Eelv géré comme une vulgaire entreprise bureaucratique

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Henri Descalzo

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Dec 30, 2011, 3:03:02 PM12/30/11
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Les Verts en voie de banalisation

Analyse | LEMONDE | 30.12.11 | 14h34

par Anne-Sophie Mercier (Service Politique)

Longtemps, les écologistes ont voulu faire de la politique "autrement", libérés des pesanteurs, des compromis et des jeux d'ambitions habituels. En 2011, ils ont démontré qu'ils savaient et n'hésitaient plus à en faire comme les autres. Au risque de perdre en originalité et en énergies collectives ce qu'ils ont gagné en maturité et en réussites individuelles.

Pour mesurer le chemin parcouru en quelques mois, il suffisait d'écouter Jean-Vincent Placé, nouveau sénateur de l'Essonne, évoquer sa "fierté" et sa "responsabilité", le 19 décembre 2011, à l'annonce de la création d'un groupe écologiste au Sénat. Il est vrai que cette entrée au Palais du Luxembourg a des allures de consécration. Tout comme le vote, début décembre, d'une proposition de loi sur le droit de vote des étrangers aux élections locales portée par Europe Ecologie-Les Verts (EELV), puisque Esther Benbassa, nouvelle sénatrice écologiste du Val-de-Marne, en était la rapporteure.

Ce succès électoral - les écologistes passant de deux à dix sénateurs - est le premier résultat tangible d'un long travail de négociation avec les socialistes. Ce n'est pas tout à fait une première puisque socialistes et écologistes avaient déjà conclu des accords électoraux et programmatiques. Mais jamais ils n'avaient conduit une négociation aussi longue, précise, point par point et d'égal à égal.

En outre, ces longs mois de discussions ont permis un rapprochement très net d'une partie de la direction socialiste, Martine Aubry en tête, et des écologistes, tout particulièrement sur l'épineuse question de la sortie du nucléaire.

Les responsabilités ont cependant leurs servitudes. Sortis gagnants de la bataille des idées lors des négociations avec le grand frère socialiste, les dirigeants d'EELV ont bel et bien avalé leur chapeau lors de la signature de l'accord. Entre-temps, en effet, François Hollande avait remporté la primaire socialiste et a imposé ses vues, maintenu la poursuite de l'EPR de Flamanville et refusé de faire figurer noir sur blanc dans l'accord de mandature la sortie du nucléaire. En échange de ces "concessions", EELV a obtenu un accord électoral qui lui garantit, en principe, un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale en juin 2012. Outre le renforcement de leur présence politique nationale, les écologistes y gagneront des moyens supplémentaires et un financement public qui leur permettra de sortir de leur situation de quasi-faillite actuelle.

Enfin ce pragmatisme électoral suppose le choix, désormais assumé, de présenter des têtes d'affiche dans un parti qui, il y a peu encore, récusait sans pitié les ambitions personnelles. De fait, Cécile Duflot ne cache plus ses visées parisiennes, sans craindre d'exaspérer Bertrand Delanoë ; Philippe Meirieu ne craint pas d'affronter la colère de Gérard Collomb, à Lyon, en se présentant aux législatives contre son dauphin ; quant à Jean-Vincent Placé, il ne masque ni son goût du pouvoir ni son envie d'être ministre. Cette banalisation vient même d'être soulignée par la commission nationale des comptes de campagne, qui reproche à EELV la relative opacité de ses comptes pour l'année 2010.

Le contrecoup de cette conversion à la Realpolitik a été rapide et spectaculaire : s'ils ont gagné des élus, les Verts ont perdu des militants. La désaffection est massive : évalués à 20 000 après le succès d'Europe Ecologie aux élections européennes de 2009, les adhérents dépassent à peine les 10 000 aujourd'hui. Les "coopérateurs", membres de la fameuse coopérative lancée par Daniel Cohn-Bendit pour accueillir tous les sympathisants désireux de participer à l'aventure écologiste sans pour autant être encartés, sont nombreux à se détourner. Dans ce parti déserté par sa base, les candidats aux législatives ont été parfois désignés par... cinq ou six militants. Cécile Duflot, leader incontestée du parti, a été investie par trente-trois personnes dans sa future circonscription parisienne.

Quant aux intellectuels du parti, ou à ses "anciens", ils prennent leurs distances, quand ils ne sont pas tenus en lisière. Ainsi Alain Lipietz est tenu à l'écart par une direction qu'il épingle régulièrement sur son blog ; l'eurodéputé Jean-Paul Besset, futur président de la fondation pour l'écologie politique, premier think tank écologiste, refuse désormais toute responsabilité dans le parti et se mure dans le silence ; et Yves Cochet, député de Paris, n'a pas été réinvesti pour les législatives de 2012.

Cet affaiblissement militant est d'autant plus sensible que des ONG puissantes, comme Greenpeace France (165 000 adhérents) ou WWF France (160 000 adhérents), n'ont guère de rapports avec la direction du mouvement, et vice versa. Seuls certains élus ont maintenu des liens étroits avec des milieux associatifs, comme l'eurodéputée Michèle Rivasi avec le réseau Sortir du nucléaire, ou la sénatrice de Paris Leïla Aïchi avec l'ONG environnementale Green Cross, présidée par Mikhaïl Gorbatchev.

Le 7 décembre, les fondateurs de l'écologie en France, Alain Hervé, fondateur des Amis de la Terre, Brice Lalonde, Franck Laval, président d'Ecologie sans frontières, et bien d'autres se sont retrouvés pour leur rituel dîner biennal. Hormis Franck Laval, aucun n'a le moindre contact avec les dirigeants écologistes. Cette discrétion traduit un fossé de générations. Mais aussi, et surtout, une rupture entre l'esprit libertaire et égalitaire qui a longtemps prévalu chez les écologistes et la normalisation à l'oeuvre aujourd'hui.

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