien une
pâte, la sienne. Et sa meilleur bande, c'est une reprise d'un morçeau de
Chopin (ou Schuman, enfin dans le genre), un morceau au fond très triste.
Pourquoi très triste ? Parce qu'il avait compris avant tout le monde la
limite et la vanité du truc qu'il avait découvert (la musique concrète).
>> Hum hum... j'en connais un paquet qui s'illusionnent
>> et vénèrent à priori tout ce qui est contemporain...
>
> en théorie alors, pour contrer un discours "réactionnaire", mais dans
> la pratique, plus on connaît un domaine et plus on y est sélectif.
Ah ouais... tellement vrai... c'est là le malheur : plus je lis, moins
j'aime d'auteurs, moins j'aime lire... Je n'écoute déjà presque plus de
Jazz, vu que je n'aime (quasiment) que Duke... Heureusement que le classique
est vaste...
>> Aide-moi, alors ! Quel genre de preuve penses-tu qu'il
>> manque ? Plutôt des citations ou des références, non ?
>> C'est sûr que je dois faire un effort de présentation pour
>> qu'on comprenne mieux, mais je me demande comment
>> je pourrais « prouver » ce qui n'est qu'une grille de lecture,
>> qui ne s'applique pas à tout les cas.
>
> je n'ai pas de réponse, ton système semble trop élaboré pour être une
> grille "intuitive" et tu pars du principe que chaque chose a son
> opposé, son contraire, tout en essayant d'être plus fin mais on fond
> on n'est pas si avancés et plus tu précises ton système moins on
> trouve à quoi le rattacher.
Ok, merci de ces quelques indications. Avec un peu de chance, ça va
mûrir en moi et je trouverais un moyen soit d'améliorer le truc, soit de
m'en séparer.
>>> [Hergé] Est-ce qu'il est 1/2 écrivain et 1/2 "artiste" ? Son
>>> travail ne constitue-t-il pas un tout ? Si si, bien sûr. Et ce «
>>> tout », c'est de raconter une histoire en bédé.
>
> et est-ce que ça colle avec ta définition de l'art ?
Non, pas très bien. Comme pour la poésie ou la chanson. Parce que c'est
intermédiaire entre le noyau non-langagier de l'art et la « littérature ».
Dans un super bouquin de Billeter sur le Tchouang-tseu, j'ai trouvé
matière à alimenter mon point de vue. En ultra-résumé pour le moment : l'art
est du niveau du corps, le langage au niveau de l'esprit. La relation à
l'art nécessite une suspension de jugement parce qu'il s'adresse directement
au corps, sans passer par le filtre "langage" de l'esprit. Quand tu fais du
vélo, si tu penses à pousser un pied puis l'autre, tu risque fort de tomber.
Quand tu en fait bien, tu ne pense plus à pédaler. Il y a déconnection de
l'esprit et le corps agit tout seul, sans ordres mais selon la nécessité, un
peu comme le moine taoïste tire à l'arc. Pour moi, non seulement ce
détachement, cet oubli de l'esprit-langage est très nécessaire à l'artiste,
mais il est aussi une composante essentielle de celui qui reçoit l'oeuvre.
Pour comprendre quelque qui parle, il ne faut pas seulement entendre, il
faut surtout écouter. Pour contempler une oeuvre d'art, il faut seulement
entendre, et surtout ne pas écouter. Enfin, j'exagère le trait, mais
peut-être que ça éclaire un peu ma position.
>>> ben, à part Botticielli, personne n'est Botticielli, même pas
>>> filippino Lippi (fils de fra lippo lippi et élève de sandro
>>> botticielli), et tant qu'on est dans les évidences, Botticielli
>>> n'était pas Hergé. Bien entendu, mais tu voyais ce que je voulais
>>> dire, je pense.
>
> que Botticielli dessine mieux que Hergé ? Bah, oui, et puis Leonard
> dessinait mieux que Botticielli, mais Degas dessinait mieux que
> Leonard et pourtant moins bien que... L'important se situe-t-il là ?
Je sens que tu es contre les classements en art, toi... Je n'aurais pas
l'idée de défendre des classement objectifs et définitifs, mais je ne vois
pas le problème à dire un truc genre : « pour ma part, en ce moment, je
préfère Machin à Truc, et Truc à Bidule, et d'ailleurs je préfère Bidule à
Machin, alors... ». Pas très utile ? Oui et non. Ça peut susciter une
discussion sur les goûts qui permet de mieux connaitre l'interlocuteur et
donc de mieux discuter (sur les goûts).
--
« Ah, si je connaissais un homme qui oublie le langage, pour avoir à qui
parler ! »
(Tchouang-tseu, cité par Billeter dans les Leçons sur Tchouang-tseu. Ça va
bien dans mon sens : oublions le langage, ne faisons pas de tout un langage,
et on comprendra peut-être mieux certaines choses simples.)
> Le scato est un créneau possible, mais sans cette volonté
> de trangression minable qui rend le machin archi-glauque.
je te conseille alors : Docteur Slump, par Toriayama Akira (auteur aussi de
Dragon Ball), ed. Glénat.
> Chercher l'inspiration musicale dans des équations de math,
> pfff, quel connerie...
ils sont loin de se limiter à ça et puis on dit que Mozart utilisait les
maths comme source d'inspiration (on lui a même attribué un traité sur ce
sujet quelques années après sa mort mais c'était un faux). D'ailleurs le
rapport entre musique et maths est loin de pouvoir être daté de l'Ircam. Et
puis l'Ircam, c'est beaucoup de clichés, la réalité est nettement plus
intéressante (je les connais bien en fait), l'Ircam c'est un institut de
recherches en musique éléctro-acoustique où on fabrique des instruments, où
on fait des recherches sur les anciens instruments et où on écoute,
actuellement, à ma connaissance, plus Autechre et Aphex Twin que de la
musique dodécaphonique, très passée de mode. Quand des artistes ou des
musiciens se disent chercheurs, je trouve idiot de chercher à les juger sur
leur bilan qui, s'ils cherchent, par définition, ne peut pas être figé.
[Hergé]
> > et est-ce que ça colle avec ta définition de l'art ?
> Non, pas très bien. Comme pour la poésie ou la chanson.
> Parce que c'est intermédiaire entre le noyau non-langagier
> de l'art et la « littérature ».
donc tes catégorisations ne supportent ni intermédiaire, ni ovni, elles
s'attachent à des objets un peu idéaux qui peut-être n'existent pas du tout
! Les primitifs italiens faisaient souvent des suites de panneaux racontant
une histoire, un grand nombre de fresques aussi, le fameux 'chemin de
croix' que l'on trouve dans toutes les églises catholiques n'est rien
d'autre qu'une séquence narrative en peintures ou en gravures. Le mariage
de Marie de Médicis et de Henri IV, au Louvre, est, aussi une bande
dessinée format géant. Sans les codes de ce qui est devenu pour chacun la
bande dessinée (bulles, récitatifs, cases), sans la question de la
reproduction mécanique, mais c'est pourtant bien la même chose : raconter
une histoire en se servant de l'image. Donc, la narration ou la séquence ne
suffit pas à exclure une oeuvre du champ de l'art avec un grand A, ou alors
Rubens n'est pas artiste, ou alors il n'était artiste que pour ses autres
peintures, ou alors ces peintures conçues comme des séquences ne doivent
pas être lues comme des séquences. Ce qui fait que la bd n'est pas de l'art
avec un grand A n'a rien à voir avec ça, c'est plutôt une question bêtement
historique : d'où est né le genre, comment, avec quelle "aura", rien à voir
avec une définition philosophique de l'art. De même, l'air du "temps des
cerises" me vient plus facilement en tête que n'importe quoi de Wagner,
mais moins facilement que certaines pièces de Mozart ou de Bach, pièces qui
me sortent pourtant plus facilement de la tête que les chansons de Michel
Sardou que pourtant je n'ai jamais tellement aimé : est-ce que quelque
chose ici fait que la chanson n'est pas de la musique ? (et c'est bien
l'air que je retiens pas les paroles)... Tout est question d'aura des
différents médiums, et cette question a énormément d'implications (le
romancier nobélisable ou le peintre "villa médicis" refuseront certaines
facilités que l'auteur de BD prendra à son compte, et pareil dans la
musique, notament au niveau des emprunts et des citations). Et puis ces
catégories bougent tout le temps : de nos jours l'architecte est considéré
comme un technicien pur et dur, alors qu'il a été autrefois un artiste plus
considéré que le peintre, l'architecture étant classiquement "premier des
arts du dessein" (dessin <-> dessein, il n'y a souvent eu qu'un seul mot
pour ce qui est aujourd'hui deux concepts séparés, penses-tu que ce soit un
hasard ?).
> l'art est du niveau du corps, le langage au niveau de l'esprit.
> La relation à l'art nécessite une suspension de jugement
> parce qu'il s'adresse directement au corps, sans passer par
> le filtre "langage" de l'esprit. [...]
> Pour contempler une oeuvre d'art, il faut seulement
> entendre, et surtout ne pas écouter. Enfin, j'exagère le trait,
> mais peut-être que ça éclaire un peu ma position.
Des tas d'artistes "contemporains" fonctionnent avec ta définition, et
depuis l'art cinétique (pénétrables de Soto par ex) puis le multimédia
(informatique ou non), le corps du spectateur est souvent directement mis à
contribution. C'est un champ passionnant d'ailleurs.
Mais là encore la définition est trop partielle. Pour chaque époque de
l'histoire de l'art (européene de la renaissance à nos jours) tu peux si tu
en as envie classer les artistes en deux groupes : les conceptuels et les
sensibles (disons) : Florence contre Venise, David contre Delacroix... En
creusant un peu, on peut s'apercevoir que certains artistes ont réussi à
mèler ces deux approches, et aussi que les artistes des deux catégories
pouvaient vouloir dire les mêmes choses, que les uns avec une approche
apparemment froide pouvaient chercher une sensibilité d'un autre plan, etc.
