A lire et à faire circuler : Eva Joly répond à RUE 89 sur l’alimentation

1 view
Skip to first unread message

Henri Descalzo

unread,
Feb 6, 2012, 3:43:27 PM2/6/12
to europeeco...@googlegroups.com, Paris Discussion, idf-discussion-adh listes eelv fr

�Campagne d�Eva Joly > Eva Joly r�pond � RUE 89 sur l�alimentation

RUE 89 Le mensuel - f�vrier-mars 2012

Eva Joly r�pond � RUE 89 sur l�alimentation

Version longue

lundi 6 f�vrier 2012, par Natalie Gandais

Eva Joly a r�pondu au questionnaire de RUE 89. Une petite colonne extraite de la r�ponse ci-dessous a �t� publi�e dans le magazine papier de f�vrier-mars 21012

Questionnaire de RUE 89

Nous faisons un dossier sur l�alimentation en France au sens large et nous voulons savoir ce que proposent les candidats � la pr�sidentielle dans ce domaine. Voici le questionnaire�:

1 - Pouvez-vous choisir parmi les diff�rents sujets suivants, trois dossiers prioritaires, et les classer�: la s�curit� alimentaire la place de l�industrie agro-alimentaire fran�aise dans le monde le taux de TVA dans la restauration la lutte contre l�ob�sit� le d�veloppement de l�agriculture biologique les revenus et conditions de vie des agriculteurs et des �leveurs l�information du consommateur sur l�alimentation hors-domicile

2 - Pouvez-vous d�crire et chiffrer votre politique concernant les trois dossiers que vous aurez d�finis comme prioritaires (cf question 1)

3 - Si vous �tes �lue, laquelle de ces actions seriez-vous pr�t � mettre en oeuvre dans votre vie vous inscrire dans une Amap�? d�jeuner deux fois par mois dans une cantine scolaire / hospitali�re / d�entreprise...�? faire une journ�e v�g�tarienne une fois par semaine�?

4 - Seriez-vous pr�ts � imposer tous les professionnels de la restauration hors domicile (restaurants, traiteurs, cantines, vente � emporter) d�indiquer sur leurs menus s�ils travaillent des produits bruts et frais, ou pas, et s�ils les transforment sur place, ou pas�?

R�ponse d�Eva Joly

Ch�re Madame,

Je f�licite RUE 89 d�avoir eu l�id�e d�interpeller les candidat-e-s � l��lection pr�sidentielle sur leur programme en mati�re d�alimentation. En effet, le monde subit une grave crise alimentaire, qui se traduit dans les pays pauvres par une hausse des prix des denr�es, des �meutes de la faim, des �pisodes de famines . Un enfant de moins de dix ans meurt de faim toutes les 5 secondes. Du c�t� des pays riches, la progression des maladies li�es � une mauvaise alimentation est alarmante. A ce sujet, la responsabilit� des firmes de l�industrie agricole et agro-alimentaire, qui depuis l�apr�s guerre ont transform� les habitudes alimentaires, � grand renfort de publicit�, est �crasante.

Le GRAIN d�nonce aujourd�hui le syst�me alimentaire mondial comme responsable de la moiti� des �missions de gaz � effet de serre. M�me l�Acad�mie des sciences, dans son r�cent rapport intitul� D�mographie, climat et alimentation mondiale, souligne que la modification des habitudes alimentaires et les choix de production sont les cl�s pour r�soudre tant les probl�mes de faim et malnutrition que l�ob�sit�. De ce point de vue, la principale modification � mettre en �uvre est la diminution de la consommation globale de viande pour recourir aux prot�ines v�g�tales, car il faut dix fois plus d�espace pour produire de prot�ines animale, et la surface de notre plan�te n�y suffit pas. Les solutions existent et sont connues, il est urgent de mettre en oeuvre une politique de l�alimentation soutenable�!

Parmi les th�mes que vous me demandez de classer par ordre de priorit�, je d�velopperai en premier celui de la s�curit� alimentaire. En deuxi�me priorit�, je traiterai de la lutte contre l�ob�sit�, et en troisi�me, le d�veloppement de l�agriculture biologique qui a des relations directes avec l�am�lioration des conditions de vie des agriculteurs et des �leveurs. Je ferai un point particulier sur la TVA et j��voquerai la place de l�industrie agro-alimentaire dans le cadre de mes trois premiers points .

La s�curit� alimentaire pour tous et toutes

Par s�curit� alimentaire, j�entends celles des habitants des pays du Sud comme celle des Fran�ais, qui ont de plus en plus de difficult� � acheter de quoi manger et qui sont de plus en plus nombreux � recourir aux organisations d�aide alimentaire (restos du c�ur, secours populaire, �piceries sociales). Je souhaite inscrire le droit � la souverainet� alimentaire de chaque grande r�gion du monde dans la charte des Nations Unies. Je m�attaquerai au scandale du g�chis alimentaire qui repr�sente 40% de la production mondiale.

