Le 21/06/2023 à 21:32, karamako a écrit :
> MELVIL-BLONCOURT (21 février 1850 dans Le XIXe siècle)
[...]
L’origine et l’identité de Melvil-Bloncourt ne sont pas encore
totalement élucidées. Il est né à Pointe-à-Pitre en 1823 selon son acte
de mariage ; mais sur d’autres documents, ce serait plutôt le 23 octobre
ou même en juillet 1821. Pour d’autres, il serait né à Grand-Bourg, sur
Marie-Galante, en 1825. Son nom de naissance serait Bloncourt, et ses
prénoms Sainte Suzanne, Vicomte et Melville. Tout comme le prénom de sa
mère, nommée Leblond, qui varie : Crénelette ? Crinelette ? Creuillette
? Caillette ?
Il est quelquefois difficile de retrouver certains actes d’état-civil
dans les îles car les naissances sont parfois enregistrées plusieurs
mois voire plusieurs années plus tard… D’après certains, Melvil serait
le fils illégitime d’un comte de Moyencourt, grâce auquel il a pu
financer des études en France. Une enquête de 1848 (année de l’abolition
de l’esclavage), à la demande d’une de ses sœurs, apporte quelques
informations : Creuillette Bloncourt a donné naissance à cinq enfants,
Irène (octobre 1813), Melfort (octobre 1817), Melville (juillet 1821),
Hortense (novembre 1823) et Clairville (février 1831). Peut-être la mère
de Melvil-Bloncourt était-elle esclave, ce qui expliquerait la
difficulté à retrouver son acte de naissance ?
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/caomec2/osd.php?territoire=GUADELOUPE&commune=POINTE-A-PITRE&annee=1848
p. 53
Melvil épouse Françoise Pagès (native de Bâton rouge en Louisiane, fille
de Jean-Baptiste et de Céleste Espinard) en 1859 ; Jules Levallois et
Buchet de Cublize sont témoins du mariage. Melvil-Bloncourt appartient à
cette jeunesse créole qui, si elle n’acquiert pas toujours la fortune,
brille à Paris et suscite de fortes amitiés, à l’instar de ses
compatriotes guadeloupéens Privat d’Anglemont et Louis L’Herminier. Ce
dernier signe d’ailleurs l’acte de décès de « Melville Bloncourt » en 1880.
La mort d’un « mulâtre », abolitionniste, montagnard, ancien communard,
député d’extrême-gauche ne pouvait que susciter des réactions
antagoniques dans la presse. Celui qui participa à la révolution de 1848
et écrivit dans Le Peuple de Proudhon, représentait soit un héros de la
cause, soit un « terroriste intellectuel ».
Pour le Petit Parisien, il est un « courageux soldat de la démocratie »,
« un vaillant esprit, un tempérament loyal, un généreux républicain »
qui pendant la Commune, « resta à Paris pour défendre la République. »
Le Prolétaire en fait même un combattant dans l’armée communaliste dont
les funérailles attirent « un nombre considérable de citoyennes et de
citoyens. » Le Mot d’ordre le décrit comme un « un travailleur et un
lettré » « en butte à la Chambre à la haine des cléricaux et des
monarchistes », un « vrai ami du peuple » qui meurt « pauvre, presque
oublié. » L’Intransigeant le range parmi ses « frères d’armes », ses «
amis les plus aimés qui dorment aujourd’hui sous les vagues de l’Océan,
sous l’herbe des terres d’exil, et de déportation. » Les journaux de
droite comme Le Gaulois, Le Temps, Le Soleil ou Le Figaro préfèrent
insister sur sa condamnation à mort par contumace en 1874 et son «
accent créole extraordinairement prononcé » qui « amusait la Chambre ».
L’Univers, seul, croit pertinent de rappeler que Melvil-Bloncourt était
« un homme de couleur. » La densité du convoi funéraire, où de nombreux
Communards amnistiés sont présents, semble aussi varier selon
l’orientation politique du journal : de cent cinquante personnes à deux
mille.
Jules Levallois mentionne encore Jean-Joseph-Stanislas-Albert
Damas-Hinard (1805-1891), un historien français, spécialiste de
l'hispanisme, qui ne laissa pas de traces très intéressantes sinon qu’il
fut hué lors de son entrée au Collège de France. Par contre, les deux
amis de Melvil-Bloncourt, Eugène Dumez (1824-1878) et Amédée Jacques
(1813-1865) ont connu des destinées plus aventurières. Au moment où La
Liberté de pensée fut dissoute, ces deux farouches républicains
émigrèrent vers l’Amérique : le premier s’établit en Louisiane où il
finit par reprendre une petite feuille francophone, Le Meschacébé, et
par mourir de la fièvre jaune. Amédée Jacques partit un peu plus au sud,
en Argentine, où il exerça divers métiers, daguerréotypiste, arpenteur,
géomètre, boulanger, planteur, tenta de faire carrière à l’université et
finit en héros intellectuel argentin, professeur de physique
expérimental et de philosophie.
L’abbé Chatel qui apparaît subrepticement dans une anecdote de Levallois
est un ancien prêtre gallican qui fut emprisonné puis se maria et
termina épicier rue Mouffetard.
Quant au chansonnier Pierre Dupont, il mérite qu’on y revienne tantôt.
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A.