: je ne te donne pas d'exemple, ce ne sont pas des vérités absolues mais
juste un vague outil de catégorisation (d'autres opposeraient les
"dessinateurs" et les "coloristes"), explore le Louvre et tu verras que le
point de vue est défendable.
> Je sens que tu es contre les classements en art, toi...
ils sont un peu absurdes dans le cas, parce que très objectivement, Leonard
dessinait mieux, peignait mieux et sans doute réfléchissait bien mieux que
Botticielli (ce lâche qui a fini par brûler ses peintures pour satisfaire
l'affreux Savonarole), et pourtant, les calendriers d'après Leonard vendent
moins bien que ceux de Botticielli, preuve que l'art, la fameuse étincelle
que tu cherches, n'est pas une question technique, elle peut sans doute
être analysée, détaillée, mais elle ne dit pas grand chose.
> [...] je ne vois pas le problème à dire un truc genre :
> « pour ma part, en ce moment, je préfère Machin à Truc, et
> Truc à Bidule, et d'ailleurs je préfère Bidule à Machin, alors... »
> . Pas très utile ? Oui et non. Ça peut susciter une
> discussion sur les goûts qui permet de mieux connaitre
> l'interlocuteur et donc de mieux discuter (sur les goûts).
bien sûr (en tout cas je le fais tout le temps), mais les raisons qui font
que machin est supérieur à bidule à un moment donné ne sont pas des
questions techniques objectives, Bonnard n'aurait jamais pu dessiner comme
Ingres, mais en trois coups de crayon il pouvait dessiner une balançoire
sous un soleil d'automne, que Ingres n'aurait eu ni l'idée ni l'envie de
dessiner et qui peut rendre si on veut le malhabile Bonnard supérieur au
perfectionniste Ingres.
À propos de Chihiro, un effet numérique que j'ai trouvé bonnard, c'est
la vibration du corps quand elle bouffe le truc dégeu (ou quand elle lave un
monstre, je ne sais plus). Le dégoût comme vibration de tout le corps,
c'était très bien vu et très bien réalisé, amha.
>> Chercher l'inspiration musicale dans des équations de math,
>> pfff, quel connerie...
>
> [...] Et puis l'Ircam, c'est beaucoup de
> clichés, la réalité est nettement plus intéressante (je les connais
> bien en fait),
Moi aussi, un peu. Je vais éviter d'en dire trop de mal, si c'est des
potes à toi. Mais n'empêche... Dans ce domaine comme dans d'autres, je
trouve hautement contradictoire d'institutionnaliser la culture tout en lui
demandant d'être d'avant-garde. L'art institutionalisé est académique, c'est
mécanique. La « recherche » artistique ne peut pas, selon moi, être pilotée,
et surtout pas par l'État. Plus qu'un fonction d'exploration, je donnerais
une fonction d'enregistrement des évolutions, à une « culture d'État ».
> l'Ircam c'est un institut de recherches en musique
> éléctro-acoustique où on fabrique des instruments, où on fait des
> recherches sur les anciens instruments et où on écoute, actuellement,
> à ma connaissance, plus Autechre et Aphex Twin que de la musique
> dodécaphonique, très passée de mode. Quand des artistes ou des
> musiciens se disent chercheurs, je trouve idiot de chercher à les
> juger sur leur bilan qui, s'ils cherchent, par définition, ne peut
> pas être figé.
C'est vrai en partie. Mais, post-moderne que je suis, je récuse le
statut de chercheur aux artistes. Les recherches en acoustique sont sans
doute importantes. Mais, si elles ont à voir avec l'art, ce n'est qu'après
coup, et anecdotiquement.
> [Hergé]
>>> et est-ce que ça colle avec ta définition de l'art ?
>> Non, pas très bien. Comme pour la poésie ou la chanson.
>> Parce que c'est intermédiaire entre le noyau non-langagier
>> de l'art et la « littérature ».
>
> donc tes catégorisations ne supportent ni intermédiaire, ni ovni,
> elles s'attachent à des objets un peu idéaux qui peut-être n'existent
> pas du tout !
Raaah... Ménon ménon... je décris des pôles... ce ne sont pas des boîtes
étanches... il y a les extrêmes de l'art "pur" (disons la nature morte) et
discours "pur" (disons un essai philosophique). Entre ces deux pôles, on a
tout un dégradé possible et l'un n'exclut pas l'autre. En film, on peut dire
que Tati est très "esthéticien" de l'image, alors que Bergman est plus du
coté de la narration. Mes "catégories" ne sont pas des boîtes, ce sont comme
des phares qui éclairent le champ par les points limites, jamais atteints en
pratique d'ailleur. Et ce n'est pas préscriptif : ça ne dit pas ce qu'il
faut faire. C'est descriptif.
> (...)
> De même, l'air du "temps des cerises" me
> vient plus facilement en tête que n'importe quoi de Wagner, mais
> moins facilement que certaines pièces de Mozart ou de Bach, pièces
> qui me sortent pourtant plus facilement de la tête que les chansons
> de Michel Sardou que pourtant je n'ai jamais tellement aimé : est-ce
> que quelque chose ici fait que la chanson n'est pas de la musique ?
> (et c'est bien l'air que je retiens pas les paroles)... Tout est
> question d'aura des différents médiums, et cette question a
> énormément d'implications
L'« aura » dont parle Benjamin ?
> (le romancier nobélisable ou le peintre
> "villa médicis" refuseront certaines facilités que l'auteur de BD
> prendra à son compte, et pareil dans la musique, notament au niveau
> des emprunts et des citations). Et puis ces catégories bougent tout
> le temps : de nos jours l'architecte est considéré comme un
> technicien pur et dur, alors qu'il a été autrefois un artiste plus
> considéré que le peintre, l'architecture étant classiquement "premier
> des arts du dessein" (dessin <-> dessein, il n'y a souvent eu qu'un
> seul mot pour ce qui est aujourd'hui deux concepts séparés, penses-tu
> que ce soit un hasard ?).
Sur l'architecture, je suis sensé aimer le néoclassique (y en a un
quartier près de chez ouame, à Montparnasse), puisque je suis post-moderne ?
:)
En fait, je trouve que la très grande partie de l'architecture moderne
est absurde. Quand on voit des architectes qui "s'éclatent" à faire des
formes bizarroïdes, des pièces sans angles, des verrières sans rideaux, ils
montrent qu'ils ont completement perdu l'idée importante que des gens
allaient se servir de leur oeuvre. En général, je suis intéressé par ces
constructions (comme la gare tgv de Satori à Lyon) mais je trouve ça absurde
et pas pratique à l'usage. Surtout, la recherche de l'originalité en ce
domaine est une aberration, quand elle supplante l'aménagement de l'espace
pour un usage donné. Tu vas donc penser que je n'aime pas l'architecture
moderne en bloc. C'est faux. J'aime bien Beaubourg car ça améliore le
quartier et ne jure pas avec d'autre monuments à coté. Je n'aime pas la
pyramide du Louvre, car ça n'est pas harmonieux avec le Louvre. Et me parle
pas des Colonnes de M. Burne... Mais, pis que tout, j'aime beaucoup la TGB
(Biblio F. Mitterrand). Quelle majesté dans la sobriété extérieure. On
dirait Stonehenge. Et quand on y pénètre, quelle munificence ! quel écrin
pour le savoir ! (Je suis peut-être le seul de tout Paris à aimer ce
bâtiment moderne et mégalo...)
>> [...] je ne vois pas le problème à dire un truc genre :
>> « pour ma part, en ce moment, je préfère Machin à Truc, et
>> Truc à Bidule, et d'ailleurs je préfère Bidule à Machin, alors... »
>> . Pas très utile ? Oui et non. Ça peut susciter une
>> discussion sur les goûts qui permet de mieux connaitre
>> l'interlocuteur et donc de mieux discuter (sur les goûts).
>
> bien sûr (en tout cas je le fais tout le temps), mais les raisons qui
> font que machin est supérieur à bidule à un moment donné ne sont pas
> des questions techniques objectives, Bonnard n'aurait jamais pu
> dessiner comme Ingres, mais en trois coups de crayon il pouvait
> dessiner une balançoire sous un soleil d'automne, que Ingres n'aurait
> eu ni l'idée ni l'envie de dessiner et qui peut rendre si on veut le
> malhabile Bonnard supérieur au perfectionniste Ingres.
Oui. Ce n'est pas le critère technique que je voulais appuyer. Mais,
selon moi, à partir du moment où on cherche un critère (ce qu'il faut bien
faire pour parler d'art autrement que poétiquement), je crois qu'on est
ramené à celui de la beauté. Sholby disait que pour lui, la beauté venait
après avoir reconnu tel objet comme objet d'art. Je ne comprends pas ce
point de vue. Ça revient à dire : « tel morceau est du Mozart, donc c'est
beau »
--
VI.13. Le Maître dit à Zixia : « Assume noblement ta condition de clerc ; ne
sois pas un clerc vulgaire. »
>> bien sûr (en tout cas je le fais tout le temps), mais les raisons qui
>> font que machin est supérieur à bidule à un moment donné ne sont pas
>> des questions techniques objectives, Bonnard n'aurait jamais pu
>> dessiner comme Ingres, mais en trois coups de crayon il pouvait
>> dessiner une balançoire sous un soleil d'automne, que Ingres n'aurait
>> eu ni l'idée ni l'envie de dessiner et qui peut rendre si on veut le
>> malhabile Bonnard supérieur au perfectionniste Ingres.
>
> Oui. Ce n'est pas le critère technique que je voulais appuyer. Mais,
>selon moi, à partir du moment où on cherche un critère (ce qu'il faut bien
>faire pour parler d'art autrement que poétiquement), je crois qu'on est
>ramené à celui de la beauté. Sholby disait que pour lui, la beauté venait
>après avoir reconnu tel objet comme objet d'art. Je ne comprends pas ce
>point de vue. Ça revient à dire : « tel morceau est du Mozart, donc c'est
>beau »
Je me permet d'intervenir 2 sec dans votre conversation mais amha la
notion de beau est à réinventé chaque jour.
La beauté est, plus que de tout temps, au coeur de l'art.