L�alimentation de la population au niveau mondial ne peut �tre abandonn�e � la loi du march�. Il est temps de rompre avec une vision hypocrite o� sous pr�texte de ��nourrir le monde et de rem�dier � la sous-alimentation�� nous exportons sans lien avec une quelconque strat�gie de d�veloppement les produits souvent subventionn�s de l�industrie agro-alimentaire.

Les pays du Sud doivent d�velopper leur propre agriculture vivri�re sur les principes de l�agriculture biologique qui leur offre de meilleurs rendements que l�agriculture conventionnelle. Il est de la responsabilit� des pays europ�ens et particuli�rement de la France du fait de son savoir-faire agricole et de ses relations avec les pays du Sud, de les accompagner par des moyens humains et financiers pour mettre en �uvre des strat�gies agricoles d�auto-suffisance.

La France doit sur son sol mettre ses politiques en ad�quation avec ces objectifs d�auto-suffisance dans les pays du Sud. Cela passe par certains renoncements�: usage des agro-carburants de premi�re g�n�ration (gasoil d�huile de palme, �thanol de canne � sucre ou de bl�, etc) dont les cultures d�truisent les for�ts et les parcelles d�agriculture vivri�res, et se font au d�triment des cultures alimentaires, suppression des importations de prot�ines v�g�tales (cultures de soja OGM) pour nourrir notre b�tail. Pour notre propre s�curit� alimentaire, je soutiendrai le d�veloppement de la production europ�enne de prot�ines v�g�tales.

Concernant la France et la s�curit� alimentaire de nos concitoyens les plus modestes, qui peinent � se nourrir, je commencerai par une campagne d��ducation � l�alimentation, pour sensibiliser aux moyens de se nourrir convenablement avec tr�s petit budget�: il s�agit de promouvoir les mod�les alimentaires de type ��c�r�ales-l�gumineuses��, avec un peu de fruits et l�gumes frais, et de petits apports en viande ou poisson, pour agr�menter plut�t que comme plats principaux. Avec de l�eau comme boisson principale. On peut se nourrir ainsi pour environ 4 euros par jour. Cette campagne de sensibilisation devra mobiliser l�ensemble des acteurs concern�s (producteurs, distributeurs, consommateurs).

Je d�velopperai aussi toutes les initiatives d�auto-production alimentaire, individuelles ou associatives (�ducation au jardinage, jardins familiaux, de pied ou de toit d�immeubles, potagers et poulaillers associatifs, etc). Mais les plus d�munis en France n�ont m�me pas 4 euros par jour pour se nourrir, et le soutien aux organisations d�aide alimentaire est pour moi une priorit� en cette p�riode de mont�e des pr�carit�s.

La lutte contre l�ob�sit� et les maladies li�es � l�alimentation industrielle

Selon les nutritionnistes et les �pid�miologistes, en France, l�augmentation du diab�te, de l�ob�sit�, des maladies cardio-vasculaires, de certains cancers, est li�e � la consommation des produits de l�industrie agro-alimentaire, distribu�s par les grandes surfaces�: trop gras, trop sucr�s, trop sal�s, trop raffin�s et transform�s, charg�s de r�sidus chimiques, appauvris en �l�ments nutritifs et dont les qualit�s nutritionnelles ne sont pas contr�l�es ni garanties. Les campagnes gouvernementales (5 fruits et l�gumes, manger-bouger) sont sans effet si on ne s�attaque pas d�une part � la publicit� qui incite les jeunes � d�sirer ces produits, et d�autre part � la r�glementation qui devrait fixer des normes de qualit� nutritives.

Par ailleurs, je reverrai les normes de la restauration hors-domicile, notamment la r�glementation de la restauration collective, pour diminuer le gaspillage et r�duire le recours aux produits transform�s. Je souhaite y instaurer l�obligation de proposer quotidiennement une alternative v�g�tarienne �quilibr�e � celles et ceux qui le souhaitent. L�ensemble des professionnels de la restauration hors domicile (restaurants, traiteurs, cantines, vente � emporter) devront pr�ciser s�ils utilisent ou non des produits bruts et frais et s�ils les transforment sur place. Je propose d�accro�tre progressivement la part des produits bio dans la restauration collective, en donnant la priorit� aux cr�ches et aux �coles maternelles.

