Le 15/10/2022 à 20:35, JMF a écrit :
> Merci MOL de tes explications.
>
> Je vois dans la dictature une capacité positive à mobiliser sur des enjeux avec un "plan" plus facile à décider et figer que dans nos démocraties. Par contre quand ça déraille, comme c'est le cas en Russie actuellement, on peut vite taper dans le mur.
Tiens, je vais profiter de l'occasion pour me défouler un peu sur l'Ukraine.
Il ne s'agit AMHA pas du tout d'un dérapage de la Russie, mais d'un
enchaînement parfaitement prévisible. Je regrette de n'avoir pas cru que
Poutine allait envahir l'Ukraine, car si je m'étais renseigné avant,
c'était d'une logique implacable, dont j'irai même jusqu'à dire qu'elle
a été sciemment exploitée par Zelensky.
Refaisons l'histoire et regardons les cartes. L'Ukraine est un pays qui
fait passer de l'Est à l'Ouest avec un fort gradient. L'Est en est très
industriel, russophone et russophile. L'Ouest est au contraire très
agricole, ukrainophone et russophobe. La totalité est encore plus
corrompue que la Russie, ce qui n'est pas peu dire. Comment un tel pays
aurait-il pu s'en sortir ? En devenant un "pont" commercial entre l'Est
et l'Ouest, puisqu'il était un peu de chaque. Mais alors, cela aurait
signifié 1. le retour à l'honnêteté, 2. l'impossibilité pour Zelensky
d'obtenir et de garder sa place en se posant en champion d'une
communauté contre l'autre, et 3. la nécessité de gagner honnêtement ses
richesses plutôt que de s'en remettre à l'aide de son bloc.
Je prétends que tout dictateur que Poutine soit, il aurait été été
facile de faire de l'Ukraine ce "pont commercial prospère".
* De 2014 à 2019, si Porochenko n'avait pas préféré l'enrichissement
personnel par la corruption.
* Entre 2019 et 2021, si la France et l'Allemagne, garantes des accords
Minsk, avaient empêché Zelensky de prendre des mesures anti-russes et
conditionné le rapprochement Ukraine-UE à une neutralité stricte.
Zelensky n'était toutefois sans doute pas prêt à sortir de son cinéma
personnel, mais au moins l'UE aurait ainsi assuré sa propre neutralité
et rien n'aurait été définitivement compromis.
* En mars 2022, même encore, si d'autres garants que la France et
l'Allemagne, qui ont perdu toute crédibilité, s'étaient proposés pour
faire de l'Ukraine un pays neutre sous gestion internationale. Mais
évidemment, cela aurait signifié la fin de Zelensky et l'éradication de
la corruption, ce qui même à Paris, Berlin ou Bruxelles, n'arrange pas
grand monde. D'autre part, pour les USA, cela aurait fait une occasion
manquée de rayer l'UE de la carte économique...
* Aujourd'hui, c'est remis aux calendes grecques. La seule solution
devient une partition de l'Ukraine, et seule la région d'Odessa pourrait
peut-être, sous statut neutre, prendre ce rôle commercial. Mais Zelensky
espère encore rester au pouvoir, Macron ne peut pas remplacer Ursula
avant 2027, et Biden craint trop que l'UE ne soit pas morte et bouge encore.
En résumé, tant que les gens se demanderont "qui suivre ?" plutôt que
"qu'est-ce qui peut améliorer ma vie ?", les dictateurs,
démocratiquement élus ou non, tireront les marrons du feu pour leurs
intérêts personnels.