L'art à perdu au fil du temps tout les "artifices" décoratifs qu'il
avait eu à la mesure des progrès techniques et sociales.
Je précise que je ne fait pas référence à la beauté classique, c'est
un concept qui n'est pas limité à un courant artistique.
Une question simple :
Ecoute tu les mêmes musiques qu'il y a 10 ans ?
Si non pense tu avoir "évolué", du moins peut tu entendre les même
chose qu'avant de la même façon ?
Si tu pense avoir progressé dans ta façon d'abordé la musique et la
beauté musical, si tes goûts se sont affinés et sont devenu plus
exigent c'est que ta définition du beau n'est plus la même qu'avant.
Comment, dans ce cas, peut-on condamné tout un pan de l'art sans,
finalement, le connaître ?
Moi aussi au début j'avais la critique façile sur l'art contemporain,
le jour où les choses on changé c'est quand j'ai laissé le doute
s'installer.
On peut vivre avec le doute ;-) certainement pas partout certes, mais
laisser le bénéfice du doute à quelques artistes est un bon moyen
d'appréhender un monde qui, rester langagier, ne s'exprime pas.
AL
http://www.aroots.org
--
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>L'art ne vise pas à autre chose qu'à refléter la culture de l'homme sur terre
Et l'homme dans l'espace ?
Plus sérieusement l'ethnologie aussi (par exemple) et ca n'est pas de
l'art.
mon dieu, heureusement que non...y'aurait plus qu'à s'flinguer...
Pas de prob'. C'est fait pour ça, les forums.
> mais amha la notion de beau est à réinventé chaque jour.
Oui. Je dirais même plus : « La notion de beau est à retrouver chaque
jour. » Mais la nuance est pour moi essentielle : on n'invente pas le beau,
on le trouve, on le découvre, il existait déjà.
> La beauté est, plus que de tout temps, au coeur de l'art.
> L'art à perdu au fil du temps tout les "artifices" décoratifs qu'il
> avait eu à la mesure des progrès techniques et sociales.
>
> Je précise que je ne fait pas référence à la beauté classique, c'est
> un concept qui n'est pas limité à un courant artistique.
>
> Une question simple :
> Ecoute tu les mêmes musiques qu'il y a 10 ans ?
Ouh là, non !
> Si non pense tu avoir "évolué", du moins peut tu entendre les même
> chose qu'avant de la même façon ?
Non plus.
> Si tu pense avoir progressé dans ta façon d'abordé la musique et la
> beauté musical, si tes goûts se sont affinés et sont devenu plus
> exigent c'est que ta définition du beau n'est plus la même qu'avant.
Oui, c'est juste. Mais, un truc : tu veux dire que le beau est relatif,
n'est-ce pas ? comment expliques-tu qu'on puisse aimer un totem aztèque,
alors ? Pourquoi la Joconde plaît à tant de gens ? Non, pour moi, le terme
"relatif" ne s'applique pas bien à la beauté en soi. Si mes goûts ont
changés en musique, ils sont allés "tout droit", dans le sens de
l'approfondissement et de l'élargissement. Je ne peux pas revenir en
arrière. Si j'écoute mes vieux disques de teck, les morceaux que je trouve
bien sont les mêmes qu'avant. Je n'ai pas changé de goût, j'ai changé de
champ. Ce qui me plaisait dans la teck hier, c'est ce que retrouve en mieux
dans Bach aujourd'hui.
> Comment, dans ce cas, peut-on condamné tout un pan de l'art sans,
> finalement, le connaître ?
Sur la musique contemporaine, j'ai fait semblant d'aimer pendant un
moment, et je connais donc un peu (mais mal, forcément).
> Moi aussi au début j'avais la critique façile sur l'art contemporain,
> le jour où les choses on changé c'est quand j'ai laissé le doute
> s'installer.
> On peut vivre avec le doute ;-) certainement pas partout certes, mais
> laisser le bénéfice du doute à quelques artistes est un bon moyen
> d'appréhender un monde qui, rester langagier, ne s'exprime pas.
Pour ça, je laisse toujours le bénéfice du doute, en quelque sorte. Je
veux dire : si je critique la direction générale prise depuis un demi-siècle
en art, je reste ouvert à chaque artiste en particulier qu'on pourrait me
proposer.
> Pourquoi la Joconde plaît à tant de gens ?
Parce que ce sont des veaux.
Objectivement, il n'y a pas beaucoup de bonnes raisons d'aimer Lady Di,
et pourtant, quand elle a claboté, ça a déclenché des crises d'hystérie
mondiale. On ne peut pas en déduire grand-chose sinon une propension de
l'espèce à adopter un comportement moutonnier et à faire comme le
voisin: pour vivre heureux, vivons caché. Je te laisse établir le
parallèle avec le sourire de la Joconde.
>> mais amha la notion de beau est à réinventé chaque jour.
>
> Oui. Je dirais même plus : « La notion de beau est à retrouver chaque
>jour. » Mais la nuance est pour moi essentielle : on n'invente pas le beau,
>on le trouve, on le découvre, il existait déjà.
Oui et non, disons que la beauté préxiste à ta propre vie, qu'aucun
artiste ne détient la beauté, l'artiste dévoile quelque chose, mais il
y a construction, mise en scène de l'artiste pour transcrire.
Et cette transcription, ce travail artistique n'est pas compréhensible
de façon purement cognitive.
En créant, on se construit un langage qui s'affine pour construire un
pont entre le "merveilleux" des idées et la réalité rude et forcément
glauque (par opposition).
Il ne suffit donc pas de "découvrir", d'ailleur ça veut dire quoi ?
>> Si tu pense avoir progressé dans ta façon d'abordé la musique et la
>> beauté musical, si tes goûts se sont affinés et sont devenu plus
>> exigent c'est que ta définition du beau n'est plus la même qu'avant.
>Oui, c'est juste. Mais, un truc : tu veux dire que le beau est relatif,
>n'est-ce pas ? comment expliques-tu qu'on puisse aimer un totem aztèque,
>alors ? Pourquoi la Joconde plaît à tant de gens ?
Comme l'as dit Sholby il y a aimer et aimer.
> Non, pour moi, le terme
>"relatif" ne s'applique pas bien à la beauté en soi. Si mes goûts ont
>changés en musique, ils sont allés "tout droit", dans le sens de
>l'approfondissement et de l'élargissement. Je ne peux pas revenir en
>arrière. Si j'écoute mes vieux disques de teck, les morceaux que je trouve
>bien sont les mêmes qu'avant. Je n'ai pas changé de goût, j'ai changé de
>champ. Ce qui me plaisait dans la teck hier, c'est ce que retrouve en mieux
>dans Bach aujourd'hui.
La beauté en tant que telle n'est pas relative. La beauté est la
réunion "simpliste" d'un ensemble d'idées artistique ou esthétique qui
formerait un absolu.
Elle est à l'image de la vérité philosophique, et d'ailleurs souvent
utilisé un peu naïvement elle aussi.
Pour faire très court la beauté comme la vérité n'existe pas, nous
n'en avons que des bribes (et c'est déjà pas mal).
Après je dirai que ce n'est qu'une question de mots et de définition
(qu'est ce que TU appel la beauté etc...).
Ces idées sont comme les concepts philosophique, multifacettes,
insaisissable d'un côté, impalpables de façon clair.
On peut même dire que l'art (et la philosophie) ne sont pas vulgaire,
au sens vulgarisation. Intraduisible en langage courant.
Sinon d'ailleurs quel serait leur intérêt ?
Ils sont comme le courant d'une rivière, tu peux y entrer toujours par
le même endroit mais l'eau ne sera jamais la même.
On entre pas en raisonnance avec l'art toujours de la même façon, et
cela même si c'est toujours devant la même oeuvre.
En ce sens c'est notre perception du monde qui est relative pas la
beauté.
> Pour ça, je laisse toujours le bénéfice du doute, en quelque sorte. Je
>veux dire : si je critique la direction générale prise depuis un demi-siècle
>en art, je reste ouvert à chaque artiste en particulier qu'on pourrait me
>proposer.
Les courants artistiques n'ont rien d'artistique.
On peut les étudier de plusieurs points de vue (sociologique, histoire
de l'art etc...) mais c'est tout.
Ils sont une résultante, une conséquence presque pas une construction
consciente.
Et l'art il est fait par les artistes pas par les courants ;-)
C'est donc difficile de critiquer "la direction générale prise par
l'art", sans tomber dans l'ecueil classique de plaquer à un courant
des idéaux artistique qui forcément ne colleront jamais.
Veux-tu dire « scientifique » ?
> En créant, on se construit un langage qui s'affine pour construire un
> pont entre le "merveilleux" des idées et la réalité rude et forcément
> glauque (par opposition).
> Il ne suffit donc pas de "découvrir", d'ailleur ça veut dire quoi ?
Dans ma nuance, je l'oppose avec « inventer ». Je veux dire que, par
exemple, celui qui trouve une nouvelle mélodie est plus près du type qui
découvre un nouveau paysage et le prend en photo selon un certain point de
vue que de l'inventeur qui crée un nouveau truc de toutes pièces.
>>> Si tu pense avoir progressé dans ta façon d'abordé la musique et la
>>> beauté musical, si tes goûts se sont affinés et sont devenu plus
>>> exigent c'est que ta définition du beau n'est plus la même qu'avant.
>
>> Oui, c'est juste. Mais, un truc : tu veux dire que le beau est
>> relatif, n'est-ce pas ? comment expliques-tu qu'on puisse aimer un
>> totem aztèque, alors ? Pourquoi la Joconde plaît à tant de gens ?
>
> Comme l'as dit Sholby il y a aimer et aimer.
Ok, je répond à lui et à toi : Vous n'aimez pas le Requiem de Mozart ?
Ni Bach ? Ni les « grand classiques » comme la Joconde ou les autres ? Il
n'y a pas une certaine unanimité sur certains artistes ?