D�velopper l�agriculture biologique et revaloriser le m�tier d�agriculteur

L�agriculture conventionnelle scie la branche sur laquelle elle est assise. Elle tue les sols, pollue l�air et les nappes phr�atiques, extermine progressivement les pollinisateurs, se d�veloppe gr�ce � l��nergie fossile (il faut 10 fois plus d��nergie pour produire ces aliments que ce qu�ils nous apportent par l�ingestion), et empoisonne les agriculteurs avec les engrais et les pesticides. Je taxerai fortement les engrais chimiques et les pesticides pour diminuer leur usage. Je m��l�verai contre l��levage industriel concentrationnaire qui cr�e de la souffrance au travail et des externalit�s environnementales (algues vertes...) et sanitaires (usines � virus, scandale des farines animales, r�sistance aux antibiotiques).

Le d�veloppement de l�agriculture biologique est vital, il devra permettre, en France, de r�pondre � nos besoins en aliments sains. C�est une mani�re de travailler avec la nature, pour faire revivre les sols, re-diversifier l�espace cultiv� et instaurer des zones de compensations �cologiques (haies, zones humides, bois...). De plus l�agriculture biologique, tablant sur le travail plus que sur le capital, est cr�atrice d�emplois non-d�localisables.

Je favoriserai son d�veloppement par le soutien des fili�res via les march�s de la restauration collective publique, par des aides incitatives � la conversion, � l�installation et � la formation, ainsi que par un programme de recherche en agro-�cologie pour rattraper le retard de la France en la mati�re. Je soutiendrai notamment toutes les formes de recherche participative mettant en valeur les savoirs et l�exp�rience paysans . J�encouragerai les institutions comme Terre de liens, la F�d�ration Nationale et les Groupements de l�agriculture biologique, qui prodiguent des conseils substantiels sur le terrain. Je modifierai en profondeur le syst�me d�acc�s � la terre, pour multiplier les installations agricoles au lieu de favoriser l�agrandissement des exploitations.

Ces mesures visent 20% de SAU en fin de mandature (� peu pr�s l�objectif du Grenelle). Je ne n�glige pas pour autant les autres agriculteurs, qui doivent vivre d�cemment de leur m�tier par un meilleur partage de la valeur ajout�e. Pour r�duire les �missions de gaz � effet de serre li�es au transport, � la transformation et � l�emballage de nos aliments, pour recr�er du lien entre agriculteurs et citoyens, mieux r�mun�rer les producteurs et r�duire les frais et marges des interm�diaires, je favoriserai les circuits courts de distribution et je r�habiliterai les march�s de proximit�.

Sur la TVA dans la restauration

Si les march�s publics de restauration collective sont un puissant outil pour aider � la r�orientation vers le bio de l�agriculture fran�aise, par les contrats de long-terme qu�ils assurent aux agriculteurs, il n�en est va de m�me pour la baisse de la TVA dans la restauration. Il faut regarder les faits�: mesure essentiellement �lectoraliste, terriblement co�teuse pour les finances publiques, la baisse de la TVA de 19,6�% � 5,5�% n�a pas tenu les promesses qui l�avaient ��justifi�e�� en termes de baisse des prix, encore moins en emplois cr��s. M�me le gouvernement Sarkozy l�a reconnu en amor�ant une remont�e de ce taux.

Je proposerai � mon gouvernement de la poursuivre jusqu�au retour au taux normal. Mes compatriotes appr�cient un bon repas au restaurant�; faute de solution alternative, de nombreux salari�s y ont recours chaque jour, mais c�est par le choix des menus et des �tablissements qu�ils fr�quentent que je leur sugg�re de moduler cette d�pense.

Mon march�

Enfin, vous m�interrogez sur ma pratique personnelle�: si je vais volontiers au march�, mes tr�s nombreux d�placements professionnels ne me permettent pas de recourir � une AMAP. Je fr�quente souvent les �tablissements de restauration collective (actuellement la cantine du Parlement europ�en), et je mange ��sans viande�� au moins une fois par semaine.

Il me semble que l�initiative de Michelle Obama qui a cr�� un potager bio � la Maison Blanche a montr� la voie. J�en ferai autant � l�Elys�e si je suis �lue.

Le Parlement europ�en vient de d�clarer 2014 ��Ann�e de la lutte contre le gaspillage alimentaire��. Je crois que nous avons une responsabilit� particuli�re � faire de cette ann�e un vrai moment de sensibilisation populaire aux principes d�une alimentation de qualit� et � la lutte contre l�ob�sit�.

Je propose que 2014 soit une ann�e de Grande cause nationale sur ce sujet. Cela permettra d�organiser dans toute la France des d�bats et un dialogue entre les diff�rentes parties prenantes, de susciter des manifestations autour des valeurs et des pratiques d�une alimentation de qualit�, d��voquer la question de notre responsabilit� vis-�-vis des pays du Sud et de sensibiliser tous les Fran�ais avec des pratiques de bonne alimentation qui font partie de leur patrimoine national.

Eva Joly

http://gandais.net/spip.php?article87


Reply all
Reply to author
Forward
0 new messages