Jean Toulet <
jtou...@free.fr> wrote:
> j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises d'exprimer que je ne partageais pas
> vraiment la révérence dont la plupart des membres ici présents entouraient
> papa Bach: sa musique m'ennuie, même si j'en perçois la puissance.
>
> J'ai bien essayé d'expliquer que je ne portais pas de jugement de valeur sur
> sa musique, seulement qu'elle ne m'atteignait pas. Une infirmité, en quelque
> sorte.
Sans vouloir le moins du monde te faire changer d'avis, si tu le perçois
comme ça, je peux te situer le bonheur *quotidien* que j'y trouve, des
fois que ça t'inspire...
D'autant que je viens de me faire une cure de Mozart... un autre génie à
l'état pur.
Même de son temps, Bach n'était pas tant apprécié comme compositeur : le
contrepoint paraissait déjà vieux et compliqué. Ses fils et Wolfgang ont
tiré un trait : désormais ce sera une mélodie bien identifiable, un
accompagnement et une basse, répétitifs et rythmés. Et tout le monde est
content, et en particulier le "public", qui s'y retrouve tout de suite.
Mais note qu'il en est resté des séquelles : quand un génie comme Mozzie
décide de faire quelque chose de vraiment, mais *vraiment* beau, comme
une sorte de testament musical... il dégaine le contrepoint ! Et voilà !
Le Kyrie du Requiem K626 (dirigé par Solti, évidemment !) est une pure
fugue que n'aurait absolument pas reniée Bach. Et toute ressemblance
avec le Kyrie 2 de la Messe en Si n'est *pas* un hasard !
Bach, c'est le contrepoint. Mais pas n'importe quel contrepoint. De
l'élixir de contrepoint ! Parce que d'autres s'y sont attaqué : je me
suis aussi fait une cure de Jean-Philippe Rameau ces temps (il faudra
que je vous parle de Céline Frisch !), de Telemann, et de Couperin
surtout... tout ça bien sympathique, MAIS ça reste gentil par rapport au
père Bach qui l'a amené à un point de sophistication qui a dégoûté
presque tout le monde (sauf les meilleurs !) d'y donner une suite.
Alors pourquoi ? et comment ? Pour moi ça se passe à la lecture et à
l'exécution. Ça ne lasse *jamais*. Depuis que je me suis trouvé des
instruments virtuels vraiment à la hauteur et une spatialisation 5.1
digne de ce nom (avec un caisson de graves jouflu et une puissance
convenable (6 x 100 W que je cale entre -15 et -20 dB), je ne finis pas
une journée sans m'avaler trois pages de Bach à l'épinette ou au
clavecin. Et si j'attaque les contrapunctus de l'Art de la Fugue,
l'heure se passe sans que je m'en aperçoive. C'est magique. Les "tenus"
créent des télescopages harmoniques incroyables (encore différents à
l'orgue ! avec les infra-graves à fond !), tout n'est que retards et
anticipations, cadences évitées, tonulations hardies (mais qui marchent
incroyablement, là où on se vautrerait lamentablement...).
Est-ce que c'est prise de tête ? Évidemment pas, c'est seulement
"riche". Infiniment. À côté, il faut tout le génie d'un Mozart ou d'un
Beethoven pour accepter d'avancer, sinon beaucoup de choses paraîtraient
fades. Et Couperin ? ou Chopin ? C'est pour la récré ! :-)
Transposé dans une autre époque : c'est comme d'écouter Charlie Parker
dans les 4-4 à la fin des morceaux du fameux concert de 1952, à sa
sortie de désintoxication (Parker Jam Session) et en particulier de
"What Is This Thing Called Love". Je vous le cale sur le début des 4-4,
(en fait je laisse quand même Oscar Peterson et Ray Brown, c'est pas de
la gnognotte comme rythmique avec J.C. Heard à la batterie !),
<
https://youtu.be/LH4dVQZ2PnE?t=13m45s>
on a dans l'ordre pour ces 4-4 (je rappelle que chaque soliste joue 4
mesures et passe au suivant) : Benny Carter (alto, précis), Ben Webster
(rauque, au tenor), Johnny Hodges (tout en coulé, flûté), Flip Phillips
(aussi au ténor, plus soft), Charlie Shavers (trompette), LE BIRD,
comment ça "pète" quand il rentre ! c'est magique ! Et pourtant les
autres ne sont pas des manches ! Ils font quatre tours complets de 4-4
pour qu'on se rende bien compte. Ensuite la réécoute du début n'est pas
optionnelle : nécessaire ! Parce que comme section de cuivre en soutien,
là on a du lourd !
On pourrait citer aussi John Lewis (qui ne dédaignait ni la fugue ni le
contrepoint : cf. Softly As In A Morning Sunrise ici:
<
https://youtu.be/MsklGkbJI-s?t=24m50s> (et Concorde à suivre) ou
Vendôme : <
https://youtu.be/rVtNlSX1nac>
Mais si on ne fait pas attention, on peut passer à côté... C'est comme
les harmonies de Send One Your Love de Stevie Wonder : déjà essayé de
suivre (reproduire !) la ligne de basse (et de nommer les accords ?)
<
https://youtu.be/mo7mUvD0A6Y>
Juste essayé de partager mes passions. Désolé si ça encombre.
hth,
--
Gérald