>> Non, pour moi, le terme
>> "relatif" ne s'applique pas bien à la beauté en soi. Si mes goûts ont
>> changés en musique, ils sont allés "tout droit", dans le sens de
>> l'approfondissement et de l'élargissement. Je ne peux pas revenir en
>> arrière. Si j'écoute mes vieux disques de teck, les morceaux que je
>> trouve bien sont les mêmes qu'avant. Je n'ai pas changé de goût,
>> j'ai changé de champ. Ce qui me plaisait dans la teck hier, c'est ce
>> que retrouve en mieux dans Bach aujourd'hui.
>
> La beauté en tant que telle n'est pas relative. La beauté est la
> réunion "simpliste" d'un ensemble d'idées artistique ou esthétique qui
> formerait un absolu.
> Elle est à l'image de la vérité philosophique, et d'ailleurs souvent
> utilisé un peu naïvement elle aussi.
> Pour faire très court la beauté comme la vérité n'existe pas, nous
> n'en avons que des bribes (et c'est déjà pas mal).
Comment comment ? La beauté du coucher de soleil que j'ai vu l'autre
soir n'existait pas ? Irais-tu jusqu'à prétendre que la table sur laquelle
ton ordi est posée n'existe pas ? Quelle n'a pas de vérité ? Perso, quand je
traverse la rue, je préfère me dire que les voitures exitent bel et bien...
> Après je dirai que ce n'est qu'une question de mots et de définition
> (qu'est ce que TU appelles la beauté etc...).
Le meilleur moyen, et peut-être le seul, de définir la beauté, c'est de
la montrer.
http://www.seilnacht.tuttlingen.com/Lexikon/VanEyck.JPG
> Ces idées sont comme les concepts philosophique, multifacettes,
> insaisissable d'un côté, impalpables de façon clair.
> On peut même dire que l'art (et la philosophie) ne sont pas vulgaire,
> au sens vulgarisation. Intraduisible en langage courant.
Pour l'art, je suis d'accord. Mais la philo vraiment philo est quelque
chose de très dicible en langage courant. Genre « connais-toi toi même »...
> Sinon d'ailleurs quel serait leur intérêt ?
L'intérêt de l'art, je sais pas... Te faire passer un bon moment de
béatitude esthétique ? Pour la philo, son intérêt est de rapprocher les
hommes de la sagesse, non ? Et il faut bien des mots (mais pas que des mots,
certes) pour ça, non ?
> Ils sont comme le courant d'une rivière, tu peux y entrer toujours par
> le même endroit mais l'eau ne sera jamais la même.
Oui, mais c'est toujours de l'eau...
> On entre pas en raisonnance avec l'art toujours de la même façon, et
> cela même si c'est toujours devant la même oeuvre.
> En ce sens c'est notre perception du monde qui est relative pas la
> beauté.
Oui, là je suis d'accord. Mais, quand tu fais oeuvre d'art, tu n'es pas
seulement dans une relation en tête-à-tête avec la beauté, tu cherches un
moyen de la transmettre et donc de la « fixer ». Tu es bien obligé de tenter
une sortie de la subjectivité vers une intersubjectivité qui tend à
l'universel (sans jamais l'atteindre).
>> Pour ça, je laisse toujours le bénéfice du doute, en quelque
>> sorte. Je veux dire : si je critique la direction générale prise
>> depuis un demi-siècle en art, je reste ouvert à chaque artiste en
>> particulier qu'on pourrait me proposer.
>
> Les courants artistiques n'ont rien d'artistique.
> On peut les étudier de plusieurs points de vue (sociologique, histoire
> de l'art etc...) mais c'est tout.
> Ils sont une résultante, une conséquence presque pas une construction
> consciente.
> Et l'art il est fait par les artistes pas par les courants ;-)
> C'est donc difficile de critiquer "la direction générale prise par
> l'art", sans tomber dans l'ecueil classique de plaquer à un courant
> des idéaux artistique qui forcément ne colleront jamais.
Pour moi, l'« idéal artistique » du siècle dernier fut en grande partie
la « liberté sans contraintes » et l'innovation comme valeur intrinsèque.
C'est pas la direction générale ?
--
I.1. Le Maître dit: « N'est-ce pas une joie d'étudier, puis, le moment venu,
de mettre en pratique ce que l'on a appris ? N'est-ce pas un bonheur d'avoir
des amis qui viennent de loin ? Et n'est-il pas un honnête homme celui qui,
ignoré du monde, n'en conçoit nul dépit ? »
> L'art ne vise pas à autre chose qu'à refléter la culture de l'homme sur
terre
mmmh... pas très clair comme vision.
Le mot culture a plusieurs définitions, et si on y réfléchit, un échangeur
d'autoroute ou une décharge monstrueuse reflètent extrèmement bien la
culture de l'homme sur terre, plus que n'importe quel artiste de n'importe
quelle époque.
> Dans ma nuance, je l'oppose avec « inventer ». Je veux
> dire que, par exemple, celui qui trouve une nouvelle
> mélodie est plus près du type qui découvre un nouveau
> paysage et le prend en photo selon un certain point de
> vue que de l'inventeur qui crée un nouveau truc de toutes
> pièces.
inventer et découvrir sont deux mots qui ont à peu près le même sens
(Christophe Colomb - même si c'est pas vrai - inventeur de l'amérique). Tu
poses le problème de l'originalité, mais bon, tout le monde sait à la fois
que l'invention "ex nihilo" existe, un peu, et que les redécouvertes,
relectures, réinventions, réinterprétation, répétitions, sont la plus
grande partie de ce qui fait la pratique des arts... euh... et alors ?
> > Comme l'as dit Sholby il y a aimer et aimer.
> Ok, je répond à lui et à toi : Vous n'aimez pas le Requiem
> de Mozart ? Ni Bach ? Ni les « grand classiques » comme
> la Joconde ou les autres ? Il n'y a pas une certaine unanimité
> sur certains artistes ?
tu aimes vraiment la Joconde ? C'est bien peint, c'est un des rares
tableaux que tout le monde identifie du premier coup d'oeil, mais
généralement, on va la voir en se demandant pourquoi tant de gens se
pressent pour la voir, sachant que c'est une peinture assez chiante. Pas
d'unanimité. Le requiem de Mozart, chaque génération y a ajouté ou ôté des
choses jusqu'aux années 50 (au moins), parce que divers détails ne
correspondaient pas aux goût musical de telle ou telle époque et qu'un
certain flou sur la complétude et la parfaite authenticité de la main de
Mozart dans tel ou tel morceau le permettaient. Note aussi que Mozart ou
Bach ont eu des périodes d'oubli plus ou moins longues et qu'on ne
s'intéresse jamais à Bach pour les mêmes oeuvres selon les époques (les
oeuvres chorales de Bach n'ont par exemple que peu d'échos aujourd'hui même
si elles sont évidemment jouées, étudiées...). Le très grand Vermeer a été
complètement oublié jusqu'aux années 20-30 de notre siècle, pareil pour
Georges de La Tour,... chaque époque sélectionne ce qu'elle veut bien
sélectionner dans le passé, tu ne trouveras pas un artiste qui fasse
l'unanimité pendant des siècles. Des gens comme Uccello, Klimt, Schiele,
Grünewald, qui plaisent tant aujourd'hui ont eu des périodes d'oubli très
longues aussi. Je ne dis pas que le beau est quelque chose qui varie : si
on trouve aujourd'hui beau le retable d'Unterlinden, c'est manifestement
qu'il l'est mais c'est aussi que son "beau" correspond à notre époque,
alors qu'il ne correspondait pas à son propre siècle vu le peu
d'informations que nous avons sur le peintre et qu'il n'a pas été très aimé
ensuite.
> Le meilleur moyen, et peut-être le seul, de définir la
> beauté, c'est de la montrer.
> http://www.seilnacht.tuttlingen.com/Lexikon/VanEyck.JPG
toi qui n'aime pas la peinture bavarde !... En voilà une qui l'est plutôt.
> Pour moi, l'« idéal artistique » du siècle dernier fut en
> grande partie la « liberté sans contraintes » et l'innovation
> comme valeur intrinsèque.
> C'est pas la direction générale ?
l'innovation en tant que valeur intrinsèque est une idée qui a touché une
bonne partie de la renaissance, et la moitié du 20e siècle. Le refus des
contraintes du passé a souvent tenté les artistes de tous temps, le refus
des contraintes techniques a intéressé souvent aussi (voir l'histoire de la
camera oscura et autres "machines à dessiner"), si c'est un peintre
(Daguerre) qui a inventé la photographie ce n'est pas pour rien. Le refus
de contraintes sociales (de la bohème 19e au mouvement "panique")
accompagne de plus ou moins loin le monde de l'art depuis le quatrocento.
Le refus de toute contrainte en revanche n'a jamais eu beaucoup de succès
dans l'art, je ne vois pas d'artiste qui veuille travailler sans
contrainte, excepté dans l'expression "celui là il est un peu artiste"
appliqué au feignant de la famille.
[IRCAM]
> Moi aussi, un peu. Je vais éviter d'en dire trop de mal,
> si c'est des potes à toi. Mais n'empêche... Dans ce
> domaine comme dans d'autres, je trouve hautement
> contradictoire d'institutionnaliser la culture tout en lui
> demandant d'être d'avant-garde. L'art institutionalisé
> est académique, c'est mécanique. La « recherche »
> artistique ne peut pas, selon moi, être pilotée, et
> surtout pas par l'État. Plus qu'un fonction d'exploration,
> je donnerais une fonction d'enregistrement des
> évolutions, à une « culture d'État ».
dis ça à François 1er, à Bonaparte (hum, moyen bon exemple), à Louis 14, à
Jules II, Laurent de Medicis, à ces monarques divers qui ont très
précisément orienté l'art de leur temps et dont le résultat, artistiquement
parlant, n'est pas forcément scandaleux. François 1er, un peu vulgaire dans
ses manières s'est contenté de rassembler une dream team piquée à la
concurence (Léonnard, Cellini... ), Laurent de Médicis ou Jules II ont eux
vraiment suscité des oeuvres, contre l'avis des artistes eux-mêmes
(Michel-Ange Buannaroti a longtemps trainé des pieds pour sa chapelle
sixtine), un climat artistique qui se voulait ultra-moderne. Louis 14 est
un cas un peu particulier, il voulait surtout qu'aucune oeuvre produite en
France ne favorise un quelconque "grand" du pays à l'exception de lui-même,
il voulait que tout chante sa gloire et celle du pouvoir absolu. Il a
commandé à Le Brun notamment les principes d'un art qui soit purement
"français", assez ridicule (ainsi l'invention d'un ordre "français" pour
les colonnes des architectures, ordre qui était sensé suivre dans
l'histoire de l'art les ordres doriques, ioniques et corynthiens), et
j'admets qu'il y a là un vrai ratage car les artistes que nous retenons de
l'époque étaient bien éloignés de la cour (Le Nain, G de La Tour, Lorrain),
s'en préservaient (Poussin) ou n'en n'étaient pas aimés (Le Bernin). Mais
il n'en reste pas moins vrai que ces exemples démontrent à mon avis qu'un
art "piloté" par l'état peut fonctionner, ou ne pas fonctionner (les
peintures de Delacroix, Ingres et Isabey imposées par la restauration de la
monarchie sous Charles X sont ridicules - bien qu'on leur doive comme à
Viollet-Leduc toute une vision du moyen-âge), qu'on ne peut pas faire de
règle.
Pour en revenir à l'Ircam, c'est avant tout un lieu de passage de
musiciens, de chercheurs, de gens qui veulent créer de nouveaux
instruments, de nouveaux sons, de nouvelles méthodes de pédagogie musicale,
de rapprochements interdisciplinaires... Il ne faut surtout pas rester sur
l'idée de deux trois concerts ennuyeux et caricaturaux d'il y a vingt ans,
l'Ircam est par ailleurs plus destiné à accompagner les créateurs qu'à
susciter des créations directement, plusieurs grands interprètes ou même
compositeurs ont, dans l'histoire, travaillé de près avec leurs facteurs
d'instruments, l'Ircam n'est jamais qu'une plate-forme qui a exactement le
même but.
> C'est vrai en partie. Mais, post-moderne que je suis,
> je récuse le statut de chercheur aux artistes.
> Les recherches en acoustique sont sans doute
> importantes. Mais, si elles ont à voir avec l'art,
> ce n'est qu'après coup, et anecdotiquement.
historiquement, c'est faux, beaucoup de musiciens du passé lointain ont
effectué des recherches qui se sont révélées capitales.
Un artiste a bien le droit d'être un chercheur, pourquoi pas ?
> En film, on peut dire que Tati est très "esthéticien"
> de l'image, alors que Bergman est plus du coté
> de la narration.
ça se discute !
> Et ce n'est pas préscriptif : ça ne dit pas ce qu'il
> faut faire. C'est descriptif.
faire des catégories, c'est bien, on en fait de toute façon, mais tu es
malgré ce que tu dis souvent tenté de dire "ah mais ça n'est pas de l'art
puisque ça ne colle pas à ma définition", enfin c'est ce qu'il m'a semblé
lire.
> Sur l'architecture, je suis sensé aimer le néoclassique
> (y en a un quartier près de chez ouame, à Montparnasse),
> puisque je suis post-moderne ?
le néo-classique, c'est la révolution et l'empire, David, Boulée,
Ledoux..., et je ne vois pas ce qui est néo-classique vers Montparnasse qui
n'était qu'un vague faubourg à l'époque (la Madeleine est néo-classique par
exemple, pas du meilleur ceci dit). Vers Montparnasse il y a par contre un
lotissement "post-moderne" de Ricardo Bofil (à qui on doit aussi les
bâtiments de Noisy le Grand qui ont servi de décors au film Brasil).
> En fait, je trouve que la très grande partie de l'architecture
> moderne est absurde. Quand on voit des architectes qui
> "s'éclatent" à faire des formes bizarroïdes, des pièces
> sans angles, des verrières sans rideaux, ils montrent
> qu'ils ont completement perdu l'idée importante que
> des gens allaient se servir de leur oeuvre.
le métier d'architecte a beaucoup changé, un architecte aujourd'hui c'est
surtout quelqu'un qui a très peur des procès (donc, éviter tout ce qui
pourraît être fragile, tout ce qui peut tomber - tuiles, ornements), qui a
beaucoup de mal à travailler et à imposer des formes qui changent des
habitudes et qui est sollicité, pour les grands chantiers, sur l'aspect
extérieur uniquement (ça date de Haussman, à partir de ce grand chantier là
les concours d'architecture ont surtout été jugés sur les façades). Malgré
tout ça je trouve qu'ils ne s'en tirent pas si mal, même en France où on
est quand même derniers mondiaux dans le domaine (largués par la Finlande
ou le Brésil...) et où il est si difficile de voir un peu de nouveauté tant
nous avons peur de démolir l'ancien ou de sortir du lot. Le drame ne
concerne pas tant les grands trucs (Pei a Louvre, j'adore personnellement -
je me rappelle ce qu'il y avait là avant -, la ligne E, la ligne Météor, et
pourquoi pas la TGB... tout ça est plutôt bien), le drame c'est surtout les
grands ensembles économiques (sensés suivre le Corbusier, tu parles) et le
pavillon individuel, qui est certainement le pire dans l'uniformité, le
manque d'imagination et la fadeur.
Le XXe siècle a eu des architectes et des réalisations extraordinaires, il
ne faut pas dire le contraire, c'est injuste, ce qui est minable en
architecture aujourd'hui c'est plutôt le goût des commanditaires.
>> Oui et non, disons que la beauté préxiste à ta propre vie, qu'aucun
>> artiste ne détient la beauté, l'artiste dévoile quelque chose, mais il
>> y a construction, mise en scène de l'artiste pour transcrire.
>> Et cette transcription, ce travail artistique n'est pas compréhensible
>> de façon purement cognitive.
>
> Veux-tu dire « scientifique » ?
Pas uniquement.
> Dans ma nuance, je l'oppose avec « inventer ». Je veux dire que, par
>exemple, celui qui trouve une nouvelle mélodie est plus près du type qui
>découvre un nouveau paysage et le prend en photo selon un certain point de
>vue que de l'inventeur qui crée un nouveau truc de toutes pièces.
Je ne pense pas que l'on puisse créer ex-nihilo.
Les choses se font toujours dans un contexte, personnel comme sociale.
> Ok, je répond à lui et à toi : Vous n'aimez pas le Requiem de Mozart ?
>Ni Bach ? Ni les « grand classiques » comme la Joconde ou les autres ? Il
>n'y a pas une certaine unanimité sur certains artistes ?
Si mais il y a la valeur intrinsèque de l'oeuvre et la subjectivité de
qualité qui l'entoure.
Beaucoup de gens n'écoute pas mozart mais sont persuadé qu'il est un
génie.
Pourquoi ? Parce qu'on leur à dit, c'est tout.
Et s'il ne l'écoute pas c'est parce qu'ils touvent ça chiant et n'y
comprennent rien.
L'attribution de "génie" est à haute valeur sociale et non artistique.
Or si tu cherche à aimer une oeuvre sans a priori il y a fort à parier
que tu l'aimera, ou pas, différement des 99% d'autres.
A partir de là l'unanimité est faussé.
Je ne dit pas qu'il n'y ai pas des artistes qui traversent le temps
mais le temps n'est pas malheuresement la valeur la plus fiable à
l'éclosion des plus grands artsites.
>> La beauté en tant que telle n'est pas relative. La beauté est la
>> réunion "simpliste" d'un ensemble d'idées artistique ou esthétique qui
>> formerait un absolu.
>> Elle est à l'image de la vérité philosophique, et d'ailleurs souvent
>> utilisé un peu naïvement elle aussi.
>> Pour faire très court la beauté comme la vérité n'existe pas, nous
>> n'en avons que des bribes (et c'est déjà pas mal).
> Comment comment ? La beauté du coucher de soleil que j'ai vu l'autre
>soir n'existait pas ? Irais-tu jusqu'à prétendre que la table sur laquelle
>ton ordi est posée n'existe pas ? Quelle n'a pas de vérité ? Perso, quand je
>traverse la rue, je préfère me dire que les voitures exitent bel et bien...
Je parlais d'absolu.
C'est bête à dire mais l'absolu revient inconsciament très souvent
dans l'apréciation de l'art ou de la philosophie, mais ça ne suffit
pas ou du moins c'est naïf.
>> Ces idées sont comme les concepts philosophique, multifacettes,
>> insaisissable d'un côté, impalpables de façon clair.
>> On peut même dire que l'art (et la philosophie) ne sont pas vulgaire,
>> au sens vulgarisation. Intraduisible en langage courant.
>
> Pour l'art, je suis d'accord. Mais la philo vraiment philo est quelque
>chose de très dicible en langage courant. Genre « connais-toi toi même »...
Non la philosophie utilise le langage courant comme un matériaux pas
comme une finalité dicible. Or la finalité n'est pas dicible en
langage courant, le langage est autant un outil qu'un leurre (comme au
début du thread).
Dans une certaine mesure, on peut faire un parrallèle avec l'art et sa
façon d'utiliser la visuel comme matériaux mais pas comme finalité
visible par opposition à l'art appliqué.
>> Sinon d'ailleurs quel serait leur intérêt ?
>
> L'intérêt de l'art, je sais pas... Te faire passer un bon moment de
>béatitude esthétique ? Pour la philo, son intérêt est de rapprocher les
>hommes de la sagesse, non ? Et il faut bien des mots (mais pas que des mots,
>certes) pour ça, non ?
A mon humble avis, l'intérêt est au coeur de la/ta vie.
Pour être personnel un seconde, je dirai que c'est pour ça que je
pense que l'art ou la philosophie sont les choses les plus nobles sur
cette terre.
Pour citer (mal) beaudelaire :
"Je n'aurai pas de peine à quitter un monde qui n'est pas la hauteur
des idées."
>> Ils sont comme le courant d'une rivière, tu peux y entrer toujours par
>> le même endroit mais l'eau ne sera jamais la même.
>
> Oui, mais c'est toujours de l'eau...
Tu joue sur les mots.
Là tu nous fait le coup de l'idiot qui regarde le doigts quand on lui
montre les étoiles...
Mais bon j'imagine que tu as compris ce que je voulais dire ;-)
> Oui, là je suis d'accord. Mais, quand tu fais oeuvre d'art, tu n'es pas
>seulement dans une relation en tête-à-tête avec la beauté, tu cherches un
>moyen de la transmettre et donc de la « fixer ». Tu es bien obligé de tenter
>une sortie de la subjectivité vers une intersubjectivité qui tend à
>l'universel (sans jamais l'atteindre).
Oui
> Pour moi, l'« idéal artistique » du siècle dernier fut en grande partie
>la « liberté sans contraintes » et l'innovation comme valeur intrinsèque.
>C'est pas la direction générale ?
Bon je n'ai pas la connaissance en hisoire de l'art de Jean-Noel, mais
amha, l'art s'est "retranché" au fur et a mesure que les arts
appliqués lui ai pris du terrain.
Le figuratif a commencer à décroitre au profit de l'impressionnisme,
dès la démocratisation de la photographie.
Tout d'un coup l'aspect "utile" de l'art figuratif devenait moins
pertinent.
L'abstraction est apparu, avec la publicité, le graphisme.
L'aspect décoratif de l'art perdait, là aussi, sont utilité.
Et quand les arts appliqué se sont approprié l'abstraction l'art est
devenu conceptuel.
Je dit peut être de grosses bétises hein ;-)
Mais j'ai cette impression, ça ne veut pas dire que les choses se
soient faites de façon parfaitement "visible", ni même que les
courants artistiques se soient systèmatiquement créer en "réaction"
mais disons que le parallèle est impressionnant.
L'art s'est divisé en "appliqué" et "beau" là ou il n'était qu'une
seule et même chose avant.
L'un est très dévalorisé au yeux du publique "l'appliqué" mais est
apprécié du publique alors que l'autre à toutes les faveurs du
publique mais ne rencontre que peu d'échos auprès de ce même publique,
Résultat : cette "scission" n'est toujours pas admise/comprise par le
publique. Qui continue de voir l'art "beau" comme avant.
Alors que ce n'est plus possible.
bon je dit tout ça avec un bémol, corrigez moi si nécessaire.
Alors qu'entens-tu par "Oui et Non,disons que la beauté préxiste à ta propre
vie,qu'aucun"
Alors dis?
et qu'elle âge t'à?
Marine 12 ans
--
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Plus d'info sur : http://nnrpinfo.go.foorum.fr/
Sans doute que j'aimerais Bach autrement que toi, c'est-à-dire pour
d'autres raisons. Mais ta formulation est ambiguë. Je pense, et ça se
vérifie souvent, qu'il y a une forme d'« unanimité » sur certains artistes
qu'on peut appeler génies. Pas une unanimité absolue, mais quand même... Un
amateur éclairé de musique affirmant que Bach est de la merde en boîte, soit
il blague et exagère, soit il n'est pas un vrai amateur de musique.
Quelqu'un qui aime lire, il peut dire qu'il n'aime pas Proust, mais il ne
peut pas dire que c'est mal écrit. Avant de voir les divergences notables de
goût, il faut remarquer ce qui est bien plus notable : il y a convergence
massive, avant les divergences ponctuelles.
> A partir de là l'unanimité est faussé.
> Je ne dit pas qu'il n'y ai pas des artistes qui traversent le temps
> mais le temps n'est pas malheuresement la valeur la plus fiable à
> l'éclosion des plus grands artsites.
Humm... si, le tamis du temps est sans doute le seul moyen de se faire
une idée un peu stable de la qualité d'un artiste, àmha mia.
Moui... pour moi, la philo est inséparable d'une certaine parole, d'un
logos, elle s'inscrit dans l'ordre du langage, et même du langage "courant".
C'est la sagesse et la mystique qui sortent un peu du sillon du langage.
> Or la finalité n'est pas dicible en
> langage courant, le langage est autant un outil qu'un leurre (comme au
> début du thread).
Pourquoi un leurre ? Quel est le leurre, quand je dis « ceci est une
table » ?
> Dans une certaine mesure, on peut faire un parrallèle avec l'art et sa
> façon d'utiliser la visuel comme matériaux mais pas comme finalité
> visible par opposition à l'art appliqué.
Je ne comprend pas bien, là.
>>> Sinon d'ailleurs quel serait leur intérêt ?
>>
>> L'intérêt de l'art, je sais pas... Te faire passer un bon moment
>> de béatitude esthétique ? Pour la philo, son intérêt est de
>> rapprocher les hommes de la sagesse, non ? Et il faut bien des mots
>> (mais pas que des mots, certes) pour ça, non ?
>
> A mon humble avis, l'intérêt est au coeur de la/ta vie.
> Pour être personnel un seconde, je dirai que c'est pour ça que je
> pense que l'art ou la philosophie sont les choses les plus nobles sur
> cette terre.
> Pour citer (mal) beaudelaire :
> "Je n'aurai pas de peine à quitter un monde qui n'est pas la hauteur
> des idées."
Baudelaire est un vilain romantique. Le monde, c'est surtout la terre,
il n'est pas à la hauteur, ni en hauteur, il est bien bas et ce n'est pas
une raison pour le quitter.
--
XVII.16. Le Maître dit : « Les Anciens avaient trois défauts, mais d'une
façon dont les Modernes ne sont même plus capables. L'excentricité des
Anciens était libre ; l'excentricité des Modernes est licencieuse. La fierté
des Anciens était carrée ; la fierté des Modernes est hargneuse. La
stupidité des Anciens était droite ; la stupidité des Modernes est
retorse. »
Et alors il me semble salutaire de rappeler ce que tu dis-là et de
casser un peu le mythe de l'innovation artistique, pour retrouver ce qui est
vraiment « innovant », c'est-à-dire l'affirmation d'une personnalité (celle
de l'artiste) dans une création qui n'est en grande partie qu'un recyclage
des thèmes rebattus. La Fontaine a tout pompé sur... sur qui déjà ? Ésope,
non ? Pourtant, je tiens La Fontaine pour un génie incontestable.
>>> Comme l'as dit Sholby il y a aimer et aimer.
>> Ok, je répond à lui et à toi : Vous n'aimez pas le Requiem
>> de Mozart ? Ni Bach ? Ni les « grand classiques » comme
>> la Joconde ou les autres ? Il n'y a pas une certaine unanimité
>> sur certains artistes ?
>
> tu aimes vraiment la Joconde ? C'est bien peint, c'est un des rares
> tableaux que tout le monde identifie du premier coup d'oeil, mais
> généralement, on va la voir en se demandant pourquoi tant de gens se
> pressent pour la voir, sachant que c'est une peinture assez chiante.
> Pas d'unanimité. Le requiem de Mozart, chaque génération y a ajouté
> ou ôté des choses jusqu'aux années 50 (au moins), parce que divers
> détails
... c'est le mot juste : tu me parles ici de détails. On peut changer
quelques notes, se focaliser sur telle ou telle oeuvre, mais ça reste du
Mozart, non ? Même si des artistes passent de mode ou redeviennent à la
mode, c'est le grand public qui décide cela. Les amateurs éclairés de
musique classique peuvent-ils vraiment jeter Bach ou Mozart à la trappe ?
> [...]
>
>> Le meilleur moyen, et peut-être le seul, de définir la
>> beauté, c'est de la montrer.
>> http://www.seilnacht.tuttlingen.com/Lexikon/VanEyck.JPG
>
> toi qui n'aime pas la peinture bavarde !... En voilà une qui l'est
> plutôt.
Il y a beaucoup à dire, c'est sûr. C'est souvent passionant, mais ça ne
me semble pas nécessaire pour apprécier. Remarque, un bémol à ce que je dis
: il y avait des super émissions de peinture sur Arte avec des "explications
géométriques" de tableaux connus et c'est vrai qu'on en sortait avec un
amour étendu de l'oeuvre étudiée.
>> Pour moi, l'« idéal artistique » du siècle dernier fut en
>> grande partie la « liberté sans contraintes » et l'innovation
>> comme valeur intrinsèque.
>> C'est pas la direction générale ?
>
> l'innovation en tant que valeur intrinsèque est une idée qui a touché
> une bonne partie de la renaissance, et la moitié du 20e siècle. Le
> refus des contraintes du passé a souvent tenté les artistes de tous
> temps, le refus des contraintes techniques a intéressé souvent aussi
> (voir l'histoire de la camera oscura et autres "machines à
> dessiner"), si c'est un peintre (Daguerre) qui a inventé la
> photographie ce n'est pas pour rien. Le refus de contraintes sociales
> (de la bohème 19e au mouvement "panique") accompagne de plus ou moins
> loin le monde de l'art depuis le quatrocento. Le refus de toute
> contrainte en revanche n'a jamais eu beaucoup de succès dans l'art,
> je ne vois pas d'artiste qui veuille travailler sans contrainte,
> excepté dans l'expression "celui là il est un peu artiste" appliqué
> au feignant de la famille.
: ))
Cette expression montre bien ce que je voudrais extirper de l'opinion
commune ! Une image : beaucoup de chanteurs et d'artistes sont disons des
« anarchistes » (Brassens, Ferré, Brel). C'est un penchant assez naturel et
que je ne souhaite pas mettre en cause, au contraire. Mais justement : être
anarchiste n'a de sens que quand on vit dans un monde où le pouvoir existe
et est institutionalisé. L'artiste est en réaction contre la contrainte
(morale, technique, etc.) Sans ces contraintes, être artiste n'a plus de
sens. « L'art nait des contraintes, vit de luttes et meurt de libertés. »
(Valéry)
C'est là que je vois le grand problème de l'artemporain : plus du tout
de contraintes, plus du tout de luttes, bien trop de libertés => l'art perd
sa sève, qui est "réaction contre les" et "sublimation des" contraintes.
--
X.16. Le seigneur Ji Kang lui envoya une médecine. Il se prosterna et
l'accepta. Il dit : « N'en connaissant pas les vertus, je n'ose y toucher. »
Oui. J'essaie malgré tout d'en tirer une « règle » : Quand l'art est
piloté par l'État, c'est toujours pour des raisons extra-artistiques
(prestige, etc.) et c'est ainsi que vont les choses. L'IRCAM est aussi une
institution de prestige (un bô cadô offert par Tonton à son pote Boulez).
Cela n'a pas de rapport avec la qualité de ce que ces institutions
engendrent. Ou plutôt : c'est quand l'artiste doit « faire avec » les
contraintes étatiques et contourner les tabous et la censure qu'il a le plus
de chances d'être de qualité. Ce que je reproche aux artistes contemporains,
c'est d'espérer qu'une culture institutionnalisée leur évitera les
contraintes.
>> C'est vrai en partie. Mais, post-moderne que je suis,
>> je récuse le statut de chercheur aux artistes.
>> Les recherches en acoustique sont sans doute
>> importantes. Mais, si elles ont à voir avec l'art,
>> ce n'est qu'après coup, et anecdotiquement.
>
> historiquement, c'est faux, beaucoup de musiciens du passé lointain
> ont effectué des recherches qui se sont révélées capitales.
> Un artiste a bien le droit d'être un chercheur, pourquoi pas ?
Oui, il a le droit. Mais, en tant qu'artiste, il n'est pas chercheur.
C'est deux activités différentes.
>> En film, on peut dire que Tati est très "esthéticien"
>> de l'image, alors que Bergman est plus du coté
>> de la narration.
>
> ça se discute !
On est là pour ça ! :)
>> Et ce n'est pas préscriptif : ça ne dit pas ce qu'il
>> faut faire. C'est descriptif.
>
> faire des catégories, c'est bien, on en fait de toute façon, mais tu
> es malgré ce que tu dis souvent tenté de dire "ah mais ça n'est pas
> de l'art puisque ça ne colle pas à ma définition", enfin c'est ce
> qu'il m'a semblé lire.
Moui... c'est sûr que je prends un peu le contre-pied du relativisme
flou à la mode en ce moment (et depuis un moment). Mais, le seul truc dont
je suis sûr, c'est que pour moi quelque chose qui n'est pas beau n'est pas
une oeuvre d'art. Je reprécise bien que le beau peut se nicher dans un étron
de chien autant que dans une Vierge à l'enfant.
>> Sur l'architecture, je suis sensé aimer le néoclassique
>> (y en a un quartier près de chez ouame, à Montparnasse),
>> puisque je suis post-moderne ?
>
> le néo-classique, c'est la révolution et l'empire, David, Boulée,
> Ledoux..., et je ne vois pas ce qui est néo-classique vers
> Montparnasse qui n'était qu'un vague faubourg à l'époque (la
> Madeleine est néo-classique par exemple, pas du meilleur ceci dit).
> Vers Montparnasse il y a par contre un lotissement "post-moderne" de
> Ricardo Bofil (à qui on doit aussi les bâtiments de Noisy le Grand
> qui ont servi de décors au film Brasil).
Je m'ai gouré dans l'appelation contrôlée, alors... Le lotissement dont
tu parles, c'est celui qui est après la place de Catalogne (avec la dalle en
pente) ? C'est pas du "néo-classique" ?
> (Pei a Louvre,
> j'adore personnellement - je me rappelle ce qu'il y avait là avant -,
Y avait quoi ?
> la ligne E, la ligne Météor, et pourquoi pas la TGB... tout ça est
> plutôt bien), le drame c'est surtout les grands ensembles économiques
> (sensés suivre le Corbusier, tu parles)
Le Corbusier, c'est Le Havre, c'est ça ? Pour ma part, j'aime assez le
gigantisme en béton, mais vu de loin...
--
XIV.7. Le Maître dit : « Peut-on ménager qui l'on aime ? La loyauté
peut-elle épargner les conseils ? »
> Oui. J'essaie malgré tout d'en tirer une « règle » :
> Quand l'art est piloté par l'État, c'est toujours pour
> des raisons extra-artistiques (prestige, etc.) et c'est
> ainsi que vont les choses.
oui, sans doute, mais les raisons de s'intéresser à l'art sont sans doute
extra-artistiques.
> L'IRCAM est aussi une institution de prestige
> (un bô cadô offert par Tonton à son pote Boulez).
du tout ! L'institution a été commandée à P Boulez par G Pompidou, afin de
créer un centre de recherches musicales à côté (physiquement,
administrativement, artistiquement) du Musée d'Art Moderne aujourd'hui
nommé "centre pompidou".
> Ce que je reproche aux artistes contemporains,
> c'est d'espérer qu'une culture institutionnalisée
> leur évitera les contraintes.
les artistes se posent je crois pas mal de questions à ce sujet, ils voient
bien que l'art ne peut plus être que subventionné, et que si l'on est
subventionné, on peut servir des buts que l'on ne maîtrise ni ne cautionne
pas, et aussi se sentir contraint artistiquement (quoiqu'un panorama des
expos en centre d'art montrerait qu'il n'y a pas d'uniformité, de style
officiel, etc.). Tout ça est vrai, et embêtant : du point de vue des
artistes, qu'y faire ? Du point de vue de l'état, que faire aussi ? Entre
la tentation de réellement "diriger" tout l'art et la possibilité
d'abandonner les artistes à leur sort,... ?
> > Un artiste a bien le droit d'être un chercheur, pourquoi pas ?
> Oui, il a le droit. Mais, en tant qu'artiste, il n'est pas chercheur.
> C'est deux activités différentes.
beaucoup te soutiendraient que ça revient au même.
> Je m'ai gouré dans l'appelation contrôlée, alors... Le
> lotissement dont tu parles, c'est celui qui est après
> la place de Catalogne (avec la dalle en pente) ?
> C'est pas du "néo-classique" ?
je suis nul en 14e arrondissement, désolé, je ne peux pas dire, mais je
pense que tu parles du truc de Bofil, c'est donc post-moderne. Le
néo-classicisme, c'est la fin du 18e ou son abominable scorie,
l'architecture des bâtiments officiels américains.
> > (Pei a Louvre, j'adore personnellement
> > - je me rappelle ce qu'il y avait là avant -,
> Y avait quoi ?
la fourrière (automobile) municipale. Le Louvre était un musée bordélique,
poussiéreux, ça n'intéressait plus grand monde.
> Le Corbusier, c'est Le Havre, c'est ça ? Pour
> ma part, j'aime assez le gigantisme en béton, mais vu de loin...
Le Havre c'est avantout Auguste Perret qui a reconstruit la ville, je ne
sais pas si Le Corbusier y a fait quelque chose.
le Corbusier a fait de belles villas, mais on lui doit aussi l'invention
des grands ensembles économiques, même si ceux qui existent sont
généralement aux antipodes des théories de Le Corbusier sur l'occupation de
l'être humain dans son habitat.
C'est finalement difficile d'estimer ce qu'il peut y avoir d'innovation dans
une oeuvre.
Par exemple, il y a le problème du temps. C'est Kracauer je crois qui a
montré qu'on ne pouvait réellement faire une lecture parfaitement
synchronique des oeuvres. Le temps des oeuvres n'est pas forcément le temps
unifié dans lequel nous vivons. Certaines oeuvres semblent totalement
décalées, incompréhensibles au moment où elles sont produites, ou le
deviennent assez vite pour les générations qui suivent.
Prenons par exemple le roman de chevalerie, Chretien de Troyes. Il s'adresse
à un public extrêmement restreint au moment où il est produit, l'illetrisme
du Moyen Age étant la règle. Il devient ensuite, comme à peu près tout ce
qui est médiéval, profondément incompréhensible. C'est amusant de voir
Dragonetti affirmer qu'on ne peut commencer à aborder ce type de production
que grace à Derrida.
On pourrait aussi je crois évoquer la musique baroque qui semble avoir vécu
dans un vide total pendant plusieurs centaines d'années avant d' être
redécouverte finalement assez récemment.
L'analyse en "tranches" (synchronique) de ce qui se fait à un moment donné
ne semble pas toujours donner de bons résultats pour apprécier le caractère
d'innovation.
Pour le simple amateur, cela implique d'une part de connaître ce qui se fait
à un moment donné de l'histoire (c'est pas simple !) et en plus de se méfier
de ce temps des oeuvres qui ne coïncide pas avec un temps linéaire et
partagé par tout le monde (c'est vraiment pas simple !!).
Si on regarde l'évolution diachronique, il faut avouer qu'on est aussi pas
mal dans la merde. Comme vous le dites tous les deux plus haut, une oeuvre
ne vit que grace à ses ré-interprétations successives.
Mais l'EN, en tout cas de mon temps (je ne sais actuellement comment elle
procède), ne préparait pas tellement à ça. Elle présentait les oeuvres avec
une grande ambiguïté. D'une part, il y avait un côté "progression",
finalement très téléologique, hégélien pour utiliser un terme grossier (le
"progrès dans les arts", c'était ce qu'on entendait aussi bien en histoire
qu'en cours de français), et d'autre part, une oeuvre était considérée comme
achevée, comme un "chef d'oeuvre" qui atteindrait une forme d'idéal
platonicien.
Or, outre que la part essentielle de la ré-interprétation était omise,
ré-interprétation historique qui rend en fait l'oeuvre constitutionnellement
inachevée, l'inachèvement si j'ose dire programmé d'une oeuvre par son
créateur était occulté. Comme si, pour contempler une oeuvre, il fallait
être sûr de son achèvement. Un miroir des Idées en quelque sorte.
Par exemple, on peut considérer que cela trouble assez profondément le
public lorsque l'artiste dit explicitement qu'il peut revenir à chaque
instant sur n'importe laquelle de ses oeuvres. C'est le cas de Boulez qui
refuse l'idée qu'il pourrait proposer une oeuvre "achevée". Une des
premières, "Le visage nuptial" a été remodelée des décades plus tard. Je me
demande si c'est la même chose chez Cezanne et ses cinq "Joueurs de cartes".
En littérature, le "work in progress" est non pas devenu courant, mais on a
des exemples, Joyce en est un, où il y a ce type d'affirmation d'une oeuvre
en constante mutation. Ce qui vient la plupart du temps bloquer ce
dispositif, ce sont des contingences matérielles (la peinture, ça sèche; une
publication devient imprimée...)
> C'est là que je vois le grand problème de l'artemporain : plus du tout
> de contraintes, plus du tout de luttes, bien trop de libertés => l'art
perd
> sa sève, qui est "réaction contre les" et "sublimation des" contraintes.
Je ne sais trop quoi penser de ce relativisme qui semble règner à l'heure
actuelle. On en viendrait à voir dans les oeuvres qu'une traduction sur un
autre plan du relativisme absolu qui règne dans l'univers social. C'est très
étrange : il y a à la fois une volonté très forte de "trouver" ou
"retrouver" des valeurs et semble-t-il, l'impossibilité de les fonder
sérieusement.
Par exemple, on voit toujours une exigence d'Adorno se manifester, l'Etat
semble d'ailleurs y jouer un grand rôle lorsqu'il vient protéger les
artistes : l'exigence d'austérité et d'ascétisme dans l'art. en opposition
avec la consommation de l'univers bourgeois. On essaie bien, régulièrement,
de casser cette idée du "monde bourgeois", mais il ressurgit à chaque main
mise trop apparente du marché sur le monde de l'art.
L'ascétisme prôné par Adorno est tout de même une contre-valeur négative
dont il ne livre pas les clés de sa fondation autrement que par son
caractère justement négatif. Adorno ne nous dit pas par quoi ça peut se
fonder cette histoire d'ascétisme, qui est, je trouve, encore assez violente
dans les arts et dans les affrontements sur les goûts de tout un chacun.
L'ascétisme, c'est déjà considérer qu'une oeuvre n'est pas "appréhendable"
par l'évidence du plaisir. Le plaisir ne garantit rien et ne garantit de
rien. L'ascétisme, c'est reconduire l'exigence d'analyse et cette analyse ne
peut que nous conduire à repenser aux ré-interprétations successives.
Tout cela est très curieux : à la fois, on se "plonge" dans une oeuvre,
comme si la distance était abolie et d'un autre côté, ce n'est que par la
mise à distance de l'analyse qu'on peut s'y plonger véritablement ! Va donc
comprendre, Charles :)
costaclt
> Je pense, et ça se vérifie souvent, qu'il y a une forme
> d'« unanimité » sur certains artistes qu'on peut appeler
> génies. Pas une unanimité absolue, mais quand même...
> Un amateur éclairé de musique affirmant que Bach est
> de la merde en boîte, soit il blague et exagère, soit il
> n'est pas un vrai amateur de musique.
> Quelqu'un qui aime lire, il peut dire qu'il n'aime pas Proust,
> mais il ne peut pas dire que c'est mal écrit. Avant de voir
> les divergences notables de goût, il faut remarquer ce
> qui est bien plus notable : il y a convergence massive,
> avant les divergences ponctuelles.
ben, là tu parles d'une culture officielle européenne et dominante -
quasi-coloniale - ton amateur de Bach peut bien aimer Bach pour de bonnes
raisons mais trouver que le jazz est une musique décadente ou nier toute
qualité à ce qui ne sort pas du circuit bien balisé de la musique savante.
Et Proust, si on n'aime pas mais qu'on trouve ça bien écrit, alors tu es
loin de l'unanimité : il y aurait consensus sur la technique littéraire
mais pas sur l'intérêt des productions. De plus Proust est un exemple à
prendre avec des pincettes : tout le monde connaît mais tout le monde s'est
arrêté à la page dix (mon "tout le monde" est au moins aussi juste que ton
unanimité non-absolue ;-)), c'est un consensus de mauvaise foi.
> > [le langage est autant un outil qu'un leurre]
> Pourquoi un leurre ? Quel est le leurre, quand
> je dis « ceci est une table » ?
en disant ça tu peux aussi bien pointer le doigt sur autre chose qu'une
table, on ne te voit pas faire par e-mail ;-)
Je ne sais pas si le mot "leurre" était le bon, mais le langage contraint
la pensée en même temps qu'il permet de l'exprimer. Je ne suis pas
linguiste ni suffisemment cultivé pour l'attester mais il paraît qu'en
Coréen, la façon de parler d'une personne indique clairement sa position
hiérarchique/sociale vis à vis de son interlocuteur. Il paraît qu'en
Japonais, la langue des femmes et celles des hommes (mais là il s'agit de
prononciation plutôt) sont radicalement différentes. Il paraît encore qu'il
n'existe pas de moyen pour les femmes, dans la langue arabe, de dire
"nous", etc.
Je crois que le langage intervient dans la construction de la pensée, et à
partir d'un tel postulat, tous les détails comptent. J'ai entendu un
linguiste dire qu'on pouvait à peu près tout dire dans toutes les langues
mais pas avec la même facilité.
>
> Je ne sais trop quoi penser de ce relativisme qui semble règner à l'heure
> actuelle. On en viendrait à voir dans les oeuvres qu'une traduction sur un
> autre plan du relativisme absolu qui règne dans l'univers social. C'est très
> étrange : il y a à la fois une volonté très forte de "trouver" ou
> "retrouver" des valeurs et semble-t-il, l'impossibilité de les fonder
> sérieusement.
Et si le problème était encore beaucoup plus profond que nous ne
pouvions l'imaginer, sauf à fouiller insatisfaits très loin ? Comment
peut-on trouver ou retrouver des valeurs quand on est pris par
l'Histoire (celle-ci devenue une science et même une matière à
révolution sociale) ?
Ce que je vais dire va être incompréhensible pour qui ne saurait pas
lire entre les lignes et je ne vais pas chercher, pardonnez moi, à
expliciter ni même convaincre. Seulement dire la fin, non pas de
l'histoire en tant que telle (balivernes post-Hégélienne) mais la fin
d'une histoire linéaire et ascendante : idée de progrés, d'innovations,
de mieux en mieux, plus-plus dans laquelle nous sommes emportés.
Force est de constater que cette vision est contredite dans les faits et
que la modernité progressiste ne tient pas ses promesses. Toutes
sciences développées pour aller de performances en performances jusqu'à
celles qui envisagent la solution finale pour le genre humain grâce aux
bio-technologies (cf le concept du "Successeur" de Wrna-Zvpuyr Gehbat
qnaf "gbgnyrzrag vauhznvar"). Que l'humanité meurt de son propre progrès
et de sa foi en l'Histoire. S'y inscrire dans cette histoire là ne
peut-être qu'en faux, si d'aventure nous envisagions un autre paradigme
pour une autre histoire sans sciences, sans ce savoir là qui envisage la
défiguration (il le peut!).
amha (et pas que le mien, mais cet humble avis est tellement en dehors
des forces en présence) il n'y a aucun avenir dans ce process historique
là, mais bien plutôt dans d'autres situations sans Histoire.
Certainement avons nous beaucoup à apprendre des sociétés primitives,
elles qui sont sans progrès aucun et qui n'on pas eu d'ambition
Promethéenne.
Que des artistes au début du XXème siècle se soient intéressés à l'art
primitif et à l'art brut n'est pas le fruit du hasard mais bien d'une
certaine nécessité. Vite ravalée, faute d'idéologies pour en péréniser
le premier jet.
L'art aujourd'hui (et depuis la Renaissance) est au service de
l'Histoire et de ceux qui la font. Il fut un temps où il avait rapport
avec les rituels et le sacré et la composition ordonnée d'une société
pleine d'histoires. Ainsi se transmettait la connaissance et les formes.
L'ethnocentrisme pris ça pour du primaire, du simple d'esprit, du zéro
civilisation...
Si, comme tu le dis, il s'agit de fonder sérieusement des valeurs (et
les oeuvres d'art en sont à la fois les instruments et les signes), il
est alors question de changer d'histoire. Sachant que la nôtre est
l'histoire de la fin d'un monde, le nôtre précisément. Nous n'auront pas
été les seuls ni les premiers, toute civilisation à un certain moment de
son développement est invitée à disparaître avec pertes et fracas.
> Par exemple, on voit toujours une exigence d'Adorno se manifester, l'Etat
> semble d'ailleurs y jouer un grand rôle lorsqu'il vient protéger les
> artistes : l'exigence d'austérité et d'ascétisme dans l'art. en opposition
> avec la consommation de l'univers bourgeois. On essaie bien, régulièrement,
> de casser cette idée du "monde bourgeois", mais il ressurgit à chaque main
> mise trop apparente du marché sur le monde de l'art.
C'est Adorno qui a donné cette définition de l'art qui me paraît très
pertinante (je cite de mémoire) : "l'art, c'est ce qui résiste à
l'assimilation culturelle".
On peut dire alors que l'art est, non pas historique (bien qu'il finisse
toujours fatalement dans l'histoire et ses oubliettes), mais
contre-historique (comme il est contre-culturel). C'est à dire que l'art
a rapport avec ce qui se transmet en dehors de toute idée de progrés et
d'évolution historique. Qu'il est une Tradition. (ce que cherche à
trouver par des moyens scientifiques et techniques les Nouvelles
Technologies de l'Information et de la Communication : transmettre du
contenu, du sens, de l'information)(Hélas, toujours dans le même process
historique, cette foi aveugle dans le progès et la continuité ascendante
de nos histoires).
Il faut vraiment être un aveugle croyant pour porter crédit à cette
intention de transmission quand notre Histoire est celle qui fait table
rase du passé et n'envisage l'avenir que défiguré (corps et esprits
brisés sous la loi du plus fort, toute sciences confondues).
Aussi, ce qui se transmet le plus généralement est l'oubli de ce qui
fonde le rapport entre les êtres. Art pour art, transmission pour
transmission, boucle qui nous la boucle, nous restons cois, sachant
beaucoup sans rien connaître.
M'enfin, la fin d'un monde n'est pas la fin du monde ! :-)
Nous vivons bien dans des mondes.
--
Antoine Moreau
« le passé n'éclairant plus l'avenir, l'esprit marche dans les
ténèbres »
Tocqueville